Réutilisation des informations du secteur public

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Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis rendu par le Conseil d'État sur un projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public. Retrouvez ci-dessous l'analyse juridique que le Conseil d'État a faite du projet qui lui était soumis.

CONSEIL D'ÉTAT
Assemblée générale                                                                                                                                                                                 
Section de l’administration

Séance du 23 juillet 2015
N° 390278   

EXTRAIT DU REGISTRE DES DELIBERATIONS

AVIS SUR UN PROJET DE LOI relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public

1. Le Conseil d’État a été saisi le 26 juin 2015, le 20 juillet 2015 et le 23 juillet 2015, d’un projet de loi comportant 10 articles, relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public qui, notamment, transpose la directive 2013/37/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 modifiant la directive 2003/98/CE concernant la réutilisation des informations du secteur public en modifiant plusieurs articles de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif.

Objet du projet de loi

2. Le projet de loi a pour objet :
a.   D’assouplir les conditions tarifaires de la réutilisation des informations publiques ;
b.   De restreindre les possibilités de recourir à des accords d’exclusivité ;
c.  D’élargir le champ d’application des obligations de rediffusion aux informations contenues dans les documents détenus par les bibliothèques universitaires, les bibliothèques, musées et archives qui sont des établissements culturels.

3. Au-delà des obligations issues de la directive, le projet a pour objet d’instaurer un principe de gratuité de la réutilisation des informations publiques et de restreindre les exceptions ouvertes par la directive en matière de tarification et d’accord d’exclusivité.

4. Le projet de loi vient enfin modifier l’article 59 de la loi précitée afin de mettre le droit interne  en  conformité  avec  la  décision  du  Conseil  constitutionnel  LOM  n°  2014-5  du 23 octobre 2014.

5. Le projet de loi n’appelle pas d’autre observation, de la part du Conseil d’État, que les remarques suivantes.

En ce qui concerne l’étude d’impact

6. Pour être regardée comme conforme aux prescriptions de la loi organique du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, l'étude d’impact, y compris dans le dernier état dont le Conseil d’État a été saisi ce jour, doit être complétée, d’une part, dans son paragraphe 2.3.2 pour justifier le choix opéré par le Gouvernement d’instaurer le principe de gratuité de la réutilisation des informations publiques et, d’autre part, en son paragraphe 3.5, pour préciser et évaluer les impacts de cette réforme sur les collectivités territoriales.
En ce qui concerne la transposition de la directive 2013/37/UE du 26 juin 2013

7. Le Conseil d’État a pris note de ce que le projet de loi a pour principal objet la transposition de la directive 2013/37/UE modifiant la directive 2003/98/CE concernant la réutilisation des informations du secteur public dont l’article 2 fixe la date limite de transposition au 18 juillet 2015.  Il  faut  relever  que,  sur  certains  points,  le  droit  interne  applicable  assure  une transposition par avance des obligations de la directive.

8. Le Conseil d’État a observé que le projet de loi va au-delà des obligations de transposition de la directive précitée sans toutefois les méconnaître.
En premier lieu, dans son article 3, il instaure un principe de gratuité de la réutilisation des données publiques, alors que la directive prévoit une tarification au coût marginal.
En deuxième lieu, dans le même article, les possibilités de tarification au coût complet à titre dérogatoire sont définies plus restrictivement que dans la directive.
En troisième lieu, le projet de loi, dans son article 2, fixe une durée maximale de dix ans pour les accords d’exclusivité légalement conclus, alors que la directive se borne à mentionner cette durée à titre indicatif et pour les seuls accords de numérisation de ressources culturelles.
Enfin, le projet de loi, en son article 8, prévoit que seront mis en conformité, lors de leur premier réexamen, les accords d’exclusivité nécessaires à l’exercice d’une mission de service public et entrant dans le nouveau régime, alors que la directive est sur ce point silencieuse.
Le  Conseil  d’État  a  estimé  qu’aucun  texte,  ni  aucun  principe  ne  s’oppose  à  ce  que  le législateur prévoie de telles dispositions plus favorables à la réutilisation de ces informations, y compris la gratuité, dès lors que la directive mentionnée ci-dessus établit des règles harmonisées  au  niveau  européen  en  matière  de  tarification  qui  sont  fixées  comme  des plafonds ou des objectifs minimas.

En ce qui concerne les redevances et les licences de réutilisation

9. S’agissant des redevances de réutilisation, l’article 3 du projet de loi modifie l’article 15 de la loi du 17 juillet 1978 pour poser le principe de gratuité assorti d’un régime d’exceptions, l’une  d’ordre  général  et  l’autre  relative  aux  opérations  de  numérisation  des  fonds  et collections des bibliothèques, y compris des bibliothèques universitaires, des musées et archives.  D’une  part,  le  Conseil  d’État  a  considéré  que  le  champ  d’application  de  la dérogation générale devait être étendu, comme les dispositions de la directive 2013/37/UE l’autorisent, aux administrations tenues de couvrir, par des recettes propres, une part substantielle des coûts liés à l’accomplissement de leurs missions de service public.
D’autre part, il a estimé que la délégation donnée par la loi au décret en Conseil d’État afin de mettre en œuvre l’exception générale, devait être précisée dans son champ d’application pour inclure les organismes relevant à la fois de l’État et des collectivités territoriales et devait renvoyer à des catégories d’organismes inscrits sur une liste à raison des conditions de leur financement et de la nature de leur activité.

10. S’agissant des licences de réutilisation, le Conseil d’État a noté que l’article 4 du projet évite le risque que l’adoption d’un principe général de gratuité ne prive de base légale des licences qui, sans être assorties de redevances, peuvent contenir des précisions utiles quant aux obligations encadrant la réutilisation des informations publiques, prévues notamment à l’article 12 de la loi du 17 juillet 1978, telles que l’intégrité des données, la mention de la source et la date de leur mise à jour. De telles licences sont d’ailleurs prévues à l’article 8 de la directive précitée indépendamment de la perception d’une redevance.

En ce qui concerne l’application des règles nouvelles aux contrats et situations en cours

11. S’agissant de la mise en conformité des accords d’exclusivité existants, le I de l’article 8 détermine  un  régime  transitoire  pour  les  contrats  qui  n’entrent  pas  dans  le  champ  de l’exception ouverte par l’article 14 de la loi du 17 juillet 1978 au titre de l’exercice d’une mission  de service public et  qui  doivent, conformément  aux  dispositions  de la directive 2013/37/UE, prendre fin à leur échéance ou au plus tard le 18 juillet 2043. Pour les contrats d’exclusivité qui entrent dans le champ de l’exception précitée, le Conseil d’État a admis que le I de l’article 8 puisse prescrire leur mise en conformité lors du premier réexamen triennal qui suit la date de promulgation de la loi, eu égard à l’intérêt général que revêt la politique de diffusion et de réutilisation des informations publiques.

12. S’agissant de la mise en conformité des licences en cours à la date d’entrée en vigueur du projet de loi, le Conseil d’État a admis que le II de l’article 8 du projet de loi puisse établir un régime de mise en conformité avec les nouvelles dispositions tarifaires introduites à l’article 15 de la loi du 17 juillet 1978 au plus tard à une date qu’il a fixée au 1er janvier de l’année suivant  celle  de  la  publication  de  la  loi.  En  ce  qui  concerne  les  licences  de  nature réglementaire utilisées par les collectivités territoriales, il a considéré que cette mise en conformité ne portait pas une atteinte excessive au principe de leur libre administration. En ce qui concerne les licences de nature contractuelle, il a estimé que l’atteinte ainsi portée à la liberté contractuelle  était  à la fois  proportionnée et  justifiée tant  par  les  dispositions  de l’article 2 de la directive 2013/37/UE qui imposent d’appliquer les dispositions de droit interne nécessaires pour se conformer à cette directive à partir du 18 juillet 2015, que par l’intérêt général qui s’attache au développement de la diffusion gratuite des informations publiques.

Cet  avis  a  été  délibéré  par  l’assemblée  générale  du  Conseil  d’État  dans  sa  séance  du 23 juillet 2015.