Projet de loi pour un Etat au service d’une société de confiance

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Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis du Conseil d’État sur le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance.

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Assemblée générale

Séance du 23 novembre 2017

Section de l’intérieur
Section des finances
Section des travaux publics
Section sociale
Section de l’administration

EXTRAIT DU REGISTRE DES DÉLIBERATIONS (rectificatif)

N° 393744

AVIS SUR UN PROJET DE LOI pour un État au service d’une société de confiance

1. Le Conseil d’État a été saisi le 31 octobre 2017 d’un projet de loi pour un État au service d’une société de confiance. Ce projet de loi a été modifié par quatre saisines rectificatives reçues respectivement les 20, 22 et 23 novembre 2017 en ce qui concerne le texte du projet et, s’agissant de l’étude d’impact, le 22 novembre 2017.

2. Ce projet de loi, qui comprend quarante-huit articles, dont un article préliminaire, est organisé en deux titres, respectivement intitulés « Une relation de confiance : vers une administration de conseil et de service » et « Vers une action publique modernisée, simple et efficace ». Afin de mieux distinguer les dispositions relevant d’une loi de programmation et celles présentant un caractère normatif, le Conseil d’État juge nécessaire de modifier cette structure en créant un titre préliminaire « Dispositions d’orientation et de programmation » comprenant un article d’approbation de la « stratégie nationale d’orientation de l’action publique », annexée au projet de loi.

3. Dans sa version initiale, l’étude d’impact du projet est apparue, pour beaucoup de dispositions, lacunaire ou insuffisante au regard des prescriptions de la loi organique du 15 avril 2009. Le Conseil d’État souligne en effet que ce projet de loi comportant, pour une large part, des dispositions qui tendent à modifier des règles de procédure appliquées par de très nombreuses administrations, la pertinence des solutions proposées et les conséquences qui en résulteront doivent être analysées avec une attention particulière.

Le Gouvernement a, par la saisine rectificative du 22 novembre 2017, complété et approfondi l’étude d’impact initiale sur plusieurs points. Toutefois, le Conseil d’État constate que, dans certains cas, cette étude reste en-deçà de ce qu’elle devrait être, de sorte qu’il incombe au Gouvernement de l’améliorer encore avant le dépôt du projet de loi au Parlement, en particulier sur les points qui seront mentionnés dans les développements qui suivent.

4. Le projet de loi comporte de nombreuses habilitations à légiférer par ordonnance en application de l’article 38 de la Constitution. Le Conseil d’État a veillé à définir avec une précision suffisante les finalités et le domaine d’intervention de ces ordonnances, sans descendre cependant dans un degré de détail excessivement contraignant au regard des finalités poursuivies.

5. S’agissant des expérimentations organisées sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution, le Conseil d’État rappelle que la dérogation au principe d’égalité devant la loi n’est possible que pour une expérimentation ayant un objet limité et pour une durée qui, tout en étant suffisante, doit être strictement nécessaire et que l’objet de ces expérimentations ne peut, par suite, consister en la création de dispositifs dérogatoires permanents ou de très longue durée.

Pour chacune des expérimentations prévues par le projet de loi, le Conseil d’État s’est donc attaché à vérifier que l’objet et la durée de l’expérimentation étaient définis de manière précise et adéquate. Il estime en outre nécessaire de préciser que chaque expérimentation fait l’objet d’une évaluation dont les résultats sont transmis au Parlement.

6. Au-delà de ces remarques liminaires, et outre de nombreuses améliorations de rédaction qui s’expliquent d’elles-mêmes, ce projet de loi appelle, de la part du Conseil d’État, les observations suivantes.

En ce qui concerne le titre préliminaire « Dispositions d’orientation et de programmation » 

Sur la « stratégie nationale d’orientation de l’action publique pour la France »

7. Cette stratégie nationale définit des principes, objectifs et orientations devant guider l’administration dans son action et que de nombreuses dispositions du projet de loi illustrent. Tant le principe de clarté de la loi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi imposent que de telles dispositions d’orientation ou de programmation, ayant pour objet de définir « les objectifs de la politique de l’État » en vertu de l’antépénultième alinéa de l’article 34 de la de la Constitution, soient distinguées des dispositions ayant une portée normative dans des subdivisions de nature à en éclairer la portée et à en faciliter la lecture. En l’espèce, la stratégie nationale, approuvée par le projet de loi, y a donc été placée en annexe.

8. Le Conseil économique, social et environnemental a été consulté en application des dispositions de l’article 70 de la Constitution selon lesquelles « le Conseil économique, social et environnemental est consulté sur tout (…) projet de loi de programmation à caractère économique, social et environnemental.Si, de manière générale, les dispositions relatives aux relations entre l’administration et le public ne présentent pas, par elles-mêmes, un tel caractère, le Conseil d'État relève que la stratégie nationale d’orientation de l’action publique comporte l’énoncé d’objectifs ou de principes ayant des incidences sur la vie des entreprises ou dans le domaine social.  Cette consultation était donc juridiquement nécessaire.

9. Le Conseil d’État juge nécessaire de préciser que les différentes collectivités publiques, notamment locales, concourent à la mise en oeuvre de cette stratégie nationale, dont il sera rendu compte annuellement au Parlement. Par ailleurs, il estime que les objectifs ou principes redondants par rapport aux dispositions normatives du projet de loi n’ont pas à figurer dans cette annexe.

En ce qui concerne le titre Ier « Une relation de confiance : vers une administration de conseil et de service  » .

10. A titre liminaire, le Conseil d’État appelle l’attention sur le fait que la codification au sein du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) de plusieurs des dispositions du projet a pour conséquence, en vertu de l’article L. 100-1 de ce code, de les rendre inapplicables si des dispositions spéciales régissent la question.

Sur la reconnaissance d’un « droit à l’erreur »

11. Le projet de loi insère un nouveau chapitre III au sein du titre II du livre Ier du CRPA, comprenant un article unique (L. 123-1) qui entend reconnaître un « droit à l’erreur » au bénéfice de l’usager de l’administration en cas de méconnaissance d’une règle applicable à sa situation, y compris lorsque celle-ci conditionne le bénéfice d’une prestation. Lorsque la personne en cause régularise sa situation, de sa propre initiative ou après y avoir été invitée par l’administration, le projet de loi prévoit qu’elle ne pourra faire l’objet d’une sanction pécuniaire ou être privée d’une prestation si, remplissant les conditions auxquelles celle-ci est subordonnée, la personne y a effectivement droit.

12. Le Gouvernement a fait le choix, que l’étude d’impact justifie insuffisamment, de reconnaître un droit à l’erreur général dans les procédures déclaratives plutôt que d’identifier, comme c’est déjà le cas en matière fiscale, celles des procédures dans lesquelles une invitation à régulariser avant sanction devrait être créée. Ce choix oblige à créer des exceptions pour tenir compte de la variété des obligations déclaratives et ne pas reconnaître ce droit dans des hypothèses qui ne correspondent pas aux objectifs recherchés. Il est donc nécessaire de spécifier que le mécanisme du droit à l’erreur n’est pas applicable :

-          aux sanctions requises pour la mise en œuvre du droit de l’Union européenne ;

-          aux sanctions prononcées en cas de méconnaissance des règles protégeant la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement ;

-          aux sanctions prévues par un contrat ;

-          et, enfin, à celles qui sont prononcées par les autorités de régulation à l’égard des professionnels soumis à leur contrôle ; cette dernière réserve permet d’exclure du champ d’application de la loi les professionnels en cause, qui connaissent et maîtrisent les règles de droit applicables, peuvent se faire assister d’un conseil juridique et ne sont donc pas concernés par le mécanisme du droit à l’erreur.

Sur la reconnaissance d’un « droit au contrôle »

13. Le projet de loi insère un chapitre IV au sein du titre II du livre Ier du CRPA, comprenant deux articles qui entendent reconnaître, pour toute personne, un « droit au contrôle » par l’administration. L’article L. 124-1, applicable à tout contrôle prévu par la loi ou la règlementation, prévoit, dans sa version issue de la saisine rectificative reçue le 23 novembre 2017, que l’administration est tenue de faire droit à une telle demande dans un délai raisonnable, sauf en cas de mauvaise foi du demandeur, de demande abusive ou lorsque la demande a manifestement pour effet de compromettre le fonctionnement du service ou de mettre l’administration dans l’impossibilité matérielle de mener à bien son programme de contrôle. L’article L. 124-2, dans sa version issue de la même saisine rectificative, rend opposables les conclusions du contrôle à l’administration dont elles émanent. Il prévoit toutefois, d’une part, que ces conclusions ne peuvent être opposables lorsqu’elles font obstacle à l’application des dispositions législatives ou réglementaires visant à assurer la sécurité des biens et des personnes ou la préservation de la santé ou de l’environnement et, d’autre part, cessent d’être opposables en cas de changement de circonstances de droit ou de fait postérieures au contrôle ou lorsque l’administration procède à un nouveau contrôle.

14. Le Gouvernement entend ainsi privilégier le dialogue et le conseil au détriment du contrôle et de la sanction et renforcer la sécurité juridique des personnes. Si le Conseil d’État approuve les objectifs de simplification du droit et d’amélioration de la sécurité juridique, qu’il a rappelés dans le cadre de son étude annuelle pour l’année 2016, il estime qu’en créant une procédure supplémentaire sans simplifier les normes et les procédures existantes, le mécanisme du « droit au contrôle » – qui, au demeurant, trouverait mieux sa place dans un nouveau chapitre V au sein du titre Ier du livre Ier du CRPA –  n’y répond que très imparfaitement. Le Conseil d’État estime également que ce dispositif, dont le champ d’application est extrêmement vaste, pourrait porter atteinte au bon fonctionnement de l’administration dès lors qu’il prévoit que celle-ci est tenue de faire droit à cette demande dans un délai raisonnable sans tenir suffisamment compte de ses moyens et de ses effectifs. Il relève que les moyens des services de l’État ont souvent été fortement réduits et ne lui permettent pas toujours d’assumer ses missions premières, au risque d’exposer la responsabilité de l’État et la responsabilité pénale de ses agents. Le Conseil d’État déplore aussi, sur ce point, les lacunes de l’étude d’impact, qui, d’une part, ne recense pas les procédures de contrôle auxquelles le dispositif pourrait s’appliquer et, par suite, ne permet pas d’apprécier les conséquences qu’emportera la mise en œuvre du « droit au contrôle » et, d’autre part, ne comporte aucun élément de comparaison avec des dispositifs analogues existant dans d’autres pays, en particulier au sein de l’Union européenne. Il considère enfin que le projet du Gouvernement pourrait emporter des effets d’aubaine au bénéfice des personnes les plus à même de connaître le droit qui leur est applicable et de disposer, en interne, de compétences et de conseils juridiques adaptés à leur situation.

Le Conseil d’État ne retient donc pas les dispositions correspondantes et attire l’attention du Gouvernement sur la possibilité de recourir, dans un premier temps, à un dispositif expérimental sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution, pour des matières précisément identifiées.

Sur les dispositions à caractère fiscal et douanier

15. Le projet ajoute à l’article 1727 du code général des impôts, relatif à l’intérêt de retard, une disposition prévoyant la réduction de moitié du montant dû à ce titre en cas de dépôt spontané d’une déclaration rectificative ne soulève pas d’objection d’ordre constitutionnel ou conventionnel.

Cette disposition ne saurait s’analyser comme une réduction générale du taux de l’intérêt de retard, mais comme une mesure procurant un avantage ciblé pour inciter à la régularisation spontanée. En particulier, le Conseil d’État estime que les modalités d’entrée en vigueur proposées par le Gouvernement ne méconnaissent pas le principe d’égalité devant la loi. Ces dispositions aboutissent à traiter différemment deux contribuables redevables d’une dette fiscale afférente à une même période, selon qu’ils auront déposé une déclaration rectificative spontanée avant ou après l’entrée en vigueur de la loi. Toutefois, par cette mesure, le législateur poursuit un objectif d’intérêt général visant à inciter les contribuables à régulariser leur situation fiscale spontanément, conformément à l’objectif constitutionnel de lutte contre l’évasion fiscale. La différence de traitement qui en résulte est en rapport direct avec l’objectif d’intérêt général poursuivi, et vise à en garantir le plein effet.

16. Ne soulèvent pas davantage d’objection d’ordre constitutionnel ou conventionnel, notamment pour les raisons exposées au point 15 ci-dessus, les modifications apportées aux articles L. 62 et L. 80 B du livre des procédures fiscales qui, d’une part, étendent à tous les contribuables la possibilité de bénéficier d’une réduction du montant dû au titre de l’intérêt de retard s’ils régularisent leurs déclarations à la suite d’erreurs de bonne foi décelées au cours d’un contrôle fiscal, d’autre part, ouvrent aux contribuables faisant l’objet d’une vérification ou d’un examen de comptabilité la possibilité de solliciter une prise de position de l’administration sur un point examiné au cours de ce contrôle.

17. Le projet modifie le livre des procédures fiscales et le code des douanes pour instituer au bénéfice, respectivement, des contribuables assujettis aux contributions indirectes prévues par le code général des impôts et des contribuables assujettis aux taxes et impôts douaniers prévus par le code des douanes, un dispositif de droit à l’erreur. Le régime instauré, qui conduit à dispenser de sanctions fiscales le contribuable de bonne foi qui régularise sa situation déclarative, spontanément ou à la demande de l’administration, et s’acquitte du paiement des droits et taxes dus et de l’intérêt de retard, ne soulève pas d’objection d’ordre constitutionnel ou conventionnel.

18. Le Conseil d’État observe que l’exclusion du champ du droit à l’erreur en matière douanière des impôts et taxes constituant des ressources propres de l’Union européenne traduit un choix du Gouvernement et non la réponse à une exigence résultant du droit de l’Union européenne, dès lors que, d’une part, le produit des sanctions fiscales prononcées par l’administration des douanes ne constitue pas une ressource propre de l’Union européenne et que, d’autre part, les dispositions du code des douanes de l’Union, établi par le règlement n° 450/2008 du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, modifié par le règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013, n’interdisent pas aux États membres de prévoir, au titre du régime des sanctions instituées en droit interne, des dispositifs transactionnels ou une dispense de pénalités. Pour autant, ce choix ne soulève pas de difficulté au regard du principe d’égalité devant la loi, car il repose sur la différence de situation objective des redevables des impositions affectées à l’Union européenne, qui procèdent de faits générateurs et relèvent de régimes fiscaux distincts.

19. Le projet habilite le Gouvernement à définir par ordonnance un régime dans lequel l’administration pourra, à la demande d’entreprises, examiner la conformité de leurs opérations à la loi fiscale et prendre formellement position sur l’application de celle-ci. Ce dispositif vise à renforcer la sécurité juridique des entreprises en leur permettant de disposer de prises de position de l’administration sur des questions fiscales complexes ou à fort enjeu financier.

20. Le Conseil d’État relève qu’un tel dispositif a fait l’objet d’une expérimentation menée, en 2013 et 2014, avec une trentaine d’entreprises volontaires. Il constate, toutefois, que l’étude d’impact de l’article ne fait pas état des résultats de cette expérimentation. Afin d’améliorer l’information du Parlement, il invite le Gouvernement à compléter cette étude par quelques éléments retraçant le bilan de cette expérimentation. 

Sur les pouvoirs des services déconcentrés du ministère du travail

21. Le projet introduit dans le code du travail la possibilité pour les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de prononcer, lorsque certains manquements limitativement énumérés sont établis, des avertissements à l’encontre des employeurs contrôlés par l’inspection du travail. Il  vise également à préciser, au sein des dispositions de l’article L. 8115-4 du code du travail, que la bonne foi entre dans les critères devant guider ces services dans la détermination du montant de l’amende.

Ces dispositions n’appellent pas d’observations de la part du Conseil d’État.

Sur l’invocabilité des circulaires et instructions

22. L’état actuel du droit subordonne la mise en œuvre des circulaires et instructions ministérielles à leur publication sur internet et le projet de loi prévoit, par une modification de l’article L. 312-2 du CRPA, la généralisation de cette obligation en réputant abrogée toute circulaire ou instruction non publiée dans un certain délai. Il est en outre possible à un usager d’invoquer, sous certaines conditions, la doctrine de l’administration et d’être garanti contre ses changements, dans certains domaines, en particulier fiscal (article L. 80 A du livre des procédures fiscales) ou social (article L. 243-6-2 du code de la sécurité sociale). Le projet de loi entend, avec l’article L. 312-2-1 du CRPA, généraliser ce droit à l’égard de la doctrine administrative ministérielle ne faisant pas l’objet de dispositions spéciales, dès lors que cette doctrine est publiée sur un site internet spécialisé et que la préservation de la santé publique, de la sécurité des personnes et des biens ou de l’environnement n’est pas en cause.

23. Le Conseil d’État déplore, s’agissant de la généralisation de l’invocabilité des circulaires et de la garantie contre les changements de doctrine, les lacunes de l’étude d’impact, muette sur les domaines, autres que les prélèvements fiscaux et sociaux, dans lesquels la mesure serait susceptible de produire des effets et, par suite, notamment sur d’éventuels effets négatifs à l’égard des tiers de la garantie contre les changements de doctrine donnée à un usager. Il ne retient pas les dispositions relatives à la responsabilité de l’administration en cas d’illégalité des instructions et circulaires qui, n’ajoutant rien à l’état du droit jurisprudentiel, sont susceptibles de créer de vains litiges et des incompréhensions dommageables. 

Sur la généralisation du rescrit

24. A partir notamment de l’exemple du rescrit en matière fiscale prévu par l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales, ont été développés des rescrits – c’est-à-dire une prise de position formelle de l’administration sur l’application d’une norme à une situation de fait décrite loyalement, qui lui est opposable – dans plusieurs domaines, en particulier à la suite de l’étude du Conseil d’État «  Le rescrit : sécuriser les initiatives et les projets » de novembre 2013. Le projet de loi entend généraliser cette garantie en l’étendant à d’autres domaines et expérimenter dans ces mêmes domaines la possibilité pour les usagers d’obtenir en cas de  silence de l’administration sur un projet de prise de position formelle une réponse favorable correspondant à ce projet.

25. Le Conseil d’État constate, pour le regretter, que le Gouvernement tout en souhaitant généraliser cette garantie, ne s’est pas donné les moyens – par la présentation dans l’étude d’impact d’un bilan de l’utilisation des rescrits existants, d’une recherche des procédures ou domaines nouveaux dans lesquels ils pourraient être créés et d’une évaluation des avantages et inconvénients corrélatifs – de concevoir des mesures adaptées aux besoins. Il ne peut retenir la disposition, qu’il estime entachée d’incompétence négative, renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de définir les domaines dans lesquels ce nouveau rescrit pourrait être institué. La création de cette garantie ayant pour effet de dispenser l’administration de son obligation d’appliquer la loi, elle ne peut intervenir que dans des cas et conditions définis de manière suffisamment précise par le législateur lui-même. A défaut de pouvoir désigner précisément les domaines d’intervention, le Conseil d’État modifie la rédaction du projet de loi pour que ce rescrit, qui ne pourra résulter, sauf dans sa version expérimentale, que d’une position expresse de l’administration ne puisse intervenir que dans les domaines dans lesquels une telle garantie n’existe pas, et sauf dans les cas où les droits des tiers, la préservation de la santé publique, de la sécurité des personnes et des biens ou de l’environnement sont susceptibles d’être affectés.

Sur la création d’un certificat d’information 

26. A partir du constat d’une prolifération de la norme et, selon l’étude d’impact, en s’inspirant du certificat de projet créé à l’article L. 181-6 du code de l’environnement, le projet de loi crée un certificat d’information. Tout usager, désireux d’obtenir une information exhaustive sur les normes régissant une activité économique ou sociale, pourra obtenir de l’administration compétente, un certificat dressant la liste de ces normes de manière exhaustive. Tout certificat erroné ou incomplet sera de nature à engager la responsabilité de l’administration.

27. Le Conseil d’État souligne l’intérêt que peuvent présenter des mesures tendant à ouvrir à toute personne le droit d’obtenir de l’administration une information exhaustive sur les normes régissant son activité économique ou sociale. Il constate cependant que le projet de loi ne permet pas de répondre à cet objectif, dès lors qu’il n’est pas dans l’intention du Gouvernement de prévoir que le certificat mentionne les règles relevant de chacune des administrations responsables, qu’il s'agisse de l’État, des collectivités territoriales ou d’une autre personne publique, ni d’attacher à la délivrance du certificat des effets de cristallisation de la législation ou de la réglementation objet de ce certificat. En matière de responsabilité de la puissance publique, le projet ne modifie pas l’état du droit  qui prévoit déjà qu’elle peut être engagée en cas d’information erronée ou incomplète ayant créé un dommage.

En conséquence, le Conseil d’État ne retient pas ces dispositions, qu’il n’estime pas nécessaires. Il considère que l’objectif recherché d’accessibilité de la norme comme le développement dans les différentes administrations de la mission d’information sur les normes, auxquels il souscrit pleinement, peuvent être atteints sans création de nouvelles règles mais par l’action de ces administrations et, par conséquent, par la voie de circulaires.

Sur la création de comités en matière de transaction 

28. Partant du constat selon lequel le recours à la transaction est peu développé dans l’administration en raison des réticences que le fonctionnaire compétent peut éprouver au regard du risque d’engagement de sa responsabilité lors de la signature d’une transaction, le projet de loi prévoyait initialement, d’une part, d’obliger les administrations à examiner l’opportunité de recourir à la transaction lorsqu’elles sont saisies de contestations les exposant à un risque de condamnation pécuniaire et, d’autre part, de créer un comité dans chaque administration, chargé de statuer sur le principe et le montant du recours à la transaction, lorsque ce dernier dépasse un seuil fixé par décret en Conseil d’État. Lorsque le comité rend un avis défavorable, le projet prévoyait que la transaction ne peut être conclue qu’après homologation par le juge compétent pour se prononcer sur l’action en responsabilité. Enfin lorsque le comité rend un avis favorable ou que le juge homologue la transaction, son signataire ne peut voir sa responsabilité personnelle engagée.

29. Le Conseil d’État estime que les dispositions prévoyant qu’une administration doit examiner le recours à la transaction n’ont pas de portée normative utile et, s’agissant des administrations de l’État, pourraient être adoptées par voie de circulaire. Il constate que le Gouvernement entend, par ces dispositions, prévoir l’intervention d’un organe collégial appelé à se prononcer sur un projet de transaction au-delà d’un certain montant, afin que la responsabilité individuelle du fonctionnaire qui a décidé de transiger conformément à l’avis de ce comité ne puisse être engagée à raison du recours à la transaction. Il estime donc que la création d’un comité n’est pertinente que pour les administrations de l’État, dès lors que les autres administrations au sens de l’article L. 100-3 du CRPA sont le plus souvent dotées d’un organe collégial (conseil d’élus ou conseil d’administration) pouvant se prononcer sur le principe et le montant d’une transaction. Il modifie également le projet du Gouvernement afin de prévoir que le comité ainsi créé devra non pas se prononcer sur le montant de la transaction, mais sur l’encadrement financier de celle-ci. Il considère, enfin, que la création d’une procédure d’homologation d’un projet de transaction par le juge compétent, lorsque le comité aura émis un avis défavorable, est susceptible de ralentir considérablement la prise de décision, privant ainsi d’intérêt le recours à la transaction par rapport à un règlement contentieux du litige.

Le Conseil d’État retient donc un projet prévoyant seulement, pour les administrations de l’État, qu’en cas d’avis favorable du comité dont la composition sera précisée par voie réglementaire, la responsabilité personnelle du signataire de la transaction ne peut être engagée. Il procède à la codification de ces dispositions, de nature pérenne, en créant un nouvel article L. 423-2, au sein du chapitre III du titre II du livre IV du CRPA.

Sur le développement du rescrit douanier

30. Le projet de loi complète l’article 345 bis du code des douanes régissant le rescrit douanier de dispositions analogues à celles prévues, en l’état du droit, pour le rescrit fiscal en introduisant, d’une part, un délai de réponse de trois mois pour l’administration et, d’autre part, la possibilité pour le redevable de solliciter un second examen collégial de sa demande. Cette mesure ne soulève pas d’objection d’ordre constitutionnel ou conventionnel.

Sur la création d’un référent unique

31. Afin de simplifier les démarches administratives des usagers, le Gouvernement souhaite recourir à une expérimentation permettant, pour une durée de quatre ans, aux services de l’État déterminés par décret et aux collectivités territoriales qui le souhaitent, de désigner, pour un ressort territorial et un champ de compétences donnés, un référent unique afin de faire traiter l’ensemble des démarches engagées par une personne. 

32. Le Conseil d’État souligne qu’en raison de l’inclusion de certaines collectivités territoriales dans leur champ d’application, ces dispositions relèvent du domaine de la loi. Elles organisent une expérimentation qui présente un objet limité, pour une durée strictement nécessaire.

Il considère toutefois que cette expérimentation aurait davantage de portée utile, si le référent unique disposait d’un pouvoir de décision, par délégation de l’ensemble des personnes publiques participant à l’expérimentation et rappelle, sur ce point, que l’article 27 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations crée un dispositif similaire dans le cadre desmaisons de services au public. Il prend acte, pour le regretter, de ce que le projet du Gouvernement n’envisage pas une telle délégation de compétences et se borne à confier au référent unique la coordination du traitement des demandes qui lui sont adressées. Il estime qu’il serait approprié d’appliquer effectivement les dispositions de l’article 27 de la loi du 12 avril 2000, voire d’envisager l’extension de leur champ d’application.

Sur la limitation dans le temps de la durée des contrôles au sein des PME

33. Le projet prévoit, à titre expérimental, dans les régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes et pour une durée de quatre ans, que l’ensemble des contrôles opérés par les administrations à l’encontre d’une entreprise de moins de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ne peut dépasser une durée cumulée de neuf mois sur une période de trois ans. Il exclut du champ de l’expérimentation les contrôles destinés à s’assurer du respect des règles prévues par le droit de l’Union européenne et des règles protégeant la santé publique, la sécurité des personnes ou des biens, l’environnement ou les intérêts de la défense nationale.  Il exclut également du champ de l’expérimentation les contrôles opérés par des autorités de régulation et ceux résultant de l’exécution d’un contrat.

34. Le Conseil d’État estime que ces dispositions, en tant qu’elles concernent l’ensemble des administrations mentionnées à l’article L. 100-3 du CRPA, relèvent du domaine de la loi et organisent une expérimentation qui présente un objet limité, pour une durée strictement nécessaire. Il appartiendra au décret en Conseil d’État auquel ces dispositions renvoient de préciser, notamment, les conditions de computation des délais en cause en fonction de la nature des enquêtes sur pièces ou sur place.

Le Conseil d’État modifie toutefois la rédaction du texte, afin de préciser que la limitation de durée des contrôles ainsi expérimentée n’est pas opposable s’il existe des indices précis et concordants de manquement à une obligation légale ou réglementaire.

En outre, il ne retient pas les dispositions tenant au respect des conventions internationales, qui sont dépourvues de portée juridique utile, ainsi que celles qui prévoient d’exclure du dispositif les contrôles sollicités par l’entreprise elle-même, en raison de la disjonction des dispositions du projet relatives au « droit au contrôle ».

Il modifie enfin la rédaction des réserves qui délimitent le champ d’application de l’expérimentation, pour l’harmoniser avec les réserves mentionnées dans le projet de loi et prévoir que le dispositif n’est pas applicable :

-          aux contrôles destinés à s’assurer du respect des règles prévues par le droit de l’Union européenne ;

-          aux contrôles destinés à s’assurer du respect des règles préservant la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement ;

-          aux contrôles résultant de l’exécution d’un contrat ;

-          et à ceux effectués par les autorités de régulation à l’égard des professionnels soumis à leur contrôle.

Sur l’institution d’un médiateur dans les URSSAF

35. Le projet qui institue un médiateur au sein de chacun des organismes de recouvrement du régime général de sécurité sociale (Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales – URSSAF – et des Caisses générales de sécurité sociale en outre-mer) s’inspire des dispositions relatives aux conciliateurs créés dans chaque caisse primaire d’assurance maladie par l’article L. 162-15-4 du code de la sécurité sociale.

Ce dispositif par lequel le médiateur, saisi d’une réclamation par un employeur redevable de cotisations de sécurité sociale et de contributions sociales, formule des recommandations à l’attention de l’organisme de recouvrement en vue de trouver une solution amiable au différend, est un moyen qui peut permettre de régler rapidement certains litiges et de prévenir les contentieux.

Sur la procédure de recouvrement des indus dans le champ social

36. Le projet habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions relevant du domaine de la loi et permettant d’aménager la procédure de recouvrement des indus des différentes prestations sociales et minima sociaux, de façon à inclure dans les notifications de ces indus, adressées aux bénéficiaires de ces prestations, un droit à rectifier les informations personnelles qui les concernent et qui pourraient avoir une incidence sur le montant de ces indus. Ce droit s’exerce avant tout recours administratif et recouvrement de ces sommes par l’organisme de sécurité sociale.

Le Conseil d'État considère que la durée de dix-huit mois prévue pour l’habilitation se justifie par la nécessité d’harmoniser et de simplifier les différentes règles applicables aux prestations et minima sociaux en ce qui concerne le contenu des notifications et le recouvrement des indus.

Sur les expérimentations concernant les chambres d’agriculture

37. Le projet habilite le Gouvernement à expérimenter par ordonnance, d’une part, l’attribution aux chambres d’agriculture de missions nouvelles d’information des exploitants agricoles, d’appui au dépôt de demandes d’aides et d’assistance à la mise à la conformité et, d’autre part, l’évolution des attributions respectives des chambres régionales et départementales d’agriculture. Au regard des dispositions du titre Ier du livre V du code rural et de la pêche maritime, déterminant les missions des différents établissements du réseau des chambres, le Conseil d’État admet que ces expérimentations, qui ne soulèvent pas d’objection et dont la durée paraît suffisante pour permettre d’en tirer parti, soient prévues par la loi.

Sur les infractions au code de l'environnement et au code forestier

38. Le projet prévoit de modifier les articles L. 172-16 du code de l’environnement et L. 161-12 du code forestier, issus respectivement des ordonnances n° 2012-34 du 11 janvier 2012 et n° 2012-92 du 26 janvier 2012, qui ont créé au sein de ces deux codes des dispositions répressives communes, pour prévoir la transmission des procès-verbaux aux intéressés, lorsqu’ils sont connus, afin de leur permettre de faire cesser l’atteinte à l’environnement ou à la forêt, voire de la réparer.

39. Le Conseil d’État observe que, du fait du large champ d’application des dispositions modifiées, cette mesure est susceptible de concerner un nombre important d’infractions. Tout en relevant son caractère dérogatoire aux règles de la procédure pénale, il n’oppose pas d’objection au principe d’une transmission à l’intéressé, dans la mesure où, d’une part, elle concerne le seul procès-verbal de constatation de l’infraction, à l’exclusion du procès-verbal de synthèse, parfois établi par les services verbalisateurs et alors seul transmis au parquet (v. circulaire du garde des sceaux du 21 avril 2015 relative aux orientations de politique pénale en matière d’atteintes à l’environnement) et, d’autre part, elle peut être écartée sur instruction du parquet comme cela est déjà prévu, en particulier, en matière d’alimentation, de santé publique vétérinaire et de protection des végétaux (art. L. 205-3 du code rural et de la pêche maritime).

En ce qui concerne le titre II « Vers une action publique modernisée, simple et efficace »

Sur l’expérimentation d’informations par interface de programmation applicative entre administrations

40. Le Gouvernement souhaite expérimenter, pendant une durée de quatre ans et avec les entreprises qui y consentent, l’échange d’informations entre administrations via l’interface de programmation applicative dédiée aux entreprises, afin de permettre à ces dernières de ne pas communiquer à une administration des informations que celle-ci détient déjà dans un traitement automatisé ou qui peuvent être obtenues d’une autre administration par un traitement identique.

41. Le Conseil d’État constate, à titre liminaire, qu’un échange d’informations entre administrations est déjà possible sur le fondement de l’article L. 114-8 du code des relations entre le public et l’administration et que l’article L. 113-12 du même code dispense les usagers de produire des informations et des pièces justificatives déjà produites auprès d’une administration. Il attire donc l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’articuler la mise en œuvre de cette expérimentation avec les dispositions existantes.

Il estime ensuite que ce dispositif expérimental, qui a vocation à concerner les collectivités territoriales de plus de 3500 habitants, relève du domaine de la loi. Il considère par ailleurs que l’expérimentation, malgré le renvoi à un décret en Conseil d’État afin de déterminer la liste des données et des traitements automatisés concernés, présente un objet limité et porte sur une durée strictement nécessaire : elle n’appelle pas d’observations au regard des critères fixés par l’article 37-1 de la Constitution.

42. Le Conseil d’État considère en revanche qu’il n’y a pas lieu de maintenir la référence, initialement mentionnée dans le projet, au droit d’accès et de rectification des entreprises s’agissant des données en cause, par laquelle le Gouvernement entendait renvoyer aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dès lors que les personnes morales ne sont pas concernées par la notion de données à caractère personnel au sens de cette loi.

Sur la dispense de signature des décisions relatives à la gestion des agents publics

43. Le projet de loi modifie l’article L. 212-2 du CRPA, qui dispense de signature certaines catégories d’actes dès lors que ces derniers comportent les prénom, nom et qualité de leur auteur, afin qu’entrent dans son champ d’application les décisions administratives relatives à la gestion de leurs agents produites par les administrations sous forme électronique. A l’exception d’une modification rédactionnelle qui s’explique d’elle-même, cette disposition n’appelle pas d’observations de la part du Conseil d’État.

Sur les dispositions visant à expérimenter la vérification automatisée du domicile pour la délivrance des cartes nationales d’identité, des passeports, des permis de conduire et des certificats d’immatriculation

44. Le Gouvernement, afin de simplifier les démarches administratives des usagers et de sécuriser la délivrance des titres en prévenant la fraude documentaire, souhaite expérimenter, dans quatre départements métropolitains, une alternative à la production par l’intéressé d’un justificatif de domicile pour l’établissement d’une carte nationale d’identité, d’un passeport, d’un permis de conduire ou d’un certificat d’immatriculation. Au lieu d’avoir à fournir une copie papier de ce justificatif, l’administré pourrait, s’il le souhaite, se borner à déclarer son domicile et à donner une information relative à la fourniture d’un bien ou d’un service attaché à ce domicile (numéro d’abonné chez son fournisseur d’accès à internet ou de fluides, par exemple). Lors du traitement de sa demande, l’administration solliciterait ce fournisseur pour qu’il confirme le domicile ainsi déclaré.

45. Quant à sa durée, le Conseil d'État estime que l’expérimentation projetée, qui implique le déploiement de nouvelles interfaces techniques, doit être d’une durée permettant d’évaluer, avec le recul suffisant, la pertinence de cette mesure. Il considère que cette durée devrait être fixée à trente mois à compter de la publication de la présente loi. Cette expérimentation fera l’objet d’une évaluation six mois avant son terme, comme l’a ajouté le Conseil d’État.

Par ailleurs, le Conseil d’État précise la nature de la contrainte imposée à ces fournisseurs d’un bien ou d’un service attaché au domicile, dont la liste sera fixée par arrêté. Ils devront répondre aux sollicitations de l’administration, en la rendant destinataire des données lui permettant de vérifier la concordance entre le domicile déclaré par le demandeur et celui enregistré chez le fournisseur.

Compte tenu du caractère limité de la contrainte imposée, y compris en termes de coûts, de la sécurisation des titres permise par une telle vérification et de la simplification induite pour l’usager, le Conseil d’État estime que ce dispositif ne méconnaît pas le principe d’égalité devant les charges publiques. 

Sur les dispositions relatives à la dématérialisation de la propagande électorale

46. Le Gouvernement souhaite dématérialiser la diffusion des circulaires des candidats aux élections, qui actuellement sont envoyées (avec les bulletins de vote) en format papier au domicile de chaque électeur. Selon le Gouvernement, le dispositif actuel n’apparaît plus comme le mieux à même d’assurer de façon satisfaisante l’information des électeurs. Cette modification, qui permettrait une économie budgétaire substantielle dès lors que l’impression et l’envoi de la propagande officielle sont en principe pris en charge par l’État, a vocation à s’appliquer aux élections européennes, législatives, sénatoriales, régionales, départementales, et aux élections aux assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique. Les élections municipales et les élections territoriales des collectivités de l’article 74 et du titre XIII de la Constitution ne sont, en revanche, pas incluses dans le champ de la réforme proposée par le Gouvernement. Ce projet de réforme, qui modifie le code électoral et la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, repose sur un dispositif double :

-          les commissions de propagande, après les avoir validées, devront mettre en ligne les circulaires sur un site internet dédié ;

-          ces circulaires resteront matériellement accessibles en mairie soit par leur affichage soit par la mise à disposition de leur version numérique.

47. Le Conseil d’État estime que cette dématérialisation, en ce qu’elle inverse la logique de diffusion de la propagande électorale (d’une information reçue par l’électeur à une information qu’il doit aller rechercher), relève de la compétence du pouvoir législatif. Par ailleurs, il estime qu’il n’existe pas d’obstacle constitutionnel à ce que la propagande soit dématérialisée : compte tenu, d’une part, de l’état actuel des moyens de communication ainsi que de l’importance prise par les services de communication au public pour l’exercice de la démocratie et, d’autre part, du maintien d’une possibilité physique d’accéder à ces documents, afin que les citoyens qui ne disposeraient pas d’un accès satisfaisant aux services en ligne puissent s’informer, la réforme envisagée n’apparaît porter atteinte ni à l’égalité entre électeurs, ni à la sincérité des scrutins. En outre, au-delà des économies budgétaires induites par cette réforme, le Conseil d’État relève que le dispositif envisagé est également de nature à rendre moins incertain l’accès à la propagande électorale (laquelle est, pour l’heure, soumise aux aléas de l’envoi postal), et à renforcer la qualité du débat démocratique, en permettant aux électeurs d’accéder, via le site internet dédié, aux circulaires plus en amont du vote, et de lire les documents de propagande des candidats d’autres circonscriptions.

Afin que soit assurée l’accessibilité des circulaires de propagande à tous les électeurs, particulièrement à ceux d’entre eux qui n’utilisent pas internet et les technologies informatiques, le Conseil d’État propose d’amender les dispositions du projet relatives à leur mise à disposition du public en mairie pour prévoir qu’elles devront être affichées à l’extérieur des mairies. Il attire aussi l’attention du Gouvernement sur le cas des personnes en situation de handicap, qui ne recevraient plus les bulletins de vote à leur domicile et ne seraient, par conséquent, plus en mesure de préparer chez elles, en amont et avec l’aide adéquate, leur enveloppe. Afin qu’elles restent à même de voter dans des conditions satisfaisantes, le Conseil d’État souligne la pertinence de la mesure envisagée par le Gouvernement, qui s’insérerait dans le cadre de l’habilitation pour simplifier le code électoral prévue par un autre article du présent projet de loi, consistant à permettre aux personnes handicapées de se faire accompagner, y compris dans l’isoloir, par un électeur de leur choix.

Le Conseil d’État prévoit également l’applicabilité de cette dématérialisation à  l’ensemble des élections sénatoriales, législatives et européennes, y compris celles se tenant dans les collectivités de l’article 74 et du titre XIII de la Constitution.

Sur les dispositions relatives à la dématérialisation des actes de l’état civil dont le ministère des affaires étrangères est dépositaire

48. La disposition autorisant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures tendant à dématérialiser les actes de l’état civil des Français nés hors de France ainsi que des étrangers ayant acquis la nationalité française représente une nouvelle étape significative de la modernisation de l’état civil. Le projet de dématérialisation porte non seulement sur la conservation, la gestion et la délivrance des actes de l’état civil du service central d'état civil (SCEC) du ministère des affaires étrangères, mais aussi sur l’établissement des actes, qui mobilise également les postes diplomatiques et consulaires. L’ordonnance prévue doit permettre aux officiers de l’état civil du SCEC comme à ceux des postes de délivrer des copies intégrales ou des extraits d’actes d’état civil numérisés, ayant la même valeur juridique que les copies ou extraits délivrés sur support papier.

49. Le Conseil d’État estime que la durée de quatre ans prévue pour l’expérimentation est adaptée aux enjeux du projet et à sa complexité technique. Il considère que l’inclusion des officiers de l’état civil des postes diplomatiques et consulaires dans l’expérimentation, nécessaire à son succès, ne pourra être effectivement opérée que pour ceux des postes qui répondront aux exigences de l’habilitation en matière de sécurité, d’intégrité et de confidentialité des traitements automatisés des données de l’état civil mis en œuvre.

Sur les dons par SMS pour les associations cultuelles

50. La disposition a pour objet de permettre aux associations cultuelles et aux établissements publics des cultes reconnus d’Alsace-Moselle de collecter des dons par SMS.

Les articles L. 521-3-1 et L. 525-6-1 du code monétaire et financier, dans leur rédaction résultant de l’article 94 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, ont ouvert la possibilité de telles collectes de dons par SMS aux organismes faisant appel public à la générosité au sens de la loi n° 91-772 du 7 août 1991, en permettant aux opérateurs de réseaux ou de services de communications électroniques de fournir des services de paiement ou d’émettre ou de gérer de la monnaie électronique pour l’exécution de ces opérations de collecte, sans avoir à être enregistrés comme prestataires de services de paiement ou sans devoir recourir à leur intermédiaire et en étant exemptés des formalités de l’agrément auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Les associations cultuelles et les établissements publics des cultes reconnus d’Alsace-Moselle ne peuvent bénéficier d’une telle possibilité, l’exercice d’un culte n’étant pas au nombre des causes limitativement énumérées par la loi du 7 août 1991 et pour le soutien desquelles il est loisible aux organismes faisant appel public à la générosité de procéder à ces collectes.

La mesure proposée, en élargissant le dispositif mis en place par la loi du 7 octobre 2016 aux associations cultuelles et aux établissements publics des cultes reconnus d’Alsace-Moselle, prévoit parallèlement de soumettre ces associations et établissements à une obligation de déclaration préalable d’appel à la générosité, comme y sont assujettis les organismes faisant appel public à la générosité. En revanche, elle ne prévoit pas que, à l’instar de ces organismes, les associations cultuelles et les établissements publics des cultes reconnus d’Alsace-Moselle doivent procéder à l’établissement d’un compte d’emploi annuel des ressources collectées auprès du public.

51. Le Conseil d’État estime que cette différence de traitement est justifiée au regard de la spécificité des associations cultuelles et des établissements publics des cultes reconnus d’Alsace-Moselle, dont l’objet exclusif est l’exercice du culte et qui ne peuvent en conséquence affecter les dons collectés qu’à ce seul exercice. Ainsi, ne trouve pas à s’appliquer utilement à ces structures l’obligation d’établissement d’un compte d’emploi annuel des ressources collectées, destinée à permettre la vérification par la puissance publique que l’utilisation des dons collectés est conforme à l’appel public à la générosité.

52. Concernant la compatibilité de l’article avec le droit européen issue de la directive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, le Conseil d’État relève que le 1) de l’article 3 de cette directive, éclairé par le considérant 16, exclut de son champ d’application les opérations de collecte de dons par SMS dans le cadre d’activités caritatives. Il laisse aux États membres la faculté, en adaptant leur législation nationale, de déterminer les organismes caritatifs susceptibles de bénéficier de ces collectes. Le Conseil d’État estime, dès lors, que le projet de loi ne soulève pas de difficultés en ce qu’il désigne les associations cultuelles et les établissements publics des cultes reconnus d’Alsace-Moselle parmi les organismes caritatifs exclus du champ d’application de cette directive.

Sur l’introduction de règles de construction reposant sur des objectifs à atteindre

53. Le projet comporte deux habilitations à prendre par ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi, les ordonnances à prendre sur leur fondement constituant deux étapes successives. La première doit mettre en place un régime dans lequel le maître d’ouvrage d’un bâtiment pourra être autorisé à déroger, au cas par cas, à certaines règles de construction, à condition qu’il apporte la preuve qu’il atteint, par les moyens innovants qu’il met en œuvre, des résultats équivalents et que l’atteinte de ces résultats soit contrôlée. Elle pourra mettre fin à l’expérimentation prévue au I de l’article 88 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.

Le régime issu de cette première ordonnance, prise dans un délai de trois mois, s’appliquera tant que la seconde ordonnance, à prendre dans un délai plus long de dix-huit mois, ne sera pas entrée en vigueur. Dans le régime issu de cette seconde ordonnance, le maître d’ouvrage d’un bâtiment pourra, de plein droit, choisir de s’acquitter de ses obligations en matière de construction soit en appliquant des normes de référence, relatives à des moyens à mettre en œuvre, soit en démontrant, par un mode de preuve déterminé, qu’il atteint des résultats équivalents. Afin d’éclairer le maître d’ouvrage sur les obligations qui lui incombent, le Gouvernement est habilité à modifier les règles de construction applicables, notamment pour mettre en évidence les objectifs qui sont assignés au maître d’ouvrage, quelle que soit la modalité qu’il choisit pour y parvenir.

54. Le Conseil d’État veille à la cohérence et à la bonne articulation de ces dispositions dans le temps, compte tenu notamment de la durée d’application limitée du régime issu de la première des ordonnances à prendre. Le fait de généraliser et d’étendre une nouvelle façon d’édicter les normes de construction, reposant non sur des moyens à mettre en œuvre mais sur des résultats à atteindre, peut susciter une réserve, alors qu’une expérimentation est en cours, qu’elle n’a, en pratique, pas commencé à être mise en œuvre et qu’elle n’a donc produit aucun résultat. Mais le Conseil d’État relève que le dispositif proposé constitue une innovation majeure en matière de droit de la construction qui doit être approuvée.

Ce dispositif implique, en cohérence avec ses objectifs, que le Gouvernement puisse, le moment venu, affecter les moyens nécessaires à la vérification que les résultats obtenus sont équivalents à ceux qui résulteraient de la mise en œuvre des obligations de moyens prévues par la réglementation.

Sur les dispositions relatives au développement de l’accueil de la petite enfance

55. Le projet habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions visant à faciliter l’implantation et le développement d’activités d’accueil de la petite enfance. Trois types de mesures sont envisagés :

-          des mesures de simplification et de mise en cohérence de la réglementation applicable, dont la complexité est considérée comme un frein au développement des structures d’accueil de la petite enfance ;

-          des mesures permettant, lorsque les spécificités locales le justifient, des dérogations à cette réglementation, à condition que la qualité de l’accueil n’en soit pas affectée ;

-          des mesures permettant à l’une des autorités compétentes en la matière de prendre, au nom de chacune ou certaines d’entre elles, après leur avis, tous les actes nécessaires à l’implantation et au développement d’activités d’accueil de la petite enfance.

56. Le Conseil d’État estime que ces finalités sont définies avec une précision suffisante et qu’elles ne portent atteinte à aucune règle ou principe de valeur constitutionnelle. Sur le troisième type de mesures envisagé, il appelle toutefois l’attention du Gouvernement sur la nécessité dans l’ordonnance de garantir aux collectivités territoriales en cause un pouvoir de décision suffisant dans le domaine de compétence qui leur sera reconnu, sous peine de méconnaître le principe de libre administration des collectivités territoriales.

Par ailleurs, eu égard à la diversité des mesures à prendre et à la nécessité d’engager une large concertation avec les nombreux acteurs concernés, le Conseil d’État estime que la durée d’habilitation, fixée à dix-huit mois, est justifiée.

Sur les dispositions relatives à la délivrance de la carte « mobilité inclusion »

57. La carte « mobilité inclusion » prévue à l’article L. 241-3 du code de l’action sociale et des familles est délivrée par le président du conseil départemental après avis de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, à l’exception des cartes portant la mention « stationnement pour personnes handicapées » délivrées aux organismes utilisant un véhicule destiné au transport collectif des personnes handicapées. Dans ce dernier cas, c’est le représentant de l’État dans le département qui est seul compétent pour décider de son attribution.

Le projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions permettant de confier à une seule autorité la responsabilité de prendre, au nom de l’ensemble des autorités compétentes, les décisions d’attribution de cette carte « mobilité inclusion ».

58. Le Conseil d’État relève que les mesures envisagées par le projet impliquent seulement la modification de l’article L. 241-3 du code de l’action sociale et des familles. Il estime qu’une durée d’habilitation supérieure à six mois ne se justifie pas.

Sur la légalisation de la jurisprudence Danthony

59. Le Gouvernement souhaite consacrer au niveau législatif la jurisprudence Danthony (CE, 23 décembre 2011, n°335033). Le projet dispose plus précisément, en son I, qu’un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que si cette irrégularité a exercé une influence sur le sens de la décision ou a privé les intéressés d’une garantie. Il procède ensuite, au II de l’article, à l’abrogation de l’article 70 de la loi n° 2011-525 du 11 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, qui limite ce principe aux seules irrégularités commises lors de la consultation d’un organisme et n’est donc, en pratique, pas appliqué.

60. Le Conseil d’État constate que les dispositions du I de l’article ne procèdent pas à la codification de la jurisprudence telle qu’elle a été précisée, en dernier lieu, par la décision du Conseil d'État statuant au contentieux du 19 juillet 2017 n° 403928, Association citoyenne Pour Occitanie Pays Catalan mais retiennent des critères différents, dont l’introduction serait de nature à créer davantage d’insécurité juridique. Il estime, en tout état de cause, que la codification de cette règle est inopportune, en ce qu’elle prive le juge de la possibilité de lui apporter les amendements nécessaires, ainsi qu’il l’a déjà fait, notamment afin de prendre en compte la spécificité de certaines procédures administratives préalables sectorielles. Il ne retient donc pas la disposition qui entend y procéder.

Le Conseil d’État estime, en revanche, que l’abrogation de l’article 70 de la loi du 11 mai 2011 doit, pour le motif avancé par le Gouvernement, être approuvée.

Sur les dispositions visant à faciliter le regroupement des établissements d’enseignement supérieur et de recherche par l’expérimentation de nouveaux modes d’organisation

61. Les mesures prises depuis plusieurs années pour enrayer la dispersion des établissements d’enseignement supérieur et de recherche français et leur conférer une dimension internationale sont, dans leur mise en œuvre, trop lentes et incertaines parce que trop rigides et uniformes. Aussi le Gouvernement souhaite-t-il conduire une expérimentation, ouverte par la voie d’une ordonnance destinée à favoriser les rapprochements, regroupements ou fusions d’établissements afin d’améliorer l’offre de formation et la stratégie de recherche des établissements.

62. Le Conseil d’État considère que la durée de dix ans prévue pour l’expérimentation est suffisante pour atteindre l’objectif fixé : si les nouveaux modes envisagés de rapprochement, regroupement ou fusion d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche ne peuvent réussir que s’ils s’inscrivent dans la durée, le délai maximal de dix ans, qui est celui déjà prévu par les dispositions du II de l’article L. 711-4 du code de l’éducation pour encadrer les dérogations qu’elles autorisent à titre expérimental aux règles d’organisation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, est proportionné aux enjeux institutionnels (construire une gouvernance forte et durable), financiers (répondre aux appels d’offres internationaux) et de recherche (bâtir des programmes de recherche conjoints de long terme) des établissements concernés. Dans le cas très particulier traité par la disposition envisagée, cette durée de dix ans satisfait aux prescriptions de l’article 37-1 de la Constitution qui exige que l’expérimentation ait une « durée limitée » : la dérogation au principe d’égalité qu’implique l’expérimentation commande que celle-ci ne soit possible que pendant le temps strictement nécessaire pour mesurer les effets du dispositif expérimental avant de décider, après évaluation, son abandon, sa modification ou sa généralisation.

Sur l’expérimentation de prestations de suppléance de l’aidant à domicile

63. Le projet organise une expérimentation permettant à des établissements et services sociaux et médico-sociaux d’employer des salariés volontaires ou, en tant que mandataires, de les placer auprès d’un particulier employeur, en vue de réaliser des prestations à domicile de suppléance (ou « relayage ») du proche aidant d’une personne nécessitant une surveillance permanente pendant des périodes d’absence de celui-ci. Cette expérimentation permet, pendant une durée de trois ans, de déroger aux dispositions du code du travail relatives aux régimes d’équivalence, aux temps de pause, aux durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail, aux durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail de nuit et à la durée minimale de repos quotidien, ainsi qu’aux stipulations correspondantes des conventions collectives applicables.

64. Au vu notamment de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 octobre 2010 Union syndicale Solidaires Isère (C-428/09) et de la décision du Conseil d’État statuant au contentieux du 30 janvier 2015 Union syndicale Solidaires (n° 363520), le Conseil d’État considère que le projet est compatible avec les objectifs de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail. Toutefois, afin d’assurer le respect tant de cette directive que de l’impératif constitutionnel de protection de la santé des travailleurs, il convient de veiller à ce que la mise en œuvre de la loi garantisse l’effectivité du repos compensateur qu’elle prévoit lorsque celui-ci se déroule durant l’intervention. Le Conseil d’État estime par conséquent nécessaire de compléter le projet en précisant qu’un décret définit les conditions dans lesquelles l’établissement ou le service social ou médico-social s’assure de l’effectivité du repos compensateur lorsque celui-ci se déroule durant l’intervention.

65. Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant. De même, il doit prendre en compte les exigences découlant du huitième alinéa du Préambule de 1946, en ce qui concerne la participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail. Le Conseil d’État estime que les dispositions par lesquelles le projet de loi écarte, dans le cadre d’un dispositif expérimental, l’application de certaines stipulations des conventions et accords collectifs applicables sont justifiées par le motif d’intérêt général consistant à soutenir les aidants de personnes nécessitant une surveillance permanente et à assurer la présence continue, dans toute la mesure du possible, d’un unique intervenant auprès de ces personnes. Il n’émet par conséquent pas d’objection à la disposition proposée.

Sur l’expérimentation concernant le contrôle des structures des exploitations agricoles

66. Le projet habilite le Gouvernement à expérimenter par ordonnance la simplification du contrôle des structures des exploitations agricoles, dont le régime actuel est issu des lois n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d’orientation agricole et n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l’agriculture, l'alimentation et la forêt, qui en ont modifié tant les objectifs que les modalités. Prévue par les dispositions du chapitre Ier du titre III du livre III du code rural et de la pêche maritime, cette police administrative soumet à autorisation ou déclaration préalable certaines opérations telles que les installations, les agrandissements ou les réunions d’exploitations agricoles.

67. Tout en relevant l’ampleur des effets de cette expérimentation, le Conseil d’État n’émet pas d’objection de principe, dans la mesure où l’article 37-1 de la Constitution permet de déroger au principe d'égalité pour un objet et une durée limités, ce qui est le cas en l’espèce. Par ailleurs, il observe que le contrôle des structures constituant une atteinte à l’exercice du droit de propriété et à la liberté d’entreprendre (Conseil constitutionnel, 16 juillet 1984, n° 84-172 DC, 9 octobre 2014, n° 2014-701 DC), aucune exigence constitutionnelle ne fait obstacle à ce qu’il soit limité à certaines opérations, voire supprimé dans certains départements ou certaines régions.

Sur la demande en appréciation de régularité

68. Le Gouvernement envisage d’instituer, à titre expérimental, un nouveau mode de recours permettant à l’auteur ou au bénéficiaire d’une décision de saisir la cour administrative d’appel d’une demande tendant à juger de la régularité de la procédure ayant conduit à cette décision. Le projet prévoit que la cour examine « tous les moyens relatifs à la régularité de la procédure qui lui sont soumis ainsi que ceux sur lesquels elle estime devoir se prononcer d’office. » Il est également prévu que toute personne ayant intérêt à agir contre la décision en cause peut intervenir à la procédure.

La demande suspendrait l’examen des recours dirigés contre la même décision. Si la cour, qui doit se prononcer dans un délai de six mois, conclut à la régularité de la procédure, aucun vice de procédure ne peut plus être invoqué par voie d’action ou par voie d’exception à l’encontre de la décision en cause.

Le projet renvoie à un décret en Conseil d’État le soin d’indiquer les décisions susceptibles de faire l’objet de telles demandes ainsi que les conditions dans lesquelles les tiers seront informés de l’existence de cette procédure.

Sur l’opportunité du dispositif expérimental

69. L’objectif du Gouvernement, selon l’étude d’impact, est de renforcer la sécurité juridique de certains « projets de grande ampleur s’inscrivant notamment dans le cadre d’opérations complexes », dont la légalité peut être remise en cause à l’occasion de contentieux dirigés contre des décisions ultérieures.

Le Conseil d’État relève cependant que ce nouveau mode de recours « sera nécessairement à l’origine de recours contentieux supplémentaires », comme le Gouvernement le souligne lui-même dans l’étude d’impact. Cette augmentation de la charge des juridictions administratives s’accompagnerait d’un allongement de la durée des procédures, puisque les demandes de « rescrit » suspendraient l’examen des recours contentieux dirigés contre les mêmes décisions. Le dispositif accroîtrait également la complexité du fonctionnement de la justice administrative, notamment dans l’hypothèse où le juge du « rescrit » et le juge de l’excès de pouvoir, voire le juge des référés, saisis de la même décision, ne se prononceraient pas dans le même sens.

A cet égard, force est de constater qu’il est impossible d’évaluer aussi bien l’efficacité attendue du dispositif que son incidence sur le fonctionnement de la juridiction administrative, faute pour le Gouvernement d’avoir prévu les décisions entrant dans le champ du dispositif et réalisé une étude d’impact présentant une estimation du nombre de ces décisions, le nombre de contentieux auxquels elles donnent lieu et la proportion d’annulations pour des vices de forme ou de procédure.

Le Conseil d’État relève enfin le caractère paradoxal d’un recours dont l’auteur n’aurait pas intérêt à développer une argumentation convaincante puisqu’il plaiderait à l’inverse de ses intérêts, dès lors qu’il cherche à assurer la sécurité juridique de la décision en cause.

Pour autant, le Conseil d’État estime que l’objectif poursuivi par le Gouvernement dans l’expérimentation envisagée répond à un intérêt général de sécurité juridique qui n’est pas contestable. Par ailleurs, les inconvénients du projet, dont certains peuvent être atténués par les modifications qui sont proposées ci-dessous, doivent être relativisés du fait qu’il s’agit d’un dispositif expérimental, d’une durée limitée à trois ans, mis en œuvre par quelques juridictions seulement et dont la pérennisation ne pourra être envisagée que s’il en ressort un bilan positif.

C’est pourquoi le Conseil d’État retient le projet qui lui est soumis, en l’assortissant d’une observation générale et des réserves ci-dessous qui le conduisent à modifier sensiblement le texte proposé par le Gouvernement.

Le Conseil d’État observe que cette expérimentation ne dispense pas le Gouvernement d’étudier, dans un but de sécurité juridique, la possibilité de mettre en œuvre un dispositif, inspiré de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme, instaurant un délai au-delà duquel les vices de forme ou de procédure susceptibles d’affecter certaines décisions, notamment celles qui entrent dans le champ de l’expérimentation ou dans le cadre d’opérations complexes, ne pourraient plus être invoqués.

Sur la constitutionnalité du dispositif

70. L’interdiction de soulever certains moyens devant le juge constitue une limitation du droit au recours qui ne peut être instaurée que par la loi. Cette limitation peut être justifiée par le risque d’instabilité juridique pesant sur certaines décisions, à la condition qu’elle ne porte pas une atteinte substantielle au droit au recours, comme l’a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 janvier 1994, Loi portant diverses dispositions en matière d’urbanisme et de construction (n° 93-335 DC, cons. 4).

A cet égard, le Conseil d’État considère que le législateur méconnaîtrait sa compétence s’il ne donnait aucune indication sur les catégories de décisions susceptibles de faire l’objet de ce nouveau mode de recours, puisqu’il ne garantirait pas que, dans certaines hypothèses, l’atteinte au droit au recours ne serait pas disproportionnée. Pour la même raison, le projet ne satisfait pas à l’exigence constitutionnelle selon laquelle une expérimentation doit avoir un objet limité et les conditions de sa mise en œuvre doivent être définies de façon suffisamment précise, comme l’a indiqué le Conseil constitutionnel dans sa décision du 12 août 2004, Loi relative aux libertés et responsabilités locales (n° 2004-503 DC, cons. 14).

Le Conseil d’État précise donc le projet en indiquant, pour tenir compte de l’objectif du Gouvernement, que le champ du dispositif s’étend aux décisions administratives non réglementaires, prises sur le fondementdu code de l’environnement, du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, du code de l’urbanisme ou des articles L. 1331‑25 à L. 1331-29 du code de la santé publique relatifs aux déclarations d’insalubrité, dès lors que l’éventuelle illégalité de ces décisions pourrait, alors même qu’elles seraient devenues définitives, être invoquée à l’occasion de la contestation d’actes ultérieurs.

La constitutionnalité du dispositif suppose également que les tiers intéressés soient mis en mesure de faire valoir leurs observations. C’est pourquoi le Conseil d’État précise que la demande en appréciation de régularité est rendue publique dans des conditions, qui seront fixées par décret, permettant à toute personne ayant intérêt à agir contre la décision en cause d’intervenir à la procédure. La décision qui sera rendue sur cette demande devra, elle aussi, faire l’objet d’une publicité suffisante.

Sur la compétence des cours administratives d’appel

71. Le Conseil d’État considère que la compétence des cours administratives d’appel pour connaître de ce type de recours en premier et dernier ressort, outre qu’elle constituerait une nouvelle dérogation au principe de la compétence de premier ressort des tribunaux administratifs, ne serait pas cohérente avec le fait que ces tribunaux pourraient être amenés à se prononcer sur les mêmes questions à l’occasion de recours en référé ou pour excès de pouvoir contre les mêmes décisions.

En conséquence, le Conseil d’État modifie le projet sur ce point en attribuant aux tribunaux administratifs la compétence pour se prononcer sur ces demandes en premier et dernier ressort. Contrairement au projet, il renvoie au pouvoir réglementaire le soin d’indiquer les juridictions qui seront chargées de mettre en œuvre l’expérimentation et le délai dans lequel elles devront se prononcer, tout en fixant leur nombre à un maximum de quatre.

Sur la procédure envisagée

72. Le Conseil d’État considère que le juge saisi de la demande en appréciation de régularité devra examiner l’ensemble des questions de légalité externe, y compris celle de la compétence de l’auteur de l’acte, exclue du projet du Gouvernement, sous peine de priver le dispositif d’une part importante de son efficacité.

Le Conseil d’État précise que la décision du tribunal administratif n’est pas susceptible d’appel, étant entendu que rien n’interdira aux parties de former un pourvoi en cassation.

Sur les conséquences d’un constat d’illégalité de la décision en cause

73. Le projet du Gouvernement n’indique pas quelles seraient les conséquences de la décision du juge, dans l’hypothèse où il constaterait l’existence d’un vice de nature à entacher d’illégalité la décision administrative en cause. Le Conseil d’État considère qu’il est opportun d’ajouter au projet une disposition selon laquelle, par dérogation aux dispositions de l’article L. 242-1 du code des relations entre le public et l’administration, l’autorité administrative peut retirer ou abroger la décision en cause, si elle estime qu’elle est illégale, à tout moment de la procédure et jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois après que la décision du juge lui a été notifiée. Le retrait ou l’abrogation permettra ainsi au juge éventuellement saisi d’un recours contentieux contre la même décision de prononcer un non-lieu.

En revanche, il n’a pas paru possible au Conseil d’État d’attribuer au tribunal le pouvoir d’annuler la décision dont il constaterait l’illégalité, dès lors qu’il n’est pas saisi de conclusions en ce sens par le demandeur.

Sur le bilan de l’expérimentation et sur le décret d’application

74. Le Conseil d’État considère qu’il est opportun de porter de deux à trois ans la durée de l’expérimentation, de façon à en tirer toutes les leçons utiles. Il ajoute au projet une disposition prévoyant que l’expérimentation fera l’objet d’une évaluation dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Enfin, comme il est dit plus haut, le Conseil d’État précise que le décret d’application devra indiquer les conditions dans lesquelles les personnes intéressées seront informées, d’une part, des demandes tendant à apprécier la régularité d’une décision et de leurs conséquences éventuelles sur les recours ultérieurs, d’autre part, des réponses qui seront apportées à ces demandes par le tribunal.

Sur les dispositions de simplification en matière financière

75. Le projet habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions tendant à supprimer la mention obligatoire du taux effectif global dans les contrats de crédit aux entreprises, lorsque celle-ci n’est pas appropriée, et à clarifier et harmoniser le régime des sanctions civiles applicables aux établissements de crédit en cas de manquement à l’obligation de cette mention, conformément aux exigences énoncées par les directives 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel, ainsi qu’à simplifier le régime national de responsabilité des agences de notation afin de l’aligner sur le régime fixé par le règlement (UE) n° 462/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013.

76. Le projet supprime en outre l’obligation faite aux petites entreprises de produire un rapport annuel de gestion, ainsi que le permet l’article 19 de la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil.

77. Ces dispositions, qui tendent à aligner le droit national sur les exigences découlant strictement des directives ou des règlements européens, ne soulèvent pas d’objection d’ordre constitutionnel ou conventionnel.

Sur l’expérimentation en matière de participation du public

78. En matière de participation du public aux projets ayant une incidence sur l’environnement, le projet prévoit d’expérimenter la suppression de l’enquête publique (art. L. 123-1 et suivants du code de l’environnement), remplacée par une participation du public par voie électronique (art. L. 123-19 de ce code), lorsqu’une concertation préalable (art. L. 121-15-1 de ce code) a été antérieurement réalisée sous l’égide d’un garant (art. L. 121-16-1 de ce code) désigné par la Commission nationale du débat public (CNDP). Le périmètre retenu pour cette expérimentation correspond aux projets nécessaires à l’exercice d’une activité agricole, relevant des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE, art. L. 511-2 de ce code) et des installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA, art. L. 214-3 de ce code) susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique (dits « loi sur l’eau »).

79. Le Conseil d’État observe que cette expérimentation, d’une part, traduit une inflexion par rapport aux partis retenus depuis la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 faisant de l’enquête publique, qui intervient en aval des procédures, l’outil privilégié de la participation du public en matière d’environnement et, d’autre part, prolonge certaines évolutions engagées, en particulier, par l’ordonnance n° 2016-1060 du 3 août 2016, récemment entrée en vigueur, qui a entendu développer cette participation en amont des procédures, conformément aux stipulations de l’article 6 de la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus en 1998, et en écho aux préconisations formulées notamment par le Conseil d’État (Rapport public 2011, Consulter autrement, participer effectivement, p. 133).

80. Au regard des incertitudes entourant les effets d’une telle évolution des modalités de participation pour le public, pour les porteurs de projets mais aussi pour les services de l’État, et dans le contexte des difficultés soulevées localement par certains projets, le Conseil d’État estime que le recours à une expérimentation est pertinent. Cependant, il attire l’attention du Gouvernement sur la nécessité que cette expérimentation permette de tirer des enseignements utiles pour l’ensemble des projets ayant une incidence sur l’environnement actuellement soumis à enquête publique, au-delà des seuls projets nécessaires à l’exercice d’une activité agricole.

81. Par ailleurs, le Conseil d’État estime que les modalités de participation retenues ne soulèvent pas d’objection d’ordre constitutionnel ou conventionnel, en particulier au regard de l’article 6 de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (v. 9 nov. 2017, Avis sur un projet de loi relatif à l’organisation des jeux olympiques et paralympiques 2024, n° 393671). Enfin, en termes de rédaction, il accepte que soit renvoyé à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer la liste des projets relevant de l’expérimentation, et ajoute des dispositions relatives à son évaluation.

Sur la simplification des procédures concernant les installations de production d’énergie renouvelable en mer

82. Le projet habilite le Gouvernement, dans la perspective de favoriser un développement rapide des énergies renouvelables en mer (éolien posé et flottant, hydrolien), à simplifier et accélérer, par voie d’ordonnance, les diverses procédures nécessaires, conjointement avec la procédure de mise en concurrence, à l’implantation des installations de production. A cette fin, il prévoit que l’autorisation environnementale ainsi que l’autorisation concernant le plateau continental et la zone économique exclusive seront adaptées, en ce qui concerne les installations de production, de façon à pouvoir être délivrées, avant même la désignation du lauréat de l’appel d’offres, à l’État, à charge pour celui-ci de les transférer à ce lauréat une fois désigné. Il prévoit aussi que la désignation du lauréat pourra valoir autorisation d’occupation du domaine public en ce qui concerne les installations de production.

83. Le Conseil d’État considère que ces dispositions ne soulèvent pas de difficulté, sauf en ce qui concerne celles qui visent à préciser les conditions dans lesquelles le lauréat est autorisé à occuper le domaine public, qui n’ont pas leur place dans une loi d’habilitation.

Sur les mesures de simplification concernant les réseaux d’électricité

84. Le projet habilite le Gouvernement à simplifier par ordonnance la procédure d’élaboration et de révision des schémas régionaux de raccordement au réseau des installations de production usant d’énergies renouvelables et à rendre applicable aux réseaux publics d’électricité la procédure d’extrême urgence du code de l’expropriation. Ces dispositions n’appellent pas d’observation de la part du Conseil d’État, qui estime toutefois possible, eu égard à la relative simplicité des dispositions à prendre, de ramener de dix-huit à douze mois le délai imparti au Gouvernement pour adopter les ordonnances.

Sur la transposition de directives en matière d’environnement

85. S’agissant de la transposition de la directive 2010/75/UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles, le Conseil d’État admet qu’une mise à disposition du public des informations soumises par l’exploitant en vue d’obtenir le renouvellement de l’autorisation d’exploiter son installation puisse satisfaire à l’exigence de participation du public résultant de cette directive. Il estime nécessaire, comme il l’avait indiqué à l’occasion de l’examen de l’ordonnance portant transposition du chapitre II de cette directive (v. Rapport public 2012, pp. 239-240), de préciser que les observations recueillies auprès du public font l’objet d’une synthèse, rendue publique, indiquant celles dont il a été tenu compte.

86. S’agissant de la transposition de la directive 2011/92/UE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, modifiée par la directive 2014/52/UE du 16 avril 2014, le Conseil d’État estime que cette directive n’impose pas que l’examen au cas par cas des modifications ou extensions de projets, destiné à déterminer s’ils doivent être soumis à évaluation environnementale, soit nécessairement effectué par l’autorité environnementale. Dans ces conditions, il n’émet pas d’objection à ce que l’autorité de police procède à cet examen, l’autorité environnementale demeurant compétente, lorsqu’une évaluation environnementale est requise, pour se prononcer ensuite sur l’étude d’impact. Le Conseil d’État estime que cette question est distincte de celle de la désignation de l’autorité environnementale (v., pour l’application de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, CJUE, 20 octobre 2011, Department of the Environment for Northern Ireland c/ Seaport (NI) Ltd, C-474/10).

Sur les règles applicables aux entrepreneurs de spectacles vivants

87. Une disposition du projet de loi a pour objet d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, des mesures relevant du domaine de la loi et visant à simplifier et moderniser les règles applicables à l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants (cabaret, music-hall, auditorium, salle de spectacles, compagnie de théâtre, de danse, de cirque, d’arts de la rue, …).

88. Le Conseil d’État s’attache à mieux faire apparaître, conformément à la jurisprudence constitutionnelle, à la fois la finalité et le domaine d’intervention des mesures qui pourront être prises par ordonnance.

Il est préférable à cet égard que l’habilitation ne fasse pas une référence explicite au code du travail, au titre des mesures que le Gouvernement sera autorisé à prendre pour mener à bien la réforme envisagée, ces mesures pouvant relever d’un champ législatif plus large que celui régi par le seul code du travail.

Plutôt que de préciser que l’habilitation a pour finalité de « simplifier le régime de délivrance de la licence (…) auquel pourrait notamment être substitué un régime déclaratif assorti d’un pouvoir d’opposition de l’administration », le Conseil d’État adopte une rédaction rendant mieux compte de la volonté du Gouvernement de simplifier et de moderniser, de manière plus large, le régime juridique de l’exercice de l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants, y compris les conditions administratives mises au départ pour se livrer à cette activité.

Il ne lui paraît pas utile de maintenir certaines des dispositions figurant dans le projet de loi, qui ont pour objet de permettre au Gouvernement de prendre par ordonnance des mesures afin d’encourager la structuration économique des entrepreneurs de spectacles vivants et d’améliorer la transparence du dispositif de délivrance de la licence, les mesures en cause ne relevant pas du domaine de la loi.

Enfin, il semble indispensable que le champ de l’habilitation, en ce qui concerne la substitution de sanctions administratives aux sanctions pénales réprimant actuellement l’exercice illégal de l’activité d’entrepreneur de spectacles, puisse s’étendre à l’ensemble des règles caractérisant le régime des sanctions administratives envisagées.

89. Les quatre finalités retenues dans la version adoptée par le Conseil d’État consistent donc :

-          à simplifier et moderniser le régime juridique afférent à l’exercice de l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants ;

-          à mettre en place un régime de sanctions administratives se substituant au régime de sanctions pénales, prévu aux fins de réprimer l’exercice illégal de l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants ;

-          à abroger ou modifier les dispositions devenues inadaptées ou obsolètes ;

-          à garantir le respect des règles relatives à la sécurité des lieux de spectacles et des dispositions relatives au droit du travail, au droit de la protection sociale et au droit de la propriété littéraire et artistique.

Sur la procédure d’élaboration des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires

90. La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République a institué un schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) dans toutes les régions, à l’exception de l’Ile-de-France, de la Corse et des régions d’outre-mer, qui sont dotées de documents spécifiques. Le SRADDET, dans les régions où il existe, a vocation à intégrer divers documents de planification, notamment le plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD), créé par la même loi en lieu et place des documents départementaux, interdépartementaux et régionaux existants. Les conditions de cette intégration, à terme, ont été fixées par l’ordonnance n° 2016-1028 du 27 juillet 2016.

Le régime transitoire de l’ordonnance du 27 juillet 2016 n’a toutefois maintenu en vigueur les dispositions législatives relatives aux PRPGD que pour les régions qui, soumises à l’obligation d’adopter un SRADDET, avaient engagé la procédure d’élaboration du PRPGD préalablement à la publication de l’ordonnance. Afin de permettre à celles qui l’ont engagé postérieurement de l’adopter, en vue de son intégration à terme dans le SRADDET, le Conseil d’État a estimé nécessaire de prévoir le rétablissement, à titre rétroactif, du régime propre aux PRPGD, pour toutes les régions, jusqu’à l’approbation par chacune d’entre elles, de son SRADDET. Une telle rétroactivité ne méconnaît aucune des règles qui s’imposent, en pareil cas, au législateur, eu égard au motif d’intérêt général tiré de la nécessité d’élaborer rapidement et uniformément des plans en matière de déchets pour satisfaire aux obligations résultant de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets.

Le projet confie alors à la même commission régionale le soin d’évaluer les plans existants en matière de déchets en vue de l’élaboration des PRPGD et, à terme, du premier SRADDET.

Sur lesdiverses mesures relatives aux cultes

91. Le projet de loi contient plusieurs mesures de modernisation et de clarification du statut des cultes en renforçant leurs ressources, en particulier celles des associations cultuelles qui ne peuvent recevoir, sauf exceptions, des financements publics.

Une première mesure tend à modifier la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’État, afin d’ouvrir aux associations cultuelles la possibilité de détenir et d’administrer tout immeuble acquis à titre gratuit, y compris des immeubles de rapport.

La loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire a permis aux associations déclarées depuis au moins trois ans et dont l’ensemble des activités est mentionné au b du 1 de l’article 200 du code général des impôts de recevoir par libéralité et de conserver des immeubles de rapport, afin de renforcer leurs fonds propres. Les associations cultuelles, qui relèvent du e du 1 du même article, sont aujourd’hui exclues de cette possibilité et sont donc tenues, lorsqu’elles reçoivent par libéralité un immeuble de rapport, de vendre celui-ci dans les trois ans.

En autorisant les associations cultuelles à tirer des revenus locatifs d’immeubles acquis à titre gratuit, la mesure proposée vise donc à favoriser leurs ressources propres, mais également à mettre fin à une différence de traitement entre ces associations et les associations exerçant les activités mentionnées au b du 1 de l’article 200 du code général des impôts. Cette différence de traitement n’apparaît pas justifiée dans la mesure où l’ensemble de ces structures bénéficient de la même capacité juridique et ont un même intérêt, pour asseoir leur financement, à pouvoir disposer de facilités identiques quant à la possession et à l’administration des immeubles acquis par elles à titre gratuit.

Cette mesure n’appelle pas d’autre observation de la part du Conseil d’État.

92. La deuxième mesure, qui s’insère également dans la loi de 1905, consiste à imposer aux associations cultuelles l’obligation d’établir des comptes annuels.

En l’état actuel du droit, il n’existe aucune obligation générale d’établissement de comptes annuels pesant sur ces associations. Seuls certains textes les soumettent, dans diverses situations, à une obligation de présentation de comptes annuels des trois derniers exercices clos ou des exercices clos depuis leur date de création, si elles ont été créées depuis moins de trois ans : il en est ainsi lorsqu’elles déclarent une libéralité, lorsqu’elles sollicitent la délivrance ou le renouvellement d’un rescrit administratif, lorsqu’elles participent à une opération de fusion, de scission ou d’apport partiel d’actif ou lorsqu’elles reçoivent annuellement plus de 153 000 euros de dons ouvrant droit à avantage fiscal. De même, lorsqu’elle saisit d’une demande de rescrit fiscal l’administration, une association cultuelle doit produire des comptes annuels pour que puisse être apprécié le caractère exclusivement cultuel de ses activités.

La généralisation d’une telle obligation par la mesure proposée tend à renforcer l’exigence de transparence financière que la possibilité pour les associations cultuelles de posséder et d’administrer des immeubles de rapport rend d’autant plus souhaitable.

Le Conseil d’État estime, pour cette raison, que l’obligation est justifiée, sans constituer une atteinte au libre exercice des cultes, ni une intrusion excessive dans la libre gestion par les associations cultuelles de leur budget.

93. La troisième mesure modifie le code de l’urbanisme pour prévoir l’exclusion du droit de préemption des donations entre vifs effectuées au profit de divers organismes dont les associations cultuelles.

L’article L. 213-1-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, soumet au droit de préemption les immeubles faisant l’objet d’aliénations à titre gratuit afin de lutter contre les donations fictives accompagnées de versements occultes.

En vertu de cette disposition, sont aujourd’hui soumis au droit de préemption les donations et legs faits au bénéfice de tous les établissements ayant la capacité de recevoir des libéralités, qu’il s’agisse des fondations, des associations cultuelles, des congrégations ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, des établissements publics du culte ou des associations inscrites de droit local. De même, les dotations ou apports de patrimoine au bénéfice de fondations ou de congrégations sont susceptibles de donner lieu à préemption, privant par là-même ces structures de moyens de fonctionner.

L’ordonnance n° 2015-904 du 23 juillet 2015 portant simplification du droit des associations et des fondations a modifié l’article L. 213-1-1 du code de l’urbanisme pour que le droit de préemption ne s’applique pas aux aliénations à titre gratuit au bénéfice des organismes sans but lucratif ayant la capacité à recevoir des libéralités. Cependant, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a de nouveau modifié cet article. A la différence des biens légués, les biens faisant l’objet d’une donation entre vifs au bénéfice d’une fondation, d’une association cultuelle ou d’une congrégation sont désormais de nouveau soumis au droit de préemption.

En l’état actuel du droit, l’application du droit de préemption prévu par l’article L. 213-1-1 du code de l’urbanisme peut être source d’insécurité juridique. Ainsi, des congrégations religieuses pourraient voir leurs biens immeubles préemptés à l’occasion d’une reconnaissance légale ou lors d’un regroupement entre plusieurs congrégations. De même, les biens immobiliers susceptibles d’être concernés pourraient inclure, dans un certain nombre de cas, les sépultures des défunts membres de la congrégation.

94. Le Conseil d’État estime que la mesure proposée est de nature à lever utilement les incertitudes juridiques, prévenir les risques de contestation qui pourraient naître de l’exercice du droit de préemption des donations entre vifs opérées au bénéfice d’une fondation, d’une association cultuelle ou d’une congrégation, conforter la capacité juridique de ces structures et maintenir la diversité de leurs financements privés, tout en préservant l’objectif de lutte contre les contournements du droit de préemption poursuivi par les lois des 24 mars 2014 et du 6 août 2015. En effet, les structures concernées par la mesure d’exemption proposée sont d’ores et déjà soumises au contrôle de l’administration à travers les procédures de reconnaissance d’utilité publique, de reconnaissance légale ou de déclaration des libéralités, ce contrôle permettant d’écarter le risque de création d’associations fictives pour recevoir des biens.

95. La quatrième et dernière mesure procède à une modification de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique en vue d’exclure les « associations à objet cultuel » de la liste des représentants d’intérêts.

Dans sa rédaction issue de l’article 25 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, qui a restreint, à la suite de l’adoption d’amendements au cours de la discussion parlementaire, le champ de l’exclusion initialement prévu par le projet de loi, l’article 18-2 de la loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique dispose actuellement que : « Ne sont pas des représentants d'intérêts au sens de la présente section : […] d) Les associations à objet cultuel, dans leurs relations avec le ministre et les services ministériels chargés des cultes ».

Or, cette exclusion seulement partielle ne reflète pas la réalité des relations que ces associations entretiennent traditionnellement avec d’autres représentants de l’État, dans le domaine par exemple de la culture ou de la fiscalité, ou avec les élus locaux.

Le retour à la rédaction du d de l’article 18-2 de la loi du 11 octobre 2013 dans la version sur laquelle le Conseil d’État avait émis un avis favorable lorsqu’il avait examiné le projet de loi n° 2016-1691 ne soulève donc aucune difficulté de la part de celui-ci.

Sur la réforme du régime de l’énergie géothermique

96. Dans la perspective globale de la transition énergétique, le projet habilite également le Gouvernement à réformer, par voie d’ordonnance, les dispositions du code minier concernant la géothermie. Le critère de la température pour distinguer les régimes haute et basse température doit être abandonné au profit, d’une part, d’un régime adapté aux projets en situation géologique connue ne nécessitant qu’une phase d’exploration limitée, d’autre part, d’un régime plus complet pour les autres opérations.

Le Conseil d’État relève toutefois les insuffisances sur ce point de l’étude d’impact qui, si elle expose assez bien l’inadaptation du régime actuel, doit être complétée en ce qui concerne les perspectives des réformes envisagées, notamment la distinction entre les deux nouveaux régimes.

Cet avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’État dans sa séance du 23 novembre 2017.