Environnement: le défi du siècle

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Lorsqu’il est saisi pour vérifier que l’État respecte ses engagements environnementaux, le Conseil d’État s’assure que l’action publique est à la hauteur de l’urgence écologique. Il préserve ainsi le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, aujourd’hui comme demain.

Pollution de l’air : l’État doit encore faire des efforts 

En 2021, 253 000 décès prématurés ont été causés par l'exposition aux particules fines en Europe et 52 000 par la pollution au dioxyde d'azote. La pollution de l'air est celle qui provoque le plus grand nombre de décès chaque année.

L’État doit faire plus

En 2017, saisi par l’association Les Amis de la Terre, le Conseil d’État avait constaté que l’État ne respectait pas la réglementation européenne reprise dans le droit français sur la qualité de l’air dans seize zones du territoire. Par une décision du 10 juillet 2020, il lui avait ordonné d’agir le plus rapidement possible, sous peine d’une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard. Après trois astreintes prononcées en 2021 et 2022, le Conseil d’État refait le point. Il examine les derniers éléments fournis par le ministère de la Transition écologique pour le second semestre 2022 et le premier de 2023. L’amélioration est sensible : les seuils de pollution pour les particules fines ne sont plus dépassés dans les zones urbaines, alors que la situation était encore fragile ou mauvaise dans quatre zones au premier semestre 2022. Quant aux seuils de dioxyde d’azote, s’ils sont désormais respectés à Aix-Marseille et Toulouse, ils restent dépassés de façon significative dans les zones de Lyon et Paris.

Des améliorations attendues à Lyon et Paris

Pour limiter cette pollution liée principalement au trafic routier, des mesures ont bien été prises. À Lyon, une rénovation du plan pour la protection de l’atmosphère (PPA) est engagée et la zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) – dispositif limitant la circulation des véhicules polluants – va être étendue aux voies rapides. Mais pour le Conseil d’État, ces mesures ne garantissent pas la baisse rapide et significative de la concentration en dioxyde d’azote. À Paris, la révision du PPA est également en cours et n’aura pas non plus un effet immédiat et sensible sur la pollution de l’air. D’autant que l’interdiction de circulation des véhicules polluants classés Crit’air 3 a été repoussée par la métropole du Grand Paris à janvier 2025 et qu’aucune autre mesure n’a été prise. Le Conseil d’État juge donc que la décision de 2017 n’a toujours pas été totalement exécutée et prononce deux nouvelles astreintes contre l’État, au titre du dernier semestre de 2022 et du premier semestre de 2023. Tenant compte des améliorations constatées, il minore le montant de ces astreintes à 5 millions d’euros chacune. Fin 2024, le juge examinera les actions menées par l’État au second semestre 2023 et au premier semestre 2024.

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Réduction des émissions de gaz à effet de serre : le compte n’y est pas

 

2022, Pays de la Loire. La centrale thermique à charbon de Cordemais. En 2023, le Conseil d’État somme le Gouvernement de prendre des mesures
pour réduire les émissions de gaz à effet de serre

En juillet 2021, saisi par la commune de Grande-Synthe et des associations, le Conseil d’État ordonne au Gouvernement de prendre d'ici le 21 mars 2022, toutes les mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’objectif est de réduire d’ici 2030 les émissions de 40 % par rapport aux niveaux de 1990 pour respecter les engagements pris par la France dans le cadre de l’Accord de Paris, tels qu’ils ont été transcrits dans la loi par le Parlement.

Des progrès observés

En mai 2023, le Conseil d’État constate que sa décision n’a pas été totalement appliquée. Des mesures ont bien été prises: une stratégie nationale bas carbone a été mise en place, fixant des objectifs de baisse des émissions, des « budgets carbone » échelonnés sur quatre périodes ont été adoptés et des financements alloués dans les secteurs des transports, du bâtiment, de l’industrie, de l’énergie et des déchets. Mais malgré d’indéniables progrès, l’action reste insuffisante et le risque que les objectifs ne soient pas tenus est avéré. Le Conseil d’État prend en compte le rapport « Acter l’urgence, engager les moyens » du Haut Conseil pour le climat qui soulignait en 2022 l’inadéquation des mesures prises avec les objectifs visés.

Agir, plus vite

Le Conseil d’État note également que les baisses d’émissions observées ces dernières années pourraient davantage s’expliquer par les effets du confinement, puis par l’impact de la crise énergétique liée au conflit en Ukraine, que par l’action de l’État. Il rappelle que de nouveaux objectifs européens, plus ambitieux, ont été fixés pour une réduction d’ici 2030 des émissions de 55 % par rapport aux niveaux de 1990. Pour accélérer la transition en cours, le juge ordonne au Gouvernement de prendre de nouvelles mesures d’ici le 30 juin 2024 et de lui transmettre un bilan détaillé à mi-parcours.

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En Guyane, l’exploitation de l’or confrontée aux impératifs écologiques

 

2017, Montagne d’Or. Le site minier est situé à 180 kilomètres de Cayenne. En 2023, le Conseil d’État suspend la prolongation de deux concessions minières sur le site en raison de leurs potentiels impacts sur l’environnement

En 2016, un consortium demande la prolongation de deux concessions minières pour vingt et vingt-cinq ans sur le site de la Montagne d’Or, en Guyane, en vue d’exploiter un gisement de 85 tonnes d’or. En janvier 2019, le ministère de l’Économie refuse cette extension. Il estime que ce projet aurifère, d’une ampleur inédite, est contraire aux objectifs environnementaux de la France. Saisi par le consortium, le tribunal administratif de Cayenne annule la décision du Gouvernement, un jugement confirmé par la cour administrative d’appel de Bordeaux. Pourquoi ? Avant sa refonte en 2021, le code minier autorisait la prolongation des concessions sans tenir compte des conséquences sur l’environnement.

Mais en février 2022, le Conseil constitutionnel déclare cet extrait de l’ancien code minier contraire à la Charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle depuis 2004. Saisi par l’association France Nature Environnement, le Conseil d’État suspend donc le renouvellement des concessions. L’affaire est renvoyée devant la cour administrative d’appel de Bordeaux, qui confirme, le 6 février 2024, que la prolongation des concessions ne pourra avoir lieu.

 

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Néonicotinoïdes : pas de dérogation possible à l’interdiction européenne

 

2023, Laon. Dans une exploitation agricole des Hauts-de-France, des pucerons porteurs de virus sur un plant de betteraves.

En 2021 et 2022, les cultures de betteraves sucrières sont menacées par des infestations massives de pucerons porteurs de maladies. Le Gouvernement autorise alors les cultivateurs à utiliser deux pesticides, l’imidaclopride et le thiaméthoxame – des néonicotinoïdes interdits par l’Union européenne depuis 2018. Des associations de protection de l’environnement saisissent le Conseil d’État. Ce dernier rappelle que le droit européen autorise l’utilisation exceptionnelle d’un pesticide non homologué en cas de risque grave pour l’agriculture et en l’absence d’autre solution.

Mais la Cour de justice de l’Union européenne a apporté une précision en janvier 2023 : lorsque la Commission européenne a expressément interdit – par un règlement d’exécution – un pesticide, aucune dérogation ne peut être accordée par les autorités nationales. Le Conseil d’État juge donc que celles qui ont été accordées par le Gouvernement français sont illégales. Ces deux néonicotinoïdes ne peuvent pas être autorisés en France, même à titre exceptionnel

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Le Gouvernement doit mieux protéger les marsouins et les dauphins

 

2023. Face au grand nombre de dauphins et marsouins tués par la pêche au large de la côte atlantique, l’association Sea Shepherd France a lancé l’opération DolphinBycatch. Des bénévoles surveillent les remontées de filets et de chaluts pour repérer les captures accidentelles de cétacés.

En mars 2023, plusieurs associations de défense de l'environnement saisissent le Conseil d’État : elles l'alertent sur legrand nombre de décès de dauphins et de marsouins capturés accidentellement par des navires de pêche dans le golfe de Gascogne et lui demandent d’ordonner au Gouvernement de respecter le droit européen sur la conservation de ces espèces.

Une menace sérieuse pour les petits cétacés

Le Conseil d’État note que les espèces concernées – le grand dauphin, le dauphin commun et le marsouin commun – sont en état de conservation « défavorable »; le dauphin commun et le marsouin commun font même face à un danger sérieux d’extinction au niveau régional. Les dispositifs de dissuasion acoustique utilisés par les pêcheurs pour les éloigner sont insuffisants : depuis 2018, chaque année, le seuil maximal de décès par capture accidentelle – au-delà duquel la conservation de ces espèces est menacée – est dépassé. Le Conseil d’État donne donc six mois au Gouvernement pour prendre des mesures plus efficaces.

9 000 dauphins tués chaque année par capture accidentelle le long de la façade atlantique. 20 % de ces captures réalisées par des sennes pélagiques*

Il lui demande de fermer des zones de pêche pour des périodes appropriées et de mettre en place un dispositif plus précis pour mieux estimer le nombre de petits cétacés capturés chaque année. Après cette décision, le secrétaire d’État chargé de la Mer publie le 24 octobre 2023 un arrêté interdisant aux navires de huit mètres ou plus de pêcher dans le golfe de Gascogne du 22 janvier au 20 février des années 2024, 2025 et 2026.

Des mesures insuffisantes pour préserver la biodiversité

Mais pour les associations, c’est encore insuffisant. En décembre, elles saisissent en urgence le Conseil d’État qui juge alors que l’arrêté prévoit trop de dérogations à la fermeture de la pêche pour 2024. Les évaluations scientifiques sont pourtant claires : pour être efficace, l’interdiction temporaire de pêcher doit s’appliquer à l’ensemble des actions de pêche à risque. Or, l’arrêté n’inclut pas l’interdiction de certains dispositifs à l’origine d’un grand nombre de captures accidentelles de cétacés, comme les sennes pélagiques (des filets utilisés pour encercler les bancs de poisson en surface). Par ailleurs, l’arrêté met fin à l’expérimentation des dispositifs de dissuasion acoustique sur certains navires, sans proposer de mesure alternative. Pour répondre à l’urgence environnementale sans négliger les problématiques économiques, le juge des référés du Conseil d’État suspend les dérogations prévues pour 2024 et élargit l’interdiction aux sennes pélagiques. L’expérimentation des dispositifs de dissuasion acoustique est quant
à elle rétablie.

*Source: Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM)

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Vers une commande publique plus verte ?

 

En avril 2023, le Conseil d’État a examiné un projet de loi relatif à l’industrie verte qui poursuit deux objectifs : accélérer la réindustrialisation de la France et décarboner son industrie. Il prévoit notamment de réformer la commande publique en introduisant des critères environnementaux plus stricts pour les entreprises. Le texte entend ainsi donner la possibilité aux acheteurs publics de refuser l’attribution d’un marché aux entreprises de plus de 500 salariés n’ayant pas publié leur bilan carbone, démarche obligatoire depuis 2012.

Si le Conseil d’État estime que cette mesure est conforme au droit européen, il rappelle que, lorsque ce critère est appliqué, il doit l’être de façon identique pour tous les candidats, au nom du principe d’égalité. Le Conseil d’État note par ailleurs que la mesure prévoyant de permettre aux acheteurs de choisir l’offre économiquement la plus avantageuse en tenant compte de critères environnementaux figure déjà dans le code de la commande publique. Il estime donc qu’elle n’est pas nécessaire. Malgré cette réserve, la loi est promulguée avec ces deux mesures le 23 octobre 2023.

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