Le juge administratif et le droit d'asile

Dossier thématique
Passer la navigation de l'article pour arriver après Passer la navigation de l'article pour arriver avant
Passer le partage de l'article pour arriver après
Skip article sharing

Le droit d’asile est en France un droit fondamental, dont les sources sont constitutionnelles, conventionnelles et législatives.

> télécharger au format pdf

Les sources constitutionnelles du droit d’asile remontent à l’article 120 de la Constitution du 24 juin 1793, qui proclamait déjà que le peuple français « donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il la refuse aux tyrans ». Le droit d’asile est désormais consacré par le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, selon lequel « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». C’est en se fondant sur ce texte que le Conseil constitutionnel, par sa décision du 13 août 1993, a qualifié le droit d’asile d’« exigence constitutionnelle ». Et c’est peu après cette décision que la révision constitutionnelle du 25 novembre 1993, nécessaire à la pleine application par la France de la convention de Schengen, a inscrit dans la Constitution un article 53-1 aux termes duquel « les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ».

Les sources conventionnelles du droit d’asile découlent, quant à elles, de la convention de Genève du 28 février 1951, à laquelle la France est partie et qui, aux termes de son article 1er, assure l’octroi du statut de réfugié à toute personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui  ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ». Elles découlent, également, des nombreux textes dont s’est dotée l’Union européenne (cf. infra), en particulier pour déterminer le pays responsable de la demande d’asile et pour garantir aux demandeurs d’asile des conditions d’accueil décentes durant l’examen de leur demande.

Les sources législatives, en particulier la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile, ont mis en œuvre en France les principes de la convention de Genève, notamment en créant les institutions chargées de délivrer le statut de réfugié (cf. infra). Depuis l’adoption de l’ordonnance du 24 novembre 2004, l’ensemble de ces sources législatives se trouve codifié au sein du livre septième du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Le droit d’asile est un droit en mouvement, marqué par d’importantes évolutions législatives et un processus d’européanisation.

Le droit d’asile a connu d’importantes évolutions législatives au cours des dernières années. La loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile constitue, à cet égard, l’évolution la plus récente. En adoptant cette loi, le Parlement a entendu renforcer les droits dont disposent les demandeurs d’asile, tout en améliorant l’efficacité du traitement de leurs demandes.

Focus

Les principales dispositions procédurales de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile

L’adoption de cette loi fait suite au rapport sur le système d’asile français remis par la sénatrice V. Létard et le député J.-L. Touraine à l’issue de la concertation nationale qu’ils ont menée à l’automne 2013. Elle poursuit deux axes : améliorer la protection des personnes en besoin d’une protection internationale ; permettre aux institutions en charge de l’examen des demandes d’asile d’écarter plus facilement les demandes manifestement infondées.

Se trouvent ainsi modifiées les procédures devant l’OFPRA (procédures d’irrecevabilité, procédure de clôture du dossier en cas de refus de coopération du demandeur, réforme de la procédure d’examen accéléré, resserrement des critères d’identification des pays d’origine sûrs) et les procédures d’asile à la frontière et en rétention (avis conforme de l’OFPRA sur l’admission sur le territoire, recours suspensif en rétention), tandis que de nouvelles garanties procédurales sont définies (examen de la vulnérabilité du demandeur, présence d’un tiers à l’entretien devant l’OFPRA).

Les procédures contentieuses se trouvent également modifiées (généralisation du caractère suspensif du recours devant la CNDA, procédures de juge unique pour l’examen des demandes en procédure accélérée, fixation à cinq mois du délai de jugement de droit commun devant la Cour).

 Ces évolutions ont notamment eu pour cause un fort mouvement d’européanisation du droit d’asile. A l’origine, l’asile ne relevait pas de la compétence de l’Union européenne, c’est pourquoi les premières actions d’États européens en la matière ont pris la forme de conventions internationales : tel est le cas de la convention de Dublin du 15 juin 1990 relative à la détermination de l’État responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres de l’Union européenne. Opérée avec le traité d’Amsterdam (18 juin 1997), la communautarisation du droit d’asile a ensuite permis l’adoption de nombreuses normes d’harmonisation, portant notamment sur l’accueil des demandeurs d’asile, les conditions devant être remplies par ceux-ci pour obtenir le statut de réfugiés ou sur la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié. Désormais, le droit d’asile figure à l’article 18 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Un nouveau « paquet asile » a, enfin, été récemment adopté au niveau européen ; composé de deux directives (dites « qualifications » et « accueil ») et de deux règlements (dits « Dublin » et « Eurodac »), il impose aux États membres d’importantes réformes de leur droit interne, dont la loi du 29 juillet 2015 est, pour partie, une illustration.

Le droit d’asile est mis en œuvre par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d’asile, sous le contrôle du Conseil d’État.

Etablissement public créé par la loi du 25 juillet 1952, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) remplit trois missions. Sa première et principale mission a trait à l’instruction des demandes de protection internationale qui lui sont soumises. Sa seconde mission tient à la protection juridique et administrative qu’il apporte aux réfugiés statutaires, aux apatrides statutaires et aux bénéficiaires de la protection subsidiaire. Sa troisième mission le conduit à rendre un avis au ministre de l’intérieur sur le caractère manifestement infondé ou non d’une demande d’autorisation d’entrée sur le territoire français au titre de l’asile. Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 29 juillet 2015 et sauf si l'accès de l'étranger au territoire français constitue une menace grave pour l'ordre public, un avis favorable de l’OFPRA lie le ministre.

La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) est la juridiction administrative spécialisée ayant pour mission de statuer sur les recours formés contre les décisions de l’OFPRA. Créée par la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, la Cour a succédé à la Commission des recours des réfugiés (CRR), laquelle avait été créée par la loi du 25 juillet 1952. Mais les principes originaux qui gouvernent la composition de la Cour sont restés les mêmes. Une formation de jugement de la CNDA est en effet présidée par un magistrat administratif, judiciaire ou financier, en activité ou honoraire, et comprend deux assesseurs : l’un est nommé par le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, l’autre est une personnalité qualifiée, nommée par le vice-président du Conseil d'État, en raison de ses compétences dans les domaines juridique ou géopolitique. Depuis le 1er janvier 2009, la Cour est rattachée, pour sa gestion, au Conseil d’État et un mouvement de professionnalisation poussé a été lancé. Ce mouvement a encore été renforcé par la loi du 29 juillet 2015, qui a notamment rénové l’organisation de la cour (regroupement des formations de jugement en chambres elles-mêmes regroupées en sections).

En ce qui concerne le droit au séjour et les conditions d’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés, en revanche, l’administration agit non pas sous le contrôle de la CNDA mais sous celui du juge administratif de droit commun (tribunal administratif en première instance, cour administrative d’appel en appel).

En tant que juge du référé-liberté et juge de cassation des décisions rendues par la CNDA et par le juge administratif de droit commun, le Conseil d’État protège fortement le droit d’asile, qu’il reconnaît comme une liberté fondamentale au sens de la loi du 30 juin 2000 ( JRCE, 12 janvier 2001, Mme H., n° 229039, au recueil ).

A travers sa jurisprudence, il veille en particulier à ce que :

-          les demandeurs d’asile soient admis à séjourner sur le territoire français jusqu’à ce qu’il soit statué sur leurs demandes (1) ;

-          les droits des demandeurs d’asile soient respectés tout au long de la procédure d’examen de leurs demandes (2) ;

-          les conditions d’octroi d’une protection internationale soient pleinement conformes aux exigences de la convention de Genève (3) ;

-          les bénéficiaires du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire bénéficient d’une protection effective et des droits qui y sont attachés (4).

1. Les demandeurs d’asile sont, en principe, admis à séjourner sur le territoire français jusqu'à ce qu’il soit statué sur leurs demandes

1.1. L’entrée sur le territoire ne peut être refusée à un demandeur d’asile qu’en cas de demande manifestement infondée

Un étranger peut formuler une demande d’asile dès son arrivée à la frontière du territoire français. Dans ce cas, l’article L. 221-1 du CESEDA dispose qu’il peut être maintenu dans une zone d’attente pendant « le temps strictement nécessaire pour vérifier si l'examen de sa demande relève de la compétence d'un autre État (…), si sa demande n'est pas irrecevable ou si elle n’est pas manifestement infondée ». L’article R. 213-2 impose qu’il soit informé de ses droits et obligations. La décision de refus d’entrée, qui appartient au ministre chargé de l’immigration, est prise après consultation de l’OFPRA, dont un agent doit procéder à l’audition de l’étranger.

Par une décision du 28 novembre 2011 (CE, Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, n° 343248, au recueil), le Conseil d’État a jugé que le ministre chargé de l’immigration pouvait, ainsi, rejeter en raison de son caractère manifestement infondé la demande d’asile d’un étranger dont les déclarations et les documents produits à leur appui, du fait de leur caractère incohérent, inconsistant ou trop général, seraient manifestement dépourvus de crédibilité. En sens inverse, un refus d’admission au territoire prononcé alors que la demande n’est pas manifestement infondée ouvre l’accès au référé-liberté de l’article L. 521-2 du code de justice administrative (JRCE, 25 mars 2003, Ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieur et des libertés locales c/ M. et Mme S., n° 255237, au recueil).

1.2. L’admission au séjour d’un demandeur d’asile ne peut être refusée que dans certains cas précis

Les dispositions de l’article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 impliquent nécessairement que l’étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu’à ce qu’il soit statué sur sa demande (CE, 13 décembre 1991, N., n° 119996, au recueil).

L’étranger qui demande à bénéficier de l’asile doit, ainsi, être autorisé par la préfecture à séjourner provisoirement sur le territoire français jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa demande. A cet effet, il se voit remettre une autorisation provisoire de séjour (APS) lui permettant de déposer une demande d’asile auprès de l’OFPRA (article L. 743-1 du CESEDA). Conformément aux dispositions de l’article R. 741-4 du CESEDA, il se voit également remettre un document d’information sur ses droits et sur les obligations qu’il doit respecter, ainsi que sur les organisations susceptibles de lui procurer une assistance juridique. Eu égard à l’objet et au contenu de ce document d’information, sa remise doit intervenir au début de la procédure d’examen des demandes d’asile, pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande (CE, Section, 30 décembre 2013, Mme O., n° 367615, au recueil).

L’article L. 743-2 du CESEDA, liste les cas où, par dérogation à la règle générale, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin. Par ailleurs, le demandeur d’asile n’a le droit de se maintenir sur le territoire que lorsque l’examen de sa demande d’asile relève de la compétence de la France. Il se peut en effet qu’une demande d’asile relève de la compétence d’un autre État membre de l’Union européenne aux termes du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 modifiant le règlement Dublin, lorsque l’étranger est entré dans l’Union européenne par un autre État que la France. Dans ce cas, l’étranger doit être réadmis dans l’État membre responsable de l’examen de sa demande d’asile selon la procédure définie par l’article L. 531-1 du CESEDA ; il ne peut en aucun cas faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement de l’article L. 511-1, à destination de son pays d’origine (CE, 18 décembre 2013, Préfet de la Haute-Savoie, n°  371994, au recueil). Cette procédure de réadmission n’en connaît pas moins des limites : lorsque les autorités de l’État de réadmission ne respectent pas les garanties exigées par le droit d’asile, alors cette réadmission ne peut avoir lieu (JRCE, 20 mai 2010, Ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire c/ M. et Mme O. n° 339478, aux tables : à propos de la Grèce ; JRCE, 29 août 2013, M. X. et autres, n° 371572, inédit : à propos de la Hongrie).

1.3. Une fois admis au séjour, un demandeur d’asile a droit à ce que des conditions minimales d’accueil soient respectées

Les normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile sont aujourd’hui définies, au niveau européen, par les dispositions de la directive n° 2013/33/UE du 26 juin 2013 (« directive accueil »). Celles-ci exigent notamment une information sur les droits et obligations du demandeur d’asile, l’accès des enfants au système éducatif, l’accès aux soins de santé, ainsi que certaines conditions matérielles d’accueil. En France, les demandeurs d’asile peuvent bénéficier de l’aide sociale pour être accueillis dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (articles L. 348-1 et s. du code de l’action sociale et des familles) ; ils bénéficient, sous condition d’âge et de ressources, de l’allocation pour demandeur d’asile, dont le montant est fonction des ressources, du mode d'hébergement et, le cas échéant, des prestations offertes par le lieu d'hébergement (article L. 744-9 du CESEDA) ; ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes bénéficient de l’allocation mensuelle de subsistance (II de l’article R. 348-4 du code de l’action sociale et des familles). Enfin, sur le plan de l’accès aux soins, les demandeurs d’asile peuvent bénéficier de l’aide médicale d’État (article L. 251-1 et s. du code de l’action sociale et des familles).

Lorsque les conditions minimales d’accueil ne sont pas respectées, le demandeur d’asile peut former un référé-liberté devant le juge administratif (article L. 521-2 du code de justice administrative), qui dispose d’un pouvoir d’injonction envers l’administration lorsque le comportement de celle-ci fait apparaître une méconnaissance manifeste des exigences qui découlent du droit d’asile et qu’il résulte de ce comportement des conséquences graves pour le demandeur d’asile, compte tenu notamment de son âge, de son état de santé ou de sa situation de famille (JRCE, 19 novembre 2010, Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration c/ P., n° 344286, au recueil). Cette voie de droit a conduit le Conseil d’État à juger que l’administration avait méconnu de manière grave les droits d’un couple de demandeurs d’asile accompagné d’un jeune enfant en ne leur proposant aucune solution d’hébergement (JRCE, 27 octobre 2010, Ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire c/ M. et Mme V., n° 343898, aux tables). Constitue également une méconnaissance manifeste des exigences du droit d’asile la situation d’un homme jeune non accompagné d’enfants mais nécessitant un suivi médical et n’ayant pu obtenir, depuis plus de deux ans, aucun hébergement d’urgence (JRCE, 22 novembre 2010, Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration c/ S., n° 344373, aux tables).

2. Le juge administratif veille au respect des droits des demandeurs d’asile tout au long de la procédure d’examen de leurs demandes

2.1. La procédure normale d’examen des demandes d’asile comprend une phase administrative et, le cas échéant, une phase contentieuse

La procédure normale d’examen des demandes d’asile comprend une phase administrative devant l’OFPRA, puis une phase contentieuse devant la CNDA, en cas de contestation de la décision rendue par l’OFPRA.

La procédure administrative devant l’OFPRA est régie par les articles L. 723-1 à L. 723-17 du CESEDA. A compter de la date de son admission provisoire au séjour, l’étranger dispose d’un délai de vingt-et-un jours pour présenter sa demande (article R. 723-1) ; au-delà de ce délai, l’Office peut prendre une décision de clôture d’examen, sauf dans l’hypothèse où les services préfectoraux ont omis de remettre à l’intéressé le document d’information aujourd’hui prévu par l’article R. 741-4 (CE, 29 mai 2013, M. B., n° 365666, au recueil). Une fois sa demande enregistrée, le demandeur est convoqué par l’Office, afin qu’il se prononce, aux termes de l’article L. 723-4, « au terme d’une instruction unique, sur la reconnaissance de la qualité de réfugié ou sur l’octroi de la protection subsidiaire». Le demandeur est, en particulier, convoqué à une audition (L. 723-6), qui constitue une garantie essentielle, dont la méconnaissance entraîne l’annulation par la CNDA de la décision rendue par l’OFPRA s’il apparaît que l’Office n’était pas dispensé par la loi de convoquer le demandeur à une audition et que le défaut d’audition est imputable à l’Office (CE, 10 octobre 2013, OFPRA c/ Y., n° 362798, au recueil). C’est au terme de cette procédure que l’OFPRA rend une décision susceptible d’être contestée devant la CNDA.

La procédure contentieuse devant la CNDA est régie par les articles L. 733-1 à L. 733-5 du CESEDA. Sauf délai de distance (pour le demandeur domicilé en outre-mer), le délai de recours est d’un mois à compter de la notification de la décision de l’OFPRA. La CNDA doit statuer dans un délai de cinq mois (ou de cinq semaines dans certains cas particuliers, notamment quand l’OFPRA a mis en œuvre la procédure accélérée). Une fois saisie, la CNDA statue comme juge de plein contentieux en se prononçant elle-même sur le droit d’un demandeur d’asile à la qualité de réfugié au vu de l’ensemble des circonstances de fait dont elle a connaissance (CE, Section, 8 janvier 1982, Aldana Barrena, n° 24948, au recueil ; CE, 27 février 2015, OFPRA c/ M. Z. n° 380489, aux tables). A ce titre, il peut lui revenir, pour déterminer la nationalité d’un demandeur d’asile, d’interpréter les dispositions d’une loi étrangère qui déterminent les règles d’attribution ou d’acquisition de cette nationalité (CE, 26 mai 2014, M. G., n° 344265, au recueil). Selon une jurisprudence classique, la procédure suivie devant la Cour doit observer toutes les règles générales de procédure dont l’application n’est pas écartée par une disposition formelle ou n’est pas inconciliable avec son organisation (CE, 18 novembre 1987, B., n° 78981, au recueil). Cette procédure présente un caractère inquisitoire et la Cour peut ordonner toute mesure d’instruction qu’elle estime utile, tout en veillant à garantir la confidentialité des éléments d’information relatifs aux personnes sollicitant l’asile en France, qui constitue une garantie essentielle du droit constitutionnel d’asile (CE, Section, 1er octobre 2014, M. E., n° 349560, au recueil). La Cour peut, de même, rechercher tous les éléments d’information qu’elle estime utiles. Ainsi, elle peut utiliser, sans les verser au dossier, les éléments d’information générale librement accessibles au public dont elle doit alors indiquer l’origine dans sa décision (CE, 22 octobre 2012, M., n° 328265, au recueil). La procédure est écrite, mais le requérant a la faculté de présenter ses explications à la Cour lors d’une audience publique, au cours de laquelle il bénéficie de l’assistance gratuite d’un interprète. A l’issue de cette procédure, la Cour se prononce par une décision motivée. En particulier, lorsque le demandeur produit devant elle des pièces qui comportent des éléments circonstanciés en rapport avec les risques allégués, il lui incombe, après avoir apprécié si elle doit leur accorder crédit, d’évaluer les risques qu’elles sont susceptibles de révéler et, le cas échéant, de préciser les éléments qui la conduisent à ne pas regarder ceux-ci comme sérieux (CE, 10 avril 2015, M. B., n° 372864, aux tables).

Les décisions de la CNDA peuvent, enfin, faire l’objet d’un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État (article R. 733-35 du CESEDA). Le Conseil d’État contrôle alors la régularité et le bien-fondé de la décision rendue par la Cour. S’agissant du bien-fondé de la décision, le Conseil d’État sanctionne principalement l’erreur de droit, dans la mesure où il ne contrôle pas l’appréciation des faits, ni la valeur probante des pièces, sauf en cas d’erreur matérielle ou de dénaturation commise par la Cour (pour un exemple de dénaturation : CE, 25 juillet 2013, M. B., n° 353140, inédit).

2.2. La procédure accélérée concilie, pour certaines catégories de demandeurs d’asile, les garanties procédurales qui découlent du droit d’asile et un traitement efficace de leurs demandes

Prévue par le 8ème paragraphe de l’article 31 de la directive n° 2013/32/UE, la possibilité d’une procédure accélérée d’examen des demandes d’asile a donné lieu à la mise en place, en droit français, d’une procédure dite accélérée (aujourd’hui prévue à l’article L. 723-2 du CESEDA, cette procédure a succédé à la procédure dite prioritaire) pour l’examen des demandes d’asile présentées par certaines catégories d’étrangers. A propos de l’ancienne procédure, dite prioritaire, le Conseil d’État avait jugé qu’elle ne saurait concerner de manière systématique les demandes d’asile présentées par des étrangers alors qu’ils se trouvent placés en rétention administrative (CE, 30 juillet 2014, Association La Cimade, n° 375430, au recueil).

La procédure accélérée concerne, notamment, les étrangers ressortissants d’un pays d’origine sûr. Cette notion de pays d’origine sûr, apparue dans le droit de l’Union européenne, désigne les États dont il est possible de présumer que les ressortissants ne craignent pas de persécutions. Introduite en droit français, cette notion donne lieu à la définition d’une liste de pays d’origine sûr par l’OFPRA, liste sur laquelle le Conseil d’État exerce un contrôle normal (CE, 5 avril 2006, GISTI, n° 284706, au recueil). Ceci a par exemple conduit le Conseil d’État à annuler l’inscription sur cette liste de l’Albanie et du Kosovo en 2012 (CE, 26 mars 2012, ASYL et autres, n° 349174, aux tables), puis à admettre l’inscription de l’Albanie tout en continuant d’exclure le Kosovo en 2014 (CE, 10 octobre 2014, Association ELENA et autres, n° 375474, aux tables).

L’instruction de la demande par l’OFPRA dans le cadre de la procédure accélérée est identique à celle menée dans le cadre de la procédure normale : l’information donnée au demandeur sur ses droits, la substance de ceux-ci, la composition du dossier et les critères d’examen sont les mêmes. En revanche, les délais sont plus courts, puisqu’il revient à l’Office de statuer dans un délai de quinze jours (article R. 723-4 du CESEDA). En dépit de ses délais, il revient toujours à l’Office de se livrer à un examen individuel du dossier qui lui est soumis ; la circonstance qu’un demandeur d’asile s’est volontairement soustrait au relevé de ses empreintes digitales lors de l’examen en préfecture de son admission au séjour ne saurait ainsi suffire à établir que les éléments fournis à l’appui de sa demande d’asile sont manifestement infondés (CE, 3 octobre 2012, Cimade et autres, n° 354995, aux tables).

3. Le juge administratif veille à ce que les conditions d’octroi d’une protection internationale soient pleinement conformes aux exigences de la convention de Genève

3.1. Le statut de réfugié est octroyé à un demandeur d’asile qui fait état de craintes actuelles et personnelles de persécutions d’une certaine gravité en cas de retour dans son pays

Deux formes de protection sont susceptibles d’être accordées à un demandeur d’asile : le statut de réfugié ou la protection subsidiaire. Toutes deux sont accordées par l’OFPRA, qui détermine dans chaque cas la protection qu’il convient d’octroyer.

Les motifs de reconnaissance du statut de réfugié sont essentiellement définis par les stipulations du (2) du A de l’article 1er de la convention de Genève du 28 février 1951. Ils ont trait aux craintes d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. Chacune de ces notions a donné lieu à des décisions du Conseil d’État qui en ont précisé la portée. Il en va ainsi de la notion de groupe social, qui désigne un groupe de personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et à leur conscience, auxquels il ne peut leur être demandé de renoncer, et une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions. Cette définition a conduit le Conseil d’État à juger qu’en fonction des conditions qui prévalent dans un pays, des personnes peuvent, à raison de leur orientation sexuelle, constituer un groupe social (CE, 27 juillet 2012, M., n° 349824, au recueil). De même, dans une population dans laquelle les mutilations sexuelles féminines sont couramment pratiquées au point de constituer une norme sociale, les enfants et les adolescentes non mutilées constituent de ce fait un groupe social (CE, Assemblée, 21 décembre 2012, Mme F., n° 332491, au recueil). De manière générale, il revient à l’étranger qui sollicite le statut de réfugié de faire état de craintes personnelles, actuelles et relatives à des persécutions d’une certaine gravité. C’est la raison pour laquelle dans la décision Mme F précitée, le Conseil d’État a écarté l’octroi du statut de réfugié à une requérante dont la fille était exposée à un risque d’excision, au motif que seule cette dernière était personnellement exposée à des risques de persécution en cas de retour dans son pays. Sur chacun de ces éléments et en vertu d’une jurisprudence classique, le Conseil d’État exerce à l’égard de l’appréciation retenue par la CNDA un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation (CE, 27 mai 1988, M. n° 66022, au recueil).

Les motifs d’octroi de la protection subsidiaire sont quant à eux définis tant par l’article L. 712-1 du CESEDA que par la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011. Selon cet article, une personne se voit accorder la protection subsidiaire s’il est établi qu’elle est exposée dans son pays à l’une des menaces graves suivantes : la peine de mort, la torture ou des traitements inhumains ou dégradants et, enfin, s’agissant d’un civil, d’une « menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d’une situation de conflit arm  interne ou international ». Là encore, il revient à l’étranger d’établir qu’il encourt personnellement de telles menaces (pour un exemple : CE, 22 février 2013, OFPRA c/ M. S., n° 332701, inédit), sauf dans le cas très particulier où le degré de violence aveugle caractérisant le conflit armé atteint un niveau si élevé qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’un civil renvoyé dans le pays ou la région concernés courrait, du seul fait de sa présence sur le territoire, un risque réel (CE, 3 juillet 2009, OFPRA c/ B., n°320295, aux tables).

3.2. L’octroi de la protection internationale est également subordonné à l’absence de protection de la part des autorités du pays de l’étranger

Conformément aux stipulations de l’article 1er de la convention de Genève, l’octroi d’une protection internationale est en outre subordonné à l’absence de protection du demandeur par le pays dont il a la nationalité. Ces stipulations sont précisées, en France, par les dispositions de l’article L. 713-2 du CESEDA, qui indiquent que les « autorités susceptibles d’offrir une protection peuvent être les autorités de l’État et des organisations internationales et régionales ».

Dans la continuité de ces dispositions, le Conseil d’État a récemment jugé qu’une demande d’asile présentée par une personne qui réside sur un territoire délimité par des frontières à l'intérieur desquelles une autorité exerce effectivement les prérogatives liées au pouvoir, même sans inclure la possibilité de conférer la nationalité, devait être examinée au regard des persécutions dont il est allégué que cette autorité serait l'auteur ; en conséquence, le Conseil d’État estime que les craintes d'un résident palestinien de la Bande de Gaza doivent certes être examinées au regard des agissements de l'Autorité palestinienne, mais qu’il convient, pour tenir compte de la situation existant dans la Bande de Gaza, d’examiner les différents faits allégués de persécution subis sur le territoire normalement soumis à l'Autorité palestinienne et imputés au Hamas, ainsi qu'à l'examen des craintes de cette personne vis-à-vis du Hamas en cas de retour dans la Bande de Gaza (CE, 5 novembre 2014, M. H., n° 363181, aux tables).

3.3. Le juge administratif admet qu’une fois octroyé à un réfugié, le statut puisse être également délivré aux membres de sa famille

Une fois le statut de réfugié accordé, le Conseil d’État juge de longue date que les principes généraux du droit applicables aux réfugiés imposent, en vue d’assurer pleinement au réfugié la protection prévue par la convention de Genève, que la même qualité soit reconnue à son époux et à ses enfants mineurs (CE, Assemblée, 2 décembre 1994, Mme A., n° 112842, au recueil). La portée de ce principe d’unité de la famille a, depuis lors, été précisée par la jurisprudence.

Il emporte ainsi la reconnaissance de la qualité de réfugié au concubin d’un réfugié, dès lors que tous deux entretenaient une liaison suffisamment stable et continue pour former une famille (CE, 21 mai 1997, G., n° 159999, aux tables). Il peut également être invoqué au bénéfice d’un ascendant incapable, dépendant matériellement moralement d’un réfugié, à la double condition que cette situation particulière de dépendance ait existé dans le pays d’origine du réfugié avant l’arrivée de celui-ci en France et qu’elle ait donné lieu à une mesure de tutelle plaçant l’intéressé sous la responsabilité du réfugié (CE, 28 juillet 2004, Mme T. épouse M., n° 229053, au recueil).

A l’inverse, ne relèvent pas de l’application de ce principe les enfants d’un réfugié majeurs à la date de l’entrée en France de ce dernier (CE, 21 mai 1997, S., n° 172151, au recueil), le conjoint d’un réfugié qui a la même nationalité de ce dernier mais qui possède également la nationalité d’un autre pays dont il est en mesure d’obtenir la protection (CE, 23 février 2009, OFPRA c/ B., n° 283246, au recueil) ainsi que les parents de mineures réfugiées en raison d’un risque d’excision (CE, 20 novembre 2013, M. F. et Mme D. épouse F., n° 368676, au recueil).

Par ailleurs, le Conseil d’État a jugé que les principes généraux du droit des réfugiés, qui découlent de la convention de Genève, ne sont pas applicables aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, qui n’est définie que par le droit de l’Union européenne et les dispositions de droit interne qui en assurent la transposition. Il a donc écarté l’application du principe d’unité de famille aux bénéficiaires de la protection subsidiaire (CE, 18 décembre 2008, OFPRA c/ Mme A. épouse B., n° 283245, aux tables).

3.4. Il n’en demeure pas moins que certains demandeurs d’asile sont, en tout état de cause, exclus du bénéfice de la protection internationale

Les paragraphes D, E et F de l’article 1er de la convention de Genève définissent trois catégories de personnes auxquelles le statut de réfugié ne peut être octroyé. La troisième de ces catégories visent les personnes dont « on aura des raisons sérieuses de penser : a) qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes ; b) qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiées ; c) qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies ».

Le Conseil d’État a eu, à plusieurs reprises, l’occasion de faire application de ces stipulations. Au regard des stipulations du a), il a jugé que devait être regardé comme complice d’un génocide, et par conséquent exclu du bénéfice du statut de réfugié, celui qui, sciemment, a, par ses agissements, contribué à la préparation ou à la réalisation du crime ou en a facilité la commission ou a assisté à son exécution sans chercher à aucun moment à le prévenir ou à s’en dissocier (CE, 26 janvier 2011, H., n° 312833, au recueil). Au regard du b), il a jugé que si les faits criminels en cause ont fait l’objet d’une condamnation qui a effectivement été exécutée, ils ne font pas obstacle à l’octroi d’une protection, sauf si l’État auquel elle est demandée estime qu’en raison des crimes graves de droit commun commis antérieurement, l’intéressé représente pour sa population un danger ou un risque qu’il revient au juge administratif d’apprécier (CE, 5 mai 2011, OFPRA c/ H., n° 320910, aux tables). Au regard du c) enfin, il a jugé qu’un demandeur ayant exercé des responsabilités de chef de forces armées ayant perpétré des exactions contraires aux buts et principes des Nations Unies devait être exclu de la protection accordée aux réfugiés (CE, 21 octobre 2011, M. S., n° 336576, aux tables).

Lorsqu’il fait application de ces stipulations, le Conseil d’État écarte, en outre, toute invocation du principe d’unité de la famille décrit plus haut (CE, 24 octobre 2001, W., n° 211309, au recueil).

4. Les bénéficiaires d’une protection internationale doivent bénéficier d’une protection effective de la part de l’État d’accueil

La reconnaissance du statut de réfugié emporte la jouissance de droits et libertés reconnus par les États qui l’accordent. Ces droits et libertés sont définis par les stipulations des articles 3 à 34 de la convention de Genève et ont été précisés par les dispositions de la directive n° 2011/95 du 13 décembre 2011.

Ces droits ont d’abord trait au séjour. Conformément aux dispositions du 8° de l’article L. 314-11 du CESEDA, une carte de résident d’une durée de dix ans est délivrée à tout réfugié, lequel ne peut en aucun cas être extradé vers son pays d’origine en vertu d’un principe général du droit applicable aux réfugiés (CE, 1er avril 1988, B., n° 85234, au recueil). Quant au bénéficiaire de la protection subsidiaire, il se voit délivrer une carte de séjour temporaire d’une durée d’un an renouvelable. Ces titres de séjour accordés aux bénéficiaires d’une protection internationale autorisent tous deux leurs titulaires à exercer en France une activité professionnelle.

Ils ont également trait à l’état civil. Aux termes de l’article L. 721-2 du CESEDA, il revient à cet égard à l’OFPRA d’exercer « la protection juridique et administrative des réfugiés et apatrides ainsi que celles des bénéficiaires de la protection subsidiaire ».

De manière générale, il revient aux autorités de l’État qui octroie le statut de réfugié de protéger effectivement les étrangers qui en bénéficient. Il peut toutefois arriver que l’effectivité de cette protection ne soit pas garantie. C’est pour faire face à ce risque que le Conseil d’État a récemment jugé qu’un étranger s’étant vu reconnaître le statut de réfugié dans un État partie à la convention de Genève pouvait, exceptionnellement, demander l’asile en France, à condition d’établir que la protection à laquelle il avait conventionnement droit sur le territoire de l’État qui lui avait reconnu le statut de réfugié n’y était plus effectivement assurée (CE, Assemblée, 13 novembre 2013, O., n° 349735, au recueil).