Réseaux sociaux : placer l’utilisateur au centre

PUBLICATION Etude annuelle
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Les réseaux sociaux ont bouleversé notre société et nous confrontent à des défis démocratiques, économiques, sociétaux mais aussi écologiques. Alors que l’Union européenne vient d’adopter un cadre juridique ambitieux pour leur régulation, le Conseil d’État publie son étude annuelle 2022 consacrée à ce sujet et formule 17 propositions concrètes pour permettre le rééquilibrage des forces en faveur des utilisateurs, armer la puissance publique dans son rôle de régulateur et également penser demain.

Les réseaux sociaux, comme la plupart des grandes innovations technologiques, sont porteurs du meilleur, qu’il faut promouvoir, comme du pire, contre lequel il faut se prémunir. Au moment où l’Union européenne vient d’adopter deux règlements européens très importants, le Digital services Act (DSA) et le Digital markets Act (DMA), qui ont mis en place un cadre de régulation européen ambitieux pour les réseaux sociaux visant à préciser les obligations à la charge sur les grandes plateformes, le Conseil d’Etat est la première institution publique à proposer une analyse de ce nouveau dispositif et à faire des propositions opérationnelles pour qu’il soit utilisé de la manière la plus efficace possible.

 

 

L’étude annuelle du Conseil d'État, après avoir décortiqué ce que sont les réseaux sociaux et le cadre juridique complexe qui s’applique à eux ainsi que les enjeux soulevés par leur spectaculaire développement au cours des dernières années, formule ainsi 17 recommandations qui, pour l’essentiel, ne tendent pas à l’adoption de nouvelles normes, mais proposent de rééquilibrer les forces en faveur des utilisateurs, d’armer la puissance publique dans son rôle de régulateur et également de penser les réseaux sociaux demain.

 

 

Redonner le contrôle à l’utilisateur

L’étude souligne la nécessité de rééquilibrer le rapport de forces entre les utilisateurs et les grandes plateformes, dont certaines ont acquis la puissance économique d’États. L’étude propose en particulier de redonner à l’utilisateur le contrôle sur l’exercice de ses droits. Aujourd’hui, celui-ci n’a pas d’autre choix que d’accepter l’ensemble des conditions générales d’utilisation (CGU) qui lui sont proposées, sans pouvoir, à aucun moment les négocier. C’est pourquoi le Conseil d'État recommande notamment la création au niveau de la Commission européenne d’une instance de concertation regroupant l’ensemble des partenaires (associations d’utilisateurs, plateformes…) afin de permettre d’élaborer conjointement des standards minimums pour les CGU et les politiques de confidentialité. L’objectif à terme serait l’instauration d’un véritable « droit à la participation » des utilisateurs ou de leurs représentants.

En parallèle, le Conseil d'État suggère de favoriser les fonctionnalités et de faciliter les paramétrages permettant à chacun de connaître ses droits et de contrôler l’usage qu’il souhaite faire du réseau social, en particulier sur les contenus recommandés, bloqués ou notifiés. Dans cette logique, le "design attentionnel" des interfaces devrait être amélioré pour sensibiliser l’utilisateur à son mode de consommation (temps d’écran, valorisation des contenus avant transfert, alertes des propos virulents…). 

Garantir la protection des droits et protéger les victimes

La question de la protection des mineurs et des victimes d’infractions sur les réseaux sociaux fait également l’objet de plusieurs préconisations. Sans remettre en cause l’anonymat de l’expression, le Conseil d'État propose notamment la généralisation du recours aux solutions d’identité numérique et aux tiers de confiance. À terme, ce recours pourrait être rendu obligatoire au niveau européen dans une version révisée du DSA.

L’étude insiste par ailleurs sur l’importance pour les utilisateurs de savoir vers qui se tourner en cas de comportement malveillants ou de pratiques illégales, ou s’ils constatent que leurs droits (effacement et portabilité des données) sont insuffisamment respectés par les plateformes. Le Conseil d’État estime que le dispositif actuel de plainte et de signalement, trop dispersé et trop peu lisible, n’est pas satisfaisant : c’est pourquoi il invite à une coordination entre les différentes plateformes de signalement par la création d’un portail unique de signalement, mais aussi en rendant plus accessibles les boutons de signalement sur chaque application.

En parallèle, l’étude recommande d’investir dans la recherche pour améliorer les outils techniques permettant de détecter les infractions et de prendre en compte la masse des signalements. Concernant les infractions plus spécifiques au RGPD, le Conseil d'État préconise l’élaboration d’une doctrine d’emploi pour la réutilisation des données personnelles par les administrations et les entreprises et le renforcement les moyens de la CNIL afin de lutter contre la méconnaissance du RGPD.

Organiser la puissance publique pour une régulation efficace

La puissance publique doit pouvoir se mobiliser pour mettre en œuvre au mieux les cadres de régulation ambitieux instaurés par l’Union européenne avec le DSA et le DMA. Le Conseil d'État recommande la mise en place rapide d’un groupe de travail informel réunissant régulateurs nationaux et Commission européenne ainsi que la création d’un comité de suivi transversal auprès de la Commission. 
Il propose, au niveau national, la création d’un service interministériel d’expertise, disposant d’une compétence technique renforcée en la matière, ainsi que d’un réseau national des régulateurs du numérique afin de permettre aux différents acteurs compétents (Arcom, Cnil, Arcep, DGCCRF, etc.) de mieux se coordonner.

Il recommande par ailleurs un usage plus intensif des réseaux sociaux par les administrations, afin de mieux toucher certains publics, mais aussi de favoriser un fonctionnement interne moins vertical et plus coopératif. 

Préparer demain, dès aujourd’hui

Si le DSA et le DMA constituent d’importants pas en avant, la puissance publique se doit de rester attentive à la problématique des réseaux sociaux, qui connaissent des mutations extrêmement rapides et ne se laisse pas facilement réguler. Il est par exemple indispensable que la recherche de la « sobriété numérique » guide l’ensemble des décisions futures sur le numérique.  

Il parait également nécessaire de poursuive les chantiers sur la publicité ciblée, les messageries privées et les métavers qui interrogent notamment la continuité entre le monde réel et le monde virtuel. 

Se pose enfin la question de nouveaux droits en lien avec la technologique numérique, par exemple le droit à la mort numérique ou le droit pour les héritiers d’accéder aux données du défunt. Le Conseil d'État recommande la mise en place d’une négociation européenne, voire internationale permettant d’élaborer une charte des droits fondamentaux à l’ère du numérique.

Télécharger : 
  - l'étude annuelle 2022
  - le communiqué de presse