La laïcité, un fondement du vivre-ensemble

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Pilier de notre République, le principe de laïcité garantit la neutralité des services publics et la séparation des Églises et de l’État depuis 1905. Le Conseil d’État assure sa conciliation avec la liberté d’expression et de pratique de la religion.

Les signes religieux peuvent être prohibés sur les terrains de football

Depuis 2006, les statuts de la Fédération française de football (FFF) interdisent aux joueuses et joueurs "tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale" durant les compétitions et les manifestations organisées par la Fédération. Mais plusieurs associations – la Ligue des droits de l’homme, Alliance citoyenne et Contre attaque – demandent au Conseil d’État d’annuler cette interdiction. Selon elles, celle-ci porte atteinte à la liberté religieuse et à la liberté de conscience des joueurs participant aux compétitions sportives. Les associations souhaitent notamment que les joueuses de football soient autorisées à porter le hijab pendant leurs matchs.

Des fédérations chargées d’une mission de service public

Le Conseil d’État rappelle que, comme les autres fédérations sportives, la FFF exerce une mission de service public déléguée par l’État. Elle doit à ce titre respecter le principe de neutralité du service public : ses agents doivent s’abstenir de toute manifestation de leurs convictions ou opinions personnelles. Le Conseil d’État juge que cette obligation s’applique aussi aux joueuses et joueurs sélectionnés dans une des équipes de France.

La Fédération et ses organes déconcentrés, en tant qu’organes chargés d’une mission de service public déléguée par l’État, défendent les valeurs fondamentales de la République française. (Article 1 des statuts de la Fédération française de football)

Des règles pour protéger les droits et libertés

Mais qu’en est-il des joueurs licenciés non sélectionnés en équipe de France ? En tant qu’usagers, ils ne sont pas légalement tenus au principe de neutralité du service public. Toutefois, leur liberté d’exprimer leurs opinions et leurs convictions peut être limitée pour garantir le bon fonctionnement du service public et protéger les droits et libertés de tous, en cohérence avec les valeurs fondamentales de la République. L’une des responsabilités de la FFF est de fixer les règles des compétitions et des manifestations sportives, y compris
en matière de tenue et d’équipement. C’est pourquoi, pour le Conseil d’État, elle pouvait légalement décider une telle interdiction afin de garantir le bon déroulement des matchs et éviter tout affrontement ou confrontation sans lien avec le sport.

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Pas de nouveau monument religieux dans l’espace public

Depuis la loi de 1905 affirmant la séparation des Églises et de l’État , aucun nouveau symbole religieux - croix, statues religieuses ... -ne peut être installé dans l'espace public, en dehors des lieux de culte, des cimetières, des monuments funéraires ou des musées. La justice administrative a régulièrement été saisie pour se prononcer sur ce sujet: par exemple, en janvier 2023, la cour administrative d’appel de Bordeaux confirme l’obligation pour le maire de la commune charentaise de La Flotte de déplacer une statue de la Vierge Marie. La commune avait remplacé, par une copie, la précédente statue endommagée par un accident de circulation qui siégeait à cet endroit depuis 1986.

Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des […] cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. (Loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l’État)

Mais la cour juge que la statue présente un caractère religieux indéniable, puisqu’elle représente la Vierge Marie, figure majeure de la religion chrétienne. Saisi par la commune, le Conseil d’État n’admet pas le pourvoi en cassation en octobre.

La loi de 1905 s’applique au domaine privé des personnes publiques

Quelques mois plus tôt, le Conseil d’État a par ailleurs précisé cette règle : la loi de 1905 s’applique au domaine public comme au « domaine privé des personnes publiques » – c’est-à-dire aux parcelles, sites ou locaux appartenant à l’État et aux autres personnes publiques mais qui ne sont affectés ni à l’usage public ni à un service public. Dans cette affaire, le maire de la commune savoyarde de Saint-Pierre d’Alvey refuse de déplacer une statue de la Vierge Marie installée dans une parcelle du domaine privé communal, car cette parcelle serait un lieu de procession depuis le XVIIe siècle. Le Conseil d’État juge qu’il doit la retirer, le site ne correspondant à aucune exception prévue par la loi de 1905 : il ne s’agit en soi, ni d’un édifice servant au culte, ni d’un terrain de sépulture, ni d’un monument funéraire ni d’un lieu d’exposition.

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La loi n’interdit pas le burkini sur les plages

 

2022, Port-Vendres. Une femme se baigne en burkini sur une plage des Pyrénées-Orientales. En juillet 2023, le Conseil d’État juge qu’en l’absence de risque actuel et avéré pour l’ordre public, ces tenues ne peuvent être interdites

A l’été 2023, le maire de Mandelieu-la-Napoule, près de Nice, interdit l'accès aux plages aux personnes dont la tenue manifeste ostensiblement une appartenance religieuse, comme le burkini. La Ligue des droits de l’homme conteste cette décision devant le Conseil d’État.

Une mesure restrictive d’une liberté garantie par la loi doit être adaptée, nécessaire, proportionnée [...] et justifiée par des risques avérés d’atteinte à l’ordre public. (Décision n° 475636)

Lorsqu’ils utilisent un service public, les usagers doivent parfois respecter certaines règles de neutralité. À l’inverse, au sein de l’espace public, chaque citoyen bénéficie pleinement des libertés garanties par la loi – notamment la liberté de conscience, la liberté personnelle ou la liberté d’aller et venir.

Pas de risque actuel et avéré pour l’ordre public

Selon la jurisprudence, les tenues manifestant une appartenance religieuse ne peuvent être interdites qu’en cas de risque « actuel et avéré » pour l’ordre public. Or, la commune n’a pas démontré l’existence d’un tel risque : les seuls incidents mentionnés ont eu lieu il y a respectivement onze et sept ans, dans un contexte particulier marqué par les attentats de Nice de 2016 et 2020. Jugée illégale, l’interdiction est suspendue.

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Abaya : la question des signes ostensibles à l’école

 

En août 2023, le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse interdit aux élèves de porter abayas et qamis dans l’enceinte des écoles, collèges et lycées publics. Ces vêtements couvrent l’ensemble du corps à l’exception du visage et des mains. Le ministre considère que ces vêtements manifestent ostensiblement une appartenance religieuse, ce qui est contraire au code de l’éducation et à la loi de 2004 interdisant le port des signes religieux dans les établissements scolaires.

Saisi en urgence par plusieurs associations et un syndicat, le juge des référés du Conseil d’État rejette deux recours déposés contre cette interdiction. Les discussions menées par les établissements avec les élèves montrent que ces tenues s’inscrivent bien dans une logique d’affirmation religieuse. Or la loi interdit le port par les élèves de signes ou de tenues manifestant de façon ostensible, soit par eux-mêmes, soit en raison du comportement de l’élève, une appartenance à une religion. Le juge estime, dans une première décision, que l’interdiction décidée par le ministre ne porte pas une atteinte manifestement grave et illégale aux libertés fondamentales. Et, dans une seconde décision, qu’aucun élément avancé ne permet de douter sérieusement de sa légalité. Après cette dernière décision rendue en urgence, le Conseil d’État se prononcera à nouveau, sur le fond de cette affaire, en 2024.