Audience publique du 8 mars 2024 à 14 heures

Rôle
Passer la navigation de l'article pour arriver après Passer la navigation de l'article pour arriver avant
Passer le partage de l'article pour arriver après
Skip article sharing

Plénière fiscale

N° 471089

Rapporteur : M. Ferreira          
Rapporteur public : Mme Bokdam-Tognetti

Litiges :

La société Jet Foncière, venant aux droits de la société Bahit Technology, a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles cette société a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1904578 du 2 février 2021, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21PA01725 du 7 décembre 2022, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel formé par la société Jet Foncière contre ce jugement.  

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 février, 2 mai et 13 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Jet Foncière demande au Conseil d'Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Questions justifiant l’examen de l’affaire par la formation de Plénière fiscale :

Il est de jurisprudence constante qu’une erreur comptable délibérée peut être opposée au contribuable. L’administration fiscale peut s’opposer à la rectification d’une telle erreur et l’entreprise doit alors en supporter les conséquences fiscales (CE, 12 mai 1997, Ministre du budget c/ SARL Intraco, n° 160777, T. p. 788 ; CE, Assemblée, 7 juillet 2004, Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie c/ Société Ghesquière Equipement, n°230169, p. 310).

Mais, par une décision du 25 mars 2013 Société Merlett-France (n° 355035, CE, T. p. 570), il a été jugé, dans le cas d’une erreur qui avait seulement affecté par compensation deux comptes au passif enregistrant une même créance d’un même tiers et n’avait pas eu pour conséquence d’augmenter l’actif net d’une société, « qu’une telle erreur, qu’elle soit regardée comme rectifiable ou délibérée ne saurait avoir d’incidence sur le bénéfice net de la société » et ne pouvait dès lors fonder un redressement.

En l’espèce, l’administration fiscale a constaté qu’une entreprise avait comptabilisé à son passif, au nom d’un associé, une dette correspondant à une avance consentie pour l’acquisition d’un ensemble immobilier, alors que cet associé ne lui avait pas avancé cette somme, et a réintégré au bénéfice ce passif qu’elle a regardé comme injustifié.

La société peut-elle faire échec à ce redressement en se prévalant de ce que l’avance en cause lui avait été en réalité consentie par un autre associé – qui souhaitait dissimuler l’origine des fonds – et qu’elle correspondrait ainsi à un passif justifié dont seule la désignation comptable du titulaire aurait été erronée ?

En d’autres termes, l’irrégularité comptable délibérément commise par une société sur l’identité du titulaire d’une dette figurant à son passif, consistant à inscrire cette dette au compte courant d’un autre associé que celui qui lui avait réellement avancé la somme, est-elle passible de la théorie dite des « erreurs comptables délibérées » ou bien faut-il, au motif que la dette de la société était réelle et devait être effectivement inscrite à son passif bien qu’au nom d’un autre titulaire, étendre à une telle hypothèse l’approche retenue dans la  décision n° 355035 du 25 mars 2013 et la regarder comme dépourvue d’incidence sur le bénéfice fiscal et insusceptible de fonder un redressement ?