Projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants

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Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis du Conseil d’État sur le projet de loi relatif à l'orientation et à la réussite des étudiants.

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Conseil d'État

Assemblée générale
Séance du jeudi 16 novembre 2017
Section de l’intérieur
Section sociale

N° 393743

Extrait du registre des délibérations

Avis sur un projet de loirelatif à l’orientation et à la réussite des étudiants

1. Le Conseil d'État a été saisi le 2 novembre 2017 d’un projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants. Ce texte a fait l’objet de deux saisines rectificatives le 14 novembre sur le projet de loi et les 14 et 16 novembre en ce qui concerne l’étude d’impact.

2. Ce projet de loi comporte sept articles qui définissent les conditions dans lesquelles les bacheliers sont inscrits dans une formation du premier cycle de l’enseignement supérieur, instaurent un accès prioritaire dans l’ensemble des formations de l'enseignement supérieur public pour les meilleurs bacheliers dans chaque série et spécialité du baccalauréat, supprime le régime spécifique aux étudiants de prise en charge de leurs frais de santé et la délégation de sa gestion aux mutuelles d’étudiants, instituent une « contribution » acquittée par les étudiants pour favoriser leur accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif, créent un droit de césure dans la poursuite d’étude, précisent les conditions d’application outre-mer, enfin prévoient qu’un bilan de la loi est présenté au Conseil supérieur de l’éducation et au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche.

3. L’étude d’impact, complétée les 14 et 16 novembre, par des données statistiques éclairant les difficultés rencontrées lors de la campagne d’admission dans l’enseignement supérieur en 2017 auxquelles le projet entend remédier, et portant sur les flux prévisionnels des candidats concernés dès la rentrée 2018 par les nouvelles modalités d’accès au premier cycle répond aux principales exigences de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

4. Le Conseil d’État prend acte de ce que le projet de loi a pour objectifs, d’une part, de lutter contre la persistance de taux d’échec élevés dans le premier cycle universitaire, d’autre part, de mettre fin au recours au tirage au sort institué par la circulaire du 24 avril 2017 de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche pour départager les candidats qui au terme du processus d’Admission Post-Bac (APB) disposent d’un même ordre de priorité en vue de leur inscription dans une formation dans laquelle l’effectif des candidatures excède les capacités d'accueil, enfin, de tirer les conséquences de la décision n° 2017-053 du 30 août 2017 par laquelle la CNIL a mis en demeure le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation de « cesser de prendre des décisions produisant des effets juridiques à l’égard des personnes sur le seul fondement d’un traitement automatisé de données destiné à définir le profil de l’intéressé ; en particulier, prévoir une intervention humaine permettant de tenir compte des observations des personnes ».

Sur les conditions d’accès au premier cycle l’enseignement supérieur

5. Si le projet de loi ne remet pas en cause le principe énoncé au premier alinéa de l’article L. 612-3 du code de l’éducation aux termes duquel « Le premier cycle est ouvert à tous les titulaires du baccalauréat », il abroge les dispositions figurant dans ce même article, issues de la loi n° 84‑52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur, selon lesquelles, d’une part, « tout candidat est libre de s'inscrire dans l'établissement de son choix » et, d’autre part, « les dispositions relatives à la répartition entre les établissements et les formations excluent toute sélection ».

6. Le Conseil d’État estime que l’« exigence constitutionnelle d'égal accès à l'instruction » rappelée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2001-450 DC du 11 juillet 2001et résultant dutreizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ne fait pas obstacle à ce que le législateur, compétent en application de l’article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux de l'enseignement, puisse, comme il l’a fait pour les formations sélectives mentionnées au troisième alinéa de l’actuel article L. 612-3 du code de l’éducation dont les règles applicables ne sont pas modifiées par le projet de loi, établir les conditions dans lesquelles les bacheliers peuvent être inscrits dans une formation du premier cycle de l’enseignement supérieur et prévoir, le cas échéant, des modalités d’admission ou de rejet des candidatures à certaines filières universitaires, qui soient fondées sur des critères objectifs en rapport notamment avec le projet, la formation et les compétences des candidats. Ce faisant, il appartiendra aux autorités compétentes de veiller, sous le contrôle du juge de la légalité, à ce que ces modalités précises d’accès à ces filières reposent sur des critères de nature à garantir le respect du principe d’égalité.

7. Le projet impose aux établissements dispensant une formation d’enseignement supérieur, et en concertation avec les lycées, une obligation générale d’information des candidats à l’accès en premier cycle devant conduire à porter à leur connaissance les « caractéristiques de chaque formation », sélectives ou non, en tension ou non. En outre, les Universités et établissements devront créer en premier cycle des « dispositifs d’accompagnement pédagogique » et des « parcours de formation personnalisés » destinés à contribuer à la réussite des étudiants. Le projet maintient le principe selon lequel l’inscription dans une formation du premier cycle est prononcée à l’issue d’une procédure nationale de préinscription. Au cours de celle-ci, les candidats seront appelés à exprimer sur une plateforme numérique, qui remplacera le portail « Admission-Postbac » et les mettra en relation avec les établissements, leurs demandes d’inscription sans les classer selon un ordre de priorité.

8. S’agissant des formations dans lesquelles la capacité d’accueil est suffisante, le projet de loi réaffirme le principe de liberté d’inscription du candidat dans l’une des formations de son choix. L’inscription est alors prononcée par le président ou le directeur de l’établissement. Toutefois, le projet prévoit pour ces formations comme pour l’ensemble de celles ouvertes aux étudiants que « l’inscription (…) peut être subordonnée à l’acceptation, par le candidat, du bénéfice des dispositifs d'accompagnement pédagogique ou du parcours de formation personnalisé proposés par l’établissement pour favoriser sa réussite ». Le Conseil d’État complète la rédaction pour préciser que ces dispositifs tiennent compte des acquis de formation et des compétences du candidat ainsi que des caractéristiques de la formation dans laquelle il souhaite s’inscrire.

9. Le Conseil d’État relève que ces dispositions n’ont pas pour objet d’interdire l’accès à une formation de premier cycle, mais de le subordonner à l’acceptation d’un accompagnement pédagogique ou d’un parcours personnalisé que les établissements sont tenus d’instituer (par exemple sous forme de stages, de cours renforcés, le cas échéant d’allongement de la durée du cursus), destiné à aider l’étudiant. Le Conseil d’État constate, sans que cela ne soulève de difficultés de sa part, que la rédaction retenue par le projet implique nécessairement que le refus de l’étudiant d’accepter le dispositif d’accompagnement personnalisé qui lui est proposé justifie légalement le refus par l’Université ou l’établissement de l’inscrire dans la formation concernée.

En ce qui concerne les formations « en tension ».

10.Les dispositions du projet de loi prévoient que les capacités d’accueil des formations de premier cycle de l’enseignement supérieur des établissements relevant du ministre chargé de l’éducation nationale et du ministre chargé de l’enseignement supérieur « sont arrêtées » chaque année par l’autorité académique « après proposition » de l’établissement. Le Conseil d’État considère que cette rédaction implique nécessairement que l’autorité académique a la faculté, pour des motifs justifiés, de s’écarter de la proposition qui lui est transmise. Il estime que ces dispositions sont cohérentes avec la logique d’autonomie des Universités poursuivie par le législateur, principe qui, au demeurant, « n’a pas valeur constitutionnelle » (CE, 7 novembre 2016, Conférence des présidents d’université, n° s 395652 et 399523).

11. Pour l’accès aux formations dites « en tension », dans lesquellesl'effectif des candidatures excède les capacités d'accueil arrêtées par l’autorité académique, les inscriptions sont prononcées par le président ou le directeur de l’établissement dans la limite de ces capacités « au regard de la cohérence entre, d’une part, le projet de formation du candidat, les acquis de sa formation initiale ou ses compétences et, d’autre part, les caractéristiques de la formation ». Le Conseil d’État relève que le critère ainsi fixé par le projet de loi conduit à écarter tout recours au tirage au sort et permet de porter une appréciation personnelle sur chaque candidature.

12. Le Conseil d’État estime que l’examen conjoint du projet du candidat, des résultats qu’il a obtenus dans telle ou telle série ou filière de baccalauréat (attestés par des relevés de notes et des appréciations des professeurs principaux), des éléments mis en avant par lui au titre des compétences qu’il a pu acquérir en ce qui concerne, le cas échéant, les stages, les expériences diverses ou les cursus particuliers, d’une part, et des caractéristiques de la formation telles qu’elles ont été définies par l’établissement et publiées au cours de la phase de préinscription, d’autre part, conduit à porter une appréciation d’ensemble fondée sur des critères suffisamment objectifs et rationnels, en relation avec l’objet du projet pour éviter l’arbitraire. Respectueuse du principe constitutionnel d’égal accès à l’instruction, cette mise en regard laisse en même temps aux établissements d’enseignement supérieur une certaine marge d’appréciation pour ordonner les candidatures à leurs formations non sélectives, dans le respect du principe d’autonomie que le législateur a établi au profit des Universités.

13. Pour que toutes les précisions utiles puissent être apportées par les candidats à l’appui de leur demande d’inscription, le Conseil d’État recommande que la plateforme numérique laisse une large place à leur expression libre comportant notamment pour eux la possibilité de déposer un curriculum vitae, une lettre de motivation, ou encore d’expliquer leurs choix

En ce qui concerne les dispositifs propres à certaines catégories de  bacheliers pour l’accès au premier cycle.

14. Le projet est complété par deux dispositifs spécifiques d’accès au premier cycle pour l’accès aux formations dans lesquelles le nombre de candidatures excède les capacités d’accueil. Le premier permet à l’autorité académique de fixer une priorité d’accès pour des formations du premier cycle sous forme d’un pourcentage minimal de bacheliers bénéficiaires d’une bourse nationale de lycée. Ce pourcentage est établi en fonction du rapport entre le nombre des bacheliers boursiers candidats à l’accès à cette formation et le nombre total de demandes d’inscription dans cette formation enregistrées dans le cadre de la procédure de préinscription. Le Conseil d’État estime qu’eu égard à l’intérêt général qui s’attache à favoriser un accès effectif aux filières universitaires des étudiants issus de familles aux ressources modestes, ces dispositions qui reposent sur un critère objectif et sur des modalités de calcul rationnelles et qui ne conduisent pas à fermer l’accès des autres bacheliers aux formations concernées ne portent pas atteinte au principe d’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, inscrit au treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. (Assemblée générale, Avis sur le projet de loi "Égalité et citoyenneté", 31 mars 2016, n° 391255)

15. En second lieu, le projet donne compétence à l’autorité académique pourprocéder à une pondération géographiquedes inscriptionsdans les formations non sélectives où le nombre de candidatures excède les capacités d’accueilen fixant des pourcentages maximaux de bacheliers résidant dans une académie autre que celle dans laquelle est situé l’établissement dans lequel ils sollicitent leur inscription. Ce pourcentage est établi en fonction du rapport entre le nombre des candidats à une formation bacheliers de l’académie et des candidats bacheliers hors académie pour la même formation. Il tend notamment à éviter que des bacheliers ne subissent des effets excessifs d’éviction des formations proposées au sein de leur académie ou que contraints de s’inscrire loin de leur domicile, ils s’exposent à des coûts susceptibles de limiter leur accès à l’enseignement supérieur. Le Conseil d’État considère que ces dispositions visent un objectif d’intérêt général, qu’elles reposent sur un critère objectif et des modalités de calcul rationnelles en rapport avec l’objet de la loi, qu’elles ne conduisent pas à fermer l’accès des autres bacheliers aux formations concernées et que, par suite, elles ne portent pas atteinte au principe d’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, inscrit au treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

16. Enfin, le projet prévoit que l’autorité académique pourra en dernier ressort, à l’issue d’un dialogue avec les intéressés et avec l’accord de ces derniers,inscrire dans une formation du premier cycle des candidats domiciliés dans la région académique auxquels aucune proposition d’admission n’a été faite dans le cadre de la procédure nationale de préinscription.

Sur le dispositif « meilleurs bacheliers »

17. Dans sa rédaction actuelle issue d’un amendement parlementaire à la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, l’article L. 612-3-1 prévoit que sur la base de leurs résultats au baccalauréat, les « meilleurs élèves par filière » de chaque lycée bénéficient d'un accès prioritaire dans les formations de l'enseignement supérieur public où une sélection peut être opérée. Le projet étend cet accès prioritaire pour les « meilleurs élèves dans chaque série et spécialité » à l’ensemble des formations de l'enseignement supérieur public, y compris non sélectives. Comme c’est le cas aujourd’hui le pourcentage des élèves bénéficiant de ce droit est fixé par décret. Il est de façon constante porté à 10 % depuis 2013. Le Conseil d’État estime que ces dispositions, qui établissent une proportion de bacheliers bénéficiant d’un « droit d’accès » sur la base d’un critère objectif et non discriminatoire tenant au mérite académique des candidats, sans pour autant fermer l’accès des formations concernées aux autres bacheliers, ne portent pas atteinte au principe d’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, inscrit au treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. (Assemblée générale, Avis sur le projet de loi "Égalité et citoyenneté", 31 mars 2016, n° 391255)

Sur les dispositions relatives à la sécurité sociale étudiante

Sur la suppression de la cotisation forfaitaire due par les étudiants accomplissant des études supérieures

18. Le projet de loi supprime le régime spécifique aux étudiants de prise en charge de leurs frais de santé, assumée désormais dans le cadre de la protection universelle maladie (PUMA), entrée en vigueur le 1er janvier 2016.

19. La suppression de l’affiliation spécifique des étudiants fait disparaître la cotisation forfaitaire, prévue à l'article L. 381-8 du code de la sécurité sociale, due chaque année par les étudiants âgés de plus de vingt ans et suivant des études supérieures, hormis ceux d’entre eux qui sont boursiers, qui exercent une activité professionnelle minimale ou qui sont réfugiés, bénéficiaires de la protection subsidiaire ou demandeurs d'asile. D’un montant de 217 €, cette cotisation est acquittée au 1er septembre.

20. Sa disparition entraînera dès l’année 2018 une baisse d’environ 200 millions d’euros, non compensée, pour l’assurance maladie au profit de laquelle elle est établie.

21. Le Conseil D’État regrette qu’une disposition d’une telle ampleur n’ait pas figuré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. S’il estime que les dispositions de l’article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale ne font pas obstacle à ce qu’elle figure dans une loi ordinaire, c’est à la condition que, conformément aux dispositions du VI du même article, la plus prochaine loi de financement de la sécurité sociale prenne en compte son impact financier. Il appelle, en conséquence, l’attention du Gouvernement sur la nécessité de proposer au Parlement de tenir compte de ses incidences sur les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale dans le cadre du débat, encore en cours, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, si du moins le présent projet de loi est examiné par le Parlement avant la fin de la discussion parlementaire sur ce projet de loi de financement.

22. Le Conseil d’État relève, par ailleurs, que la suppression de la cotisation forfaitaire précitée modifie en profondeur les conditions dans lesquelles les étudiants bénéficieront de la prise en charge des frais de santé dans le cadre de la PUMA. S’ils exercent une activité professionnelle, ils resteront redevables des contributions et cotisations dues au régime de sécurité sociale auquel ils sont affiliés. S'ils ne perçoivent pas de revenus d'activité professionnelle  mais qu’'ils ont par ailleurs d’autres ressources mentionnées à l'article L. 380-2 du code de la sécurité sociale dont le montant dépasse un plafond fixé par décret, ils devront s’acquitter de la cotisation annuelle prévue au même article dont sont redevables les bénéficiaires de la PUMA. Dans les autres cas, ils ne contribueront plus au financement de la protection universelle maladie.

23. L’assiette de la cotisation annuelle prévue à l’article L. 380-2, fixée en fonction du montant des revenus de toute nature des bénéficiaires de la PUMA, prend également en compte l'ensemble des moyens d'existence et des éléments de train de vie dont ils disposent. Le Conseil d’État appelle l'attention du Gouvernement sur l'importance des seuils et taux applicables, qui doivent être fixés par le pouvoir réglementaire de telle sorte que le dispositif ne porte pas atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques. Dans ces conditions, le projet de loi, s'il maintient une différence de traitement entre les étudiants exerçant une activité professionnelle et ceux qui n’en exercent pas, soumet au même régime les étudiants et les autres bénéficiaires de la PUMA relevant de l’article L. 380-2. Le Conseil d'État considère que, dans cette mesure, la disposition peut être admise.

Sur le transfert des droits et obligations des organismes délégataires de la gestion des prestations de santé dues aux étudiants

24. Le projet de loi supprime également la délégation des opérations de gestion des prestations de santé dues aux étudiants à des mutuelles ou groupements de mutuelles régis par le code de la mutualité, opérations qui seront désormais confiées à la caisse nationale d’assurance maladie. Son VI met fin en conséquence, au plus tard au 31 août 2019, aux conventions et contrats conclus à cet effet entre ces mutuelles ou groupements de mutuelles et les organismes chargés de la gestion des régimes obligatoires. Il prévoit que les droits et obligations des organismes délégataires, y compris les contrats de travail, afférents à la gestion leur ayant été confiée, sont transférés de plein droit à la même date aux organismes d’assurance maladie du régime général.

25. Le Conseil d’État donne un avis favorable à cette disposition qui, dans une situation ne relevant pas des dispositions de l’article L. 1224-1 du code du travail, transfère automatiquement des contrats de travail afférents à la gestion de l'assurance maladie des étudiants, entre des organismes purement privés, les mutuelles, et des organismes de base de sécurité sociale. Il considère que cette disposition ne porte pas atteinte à la Constitution, aux principes constitutionnels applicables aux relations de travail, ni à la liberté d'entreprendre des mutuelles, dès lors qu’elle est justifiée par un motif d'intérêt général, qui est d’améliorer l'efficacité et la gestion de la prise en charge des frais de santé des étudiants.

Sur l’instauration d’une contribution destinée à favoriser l’accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif des étudiants

26. Le projet de loi insère dans le code de l’éducation un nouvel article L. 841-5 qui institue une « contribution » destinée au financement de l’accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif des élèves et étudiants et des actions de prévention et d’éducation à la santé réalisées à leur intention, affectée à cette fin aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) et à certains établissements d’enseignement supérieur. Cette contribution est due annuellement par les élèves et étudiants, à l’exception de ceux qui sont boursiers de l’enseignement supérieur, lors de leur inscription à une formation initiale d’enseignement supérieur.

27. Le Conseil d’État constate que, dans son principe, cette contribution ne méconnaît aucun principe de valeur constitutionnelle.

28. Le Conseil d’État estime que cette contribution présente, en l’absence de contrepartie directe à son paiement, le caractère d’une « imposition de toute nature » dont les règles relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de recouvrement relèvent de la loi en application de l’article 34 de la Constitution.

29. Il considère que les conditions prévues par l’article 2 de la loi organique du 1er août 2001 relatives aux lois de finances (LOLF) pour affecter directement à un tiers une imposition à raison des missions de service public qui lui sont confiées sont au cas d’espèce réunies. Cette affectation peut être prévue dans une loi ordinaire compte tenu du fait qu’elle ne porte pas sur une ressource établie au profit de l’État.

30. Le montant limité de la contribution proposé par le projet de loi n’appelle pas de critiques de la part du Conseil d’État. En fixant forfaitairement ce montant à 60, 120 et 150 € respectivement pour les étudiants des premier, deuxième et troisième cycles, tout en exonérant de la contribution les étudiants boursiers, ces dispositions n’entraînent pas de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques (Conseil constitutionnel, 13 avril 2012, décision n° 2012-231/234 QPC, M. Stéphane C. et autres, Contribution pour l'aide juridique de 35 € par instance et droit de 150 € dû par les parties à l'instance d'appel).

31. Afin d’épuiser la compétence que le législateur tient de l’article 34 de la Constitution et clarifier la portée des dispositions du projet de loi, le Conseil d’État complète sa rédaction. Sont ainsi précisées les modalités de recouvrement de la contribution, qui suivront le régime applicable aux établissements publics de l’État, dont relèvent les CROUS. En l’absence de dispositions particulières quant au régime contentieux de la contribution, celui-ci suivra le régime applicable aux créances de ces mêmes établissements publics. Sont également précisés les critères selon lesquels sera affectée une part de la contribution aux établissements d’enseignement supérieur, qui sera déterminée en fonction de la catégorie à laquelle appartient l’établissement, de ses effectifs et du nombre de ses sites d’implantation.

Sur le droit de césure

32. Le projet offre à chaque étudiant de premier cycle la faculté de suspendre temporairement sa présence dans l’établissement, tout en y restant inscrit, pour une durée maximale d’une année universitaire. Cette possibilité est encadrée. Elle requiert l’accord du président ou du directeur de l’établissement concerné et elle donne lieu à la conclusion d’une convention entre l’étudiant et l’établissement, qui précisera le cadre de cette suspension de formation, sa finalité, les objectifs qui y sont associés et les modalités de restitution de l’expérience acquise pendant cette période.

33. Le Conseil d’État écarte les dispositions du projet issues d’une saisine rectificative excluant du maintien du bénéfice des bourses sur critères sociaux les étudiants bénéficiant du droit de césure inscrits pour la première fois en première année du premier cycle. Il estime que cette exclusion institue vis-à-vis des autres catégories d’étudiants bénéficiaires du droit de césure une discrimination qui n’est fondée sur aucune différence de situation en rapport avec l’objet de la loi, ni sur aucun motif d'intérêt général, en méconnaissance donc du principe constitutionnel d’égalité. L’appréciation du maintien ou non, pendant la période de césure, des bourses d’enseignement supérieur sur critère sociaux se fera dans les conditions du droit commun résultant des dispositions des articles L. 821-1 et D. 821-1 du code de l’éducation ainsi que des textes pris pour leur mise en œuvre, notamment pour ce qui concerne la dispense de l’obligation d’assiduité à laquelle est subordonné le droit à la bourse.

Sur l’obligation de présenter un bilan au Conseil supérieur de l’éducation et au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche

34. Le Conseil d’État écarte les dispositions du projet, issues d’une saisine rectificative, prévoyant qu’un bilan de la loi est présenté au Conseil supérieur de l’éducation et au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche au plus tard à la fin du premier semestre de l’année 2020. Sans nier l’utilité d’un tel bilan, il estime que ces dispositions ne relèvent pas des principes fondamentaux de l’enseignement au sens de l’article 34 de la Constitution et observe qu’il est toujours loisible au ministre chargé de l’enseignement supérieur de demander aux services et corps d’inspection, qui ont une mission générale d’évaluation, placés auprès de lui de produire ce bilan.

Sur la mise en œuvre de la réforme

 35. Enfin le Conseil d’État appelle particulièrement l’attention du Gouvernement sur le calendrier extrêmement tendu et contraint dans lequel doit être mise en œuvre une réforme qui concernera plus de 600 000 nouveaux arrivants dès la rentrée universitaire 2018 et dont l’essentiel (processus amont d’information et d’orientation, nouvelle plateforme numérique de préinscription, conformité aux exigences de la législation sur l’informatique et les libertés, conditions du dialogue entre lycées, étudiants, universités et rectorats, notamment) reste à construire dans des délais très brefs et, au plus tard, à la mi-mars 2018, comme l’ont indiqué les commissaires du Gouvernement

Cet avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’État dans sa séance du jeudi 16 novembre 2017.