L'engagement de la responsabilité des hôpitaux publics

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Le régime de la responsabilité des hôpitaux publics est à l’origine un droit essentiellement jurisprudentiel construit par le juge administratif au fil des affaires dont il était saisi. La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a introduit, pour la première fois de façon aussi significative, des règles de droit écrit en la matière. Le droit de la responsabilité hospitalière est ainsi marqué par la coexistence et l’articulation de règles relevant d’une logique de responsabilité pour faute et de régimes de réparation, sans faute, des dommages subis au titre de la solidarité nationale.

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Les établissements hospitaliers sont soumis à un régime de responsabilité particulier dans le double objectif d’assurer une protection des droits des usagers et de tenir compte des contraintes qui pèsent sur les hôpitaux publics et leurs équipes.

En cas de dommages subis par un patient en raison d’un acte commis dans le cadre de l’activité d’un hôpital public, la responsabilité personnelle du praticien n’est normalement pas susceptible d’être engagée. La faute commise est en effet couverte par le service, réserve faite du cas où elle peut être considérée comme détachable du service (c’est-à-dire lorsque le praticien s’est placé en dehors du cadre normal d’exercice de ses fonctions du fait de la gravité de son comportement). Le patient ayant subi un préjudice qu’il estime imputable aux conditions dans lesquelles il a été soigné pourra ainsi rechercher la responsabilité de l’établissement hospitalier devant le juge administratif.

Le régime de la responsabilité des hôpitaux publics est à l’origine un droit essentiellement jurisprudentiel construit par le juge administratif[1] au fil des affaires dont il était saisi. La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a introduit, pour la première fois de façon aussi significative, des règles de droit écrit en la matière. Elle réaffirme et précise notamment les droits fondamentaux des malades, crée une procédure non contentieuse par le biais des commissions régionales de conciliation et d’indemnisation et harmonise certaines règles de fond (information sur les accidents médicaux, règles de prescription…). Surtout, elle met en place un mécanisme de « réparation des conséquences des risques sanitaires », qui permet la prise en charge, au titre de la solidarité nationale, de certains accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales.

Le droit de la responsabilité hospitalière est ainsi marqué par la coexistence et l’articulation de règles relevant d’une logique de responsabilité pour faute et de régimes de réparation, sans faute, des dommages subis au titre de la solidarité nationale.

 

1. L’adaptation des régimes de responsabilité pour faute

L’engagement de la responsabilité des hôpitaux publics est admise de longue date par le Conseil d’Etat (CE, 8 novembre 1935, Veuve L. ; même date, Dame P.). Jusqu’à une époque récente, la faute était le fondement exclusif de la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements publics de santé. Ce principe de la responsabilité pour faute est aujourd’hui consacré par le I de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique.

a)      La simplification progressive des régimes de responsabilité pour faute          

  • Une évolution de la nature de la faute : de la faute lourde à la faute simple

Le juge administratif a longtemps traité différemment les actes de soins et les défauts dans l’organisation et le fonctionnement du service, d’une part, et les actes médicaux, d’autre part.

Lorsque la responsabilité de l’hôpital public était mise en cause pour des activités distinctes de l’exercice médical, que ce soit pour des actes sans difficulté médicale réelle (piqûres, perfusions ou pansements…) ou mettant en cause l’organisation et le fonctionnement du service (absence ou indisponibilité de médecins qualifiés, mauvaise coordination entre médecins, défaut de surveillance des patients…), son engagement était subordonné à l’existence d’une faute simple (CE, Section, 26 juin 1959, Sieur R.). En revanche, les actes médicaux au sens strict du terme n'étaient susceptibles d'être à l'origine de la responsabilité de l'établissement hospitalier public que lorsqu'une « faute lourde » était avérée, c'est-à-dire une faute d'une particulière gravité.

Du fait de la difficulté croissante à distinguer clairement les actes médicaux des prestations de soins courants et dans un contexte jurisprudentiel tendant à limiter le champ de la faute lourde, le Conseil d'État a abandonné l'exigence d'une faute lourde en matière d'actes médicaux (CE, Assemblée, 10 avril 1992, Epoux V., n° 79027) et a ainsi unifié le droit de la responsabilité de tout le secteur de la santé publique sur le régime de la faute simple.

L’analyse de la faute reste soumise à des appréciations d'espèce, au cas par cas, sans automatisme. Le juge prend en compte les faits qui lui sont soumis et notamment la difficulté particulière de l'activité médicale en cause.

Pour certaines activités spécifiques, le législateur a toutefois prévu un régime de faute particulier.

Ainsi, dans le domaine particulier du diagnostic prénatal, l’article 1er de la loi du 4 mars 2002 a introduit une nouvelle catégorie de faute : la « faute caractérisée ». La responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé n’est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse qu’à la suite d’une faute caractérisée.

Le Conseil d’Etat apprécie cette faute en tenant compte des aléas et difficultés du diagnostic prénatal et de la gravité de l’atteinte aux droits individuels en cause. Par exemple, constitue une faute caractérisée le fait, pour un centre hospitalier universitaire, d’informer un couple que les analyses de l’amniocentèse pratiquée n’avaient mis en évidence chez l’enfant à naître aucun risque d’amyotrophie spinale infantile (maladie héréditaire caractérisée par une faiblesse et une atrophie des muscles), alors que cette information s’est révélée erronée du fait de l’inversion des résultats des analyses pratiquées sur deux patientes (CE, 19 février 2003, Assistance publique – Hôpitaux de Paris c/ Epoux M., n° 247908). En revanche, le défaut d’information relative à la marge d’erreur habituelle dans l’interprétation d’échographiques en ce qui concerne l’observation des extrémités des membres du fœtus ne révèle pas une faute caractérisée dans le diagnostic prénatal (CE, 9 février 2005, Centre hospitalier Emile Roux du Puy-en-Velay, n° 255990).

Encadré : les dix ans de la loi du 4 mars 2002

Discours du Vice-président du Conseil d’Etat à l’occasion d’un colloque organisé par l’Institut Droit et santé de l’Université Paris Descartes, la Chaire Santé de Sciences Po, l’Ecole des hautes études en santé publique et le Laboratoire interdisciplinaire de recherche appliquée en économie de la santé : http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Discours-Interventions/Le-droit-des-malades-10-ans-apres

 

  • La recherche de la preuve : faute prouvée en règle générale, quelques cas de présomption de faute

En règle générale, le régime de responsabilité pour faute, même simple, est un régime de « faute prouvée ». La réalité d’une faute imputée à un professionnel de santé ou à l’hôpital public doit être établie. Dans cette optique, les patients disposent de droits à l’égard de l’hôpital et peuvent mobiliser certaines procédures devant le juge.

Le patient dispose ainsi d’un droit d’accès à son dossier médical, consacré à l’article L. 1111-7 du code de la santé publique. De même, toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé (article L. 1111-2 du même code). Cette obligation incombe au professionnel de santé qui n’en est dispensé qu’en cas d’urgence, d’impossibilité ou de refus du patient d’être informé. En cas de litige, il revient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a bien été délivrée à l’intéressé.

Par ailleurs, pour faire valoir ses droits, le demandeur a la possibilité de demander au juge administratif d’ordonner une expertise afin de vérifier si ses prétentions sont fondées.

Néanmoins, pour certains actes, le juge et le législateur ont instauré des régimes de faute « présumée ».

C’est notamment le cas en matière de vaccinations obligatoires (CE, Assemblée, 7 mars 1958, Secrétaire d’Etat la santé publique c/ Sieur D., n° 38230), de contamination par le virus de l’hépatite C à la suite d’une transfusion (article 102 de la loi du 4 mars 2002 et CE, 19 octobre 2011, M. V., n° 339670), ou pour les suites d’actes de soins courants ou bénins (ex : conséquences anormales de piqûres, injections et perfusions). En revanche, la responsabilité du service hospitalier public résultant de l’intubation d’un patient en vue d’une anesthésie générale ne peut être engagée que sur le terrain de la faute prouvée (CE, 21 octobre 2009, Mme A., n° 314759).

S’agissant de la présomption d’imputabilité de la contamination par le virus de l’hépatite C à une transfusion sanguine, le juge administratif en a donné les modalités de mise en œuvre (CE, 10 octobre 2003, Mme X et autres, n° 249416). La présomption est constituée dès lors qu’un faisceau d’éléments confère à l’hypothèse d’une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l’ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance. Le juge forme sa conviction au vu de l’ensemble des éléments produits par les parties, le doute bénéficiant au demandeur. Sur ce dernier point, le juge administratif a précisé que la circonstance que la victime a été exposée par ailleurs à d’autres facteurs de contamination, résultant notamment d’actes médicaux invasifs ou d’un comportement personnel à risque, ne saurait faire obstacle à la présomption légale que dans le cas où il résulte de l’instruction que la probabilité d’une origine transfusionnelle est manifestement moins élevée que celle d’une origine étrangère aux transfusions (CE, 19 octobre 2011, M. V., n° 339670).          

b)      La diversité des fautes reconnues

  • La faute dans l’organisation et le fonctionnement du service :

De façon schématique, la responsabilité pour faute du service public hospitalier trouve le plus souvent son origine soit dans un problème d’organisation et de fonctionnement du service soit dans une défaillance tenant à l’acte médical en lui-même. Quelle que soit la nature de la faute, elle n’engage la responsabilité du service public hospitalier que si elle est à l’origine d’un dommage et d’un préjudice.

La responsabilité pour faute du praticien ou de l’hôpital public est susceptible d’être engagée lorsque le dommage tient à un défaut d’organisation et de fonctionnement du service.

C’est le cas, par exemple, d’une faute dans la réalisation d’un acte de soins courants (c’est-à-dire un acte qui peut être exécuté par un auxiliaire médical qualifié, sur prescription du médecin mais en l’absence de celui-ci, comme une injection, une perfusion, une piqûre).

Une insuffisance dans la surveillance des patients et des locaux peut également engager la responsabilité pour faute de l’hôpital (CE, 27 février 1985, Centre hospitalier de Tarbes, n° 39069-48793), le juge ayant en outre posé des exigences particulières s’agissant de la surveillance de patients souffrant de maladies mentales, en raison des dommages qu’ils peuvent causer à eux-mêmes ou à des tiers[2].

Le mauvais entretien des locaux et du matériel, et notamment les infections nosocomiales, constitue un autre motif d’engagement de la responsabilité de l’hôpital public. Le juge administratif a d’abord défini un régime de présomption de faute (CE, 9 septembre 1988, M. X, n° 65087), aujourd’hui consacré par la loi du 4 mars 2002 (Voir le I de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique). La loi du 4 mars 2002 a élargi cette présomption, qui vaut désormais même en cas d’infection due à un germe présent dans l’organisme du patient avant l’intervention (on parle alors d’ « infection nosocomiale endogène »), sauf à ce qui soit rapportée la preuve d’une cause étrangère de cette infection (CE, 10 octobre 2011, Centre hospitalier universitaire d’Angers, n° 328500). Toutefois, en l’absence de définition législative, le Conseil d’Etat encadre la notion d’infection nosocomiale et juge qu’une infection ne peut être qualifiée de nosocomiale que si elle survient au cours ou au décours d’une prise en charge et qu’elle n’était ni présente ni en incubation au début de la prise en charge (CE, 21 juin 2013, Centre hospitalier du Puy-en-Velay, n° 347450). Il rejoint ainsi la définition épidémiologique de l’infection nosocomiale retenue par le comité technique des infections nosocomiales.

La faute commise peut également résulter d’un mauvais fonctionnement du service, que ce soit du fait de la réalisation tardive d’un examen (CE, 16 novembre 1998, Mlle Y., n° 178585), de l’insuffisance de personnel ou de relations défectueuses entre le médecin et le personnel paramédical, réserve faite des situations d’urgence (CE, 27 juin 2005, M. et Mme X., n° 250483). Les conditions de prise en charge du patient peuvent, le cas échéant, être appréciées au niveau du groupe hospitalier et non du seul établissement concerné (CE, 16 juin 2000, Hospices civils de Lyon, n° 196255).

Enfin, le défaut d’information du patient est le dernier motif de faute se rattachant à l’organisation et au fonctionnement du service. Cette obligation subsiste après le départ du patient lorsqu’un risque nouveau est identifié (CE, 2 septembre 2009, Mme A., n° 292783). Le juge admet qu’elle revête une importance accrue dans certaines spécialités, par exemple pour une opération de chirurgie esthétique (CE, 15 mars 1996, Mlle X., n° 136692).

En cas de défaut d’information du patient, la faute commise par les praticiens d’un hôpital entraîne pour le patient la perte d’une chance de se soustraire au risque qui s’est réalisé (CE, Section, 5 janvier 2000, Consorts T., n° 181899). Dans certaines circonstances, le patient peut également être indemnisé du préjudice moral subi, par exemple dans le cas où le risque dont il n’a pas été averti se réalise et où il se retrouve confronté aux conséquences d’une intervention dont il n’avait pas été informé et auxquelles il n’a pas pu se préparer. Il appartient alors à la victime d’en établir la réalité et l’ampleur (CE, 10 octobre 2012, M. B. et Mme C., n° 350426). Cette possibilité s’applique également en cas de défaut de consentement à une opération, hors les cas d’urgence ou d’impossibilité de consentir (CE, 24 septembre 2012, M. B., n° 336223).

  • La faute médicale :

L’erreur médicale est directement liée à l’exercice de l’art médical : erreur au niveau du diagnostic, des choix thérapeutiques ou dans la réalisation de l’acte médical lui-même.

L’absence d’effets d’un traitement ou l’échec d’une opération chirurgicale ne peuvent en eux-mêmes suffire à caractériser une faute du praticien (CE, 29 décembre 1997, M. X., n° 158938).

Le juge administratif prend en compte la difficulté de poser un diagnostic. Une erreur de diagnostic n’est ainsi pas systématiquement fautive. La faute peut en revanche tenir aux conditions dans lesquelles le médecin a commis cette erreur (méconnaissance de symptômes qui auraient dû attirer son attention, insuffisance ou retard des examens nécessaires…) De même, le juge s’attache aux moyens mis en œuvre : l’omission de mettre en œuvre tous les moyens disponibles est de nature à engager la responsabilité de l’hôpital, comme par exemple l’omission de faire pratiquer un second examen en cas de doute sur la validité du premier (pour une trisomie non détectée après un premier examen chromosomique insuffisant : CE, Section, 14 février 1997, Centre hospitalier régional de Nice, n° 133238).

Dans cette même logique, le choix d’une thérapie ou d’une stratégie de soins n’est susceptible de constituer une faute que lorsque le médecin méconnaît gravement le diagnostic, ne fait pas un choix conforme aux données acquises de la science ou fait courir un risque au patient que ni son état ni l’urgence n’imposaient (voir, sous le régime antérieur de la faute lourde, CE, 12 décembre 1975, Ministre de la coopération c/ M. X., n° 97241 ; 29 janvier 1982, Mlle X., n° 20775).

Encadré : des délais de prescription variables selon les actes en cause

En matière de responsabilité médicale, la loi du 4 mars 2002 a porté à dix ans, à compter de la consolidation du dommage, le délai dans lequel se prescrivent les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l’occasion d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins (article L. 1142-28 du code de la santé publique).

En revanche, ces dispositions n’ont pas modifié le régime de prescription des actions tendant à obtenir réparation des conséquences dommageables de vaccinations obligatoires (CE, 13 juillet 2011, Office national d’indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, n° 345756) ou de contaminations d’origine transfusionnelle (CE, 23 juillet 2014, Mme A., n° 375829), pour lesquelles le délai de prescription reste fixé à quatre ans.

2. De nouvelles hypothèses de prise en charge du risque par la solidarité nationale

A côté du régime de responsabilité pour faute (classique en matière administrative), une des singularités du droit de la responsabilité médicale est l'importance prise par les régimes fondés non sur une faute, mais sur le risque encouru. La jurisprudence puis le législateur ont en effet admis un droit à réparation de certains préjudices, même en l’absence de faute, pris en charge par la solidarité nationale. La prise en charge est assurée par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). Sont concernés les aléas thérapeutiques et les dommages causés par des transfusions sanguines, des vaccinations obligatoires, des produits et appareils de santé ou des recherches biomédicales.

a)      La prise en charge de l’aléa thérapeutique

Le régime de prise en charge des aléas thérapeutiques a été dégagé par la jurisprudence (CE, Assemblée, 9 avril 1993, M. X., n° 69336). Plusieurs conditions cumulatives sont requises : le dommage doit résulter d’un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade ; l’existence du risque qui se réalise doit être connue, mais la réalisation de ce risque doit être exceptionnelle ; aucune raison ne doit permettre de penser que le patient était particulièrement exposé à ce risque ; le dommage doit être sans rapport avec l’état initial du patient comme avec son évolution prévisible ; le préjudice doit enfin présenter un caractère d’extrême gravité.

Si cette jurisprudence est d’une portée très importante, ses conditions de mise en œuvre sont strictes, ce qui explique qu’elle ne fasse l’objet que de quelques cas d’application positive : pour des anesthésies générales (CE, Section, 3 novembre 1997, Hôpital Joseph-X, n° 153686), des coronarographies (CE, 22 novembre 2002, Caisse primaire d’assurance maladie de Paris et Caisse régionale d’assurance maladie d’Ile-de-France, n° 186220) ou encore des endoscopies. Le risque n’a pas à être spécifique à une opération mais peut concerner un grand nombre d’actes médicaux, comme par exemple un risque d’accident vasculaire cérébral (CE, 19 mars 2010, Consorts A., n° 313457).

Dès lors qu’une condition n’est pas remplie, la responsabilité sans faute de l’établissement hospitalier public est écartée (CE, 24 octobre 2008, M. et Mme A., n° 297994). C’est par exemple le cas lorsque le préjudice, quoique très grave, ne présente qu’un caractère temporaire (CE, 5 juin 2002, Mme X., n° 208768), lorsque le risque n’était pas connu à la date de l’intervention (CE, 7 juillet 2006, M. A., n° 264217) ou lorsque l’évolution prévisible du patient pouvait se traduire par le dommage constaté (CE, 25 juillet 2007, Centre hospitalier général d’Avignon, n° 274682).

La loi du 4 mars 2002 a repris et modifié les grandes caractéristiques de ce régime (au II de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique) d’indemnisation de l’aléa thérapeutique, c’est—dire des dommages résultats d’un accident médical, d’une affection iatrogène ou d’une infection nosocomiale. La loi reconnaît le droit du patient à être indemnisé du préjudice subi, même en l’absence de faute, lorsque le dommage est directement imputable à des actes de prévention, diagnostic ou de soins, qu’il présente un caractère de particulière gravité (fixé par décret) apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle, et qu’il entraîne pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé et de l’évolution prévisible de celui-ci. La loi abandonne ainsi les conditions reposant sur le caractère exceptionnel et connu du risque. La réparation est à la charge de l’ONIAM.

b)      La prise en charge des dommages transfusionnels et vaccinaux

Le législateur a de longue date reconnu l’existence d’une responsabilité sans faute vis-à-vis des donneurs de produits sanguins. La loi du 2 août 1961 impose ainsi aux établissements de transfusion sanguine d’assumer, même sans faute, la responsabilité des risques encourus par les donneurs. L’affaire dite du « sang contaminé » a conduit à un élargissement de la prise en charge des dommages transfusionnels.

Ainsi, le juge administratif a admis la responsabilité sans faute des hôpitaux publics en raison de dommages causés par la mauvaise qualité des produits fournis par les centres de transfusion sanguine (CE, Assemblée, 26 mai 1995, Consorts X., n° 143238). Si la victime a reçu divers produits sanguins en provenance de plusieurs établissements, il est possible de rechercher la responsabilité d’un établissement public en raison de l’ensemble des raisons subis, ce dernier pouvant alors se retourner vers d’autres co-auteurs de la contamination, par un appel en garantie devant le juge administratif s’il s’agit de personnes publiques ou par une action devant le juge judiciaire s’il s’agit de personnes privées (CE, 15 janvier 2001, Assistance publique – Hôpitaux de Paris, n° 208958).

Par ailleurs, la loi du 4 mars 2002 a également étendu le champ de la réparation intégrale des préjudices résultant, même en l’absence de faute, d’une vaccination obligatoire (article L. 3111-9 du code de la santé publique). Ce faisant, elle a relancé un mécanisme de responsabilité dans un cas particulièrement sensible : celui de la vaccination contre le virus de l'hépatite B. Le débat scientifique n’est pas tranché sur le lien entre maladies neurologiques ou auto-immunes et la vaccination contre l’hépatite B. Toutefois, le Conseil d'État a admis que, lorsque certaines conditions sont réunies, tels l'apparition des symptômes cliniquement constatés de l'affection dans un délai de trois mois maximum après l'injection et l'absence de tout antécédent de cette pathologie antérieurement à cette vaccination chez le malade en cause, la vaccination obligatoire contre l'hépatite B pouvait être regardée comme l'origine d’une maladie, en l’espèce, la sclérose en plaques et la polyarthrite rhumatoïde (CE, 9 mars 2007, Mme A., n° 267635 ; même jour, Commune de Grenoble, n° 278665).

Le législateur a successivement confié à l’ONIAM la mission d’indemnisation, au titre de la solidarité nationale, des victimes de contaminations causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de produits dérivés du sang, par le VIH (article L. 3122-1 du code de la santé publique issu de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004) et par les virus des hépatites B et C (article L. 1221-14, modifié d’abord par la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 puis par la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012). Dans ces différentes hypothèses, la logique de réparation du préjudice prime sur toute recherche de responsabilité.

Encadré : rapport public annuel du Conseil d’Etat de 2005, « Responsabilité et socialisation du risque »

Dans son rapport public annuel de 2005, le Conseil d’Etat met en parallèle le développement de nouveaux risques, conjugué à l’existence d’une demande de couverture de ces risques plus forte, et les évolutions des régimes de responsabilité. Il évoque notamment la mise en place de mécanismes de prise en charge par la solidarité nationale des risques, en particulier dans le secteur de la sécurité sanitaire, et envisage les limites de cette socialisation du risque.

http://www.conseil-etat.fr/Decisions-Avis-Publications/Etudes-Publications/Rapports-Etudes/Responsabilite-et-socialisation-du-risque-Rapport-public-2005

 

[1]Certains contentieux relèvent toutefois de la compétence du juge judiciaire : tel est le cas notamment de l’engagement de la responsabilité personnelle du praticien (civile et, parfois, pénale), du contentieux mettant en cause des établissements privés de santé participant au service public hospitalier et de la responsabilité des praticiens exerçant à titre libéral au sein d’un établissement public de santé.

[2]Le juge admet de tenir compte du régime sous le patient est hospitalier pour apprécier l’existence d’une faute du centre hospitalier à n’avoir pas adopté des mesures coercitives de surveillance : CE, 12 mars 2012, Caisse primaire d’assurance maladie du Puy-de-Dôme et Mlle C., n° 342774-342898