Projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique

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Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis du Conseil d'État portant sur un projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique

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CONSEIL D’ÉTAT

ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

Section de l’intérieur
Section des finances
Section des travaux publics
Section sociale
Séance du 29 mars 2018 
 N° 394435

EXTRAIT DU REGISTRE DES DÉLIBÉRATIONS

Avis sur un projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique

1. Le Conseil d’État a été saisi le 27 février 2018 d’un projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique
Ce projet de loi a été modifié par trois saisines rectificatives reçues les 23 et 28 mars 2018 en ce qui concerne le texte du projet et, s’agissant de l’étude d’impact, le 28 mars 2018.

 2. Ce projet de loi, qui comprend soixante-six articles, est organisé en quatre titres, respectivement intitulés « Construire plus, mieux et moins cher », « Evolutions du secteur du logement social », « Répondre aux besoins de chacun et favoriser la mixité sociale » et « Améliorer le cadre de vie ». Ces titres comprennent chacun trois à six chapitres regroupant les dispositions en fonction des objectifs plus spécifiques à la réalisation desquels ils doivent concourir. Le Conseil d'Etat n’a pas modifié cette structuration qui lui est apparue satisfaisante.

3. Dans sa version initiale, l’étude d’impact du projet est apparue, sur certains points lacunaire ou insuffisante au regard des prescriptions de la loi organique du 15 avril 2009. Le Conseil d’Etat souligne à cet égard de nouveau que, pour un projet de loi de cette nature, qui regroupe de très nombreuses mesures distinctes les unes des autres, c’est au titre de chaque article ou ensemble d’articles ayant le même objet que s’apprécie le respect des exigences relatives à l’étude d’impact.
Ainsi, s’agissant, par exemple, de la restructuration du secteur du logement social, l’étude d’impact se bornait à développer des éléments généraux sur le nombre et la diversité des organismes de logement social ainsi que sur la nécessité de garantir leur financement dans le contexte de l’adoption récente de l’article 126 de la loi de finances pour 2018, sans fournir d’éléments suffisants permettant de justifier que l’obligation de regroupement qu’il est projeté de leur imposer participe à un objectif à valeur constitutionnelle ou d’intérêt général, ni, à supposer que tel soit le cas, les critères et éléments objectifs conduisant à retenir un seuil minimum de 15 000 logements gérés par organisme pour imposer cette obligation. Par ailleurs, lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, un projet de loi conduit à pérenniser ou généraliser une mesure expérimentale ou à rendre obligatoire un dispositif qui ne constituait qu’une faculté, il apparaît indispensable que l’étude d’impact comporte un bilan de l’application de la mesure expérimentale ou du dispositif facultatif en cause de nature à justifier sa pérennisation, sa généralisation ou le fait de rendre obligatoire.

4. Le Gouvernement a, par la saisine rectificative du 28 mars 2018, complété et approfondi l’étude d’impact initiale sur la majeure partie de ces points. Ceux sur lesquels elle reste en-deçà de ce qu’elle devrait être sont mentionnés dans les développements qui suivent.

5. Le projet de loi comporte plusieurs habilitations à légiférer par ordonnance en application de l’article 38 de la Constitution. Le Conseil d’Etat a veillé à définir avec une précision suffisante les finalités et le domaine d’intervention de ces ordonnances, sans descendre cependant dans un degré de détail excessivement contraignant au regard des finalités poursuivies, et à adapter le délai dans lequel elles devront intervenir à la complexité que leur élaboration semble présenter.

6. L’élaboration de ce projet a été marquée par une procédure originale puisque l’avant-projet de loi a été précédé d’une concertation numérique qui a permis de recueillir près de 2 000 contributions, puis a été suivi d’une « conférence de consensus » sur le logement qui s’est déroulée du 12 décembre 2017 au 8 février 2018 et a associé les parties prenantes, les élus locaux, les parlementaires des deux chambres et l’Etat.
Pour novatrice et fructueuse qu’elle puisse être, cette démarche ne saurait dispenser le Gouvernement de faire procéder en temps utile aux consultations auxquelles le projet est soumis eu égard à la nature des dispositions qu’il édicte en temps utile. Or, le Conseil d'Etat relève que la saisine des organismes et collectivités qui doivent émettre un avis s’est effectuée tardivement, très souvent après que le projet de loi lui a été transmis et la plupart du temps selon les procédures d’examen en urgence.
Si la brièveté des délais impartis peut être sans incidence sur les avis recueillis lorsqu’ils portent sur un nombre limité de dispositions, il n’en va pas de même lorsque la consultation porte sur l’ensemble du projet de loi, ou une large partie, eu égard au volume de celui-ci. Au surplus, compte tenu de la date à laquelle ils ont été rendus, la possibilité pour le Gouvernement de les prendre en compte est extrêmement réduite, y compris au stade de l’examen par le Conseil d'Etat, stade auquel au demeurant auraient déjà dû être intégrées les modifications pouvant le cas échéant en résulter. Certes, la régularité formelle des consultations est assurée mais l’esprit qui a présidé à l’obligation de consulter ne peut être considéré comme respecté.
7. Au-delà de ces remarques liminaires, et outre de nombreuses améliorations de rédaction qui s’expliquent d’elles-mêmes, ce projet de loi appelle, de la part du Conseil d’Etat, les observations suivantes.

En ce qui concerne le titre Ier « Construire plus, mieux et moins cher »

Opérations d’aménagement

Sur le contrat de projet partenarial d’aménagement et la grande opération d’urbanisme

8. La réalisation d’opérations d’aménagement d’ampleur ou complexes, souvent longue et coûteuse, a été possible grâce à l’intervention de l’Etat agissant dans le cadre des opérations d'intérêt national (OIN). Le projet de loi s’inspire du régime juridique des OIN pour créer un outil d’aménagement similaire à la disposition des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et de la collectivité à statut particulier qu’est la métropole de Lyon et de celle que sera bientôt la Ville de Paris, outil dénommé « grande opération d’urbanisme » (GOU).
Une opération d’aménagement pourra être qualifiée de grande opération d'urbanisme si elle est prévue par un contrat dit « projet partenarial d’aménagement » (PPA) qui associe l’Etat et cet établissement ou collectivité à la définition d’un projet et des moyens permettant sa mise en œuvre et si, en raison de ses dimensions ou de ses caractéristiques, la réalisation de tout ou partie de ce projet requiert un engagement conjoint spécifique de l’Etat et de la collectivité ou l’établissement public en cause.

La similitude des régimes juridiques de l’OIN et de la GOU et le maintien d’un contrôle de l’Etat sur cette dernière ne paraissent cependant pas justifier de la ranger parmi les dispositifs servant les objectifs de l’Etat prévus par le chapitre II du titre préliminaire du livre Ier du code de l'urbanisme, puisqu’elle s’avère être au service de l’établissement ou la collectivité.

9. Le Conseil d'Etat estime que le transfert de la compétence pour délivrer les autorisations d’urbanisme au président de l’établissement public ou de la collectivité à l’initiative de la grande opération d'urbanisme ne méconnaît pas le principe de libre administration et n’aboutit pas à instaurer une tutelle sur les communes comprises dans le périmètre de cette opération dans la mesure où il répond à l’objectif d’intérêt général d’assurer l’aménagement cohérent d’une zone précisément délimitée et où, en cas d’avis défavorable d’une des communes comprises dans ce périmètre, la qualification de grande opération d'urbanisme est décidée par le préfet, ce qui confère à l’Etat le soin d’apprécier l’existence de cette nécessité.

10. C’est également l’obligation faite à l’établissement ou collectivité de recueillir l’accord de l’Etat qui permet au Conseil d'Etat d’admettre que cet établissement ou collectivité puisse, dans le cadre d’une grande opération d'urbanisme, se substituer à une commune pour construire ou adapter un équipement public ressortant à la compétence de celle-ci lorsqu’elle s’y refuse et que cet équipement est requis par l’aménagement : l’Etat est alors garant de l’utilisation de ce pouvoir de substitution d’office qui semble jusqu’ici n’avoir pas de précédent entre collectivités territoriales.

11. La possibilité de créer une zone d'aménagement différée (ZAD) par la délibération de l’établissement public de coopération intercommunale ou la collectivité décidant la grande opération d'urbanisme est assortie d’une dérogation à la durée de six ans renouvelable prévue par l'article L. 212-2 du code de l'urbanisme pendant laquelle le droit de préemption dans une ZAD peut être exercé puisque cette durée est portée à une période de dix ans renouvelable une fois.

Cette durée a une incidence directe sur la valeur des terrains inclus dans le périmètre de la ZAD, puisque la date de référence pour la fixation du prix d’acquisition des biens préemptés, et, le cas échéant, à défaut d’accord amiable, pour la fixation des indemnités d’expropriation, est fixée à la date de publication de l’acte créant la zone et, en cas de renouvellement de la durée de la ZAD, à celle de la publication de l'acte correspondant.

Le Conseil d'Etat considère que la fixation de cette durée du droit de préemption dans une ZAD doit correspondre à un équilibre entre, d’une part, le temps nécessaire à la réalisation de l’opération d’aménagement d’intérêt général, communautaire ou métropolitain, pour laquelle ce droit de préemption est prévu, eu égard au coût des acquisitions foncières à effectuer, et, d’autre part, la durée au-delà de laquelle : 1) l’indisponibilité du bien par son propriétaire porterait une atteinte excessive au droit de propriété et au droit au respect des biens ; 2) le gel de la valeur des propriétés foncières pouvant faire l’objet de la préemption emporterait une dépréciation telle qu’elle porterait atteinte aux mêmes principes constitutionnel et conventionnel.

Il estime que la durée de dix ans n’est pas excessive pour une grande opération d'urbanisme eu égard aux délais rendus nécessaires par les procédures de participation du public, l’obtention d’autorisations nombreuses et la mise en œuvre opérationnelle des projets d’ouvrages d’infrastructures, d’équipements et de bâtiments qui constitueront l’opération ainsi qu’à la nécessité de les coordonner, délais que l’expérience de la réalisation des opérations d’intérêt national a mis en évidence ces dernières années. En outre, en cas de prolongation de la ZAD, la fixation de la date de référence de la valeur du bien à la date de publication de l’acte renouvelant la zone permet l’actualisation de cette valeur.

Le Conseil d’Etat admet donc que la durée de dix ans renouvelable une fois du droit de préemption dans les ZAD qui pourront être créées concomitamment à une grande opération d'urbanisme ainsi qu’à une opération d'intérêt national ne contrevient pas aux exigences de la Constitution et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Sur le régime des opérations d'intérêt national

12. La réécriture des dispositions relatives aux opérations d'intérêt national auquel procède le projet de loi est particulièrement utile puisqu’elle permet de préciser les critères auxquels doivent répondre les projets d’aménagement susceptibles de bénéficier de cette qualification sur la base de la jurisprudence dégagée par les formations consultatives du Conseil d'Etat. Elle permet également de rassembler l’ensemble des dispositions dérogatoires au droit commun, aujourd’hui éparses dans le code de l'urbanisme, qui en font la spécificité : le régime des OIN gagne ainsi considérablement en clarté et en lisibilité.

13. Ce régime juridique des OIN est complété par la possibilité nouvelle de rétablir la compétence de droit commun prévue par l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable, dans des secteurs particuliers de l’OIN. Certes, la dimension nationale conférée à une opération d’aménagement à laquelle est reconnue la qualité d’OIN par décret en Conseil d'Etat repose sur l’implication de l’Etat dans la réalisation des aménagements projetés et par conséquent dans l’instruction et la délivrance des autorisations d’urbanisme. Toutefois, il ne paraît pas contraire à ce principe de soustraire à la compétence de l’autorité de l’Etat la délivrance des autorisations d’occupation du sol dans des secteurs précisément délimités et pour une période déterminée, dès lors que le stade de réalisation de l’aménagement ou la zone concernée ne justifie pas l’intervention de l’Etat et que le décret de création de l’OIN le prévoit. Ce partage de la compétence pour délivrer les autorisations d’urbanisme au sein du périmètre d’une OIN, qui aboutit à instituer des dérogations à un régime lui-même dérogatoire, n’est cependant pas de nature à favoriser la lisibilité de ce dispositif.

14. Le Conseil d'Etat estime souhaitable que la création d’une OIN continue à relever du décret en Conseil d'Etat tandis que le projet qui lui a été soumis prévoyait qu’elle puisse décidée par décret. La décision de créer une OIN a pour effet de dessaisir les établissements publics de coopération intercommunale et les communes de leurs compétences en matière d’aménagement et d’urbanisme au profit de l’Etat et affecte ainsi le principe de libre administration des collectivités territoriales. De plus, dès lors qu’une ZAD pourra être créée en même temps qu’une OIN, il convient d’assurer la cohérence des ces régimes puisqu’en cas d’avis défavorable d’une commune située dans le périmètre de la ZAD, il ne peut être passé outre cette opposition que par décret en Conseil d'Etat.

Sur les moyens nouveaux au service des opérations d’aménagement et d’urbanisme

15. L’extension aux grandes opérations d'urbanisme de la procédure intégrée pour la mise en compatibilité des documents d’urbanisme prévue au profit des projets de logements et de locaux d’activités ou d’immobilier d’entreprise par l'article L.300-6-1 du code de l'urbanisme est de nature à faciliter leur réalisation et ne soulève pas d’objection.

16. L’inégale couverture du territoire national par des établissements publics d'aménagement (EPA) et l’intérêt pour les établissements publics et collectivités qui peuvent décider une grande opération d'urbanisme de bénéficier des compétences de ces EPA est à l’origine de la possibilité qui leur est reconnue par le projet de loi , ainsi qu’à l’établissement public Grand Paris Aménagement(GPA), de déroger au principe de spécialité qui limite leur intervention à un territoire défini par leurs statuts.

Ces circonstances particulières, comme celle que ces interventions sont limitées à l’hypothèse dans laquelle l’EPA est titulaire d’une concession d’aménagement ainsi que la subordination de cette intervention à une autorisation délivrée conjointement par les ministres chargés de l’urbanisme et du budget après avis des collectivités concernées et de leurs groupements permettent d’admettre cette dérogation ponctuelle et bien encadrée, nonobstant le fait qu’elle n’est pas liée à un critère de proximité géographique des opérations en cause.

17. L’abrogation des articles L. 312-8 à L. 321-20 du code de l'urbanisme définissant le programme stratégique et opérationnel que doivent élaborer les EPA résulte de ce que celui-ci est un document interne de pilotage de ces établissements dénué d’effets juridiques, ce qui n’apparaît pas être le cas des programmes pluriannuels d’intervention des établissements publics fonciers dont les fonctions permettent que les dispositions qui les régissent soient maintenues au niveau législatif.

18. La possibilité de solliciter du président du tribunal administratif la désignation d’un même commissaire enquêteur ou d’une même commission d’enquête pour l’ensemble des enquêtes publiques requises à l’occasion de la réalisation d’une zone d'aménagement concerté ou d’une grande opération d'urbanisme ne paraît pas garantir le gain de temps et d’efficacité poursuivi par cette mesure et, en tout état de cause, ne nécessite pas une disposition de nature législative.

19. Le Conseil d'Etat admet que des améliorations ponctuelles soient d’ores et déjà apportées au régime juridique des zones d'aménagement concerté alors même que le projet de loi contient une habilitation destinée à accélérer l’aménagement et l’équipement de ces zones ainsi qu’à simplifier et à améliorer les procédures qui leur sont applicables. Il renvoie cependant à l’ordonnance à intervenir le soin de définir, dans les ZAC dites « à maîtrise foncière partielle », la possibilité de moduler la participation de ceux-ci au financement des équipements publics mis à la charge de l’aménageur, les critères retenus pour procéder à cette modulation ne paraissant pas, en l’état du projet, propres à assurer l’égalité de traitement entre les constructeurs.

Libération du foncier

Sur les cessions d’immeubles du domaine privé de l’Etat liées à un contrat de « Projet partenarial d’aménagement »

20. Il est prévu la possibilité de cession à l’amiable, sans mise en concurrence, d’immeubles bâtis ou non bâtis faisant partie du domaine privé de l’Etat, pour contribuer à la mise en œuvre des opérations d’aménagement définies à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme dont la réalisation est prévue par un projet partenarial d’aménagement, notion créée par le projet de loi à l’article L. 312-1 du code de l’urbanisme (cf. points 11 à 14 du présent avis). La cession est réalisée au profit de la collectivité ou de l’établissement public cocontractant mentionné à l'article L.312-1 à l’initiative de l’opération, ou, le cas échéant, directement au profit de l’opérateur désigné dans le contrat.

Le Conseil d'Etat estime que cette disposition ne présente pas de difficultés juridiques. Elle s’inscrit dans le champ de la dérogation à la procédure d’appel à la concurrence déjà prévue au 1° de l’article R. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P).

Sur le régime de la cession par l’Etat de terrains de son domaine privé pour la réalisation de programmes comportant des logements, notamment sociaux

21. Plusieurs modifications sont également apportées à l’article L. 3211-7 du CG3P, qui prévoit les conditions dans lesquelles l’Etat peut procéder à l'aliénation de terrains de son domaine privé à un prix inférieur à leur valeur vénale lorsque ces terrains, bâtis ou non, sont destinés à la réalisation de programmes comportant « essentiellement » des logements dont une partie au moins est réalisée en logement social.

Le Conseil d'Etat estime que le remplacement de l’adverbe « essentiellement » par l’adverbe « majoritairement » ne modifie pas l’appréciation sur la constitutionnalité de ce dispositif de « décote » prévu à l’article L. 3211-7 du CG3P, au regard des conditions posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel en cas de cession de propriétés d’une personne publique à des personnes poursuivant des fins d’intérêt privé à un prix inférieur à leur valeur (décisions n° 86-207 DC du 26 juin 1986, n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008, n° 2010-67/86 QPC du 17 décembre 2010). D’une part, l’objectif d’intérêt général justifiant ce dispositif (favoriser la création de logements, notamment sociaux) demeure. D’autre part, en vertu des règles de calcul de la « décote » prévues à l’article L. 3211-7, qui ne sont pas modifiées, celle-ci ne bénéficie qu’à la partie du programme destinée à des logements sociaux.

Sur le contrôle par l’ANCOLS de la société « Foncière Publique Solidaire »

22. Il est prévu de placer sous le contrôle de l’Agence nationale du contrôle du logement social (ANCOLS) l’activité de « service d’intérêt économique général » exercée par la Foncière Publique Solidaire, société anonyme, détenue par moitié par l’Etat et la Caisse des dépôts et consignations, créée par l’article 50 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain et qui a pour vocation d’alléger le coût du foncier pour accélérer la construction de logements, dont une majorité de logements sociaux.

Cette disposition, qui répond à l’engagement pris par la France vis-à-vis de la Commission européenne afin de contrôler le respect par la Foncière Publique Solidaire des règles de l’Union européenne relatives aux aides d’Etat, n’appelle pas d’observation particulière.

23. Les autres dispositions, relatives notamment au rôle des établissements publics fonciers, ne soulèvent pas de difficulté juridique.

Transformation de locaux de bureaux en logements

Sur la création d’une catégorie « immeubles de moyenne hauteur »

24. Il est prévu la création d’une catégorie d’« immeubles de moyenne hauteur », en sus de la catégorie déjà existante des immeubles de grande hauteur (IGH) soumise à des règles spécifiques en matière de sécurité et de protection contre l’incendie. Si la loi prévoit actuellement une seule catégorie, les règles fixées au niveau réglementaire conduisent, notamment, à ce que la définition d’un IGH soit différente selon que l’immeuble concerné est ou non à usage d’habitation (critère de 50 mètres pour les immeubles à usage d’habitation, de 28 mètres pour les autres immeubles). Le Gouvernement souhaite abandonner le critère de l’usage et pouvoir prévoir, par voie réglementaire, deux types de réglementation en matière de sécurité et de protection contre l’incendie, selon la hauteur de l’immeuble.

Compte tenu de cet objectif, le Conseil d'Etat estime qu’il est nécessaire de prévoir au niveau législatif les deux catégories d’immeubles que le Gouvernement souhaite créer.

Le Conseil d'Etat estime par ailleurs que l’étude d’impact devrait être complétée pour présenter les différentes options possibles, expliciter les raisons qui ont conduit à choisir celle consistant à créer une nouvelle catégorie d’immeubles et préciser les impacts de cette option.

Sur l’extension de la procédure de réquisition de logements avec attributaire à l’hébergement d’urgence de personnes sans abri

25. Le projet de loi étend la procédure de réquisition de logements avec attributaire, prévue aux articles L. 642-1 à L. 642-28 du code de la construction et de l’habitation, au cas de l’hébergement d’urgence de personnes sans abri. Cette mesure vise à accroître et diversifier l’offre de logements disponibles pour l’hébergement d’urgence, dans un contexte de demande sans cesse croissante et de forte croissance des dépenses, notamment en raison du recours à des solutions coûteuses, comme l’hébergement à l’hôtel.
Le Conseil d'Etat estime qu’elle ne se heurte à aucun principe constitutionnel dès lors qu’elle reste, tant dans son objet que dans les modalités retenues, dans le cadre du dispositif de réquisition de logements avec attributaire que le Conseil constitutionnel a déjà validé (décision n° 98-403 DC du 29 juillet 1998).

Simplification et amélioration des procédures d’urbanisme

Sur les habilitations relatives à certains documents d'urbanisme

26. Les habilitations ayant pour objet, d’une part, de limiter et simplifier les obligations de compatibilité et de prise en compte faites aux documents d’urbanisme locaux et, d’autre part, d’actualiser, clarifier, simplifier et compléter le régime juridique des schémas d’aménagement régional prévus par les articles L. 4433-7 et suivants du code général des collectivités territoriales répondent à des nécessités exprimées ces dernières années par les formations consultatives du Conseil d'Etat. Leur définition répond tant à la nécessité de remédier aux difficultés et insuffisances résultant des dispositions actuelles relevées par ces formations qu’aux exigences constitutionnelles de précision s’agissant de la finalité des mesures et de leur domaine d'intervention.

Sur l’instruction des demandes d’autorisation d’occupation du sol

27. Le projet de loi prévoit des mesures destinées à faciliter le traitement des demandes de permis et des déclarations préalables prévues par le code de l'urbanisme et leur délivrance.

28. La substitution d’un avis simple de l’architecte des bâtiments de France à l’avis conforme qu’il émet actuellement sur les projets d’installation d’antennes relais de radiotéléphonie mobile et sur les travaux destinés à remédier aux problèmes posés par l'habitat indigne, l’insalubrité et les immeubles menaçant ruine, dans les secteurs protégés au titre du patrimoine relève d’un arbitrage entre, d’une part, des exigences de protection du patrimoine historique et architectural et des sites et, d’autre part, des objectifs de déploiement des réseaux mobiles à très haut débit ainsi que des impératifs de sécurité et de salubrité publique, qu’il est loisible au Gouvernement de proposer au Parlement mais qu’il n’appartient pas au Conseil d'Etat d’effectuer.

29. La limitation du contenu du dossier de demande de permis de construire, d'aménager ou de démolir ou de déclaration préalable que doit fournir un pétitionnaire aux seules pièces nécessaires à la vérification du respect des législations et réglementations applicables au projet pour lequel une autorisation d’urbanisme est sollicitée s’imposera au pouvoir réglementaire et contribuera à éviter l’alourdissement de ce dossier, sans cependant garantir qu’il soit ainsi mis fin aux exigences infondées de pièces supplémentaires que déplorent les pétitionnaires.

30. La mesure élargissant la mise à la disposition de l'administration des pièces des dossiers des demandes de permis et des déclarations préalables, jusqu’ici limitée à des fins statistiques, donne une base légale à la transmission de ces données à d’autres fins. Les fins nouvelles énumérées par le projet, à savoir le contrôle, le traitement des taxes d’urbanisme, le suivi des changements relatifs aux propriétés bâties dans le cadre de l'assiette de la fiscalité directe locale, la mise en œuvre et le suivi des politiques publiques basées sur la construction neuve sont de nature à justifier ces transmissions.

31. L’obligation faite aux communes de disposer d’une téléprocédure spécifique leur permettant d’instruire sous forme dématérialisée les demandes d’autorisation d’urbanisme à compter du 1er janvier 2022 complète celle qui leur est faite par les articles L.112-8 et suivants du code des relations entre le public et l'administration d’être saisies par voie électronique des demandes d’autorisations d’urbanisme qui devrait entrer en vigueur le 8 novembre 2018. Si la fixation par décret d’un seuil en nombre d’habitants devrait éviter que cette obligation pèse sur les petites communes et qu’il sera possible, voire souhaitable, de mutualiser ce dispositif, une telle charge s’ajoutera à celles déjà nombreuses auxquelles les communes doivent faire face, dans un contexte budgétaire contraint, comme l’a souligné le Conseil national d’évaluation des normes.

Simplification de l’acte de construire 

Sur l’obligation d’accessibilité et l’obligation de produire des « logements évolutifs ».

32. Le projet de loi prévoit de modifier les règles en matière d’accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d’habitation collectifs afin de substituer, en partie, à l’obligation de produire des logements accessibles une obligation de produire des « logements évolutifs ».

33. Depuis l’intervention de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, la portée de l’obligation générale d’accessibilité prévue par l’article L. 111-7 du code de la construction et de l’habitation est précisée par les articles suivants de ce code, réglant le cas de chaque type de constructions. Ainsi, l’article L. 111-7-1 renvoie au pouvoir réglementaire le soin de fixer les modalités relatives à l’accessibilité que doivent respecter les bâtiments ou parties ces bâtiments nouveaux. Dans la mesure où ce même article n’ouvre pas de possibilités de dérogation (CE, 21 juill. 2009, Association nationale pour l'intégration des personnes handicapées moteurs, nos 2953812, 298315), le Conseil d’Etat estime qu’une modification de ce seul article est nécessaire pour permettre, ensuite, au pouvoir réglementaire de déterminer les modalités particulières applicables à la construction de bâtiments d’habitation collectifs, de la même manière qu’il est, d’ores et déjà, appelé à déterminer des modalités particulières à la construction d’autres bâtiments. Dans ce cadre, s’il est nécessaire, afin que le législateur ne méconnaisse pas l’étendue de sa compétence (v., à propos de la loi n° 2011-901 du 28 juill. 2011, CC, 28 juill. 2011, n° 2011-639 DC), de préciser qu’un logement est dit « évolutif » lorsqu’il peut être rendu accessible à l’issue de travaux simples, il ne paraît pas possible de fixer, au niveau législatif, les conditions précises d’application de la mesure visant à la production, au sein des bâtiments d’habitation collectifs, d’un dixième de logements accessibles (et d’au moins un logement) tandis que les autres logements seraient « évolutifs », sauf à empiéter manifestement sur la compétence du pouvoir réglementaire pour tenir compte des « particularités propres » (CE, 22 févr. 2018, Association nationale pour l’intégration des personnes handicapées moteur et autres, nos 397360, 397361) de ces constructions.

34. Au regard des modifications successives de l’article L. 111-7-1 du code de la construction et de l’habitation, devenu très peu lisible et partiellement obsolète, le Conseil d’Etat procède à sa réécriture, à droit quasi-constant. Il attire, à cette occasion, l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’une clarification des dispositions de la section III du chapitre Ier du titre Ier de ce code, relative aux personnes handicapées ou à mobilité réduite, dont la rédaction actuelle ne s’avère pas, au regard de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, satisfaisante.

Sur le développement de la filière de la construction préfabriquée

35. Le projet prévoit de créer des règles particulières afin de soutenir le développement de la filière de la construction préfabriquée en modifiant, en particulier, l’article 32 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

36. D’une part, si l’allotissement constitue, en principe, la règle (CE, 26 juin 2015, Ville de Paris, n° 389682), l’acheteur dispose, pour déterminer « la taille et l’objet » des lots, d’une marge de manœuvre étendue (CE, 21 mai 2010, Commune d’Ajaccio, n° 333737), de sorte qu’un allotissement prenant en compte les caractéristiques particulières de cette filière est d’ores et déjà possible. Prévoir que les acheteurs peuvent définir les lots afin de permettre la mise en œuvre d’ouvrages préfabriqués n’apporterait, ainsi, aucune modification aux règles applicables.

37. D’autre part, au regard de l’existence d’autres filières susceptibles de bénéficier d’une possibilité de présenter des offres variables selon le nombre de lots, ouverte par l’article 46 de la directive 2014/24/UE, une dérogation, au seul bénéfice de la filière de la construction préfabriquée, à l’interdiction des offres variables posée par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 conduirait à méconnaître le principe d’égal accès à la commande publique (CC, 6 déc. 2001, n° 2001-452 DC). Pour un même allotissement choisi par l’acheteur, qui peut au demeurant tenir compte de la possibilité d’ouvrages préfabriqués, il ne serait pas justifié de limiter aux seuls soumissionnaires relevant de la filière de la préfabrication la possibilité de proposer des offres variables alors que d’autres soumissionnaires n’auraient pas cette possibilité.

38. Dans ces conditions, en suggérant au Gouvernement de recourir à d’autres outils permettant, en particulier, la bonne information des acheteurs, le Conseil d’Etat ne retient pas les modifications apportées à l’article 32 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et, par voie de conséquence, n’estime pas nécessaire de fixer, dès à présent, une définition législative de la construction préfabriquée dans son ensemble, qui serait dépourvue de portée. En revanche, le Conseil d’Etat estime qu’une intervention législative est nécessaire pour adapter aux singularités de cette technique de construction le régime du contrat de construction d’une maison individuelle (CCMI) avec fourniture de plan (articles L. 231-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation), issu de la loi n° 90-1129 du 19 décembre 1990. Une ordonnance permettra, en particulier, de déterminer les caractéristiques de la maison individuelle préfabriquée,

Sur les règles de la commande publique applicables à la réalisation de logements par les offices publics de HLM

39. Le projet de loi procède à plusieurs modifications ponctuelles de règles en matière de commande publique applicables, en particulier aux offices publics de l’habitat. D’une part, la dérogation permettant le recours à des marchés de conception-réalisation pour la réalisation de logements locatifs aidés par l’Etat, issue de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 et prévue par le II de l’article 33 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, est prolongée jusqu’en 2021, ce qui ne soulève pas de difficulté d’ordre constitutionnel ou conventionnel mais peut inviter, au regard de la circonstance qu’il s’agit de la seconde prolongation de cette dérogation, à élaborer une mesure pérenne prenant en compte tant les impératifs auxquels la loi n° 85-704 relative à la maîtrise d’ouvrage publique entend répondre que les enjeux auxquels sont confrontés les offices publics de l’habitat. D’autre part, le régime applicable aux commissions d’appel d’offres des offices publics de l’habitat est aligné sur le régime, plus permissif, applicable à celles des autres organismes d’habitations à loyer modéré, ce que l’article 39 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 avait entendu permettre, sans y parvenir.

Sur l’individualisation des frais de chauffage dans les immeubles collectifs

40. Les dispositions prévoyant l’individualisation des frais de chauffage dans les immeubles collectifs issues de la loi n° 74-908 du 29 octobre 1974 et, sous leur forme actuelle, de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015, sont modifiées dans le sens d’un allègement des obligations mises à la charge des propriétaires et des syndicats de copropriétaires. Dans la mesure où le paragraphe 3 de l’article 9 de la directive 2012/27/UE du 25 octobre 2012 relative à l’efficacité énergétique, dont l’article L. 241-9 du code de l’énergie assure la transposition, ne prévoit l’installation de compteurs individuels dans « les immeubles comprenant plusieurs appartements et les immeubles mixtes » que « lorsque cela est techniquement possible et rentable », ce paragraphe permet qu’elle ne soit pas imposée lorsqu’est en cause un immeuble purement tertiaire, ou lorsque le coût serait excessif au regard des économies attendues. Par ailleurs, le principe d’égalité n’implique pas que les immeubles purement tertiaires soient nécessairement soumis, en la matière, aux mêmes obligations que les immeubles résidentiels et les immeubles mixtes (v., à ce sujet, CC, 11 avril 2013, n° 2013-666 DC).

Sur le régime de la vente en l’état futur d’achèvement

41. De nouveaux ajustements sont apportés au régime de la vente en l’état futur d’achèvement (VEFA), en ce qui concerne les conditions d’intervention du garant, la désignation d’un administrateur ad hoc et la possibilité pour l’acquéreur de se réserver des travaux de finition ou d’installation d’équipements, qui se placent dans la continuité des objectifs poursuivis par l’ordonnance n° 2013-890 du 3 octobre 2013 et n’appellent pas d’observation particulière.

Sur le droit de visite

42. Le projet de loi procède à la refonte des dispositions relatives au droit de visite ouvert par l’article L. 461-1 du code de l’urbanisme et, sur son modèle, par l’article L. 151-1 du code de la construction et de l’habitation, qui sont issues, en substance, de l’ordonnance n° 45-2542 du 27 octobre 1945 et n’ont fait l’objet, depuis lors, que d’ajustement limités par l’ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005. Les modifications apportées qui reprennent, en large part, les dispositions en vigueur du code de l’environnement sont destinées à garantir la conformité du droit de visite aux exigences constitutionnelles et conventionnelles.

Traitement du contentieux de l’urbanisme

43. En écho aux préconisations du groupe de travail portant sur le contentieux de l’urbanisme réuni à l’automne 2017 par le ministre de la cohésion des territoires, le chapitre relatif à l’amélioration du traitement de ce contentieux comporte plusieurs mesures destinées, dans le prolongement de l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013, à la réduction des délais de jugement, à la lutte contre les recours abusifs et à la sécurisation des droits à construire, qui constituent des objectifs d’intérêt général (v. CC, 10 nov. 2017, n° 2017-672 QPC et, antérieurement, CC, 21 janv. 1994, n° 93-335 DC).

44. Tout en observant que ces mesures conduisent à un nouvel accroissement des particularités de ce contentieux, le Conseil d’Etat, d’une part, s’assure que les mesures prévues relèvent des matières réservées par l’article 34 de la Constitution au législateur, ce qui le conduit à écarter certaines d’entre elles comme relevant de la compétence du pouvoir réglementaire et, d’autre part, ajoute une mesure différant leur entrée en vigueur qui reprend, en bonne part, le parti retenu par les auteurs de l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013.

45. Le Conseil d’Etat veille à la bonne rédaction ainsi qu’à la correcte articulation de ces différentes mesures : limitation des effets des annulations et des déclarations d’illégalité des documents d’urbanisme, extension des possibilités ouvertes au représentant de l’Etat pour exercer une action civile en démolition (art. L. 480-13 et L. 600-6 du code de l’urbanisme), ajustement des modalités de l’appréciation de l’intérêt pour agir à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme (art. L. 600-1-2 du code de l’urbanisme), extinction de la possibilité d’introduire une requête en référé suspension à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme postérieurement à la cristallisation des moyens devant le juge saisi en premier ressort, extension des possibilités de régularisation des autorisations d’urbanisme au sein et à l’issue de l’instance (art. L. 600-5 du code de l’urbanisme, et L. 600-5-1 de ce code), attraction au sein de l’instance portant sur le permis initial des contestations dirigées contre les autorisations modificatives ou de régularisation, correction des dispositions permettant la présentation de conclusions reconventionnelles (art. L. 600-7 du code de l’urbanisme), extension de l’obligation d’enregistrement des transactions (art. L. 600-8 du code de l’urbanisme). Elles sont appelées à être complétées par des mesures réglementaires.

46. En revanche, dans la mesure où il se trouve parallèlement saisi d’une mesure identique, et de portée plus générale, prévue par le projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022, le Conseil d’Etat ne retient pas, en l’état, la mesure, propre au contentieux de l’urbanisme, prévoyant que le requérant est réputé s’être désisté de sa requête à fin d’annulation, à défaut de confirmation de son maintien à la suite du rejet, pour défaut de moyens sérieux, de la demande de suspension dont elle était assortie au titre de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.

En ce qui concerne le titre II « Evolutions du secteur du logement social »

Restructuration du secteur du logement social

47. Le projet de loi comporte diverses mesures d’inégale portée tendant à renforcer et faciliter le mouvement de restructuration du secteur du logement social constaté depuis quelques années.

Possibilité de dissoudre des organismes d’habitation à loyer modéré

48. A cette fin, il amende en premier lieu un dispositif ancien, actuellement prévu à l’article L. 423-1 du code de la construction et de l’habitation, qui permet au ministre de dissoudre tout organisme d’habitation à loyer modéré mentionné à l’article L. 411-2 du même code, dès lors que celui-ci gère moins de 1 500 logements et qu’il n’a pas construit au moins 500 logements au cours des dix dernières années. Cependant, en l’absence de dispositions permettant de régler le sort du patrimoine de l’organisme dissous, ce mécanisme de dissolution d’office a en pratique très peu été employé.

Afin de le rendre plus opérationnel, le projet de loi ouvre la possibilité au ministre de mettre en demeure un autre organisme HLM d’acquérir tout ou partie du patrimoine de l’organisme dissous. Un certain nombre de garanties sont prévues quant au choix de l’organisme qui se trouvera dans l’obligation d’acquérir à la fois pour s’assurer de la qualité de sa gestion technique et financière et de sa connaissance du territoire concerné, mais également pour garantir sa capacité à absorber, tant d’un point de vue financier que de gestion, ce patrimoine supplémentaire.

Des dispositions équivalentes sont par ailleurs introduites dans le régime spécifiquement applicable aux sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux agréées en application de l’article L. 481-1 du code de la construction et de l’habitation.

49. Le Conseil d’Etat relève que tant les dispositions existantes de l’article L. 423-1 du code de la construction et de l’habitation, qui n’ont jamais été soumises au contrôle du Conseil constitutionnel, que les dispositions introduites par le projet de loi ont une incidence forte sur le droit de propriété des organismes concernés ainsi que, selon leur forme juridique, sur la libre administration des collectivités territoriales auxquelles ils sont rattachés, s’agissant des offices publics de l’habitat, ou sur leur liberté d’entreprendre, s’agissant des sociétés HLM.

Néanmoins, le Conseil d’Etat admet qu’en-deçà d’un certain nombre de logements gérés et de logements construits sur une période suffisamment longue, un organisme de logement social donné peut être regardé comme ne contribuant pas suffisamment aux missions et objectifs d’intérêt général, notamment de construction, aménagement, attribution et gestion de logements locatifs sociaux, qui lui sont confiées par la loi aux fins de mise en œuvre du droit au logement, ou comme n’étant pas en mesure de remplir l’ensemble de ces missions et objectifs, notamment à raison de son insuffisante viabilité financière.

Pour autant, le Conseil d’Etat estime que la seule fixation d’un seuil tenant au nombre de logements gérés et de logement construits sur une période de dix ans ne conduit pas à un encadrement suffisant du pouvoir de dissolution d’office ainsi confié au ministre au regard des atteintes portées aux droits et principes constitutionnels précités. Il considère donc nécessaire, afin que ce pouvoir ne s’exerce pas de façon discrétionnaire, d’une part, de poser une condition supplémentaire tenant à une insuffisante contribution aux missions et objectifs d’intérêt général assignés aux organismes de logement social, d’autre part, d’exclure du champ d’application de la mesure les organismes qui appartiennent à un groupe d’organismes de logement social au sens du nouvel article L. 423-1-1 du code de la construction et de l’habitation, par ailleurs introduit par le projet de loi.

50. A la faveur de ces amendements et compte tenu des garanties encadrant par ailleurs la possibilité nouvellement introduite d’imposer à un organisme de logement social l’acquisition de tout ou partie du patrimoine de l’organisme dissous, afin en particulier d’éviter que celui-ci ne reste trop longtemps géré par un liquidateur, le Conseil d’Etat estime que les dispositions introduites par le projet de loi ne méconnaissent pas les droits et principes constitutionnels précités.

Regroupement obligatoire d’organismes de logement social

51. En deuxième lieu, le projet de loi comporte plusieurs dispositions destinées à favoriser voire imposer le rapprochement des organismes HLM ainsi que des sociétés d’économie mixte agréées en vertu de l’article L. 481-1 du code de la construction et de l’habitation.

Il introduit ainsi la notion de groupe d’organismes de logement social qui peut prendre la forme, soit d’un groupe au sens du code du commerce, soit d’un ensemble constitué d’une société anonyme de coordination et de ses associés ou actionnaires, aux fins de réunir tout type d’organisme de logement social mentionné à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation comme des sociétés d’économie mixte agréées en vertu de l’article L. 481-1 du même code.

Par ailleurs, il amende substantiellement le régime et les compétences de ces sociétés anonymes de coordination, qui peuvent relever soit du régime des sociétés anonymes prévu par le code de commerce, soit du régime coopératif prévu par la loi du 10 septembre 1947. Ces dernières seront ainsi notamment compétentes pour assurer le pilotage stratégique de l’entité, organiser la mise à disposition des ressources disponibles entre les organismes qui la composent, décider le cas échéant de la cession partielle ou totale de patrimoine entre ces mêmes organismes et développer une unité identitaire entre la société et ses associés ou ses actionnaires.

52. Enfin, le projet de loi pose une obligation nouvelle de s’adosser à un groupe d’organismes de logement social pour tout organisme de logement social gérant moins de 15 000 logements, tout groupe d’organismes de logement social devant également gérer au moins 15 000 logements. Corrélativement, est également introduite la possibilité d’imposer, d’une part, à un organisme de logement social, l’acquisition de tout ou partie du patrimoine ou du capital d’un organisme qui ne se serait pas mis en conformité avec cette obligation de regroupement, d’autre part, à une société anonyme de coordination, de permettre à cet organisme de souscrire au moins une part sociale de la société.

Toutefois, plusieurs exceptions sont prévues pour l’unique organisme de logement social ayant son siège dans un département donné, pour les organismes dont l’activité principale est l’activité d’accession sociale à la propriété, pour l’unique groupe d’organismes de logement social ayant son siège dans un département donné ainsi que pour les organismes ayant leur siège en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et en Corse.

53. Si l’obligation de regroupement introduite a des incidences sur le droit de propriété des organismes concernés ainsi que, selon leur forme juridique, sur la libre administration des collectivités territoriales auxquelles ils sont rattachés, s’agissant des offices publics de l’habitat, ou sur leur liberté d’entreprendre, s’agissant des sociétés HLM, le Conseil d’Etat estime que ces incidences doivent être appréciées en tenant compte du particularisme du secteur du logement social qui est particulièrement encadré et réglementé et des missions d’intérêt général qui sont confiées à ce secteur.

Or, le Conseil d’Etat relève que le regroupement d’organismes de logement social est de nature à favoriser une mutualisation et donc une meilleure allocation de leurs ressources au service des missions et objectifs d’intérêt général qui leur sont confiés par la loi et en particulier de la production de logements locatifs sociaux, cet objectif étant reconnu comme d’intérêt général par le Conseil constitutionnel (cf. CC, 17 janvier 2013, n° 2012-660 DC). Par suite, il estime que l’obligation de regroupement des organismes prévue par le projet répond à cet objectif d’intérêt général.

Par ailleurs, si le seuil de moins de 15 000 logements gérés retenu pour le champ d’application de la mesure peut apparaître élevé au regard de la composition actuelle du secteur, le Conseil d’Etat estime que le Gouvernement dispose en la matière et compte tenu de ce qui précède d’un large pouvoir d’appréciation. Il considère en outre que le choix d’un seuil exprimé en nombre de logements gérés par organisme n’apparaît pas dénué de pertinence et que le seuil volontariste retenu par le Gouvernement est de nature à renforcer l’efficacité de la mesure. En outre, les exceptions prévues à l’application du dispositif dans les départements comptant un nombre limité de logements sociaux ou d’organismes de logement social, de même que dans les collectivités de l’article 73 de la Constitution, permettent de préserver un lien entre organismes et territoires au soutien d’une gestion locative de proximité.

54. Dans ce contexte, le Conseil d’Etat estime que les dispositions introduites par le projet de loi ne portent pas, au regard de l’objectif d’intérêt général poursuivi, une atteinte disproportionnée aux droits et principes constitutionnels mentionnés ci-dessus.

55. Le projet de loi modifie par ailleurs les dispositions de l’article L. 411-2-1 du code de la construction et de l’habitation qui précise les conditions dans lesquelles les sociétés anonymes HLM et les sociétés d’économie mixte agréées peuvent procéder entre elles à des transmissions de patrimoine par voie de fusion ou de scission. Il introduit ainsi des dispositions destinées à faciliter ces transmissions de patrimoine entre organismes de logement social, d’une part, en levant une condition posée par le dispositif existant conduisant à exclure de cette possibilité les sociétés d’économie mixte ne réalisant pas exclusivement leur activité dans le champ du logement social, d’autre part, en étendant ces possibilités de transmission de patrimoine par voie de fusion et de scission aux organismes publics de l’habitat.

Enfin, afin d’optimiser l’allocation des ressources entre organismes du logement social, outre les possibilités par ailleurs ouvertes par le projet de loi de procéder à des opérations de crédit ou de trésorerie entre organismes appartenant à un même groupe d’organismes de logement social, celui-ci étend le champ d’application des articles L. 423-15 et L. 423-16 du code de la construction et de l’habitation qui permettent à un organisme de consentir respectivement une avance en compte courant ou des prêts participatifs à une société HLM avec laquelle il a des liens de capital, à tout autre organisme de logement social membre du même groupe d’organismes de logement social que lui.

Ces deux séries de dispositions n’appellent pas d’observation particulière de la part du Conseil d’Etat.

Activité des organismes de logement social

 

56. Le projet de loi comporte des mesures, diverses et d’inégale importance, d’organisation de l’activité des organismes de logement social. Deux nouvelles catégories d’organismes d’HLM sont créées, à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation : les sociétés de coordination et les sociétés de vente d’habitations à loyer modéré.

 

Les organismes de logement social se voient dotés de nouvelles compétences, en particulier la faculté de créer des filiales dédiées à des activités spécifiques périphériques à leur activité principale. Parallèlement, la séparation des comptes retraçant, d’une part, l’activité de service économique d’intérêt général et, d’autre part, les autres activités de l’organisme, sera obligatoire à compter de l’exercice comptable 2021. Dans le même temps, l’ensemble des offices publics de l’habitat devront passer en comptabilité privée à compter du 1er janvier 2021. Afin de favoriser leur politique d’achat d’immeubles bâtis, la capacité d’acquérir la totalité des parts d’une société civile immobilière leur est conférée ; dans un objectif de simplification, ils bénéficieront de dérogations à certaines obligations relatives à la maîtrise d’ouvrage publique et à l’obligation de recourir au concours d'architecture pour la réalisation de leurs programmes immobiliers.

 

Compte tenu de la nature de leur activité de maître d’ouvrage et de l’impact sur les coûts et délais de réalisation de leurs programmes immobiliers des règles découlant de l’application de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée et de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture, le Conseil d’Etat estime justifiées, au regard du principe d’égalité, les exemptions prévues au profit des organismes d’HLM et les sociétés d’économie mixte agréées.

 

57. Dans un objectif de simplification et de cohérence, les collectivités territoriales ne pourront demeurer collectivité de rattachement de plusieurs offices publics de l’habitat. A cet égard, le Conseil d’Etat ne peut, en l’état des informations fournies, approuver le fait qu’au nombre des exceptions prévues par le projet, figurent la Métropole de Lyon et la Métropole de Marseille-Aix, dont les caractéristiques, au regard de l’exercice de leur compétence en matière d’habitat et de l’objet de la mesure, ne lui semblent pas, au vu du contenu de l’étude d’impact, justifier une différence de traitement par rapport aux autres collectivités territoriales concernées.

 

58. Au regard de l’intérêt général qui s’attache à la facilitation des opérations de fusion, absorption, scission et apports d’actifs réalisées par les mêmes organismes et de la limitation de cette mesure dans le temps, le Conseil d’Etat estime justifiée, au regard du principe d’égalité, la dérogation apportée par le projet de loi aux articles L. 444-1 et suivants du code de commerce permettant à ces organismes de négocier les tarifs applicables aux prestations de notaires relatives à ces opérations.

 

Le Gouvernement sera habilité à prendre par voie d’ordonnances des dispositions concernant la politique des loyers applicables aux baux en cours et la vente de logements locatifs sociaux sans entrer immédiatement dans le régime de la copropriété.

 

59. Le projet de loi étend de manière considérable les conditions de vente de logements locatifs sociaux. Ainsi, la convention d’utilité sociale contiendra un plan de vente qui comprendra la liste des logements que le bailleur souhaite aliéner, après avis de la commune d’implantation, pendant la durée de la convention, dont la signature vaudra autorisation de les réaliser. Les ventes non prévues à la convention pourront être autorisées selon une procédure simplifiée et raccourcie. Les prix de vente seront fixés directement par le bailleur.

 

La liste des bénéficiaires potentiels des ventes, limitée aujourd’hui pour l’essentiel aux locataires en place et à d’autres organismes d’HLM, est élargie. Pour ce qui concerne les logements occupés ayant bénéficié d’un prêt locatif social (PLS) de plus de 15 ans, toute personne morale pourra se porter acquéreur, avec obligation de maintenir le locataire dans ses droits. Pour ce qui concerne les logements vacants, au-delà des personnes physiques respectant les plafonds de ressources applicables à l’accession sociale à la propriété, parmi lesquelles seront prioritaires les locataires du parc social du département et les gardiens d’immeubles, pourront se porter acquéreur les collectivités territoriales mais aussi toute autre personne physique et, pour les PLS de plus de 15 ans, toute personne morale de droit privé. La vente en bloc de plusieurs logements est autorisée à des personnes morales, la possibilité pour les personnes physiques d’acquérir un logement social restant limitée à un logement. Sauf exception, la convention relative aux aides personnalisées au logement (APL) applicable au logement social vendu prend fin au moment de la vente. Le Conseil d’Etat constate que, compte tenu de son objet et des caractéristiques des biens en cause, la suppression du droit de préemption des collectivités territoriales sur les logements sociaux à l’occasion de leur vente ne compromet pas la capacité de ces collectivités à mener les politiques d’urbanisme et d’aménagement auxquelles ce droit concourt.

 

60. Le Conseil d’Etat attire l’attention du Gouvernement sur la nécessité de veiller à ce que les conventions d’utilité sociale, qui prévoiront les ventes de logements locatifs sociaux, assurent la combinaison de cet outil de politique publique avec les objectifs des politiques de l’habitat, dont celui de la mixité sociale et géographique de l’habitat social.

 

61. Il est créé une nouvelle forme d’organisme d’HLM, la société de vente d’habitations à loyer modéré. Cette société peut être créée par des organismes HLM ou Action Logement. Elle aura pour seul objet l’achat de logements à des bailleurs désireux de vendre rapidement et la revente de ces logements. L’objet de cette société de ventes étant limité, les logements concernés restent gérés par des bailleurs sociaux tant qu’ils n’ont pas été vendus. Cette disposition n’appelle pas d’observation de la part du Conseil d’Etat.

 

62. Les conditions de contrôle des organismes par l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) sont ajustées, sans que ces dispositions ne suscitent de remarque du Conseil d’Etat.

 

63. Les ordonnances n° 2016-1408 du 20 octobre 2016 relative à la réorganisation de la collecte de la participation des employeurs à l’effort de construction et n° 2017-52 du 19 janvier 2017 modifiant l’objet de l’association pour l’accès aux garanties locatives (APAGL) et de l’association foncière logement (AFL) et modifiant le code de la construction et de l’habitation et le code des juridictions financières, sont ratifiées. Par ailleurs, le délai de l’habilitation à une recodification des textes concernant les aides personnelles au logement, prévue dans la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, est reporté de six mois.

 

64. Les échéances de conclusion et d’entrée en vigueur des conventions d’utilité sociale sont reportées de dix-huit mois pour tenir compte des modifications apportées à l’environnement administratif et financier dans lequel évoluent les organismes de logement social. Ces dernières mesures n’appellent pas de commentaire de la part du Conseil d'Etat

 

En ce qui concerne le titre III « Répondre aux besoins de chacun et favoriser la mixité sociale »

 

Mobilité dans le parc social et le parc privé

 

Sur le « bail mobilité »

 

65. S’agissant du parc privé, le projet de loi institue, au sein de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, qui constitue le régime de droit commun en matière de baux d’habitation principale, un nouveau type de contrat, le « bail mobilité », qui porte sur la location de courte durée d’un logement meublé au sens de l’article 25-4 de la loi. Ce contrat de location a pour spécificités d’être conclu pour une durée limitée comprise entre un et dix mois, d’être non renouvelable, de ne pas conduire à un dépôt de garantie et de ne pas pouvoir donner lieu à solidarité entre les colocataires. Par ailleurs, de façon générale, le formalisme et le régime juridiques applicables sont allégés par rapport à la location meublée « classique ».

 

66. En premier lieu, le Conseil d’Etat estime que le fait de réserver le recours à ce nouveau type de contrat aux personnes en besoin temporaire de logement à raison d’une formation professionnelle, d’études supérieures, d’un contrat d’apprentissage, d’un stage ou encore d’une mission temporaire dans le cadre professionnel ne méconnaît pas le principe d’égalité. En effet, à la différence des autres baux régis par la loi de 1989, le « bail mobilité » n’a pas vocation à porter sur un logement destiné à être la résidence principale du locataire. Par ailleurs, le dispositif est justifié par l’objectif de favoriser l’accès au logement des personnes ayant un besoin temporaire en la matière, notamment en permettant aux propriétaires dont le logement n’est pas disponible de façon continue de le proposer à la location.

 

67. En second lieu, Conseil d’Etat relève que le projet de loi ne comporte pas de dispositions permettant la conclusion d’un avenant au contrat dans l’hypothèse particulière où, tout en respectant la durée maximale de recours au bail mobilité, bailleurs et locataires s’accorderaient pour prolonger la durée du bail initialement prévue. Une telle possibilité d’ajustement de la durée du bail, dans la limite de la durée légale maximum de dix mois, serait en effet opportune, et en outre conforme à l’objectif de souplesse qui justifie la mesure, pour répondre aux hypothèses dans lesquelles le besoin de logement du locataire a légèrement évolué et où le propriétaire est disposé à maintenir son bien en location en conséquence.

 

Sur l’attribution des logements sociaux et l’occupation du parc de logement social

 

68. S’agissant du parc social, le projet de loi comporte diverses dispositions destinées, d’une part, à fluidifier et rendre plus transparente l’attribution des logements sociaux, d’autre part, à favoriser la mobilité au sein de ce parc afin d’optimiser son occupation.

 

69. En ce qui concerne le premier volet de ces mesures, le projet impose en premier lieu aux établissements publics de coopération intercommunale mentionnés au vingtième alinéa de l'article L. 441-1 du code de la construction, à la commune de Paris et aux établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris, soit un peu plus de quatre cents établissements en pratique, d’instaurer, dans le cadre du plan partenarial de gestion qu’ils doivent élaborer, un système de cotation des demandes de logement social.

 

Si le Conseil d’Etat considère que cette nouvelle obligation, dont les modalités d’application seront précisées par décret en Conseil d’Etat, ne soulève pas en elle-même de difficulté juridique, il estime que la date limite d’entrée en vigueur du dispositif relève de la loi, et introduit par conséquent une disposition en ce sens.

 

70. En second lieu, dans un objectif de simplification de la gestion du parc social et d’optimisation de l’occupation de celui-ci, le projet impose désormais que le contingent de logements sociaux réservés, dans le cadre d’une convention de réservation, à l’Etat, aux collectivités ou encore à Action Logement, en contrepartie du financement, de la garantie ou du terrain qu’ils ont apporté à un programme de construction, relève d’une gestion en flux de logements et non plus d’une gestion en stocks. Cette nouvelle règle a vocation à s’appliquer non seulement aux conventions conclues à compter de l’entrée en vigueur de la loi, mais également aux conventions conclues antérieurement.

 

Or, si le Conseil d’Etat considère qu’eu égard à l’objectif de la mesure, qui est de favoriser l’accès au logement social par une optimisation de la gestion du parc social et une meilleure adéquation entre l’offre et la demande de logements, et au caractère particulièrement réglementé du secteur du logement social, celle-ci ne porte pas une atteinte injustifiée ou disproportionnée à la liberté contractuelle et au droit au maintien des conventions légalement conclues, il estime qu’une période transitoire est nécessaire pour mettre en conformité ces conventions et que le terme de cette période relève de la loi.

 

71. En ce qui concerne le second volet de ces mesures, espérant renforcer l’effectivité d’obligations déjà imposées aux bailleurs sociaux, le projet de loi les soumet à une nouvelle obligation d’examen périodique de la situation d’occupation de leurs logements tous les six ans, aux fins de détection des situations d’inadéquation en termes de taille, d’accessibilité aux personnes atteintes d’un handicap, ou de ressources. Il confie corrélativement une nouvelle mission aux commissions d’attribution des logements pour émettre un avis sur les propositions de relogement à formuler aux occupants relevant d’une telle situation d’inadéquation.

 

Si le Conseil d’Etat estime que ces dispositions ne posent pas de difficulté juridique en elles-mêmes, il croit nécessaire de prévoir un délai suffisant avant leur entrée en vigueur compte tenu de la charge de travail supplémentaire importante qu’elles vont induire pour les bailleurs sociaux et les nouvelles commissions d’attribution des logements et d’examen de l’occupation de logements.

 

Mixité sociale

 

Sur l’articulation des procédures de traitement de la situation de surendettement et des décisions judiciaires statuant sur un litige locatif.

 

72. Le projet modifie le code de la consommation et l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 mentionnée ci-dessus afin de mieux articuler les procédures de traitement de la situation de surendettement et les décisions judiciaires statuant sur un litige locatif.

 

Il prévoit ainsi d’améliorer l’information du juge du bail sur les procédures de traitement de la situation de surendettement ouvertes, le cas échéant, au bénéfice du locataire.

 

Il modifie l’article L. 722-5 du code de la consommation afin d’autoriser le locataire, dont la demande de traitement de la situation de surendettement est recevable et auquel une décision judiciaire impose un délai et des modalités de paiement de sa dette locative, conditionnant le maintien dans son logement, à régler sa créance locative en dérogation à l’interdiction générale de payer toute créance autre qu’alimentaire pesant sur le débiteur dont la demande de traitement est recevable.

 

Enfin, il prévoit, d’une part, que les délais accordés antérieurement par une mesure de traitement de la situation de surendettement pour le paiement de la dette locative soient automatiquement accordés par le juge statuant sur un litige locatif et, d’autre part, que les délais accordés par une mesure de traitement de la situation de surendettement postérieurement à une décision judiciaire statuant sur un litige locatif se substituent aux délais de paiement de la dette locative antérieurement accordés par cette décision judiciaire.

 

73. En étendant le bénéfice des délais de paiement de la dette locative accordés par les mesures de traitement de la situation de surendettement au cadre des litiges locatifs, cette dernière disposition est susceptible de porter atteinte au droit de propriété. En outre, la substitution des délais accordés par une mesure de traitement de la situation de surendettement aux délais accordés antérieurement par une décision judiciaire a pour effet de suspendre l’exécution d’une décision judiciaire passée en force de chose jugée.

 

74. Toutefois, en premier lieu, comme l’a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 17 novembre 2016 Loi de modernisation de la justice du XXIe siècle (n° 2016-739 DC, paragraphes 69 à 79), les mesures que peuvent imposer les commissions de surendettement des particuliers ne portent pas, par elles-mêmes, une atteinte disproportionnée au droit de propriété compte tenu de l’objectif d'intérêt général poursuivi, tenant au règlement des situations de surendettement, et des garanties prévues, tenant à l’encadrement des compétences des commissions de surendettement des particuliers et au fait que les mesures en cause ne s’imposent qu’en l’absence de contestation par l’une des parties devant le juge du tribunal d’instance.

 

En deuxième lieu, le présent projet poursuit un motif d’intérêt général, tenant au maintien des locataires de bonne foi dans leur logement.

 

En troisième lieu, d’une part, les délais de paiement de la dette locative prévus par les mesures de traitement de la situation de surendettement ne peuvent être accordés ou se substituer aux délais antérieurement accordés par le juge du bail et suspendre les effets de la clause de résiliation de plein droit du bail qu’à la condition que le locataire de bonne foi s’acquitte du paiement du loyer et des charges conformément au contrat de location. L’article L. 711-6 du code de la consommation prévoit en outre le caractère prioritaire du règlement des créances des bailleurs dans le cadre des mesures de traitement de la situation de surendettement.

 

D’autre part, le projet prévoit la possibilité pour le propriétaire de contester les mesures de traitement de la situation de surendettement du locataire devant une juridiction et l’absence de substitution des délais prévus par ces mesures aux délais préalablement accordés par le juge du bail lorsqu’elles sont contestées, jusqu’à ce que le juge statue sur cette contestation. En outre, le propriétaire est informé des conséquences de son absence de contestation des mesures de traitement de la situation de surendettement.

 

75. Compte tenu de l’objectif poursuivi, du caractère proportionné des mesures et des garanties prévues, le Conseil d’Etat estime que le projet ne porte pas atteinte au principe d’exécution des décisions de justice et de séparation des pouvoirs et ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété.

 

Sur l’accueil et l’hébergement des personnes défavorisées

 

76. Le projet de loi institue une opposabilité des « plans départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées » en subordonnant la délivrance des autorisations des structures d’hébergement destinées à l’accueil de ces personnes à leur compatibilité avec ces plans et conditionne l’habilitation de ces structures à l’aide sociale à l’adéquation de ces structures avec les objectifs et les besoins sociaux établis par ces plans. Le Conseil d’Etat considère que ces dispositions qui renforcent la capacité de pilotage par les pouvoirs publics du dispositif d'accueil des personnes défavorisées ne se heurtent à aucun obstacle juridique et s'inscrivent dans la logique d'organisation territoriale des dispositifs sociaux et médico-sociaux développée depuis la loi n° 2002-73 du 2 janvier 2002.

 

Le projet rend également obligatoire la conclusion d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens par les gestionnaires d'établissements ou de services comportant ou non un hébergement, assurant l'accueil, notamment dans les situations d'urgence, le soutien ou l'accompagnement social, adaptation à la vie active ou l'insertion sociale et professionnelle des personnes ou des familles en difficulté ou en situation de détresse.

 

En outre, il propose d’exonérer de la procédure d’appel à projets pendant la durée du « plan quinquennal pour le Logement d’abord et la lutte contre le sans-abrisme 2018-2022 » les projets d’extension de capacité inférieure ou égale à 100 % des établissements relevant du régime de l’autorisation prévu à l’article L. 313-1-1 du code de l’action sociale et des familles. Il procède de même pour les demandes d’autorisation présentées pendant la même période par des établissements relevant du régime de la déclaration prévu à l’article L. 322-1 du même code et déclarés à la date du 30 juin 2017, dans la limite de leur capacité existant à cette date. Cette dérogation temporaire est conditionnée à la conclusion d’un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens entre les gestionnaires d’établissements et services et la ou les autorités chargées de l’autorisation.

 

Les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens prévus au nouvel article L 313-11-2 doivent être conclus par les bénéficiaires d'une autorisation au plus tard le 1er janvier 2023.

 

77. Le Conseil d’Etat estime que ces dispositions qui ont pour objet de faire du régime des établissements autorisés sur le fondement de l’article L. 313-1-1, le cadre de droit commun pour les établissements d’accueil des personnes défavorisées tout en maintenant, à titre subsidiaire, un régime plus souple, défini à l’article L. 322-1, pour faire face à des situations d’urgence, ne présentent pas de difficulté juridique. Il note, toutefois, qu'en l'absence de modification de l'article L. 322-1, les établissements déclarés à la date du 30 juin 2017 devront, pour bénéficier de l'autorisation prévue à l'article L. 313-1-1, remplir les conditions fixées pour relever du 8° du I de l'article L. 312-1 du même code.

 

78. Le projet rend enfin possible l’exercice des missions de la veille sociale à l’échelon de plusieurs départements afin de favoriser la coopération interdépartementale des dispositifs de la veille sociale, et notamment de mieux réguler l’offre d’hébergement et de logement dans plusieurs départements. Le Conseil d’Etat considère que cette disposition n'appelle pas d'objection mais estime nécessaire de préciser que le dispositif de veille sociale ainsi mutualisé reste placé, dans chaque département, sous l’autorité du représentant de l'État conformément à l'intention du Gouvernement. Il note que ce régime n’est pas applicable à l’Île-de-France qui relève des dispositions spécifiques de l’article L. 345-2-1 du même code.

 

Sur les autres mesures destinées à favoriser la mixité sociale

 

79. Les autres dispositions destinées à favoriser la mixité sociale se composent d’articles ayant chacun un objet spécifique.

 

Les règles existantes en matière d’aides au logement sont harmonisées afin de favoriser la sous-location des logements sociaux à des personnes de moins de trente ans.

 

L’information des commissions départementales de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, prévue par l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et dont les modalités de saisine obligatoire seront précisées par décret, est renforcée.

 

L’article L. 351-15-2 du code de la construction et de l’habitation est modifié pour permettre aux personnes ayant fait l’objet d’un effacement de leur dette locative dans le cadre d’une procédure de surendettement de signer un protocole de cohésion sociale leur permettant, en cas de résiliation de leur bail pour défaut de paiement de loyer, d’occuper leur logement et de bénéficier des aides au logement contre l’engagement de payer l’indemnité d’occupation et les charges.

 

L’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation est complété pour dispenser de l’autorisation spécifique prévue à cet article les travaux conduisant à la perte de la qualité d’établissement recevant du public.

 

De nouvelles dispositions sont introduites dans le code de la construction et de l’habitation pour développer l’accès des personnes handicapées ayant une certaine autonomie aux logements sociaux ordinaires, en permettant la colocation de ces personnes dans des logements sociaux bénéficiant d’une autorisation spécifique.

 

Le projet de loi porte de cinq à dix ans la période pendant laquelle les logements vendus à leurs locataires en application de l’article L. 443-7 du code de la construction et de l'habitation sont retenus dans le périmètre des logements locatifs sociaux retenus pour l’application des obligations fixées au I et II de l’article L. 302-5 du même code.

 

Le Conseil d’Etat estime que ces mesures n’appellent pas d’observation.

 

 

Relations entre les locataires et les bailleurs et production de logements intermédiaires

 

Sur la suppression de la mention manuscrite dans l’acte de cautionnement en matière de location

 

80. L’article 22-1 de la loi n° 89-462 tendant à améliorer les rapports locatifs fait obligation à toute personne physique qui se porte caution pour un locataire de recopier à la main :

1°) Le montant du loyer et les conditions de sa révision ;

2°) Un paragraphe exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance qu’elle a de la nature et de l’étendue de l’obligation qu’elle contracte ;

3°) L’avant-dernier alinéa de l’article 22-1, relatif aux conditions de la résiliation d’un cautionnement.

 

Cette obligation a pour but de protéger la personne qui accorde la caution en s’assurant du caractère éclairé de son consentement. Compte tenu de sa lourdeur, qui conduit en pratique à recopier des mentions très longues, le Gouvernement estime qu’il est justifié de la remplacer par une formule pré-imprimée sur l’acte de cautionnement.

 

Le Conseil d’Etat prend acte de la volonté du Gouvernement et estime que la disposition proposée ne présente pas de difficultés juridiques. Toutefois, il rappelle que des obligations similaires existent, également dans un but de protection, dans d’autres champs du droit (crédit immobilier, crédit à la consommation, achat d’un bien immobilier...).

 

Sur l’expérimentation du dispositif d’encadrement des loyers

 

81. L’article 17 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, issu de la loi ALUR du 24 mars 2014, prévoit que, dans les zones où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements (dites « zones tendues »), le représentant de l’Etat dans le département fixe, chaque année, un loyer de référence, un loyer de référence minoré et un loyer de référence majoré, exprimés en euros par m² de surface habitable, par catégorie de logement et par secteur géographique. Pour les logements mis en location, le loyer est alors fixé librement entre les parties sans pouvoir excéder le loyer de référence majoré. Ce dispositif « d’encadrement des loyers » a été effectivement mis en place dans les communes de Paris, de 2015 à 2017, et de Lille, en 2017.

 

Ainsi que l’a jugé le Conseil d’Etat statuant au contentieux dans sa décision n° 391654 du 15 mars 2017, cet encadrement a été créé par la loi à titre permanent, et non pas à titre expérimental.

 

Le projet de loi réorganise ce dispositif et prévoit qu’il fera l’objet d’une expérimentation pour une durée de cinq ans, à la demande des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’habitat, de la commune de Paris, des établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris, de la métropole de Lyon ou de la métropole d’Aix-Marseille-Provence.

 

Le dispositif demeure uniquement applicable dans les « zones tendues ». Le projet de loi prévoit cependant que, au sein de ces zones, seuls certains territoires, présentant des caractéristiques encore plus marquées en termes de difficulté d’accès au logement, seront susceptibles de faire l’objet d’une mesure d’encadrement des loyers. Pour cela, le projet de loi détermine quatre conditions d’éligibilité à l’expérimentation : un écart important entre le niveau de loyer moyen constaté dans le parc locatif privé et le loyer moyen pratiqué dans le parc locatif social ; un niveau de loyer médian élevé ; un taux de logements commencés, rapporté aux logements existants sur les cinq dernières années, faible ; des perspectives limitées de production pluriannuelle de logements inscrites dans le programme local de l’habitat et de faibles perspectives d’évolution de celles-ci.

 

82. Le Conseil d’Etat relève que cette expérimentation est précisément limitée dans son objet et dans sa durée, conformément à l’article 37-1 de la Constitution.

 

Il ne voit pas d’objection à ce qu’elle soit déclenchée sur demande d’une collectivité territoriale dès lors que celle-ci demeure libre de présenter ou non une telle demande. Il estime par ailleurs qu’il n’y a pas de difficultés juridiques à ce que l’encadrement des loyers soit limité à une partie seulement du territoire de cette collectivité, pour autant que ne soit pas exclue du dispositif une partie du territoire pour laquelle les conditions d’éligibilité seraient remplies.

 

Sous le bénéfice de ces observations, le Conseil d’Etat estime que les conditions de l’expérimentation sont suffisamment précises et respectent le cadre conventionnel applicable en la matière.

 

Sur les autres mesures relatives à l’encadrement des loyers

 

83. Le projet de loi modifie les modalités d’agrément des observatoires locaux des loyers, prévues à l’article 16 de la loi du 6 juillet 1989, de sorte que les agences d’urbanisme qui exercent des missions d’observation des loyers puissent faire l’objet d’un tel agrément. A cette fin, il prévoit que peuvent également être agréés les organismes dans lesquels existe une instance de consultation assurant la représentation équilibrée des bailleurs, des locataires, et des gestionnaires et comprenant des personnalités qualifiées.

 

84. Le Conseil d’Etat observe qu’actuellement, l’agrément ne peut être accordé qu’à des observatoires dont les organes dirigeants comprennent une représentation équilibrée des bailleurs, des locataires et des gestionnaires ainsi que des personnalités qualifiées. Le législateur regarde ainsi la présence de ces différents acteurs au sein des organes dirigeants comme une garantie permettant de s’assurer du caractère objectif et non biaisé des observations réalisées.

 

Si le Conseil d’Etat estime opportun de pouvoir agréer des agences d’urbanisme qui exercent des missions d’observation des loyers sans pour autant modifier leur statut original, l’existence d’une « instance de consultation » ne lui pas paraît constituer une garantie aussi élevée que dans le système en vigueur. Pour cette raison, il modifie la rédaction de la disposition proposée afin que l’instance ne soit pas cantonnée à un rôle consultatif mais qu’elle procède à une validation du dispositif d’observation.

 

85. Enfin, le projet de loi introduit une amende administrative afin de sanctionner les bailleurs qui méconnaîtraient les règles d’encadrement des loyers. Il permet au représentant de l’Etat dans le département de mettre un bailleur en demeure, d’une part, de mettre en conformité un contrat de bail qui méconnaîtrait l’encadrement des loyers, d’autre part, de restituer des loyers trop-perçus. A défaut, le bailleur pourra être sanctionné par une amende administrative.

 

86. Le Conseil d’Etat prend acte de la volonté du Gouvernement de faire mieux respecter le dispositif d’encadrement des loyers, compte tenu du fait que, lorsqu’il était en vigueur, plusieurs milliers de baux méconnaissaient la loi. Il estime que le mécanisme d’amende administrative prononcée par le représentant de l’Etat dans le département ne soulève pas de difficultés juridiques. Toutefois, s’il relève que la mesure est de nature, par son effet dissuasif, à renforcer l’effectivité du dispositif, il souligne que les préfectures risquent d’être dans l’impossibilité d’instruire toutes les demandes, potentiellement très nombreuses, dont elles seront saisies.

 

Sur les nouvelles règles encadrant la location des meublés de tourisme

 

87. Le projet de loi modifie les articles L. 324-1-1 et L. 324-2-1 du code du tourisme relatifs à la location des meublés de tourisme. En particulier, dans les communes soumises au régime du changement d’usage prévu aux articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation, le projet de loi interdit de louer plus de 120 jours au cours d’une même année un meublé de tourisme déclaré comme étant une résidence principale. Le Conseil d’Etat prend acte de l’accord du Gouvernement pour ne plus faire entrer dans le champ de cette interdiction la location de « chambres chez l’habitant ».

 

Afin de faire respecter cette disposition, le projet de loi introduit des mesures de contrôle et de sanctions. Ainsi, les communes peuvent demander au loueur ainsi qu’à tout intermédiaire par lequel le meublé de tourisme a été mis en location, y compris les plateformes numériques, des informations portant sur le nombre de jours au cours duquel ce bien a été loué. Les intermédiaires sont également tenus de ne plus louer un meublé de tourisme déclaré comme une résidence principale s’ils ont connaissance qu’il a été déjà été loué plus de 120 jours.

 

La méconnaissance de ces obligations est sanctionnée par des amendes civiles, prononcées par le président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, sur saisine de la commune. Le produit de l’amende est versé à la commune.

 

88. Le Conseil d’Etat relève que le Gouvernement, par les mesures qu’il propose, entend lutter contre la pénurie de logements et la montée des loyers dans les zones dites « tendues », en évitant que des biens soient soustraits au marché locatif pour devenir des meublés de tourisme. Il poursuit ainsi un motif d’intérêt général.

 

Le Conseil d’Etat rappelle que, au sens de l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989, la résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure. C’est pourquoi, il complète le dispositif proposé afin de prévoir que l’interdiction ne s’applique pas, lorsque le loueur bénéficie de l’une des exceptions mentionnées à cet article.

 

Dans ces conditions, il estime que la mesure proposée est en rapport avec l’objectif poursuivi et qu’elle est proportionnée.

 

89. Les autres dispositions relatives au contrôle et aux sanctions ne soulèvent pas de difficultés juridiques et n’appellent pas d’observation de la part du Conseil d’Etat.

 

 

Sur la modification du rôle et de la composition du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière

 

90. Le rôle et la composition du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI) sont revus par le projet de loi, qui entend limiter sa compétence à un rôle consultatif en supprimant sa fonction d’instance disciplinaire des professionnels de l’immobilier régis par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce.

 

91. Si la disposition proposée ne soulève pas de difficulté juridique, le Conseil d’Etat relève que le CNTGI, créé par la loi « ALUR », a ensuite été profondément remodelé par l’article 124 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, afin de lui conférer un rôle disciplinaire, le dotant pour cela d’une personnalité morale, de services permanents et d’un budget propre, abondé par les professionnels. Ces dispositions devaient normalement entrer en vigueur le 1er juillet 2018. A cet égard, le Conseil d’Etat ne peut que regretter qu’une réflexion insuffisante sur les missions du CNTGI et sur sa capacité à les mener à bien conduise à modifier à nouveau la loi, pour la troisième fois en quatre ans.

 

Sur les autres dispositions du chapitre

 

92. Le projet de loi modifie les règles de décence applicables aux hôtels meublés, d’une part, et aux colocations à baux multiples, d’autre part.

 

En vue de favoriser la production de logements intermédiaires en « zone tendue », il prévoit aussi que les programmes locaux de l’habitat applicables dans certaines communes, dont la liste sera fixée par décret, devront préciser l’offre de logements intermédiaires.

 

Ces dispositions n’appellent pas d’observation de la part du Conseil d’Etat.

 

 

En ce qui concerne le titre IV « Améliorer le cadre de vie »

 

Revitalisation des centres-villes

 

93. Le projet de loi met en place deux catégories de mesures complémentaires en faveur des centres-villes, l’une destinée à promouvoir des actions coordonnées de revitalisation, l’autre à améliorer la préservation de ces centres-villes dans le cadre des dispositions relatives à l’aménagement commercial.

 

Sur la convention d’ « opérations de revitalisation de territoire » (ORT)

 

94. Est créée au code de la construction et de l’habitation une nouvelle convention : la convention d’ « opérations de revitalisation de territoire » (ORT). Elle constituera le cadre juridique de mise en œuvre du plan gouvernemental de revitalisation des centres-villes, dénommé « Action cœur de ville » et prévu pour bénéficier à 222 villes de taille moyenne. Ce plan se fonde sur le constat de la perte d’attractivité d’un grand nombre de centres-villes et de villes centres, avec une démographie en baisse et des commerces en déshérence, au sein d’aires urbaines dont la population et l’activité économique sont, au contraire, en augmentation. Il vise à ramener des habitants et des commerces dans les cœurs de ville désertés.

 

La convention d’ « opérations de revitalisation de territoire » est un nouveau contrat intégrateur destiné à se substituer à la convention d’ « opérations de requalification de quartiers anciens dégradés » (ORQAD) créée par la loi égalité et citoyenneté de 2017 et qui n’a pas connu de mise en œuvre effective.

 

L’objet de la convention ORT est plus large que celui de la convention ORQAD : il vise à moderniser et adapter non seulement le parc de logement et de commerce, mais plus généralement le tissu urbain. La convention intègrera non seulement l’Etat, l’établissement public de coopération intercommunale dont est membre la commune centre et tout ou partie des communes membres de cet établissement, mais elle pourra également intégrer les établissements publics de l’Etat et toute personne publique ou privée susceptible d’apporter son soutien ou de prendre part à des opérations prévues par la convention. La convention, qui définira un projet urbain, économique et social global, délimitera des secteurs d’intervention parmi lesquels en premier lieu et nécessairement le centre-ville de la ville principale. Elle pourra prévoir les mêmes actions que celles qui pouvaient figurer dans une convention ORQAD, mais aussi des actions plus puissantes, en faveur de la transition écologique du territoire, d’aménagement des espaces et des équipements publics, de modernisation et de création d’activités économiques, commerciales, artisanales ou culturelles, en premier lieu dans les centres-villes. La mise en place d’une convention ORT pourra donner lieu, comme la convention d’opération de rénovation de quartiers anciens dégradés, à l’instauration du droit de préemption urbain renforcé, mais aussi au droit de préemption sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce, les baux commerciaux et les terrains faisant l’objet de projets d’aménagement commercial.

 

Le Conseil d’Etat estime que ce nouveau dispositif qui répond à de fortes préoccupations d’intérêt général, n’appelle pas d’observation.

 

Sur les effets de l’existence d’une convention ORT en matière d’aménagement commercial

 

95. Le projet introduit plusieurs modifications des règles relatives à l’aménagement commercial figurant au code de commerce, en vue de tenir compte, en ce qui concerne la délivrance de l’autorisation d’exploitation commerciale pour certaines grandes surfaces, de l’existence d’une convention ORT.

 

D’une part, la mise en place d’une convention ORT aura pour effet de supprimer, dans le centre-ville de la ville principale du territoire concerné, l’exigence d’une autorisation d’exploitation commerciale pour la création, l’extension ou la transformation de surfaces commerciales de plus de 1 000 m².

 

D’autre part, et à l’inverse, le Gouvernement propose la mise en place d’un mécanisme de suspension, pour une durée de trois ans, de l’enregistrement et de l’examen par la commission départementale d’aménagement commercial des projets de création de surfaces commerciales de plus de 1 000 m² dans les zones périurbaines d’une opération de revitalisation.

 

Pour les projets situés sur le territoire des communes signataires de la convention, mais hors les secteurs d’intervention qu’elle prévoit dans le centre-ville de la ville principale et le centre des autres communes, le Gouvernement propose que le préfet puisse prendre une décision, à caractère réglementaire, de suspension générale de l’enregistrement et de l’examen des projets concernant l’ensemble du territoire des communes de l’opération, hors secteurs d’intervention (centres-villes), la décision du préfet étant prise au regard notamment du niveau et de l’évolution des taux de logements vacants, de vacance commerciale et de chômage dans les centres-villes.

 

En outre, pourrait également donner lieu à suspension par le préfet un projet de création de surface commerciale de plus de 1 000 m² situé sur le territoire d’une commune qui, non signataire de la convention, est cependant membre de l’établissement public intercommunal partie à la convention, ou même membre d’un autre établissement public limitrophe du précédent, si ce projet est de nature de nature à compromettre gravement l’objectif de l’opération.

 

96. En premier lieu, le Conseil d’Etat considère qu’il y a effectivement lieu de prendre des mesures urgentes pour remédier au déclin des « cœurs » de nombreuses villes moyennes. Toutefois, les mesures proposées, qui concernent les règles d’aménagement commercial, ne semblent pas adaptées au traitement du problème.

 

La suppression de l’autorisation d’exploitation commerciale pour la création, l’extension ou la transformation de surfaces commerciales de plus de 1 000 m² dans les centres-villes risque de s’avérer inutile, dès lors que les surfaces commerciales envisagées actuellement dans les centres-villes sont le plus souvent très inférieures à 1 000 m². En outre, la suspension de l’autorisation pour les projets de création de surfaces commerciales supérieures à 1 000 m² dans les secteurs hors centre-ville d’un territoire objet d’une convention d’ORT, non seulement sera sans effet sur les centres-villes, mais risque d’avoir pour seul effet de renforcer la situation des grandes surfaces déjà en place dans les zones périurbaines.

 

En second lieu, le Conseil d’Etat estime que, si la suspension pour une durée limitée de l’enregistrement et de l’examen des demandes d’autorisation peut être admise dans son principe, en raison de l’intérêt général qui s’attache à l’objectif de préservation d’un centre-ville, une telle décision de suspension, si elle devait avoir un caractère général et concerner l’ensemble des projets futurs présentés hors centres-villes, constituerait une mesure disproportionnée, portant une atteinte excessive à la liberté d’entreprendre, alors que tous les projets en zone périurbaine n’ont pas nécessairement un effet négatif sur les centres. Par suite, il y a lieu de ne prévoir qu’une décision de suspension au cas par cas, selon les caractéristiques de chaque projet.

 

Rénovation énergétique

 

97. Le projet donne une nouvelle rédaction aux dispositions du code de la construction et de l’habitation, issues de la loi « Grenelle II » de 2010, qui imposent aux bâtiments affectés à des activités tertiaires une obligation de travaux destinés à réduire leur consommation, mais qui n’ont pas pu jusqu’à présent être effectivement mises en œuvre en raison de leur précision insuffisante.

 

Le parc des bâtiments à usage tertiaire existant concerné devra réduire globalement sa consommation d’énergie de 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à la consommation constatée en 2010. Pour atteindre ces objectifs à ces trois échéances, les propriétaires des bâtiments ou parties de bâtiments concernés pourront, le cas échéant avec les preneurs à bail, déployer « tout moyen », c’est-à-dire mener, à leur seule initiative, toutes actions utiles : non seulement réaliser des travaux (amélioration de la performance énergétique des bâtiments ou remplacement de certains équipements, notamment de chauffage, par des installations plus performantes), mais aussi mettre en œuvre des actions à la fois plus modestes ou plus simples et moins coûteuses, mais dont l’effet sur la consommation énergétique peut ne pas être négligeable : notamment, adoption de modalités d’exploitation de certains équipements plus économes en énergie ou même évolutions comportementales des utilisateurs des bâtiments.

 

Dès lors que l’obligation porte exclusivement sur une réduction de la consommation énergétique, et de façon à assurer sa mise en œuvre et son suivi de façon simple, pour chaque bâtiment soumis à l’obligation, son niveau de consommation sera annexé, avec l’objectif de réduction de consommation pour la prochaine échéance, au contrat de vente ou de bail. En outre, ces informations feront l’objet d’une publication, par affichage ou par tout autre moyen, au sein du bâtiment.

 

Les catégories de bâtiments ou de parties de bâtiments qui seront soumises à l’obligation de réduction de consommation seront déterminées par décret en Conseil d’Etat, exclusivement en fonction de leur surface et du type des activités qui y sont exercées ; il pourra donc s’agir de bâtiments publics comme de bâtiments privés. Le principe d’une modulation de l’obligation est prévu, notamment pour tenir compte de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales concernant un bâtiment ou, dans le cas de travaux, de coûts manifestement disproportionnés par rapport aux réductions de consommation attendues.

 

98. Le Conseil d’Etat estime que la modification proposée de l’ordonnancement juridique est opportune et devrait permettre la mise en œuvre effective de l’orientation prise en 2010. S’il admet le principe de la mise en place d’une plateforme informatique permettant de recueillir les données de consommation et d’assurer le suivi de la réduction de consommations d’énergie, il considère que le dispositif, qui n’est d’ailleurs assorti d’aucune sanction, ne devrait donner lieu qu’au minimum nécessaire de procédures administratives.

 

Lutte contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil

 

99. Plusieurs dispositions visent à améliorer l’efficacité du dispositif de lutte contre l’habitat indigne et les immeubles dangereux.

 

Sur les dispositions à caractère fiscal

 

100. Le projet de loi propose d’étendre aux revenus tirés par les « marchands de sommeil » de la mise à disposition d’habitats indignes le régime prévu à l’article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts applicable aux sommes d’argent produits de certaines infractions, telles que le trafic de stupéfiants, les infractions à la législation des armes ou le délit de contrefaçon.

 

En vertu de ces dispositions, lorsqu’il résulte de constatations réalisées dans le cadre d’enquêtes pénales que des personnes ont eu la libre disposition soit de biens qui sont l’objet ou l’instrument de ces infractions, soit de sommes d’argent qui en sont le produit direct, ces personnes sont présumées avoir perçu, sauf preuve contraire, un revenu égal à la valeur vénale de ces biens ou à ces sommes d’argent.

 

Ce régime est prévu pour des infractions concernant des biens prohibés ou strictement réglementés, tels que les produits stupéfiants, les produits contrefaits ou les armes. S’agissant de biens dont, sauf exception, le commerce est souterrain et dont les revenus qui en sont tirés ne donnent pas lieu, par nature, à déclaration auprès de l’administration fiscale, le législateur a prévu un régime dérogatoire d’établissement de l’assiette de l’impôt sur le revenu fondé sur une présomption, qui peut être renversée, et applicable aux seules personnes ayant la libre disposition de ces biens ou des sommes d’argent qui en sont le produit.

 

101. S’agissant de la disposition prévoyant l’application du régime indiqué ci-dessus aux délits de soumission de personnes, dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine prévus par les articles 225-14, 225-15 et 225-16 du code pénal, le Conseil d’Etat ne peut lui donner un avis favorable, alors même que ces délits revêtent une particulière gravité.

 

Le Conseil d’Etat relève que si les infractions visées à l’article 1649 quater-0 B bis concernent des biens par nature prohibés ou strictement réglementés, les délits mentionnés ci-dessus sont relatifs aux conditions d’exercice particulières d’une activité de location ou de mise à disposition de locaux par elle-même admise. La qualification de ces délits appelle ainsi une appréciation portant notamment sur la vulnérabilité ou l’état de dépendance de l’occupant, sur la connaissance qu’en a l’auteur de l’infraction, ainsi que sur les conditions d’hébergement.

 

Il suit de là qu’il ne peut pas être présumé que les sommes d’argents produits de ces infractions constituent, sauf exception, des revenus dissimulés à l’administration fiscale. Le Conseil d’Etat estime, par suite, qu’il ne saurait être fait application pour ces délits d’un régime dérogatoire d’établissement de l’assiette de l’impôt sur le revenu sans méconnaître les principes d’égalité devant la loi et d’égalité devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

 

102. S’agissant en revanche des délits en matière d’habitat indigne prévus à l’article L. 1337-4 du code de la santé publique et aux articles L. 123-3, L. 511-6 et L. 521-4 du code de la construction et de l’habitation, ils se caractérisent, pour ceux dont il résulte un produit et à l’exception du délit visé au V de l’article L. 123-3 du code de la construction et de l’habitation, par l’inexécution de mesures de police administrative spéciale visant à mettre fin à l’occupation de locaux impropres à l’habitation ou prescrivant la réalisation de travaux de mise en conformité, au regard notamment de la salubrité des lieux et de la sécurité de leurs occupants.

 

Le Conseil d’Etat constate que, en vertu de l’article L. 521-2 du code de la construction et de l’habitation, le loyer ou toute somme versée en contrepartie de l’occupation de ces locaux cessent d’être dus à compter de la mise en demeure ou de la publicité auxquelles ces mesures de police ont donné lieu. Il s’en déduit que les sommes d’argent produits de ces délits sont perçues en violation de l’article L. 521-2 du code de la construction et de l’habitation et que les revenus qui en sont tirés peuvent être présumés dissimulés, sauf exception, à l’administration fiscale. Par suite, le Conseil d’Etat estime que ces délits peuvent figurer au nombre des infractions visées à l’article 1649 quater-0 B bis.

 

103. Enfin, le délit visé au V de l’article L. 123-3 du code de la construction et de l’habitation, qui est le fait de louer des chambres ou locaux dans des conditions qui conduisent manifestement à leur sur-occupation, n’entre pas dans le champ des dispositions de l’article L. 521-2 du code de la construction et de l’habitation et ne peut par suite être ajouté aux infractions visées à l’article 1649 quater-0 B bis pour les motifs précédemment indiqués.

 

Sur les polices spéciales

 

104. La plupart des polices spéciales relevant du préfet ou du maire destinées à faire cesser des situations d’insécurité ou dangereuses pour la santé, prévues selon le cas par le code de la construction et de l’habitation (notamment procédure de péril) ou par le code de la santé publique (lutte contre l’insalubrité, contre le saturnisme, contre les locaux impropres à l’habitation…) sont complétées pour généraliser et rendre systématique la procédure de l’astreinte. Désormais, l’astreinte, qui avait été prévue par la loi du 24 mai 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), mais pour certaines polices seulement et à titre facultatif, sera systématiquement prononcée, dès lors que les mesures prescrites selon le cas par le préfet ou par le maire n’auront pas été exécutées à l’échéance du délai fixé.

 

105. Ces dispositions, qui sont opportunes, ne soulèvent pas de difficulté juridique. Le Conseil d’Etat estime toutefois, en ce qui concerne les nouvelles dispositions relatives à l’astreinte, que la mise en œuvre de sa modulation, en fonction de l’ampleur des mesures et travaux prescrits et des conséquences de la non-exécution, ne nécessite pas le renvoi à un décret en Conseil d’Etat, les critères de modulation prévus par la loi étant suffisants. Il considère également qu’il n’est pas nécessaire de préciser, par décret en Conseil d’Etat, les conditions dans lesquelles l’autorité administrative pourra consentir, lors de la liquidation de l’astreinte, une exonération totale ou partielle de son produit dans le cas où le redevable établit que la non-exécution de l’intégralité de ses obligations est due à des circonstances qui ne sont pas de son fait.

 

Par suite, le Conseil d’Etat écarte dans ces deux cas le renvoi au décret en Conseil d’Etat, ce qui simplifie les règles d’entrée en vigueur de ces mesures.

 

Sur l’habilitation à simplifier et harmoniser l es polices de lutte contre l’habitat indigne

 

106. Le projet habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour améliorer et renforcer la lutte contre l’habitat indigne : les différentes polices administratives de lutte contre l’habitat indigne, prévues au code de la construction et de l’habitation et au code de la santé publique, seront harmonisées et simplifiées ; les pouvoirs de police générale du maire seront précisés, et mieux articulés avec les polices spéciales de lutte contre l’habitat indigne, pour lui permettre de répondre plus efficacement à l’urgence ; enfin une évolution des dispositions relatives au transfert ou à la délégation au président d’un établissements public intercommunal à fiscalité propre, des polices de lutte contre l’habitat indigne respectivement du maire et du préfet favorisera l’organisation au niveau intercommunal des outils de lutte contre l’habitat indigne. L’ensemble de ces évolutions seront adaptées à la métropole du Grand Paris.

 

107. La simplification et l’harmonisation des polices de lutte contre l’habitat indigne, ainsi que leur exercice au niveau intercommunal, constituent, dans la perspective d’une efficacité optimale du dispositif, des objectifs d’intérêt général justifiant l’habilitation. Le Conseil d’Etat estime toutefois qu’eu égard à la complexité du dispositif actuel et à l’ampleur des mesures à prévoir, la durée de l’habilitation devrait être portée de douze à dix-huit mois.

 

Droit des copropriétés

 

Sur les procédures portant sur les copropriétés dégradées

 

108. Tirant les conséquences des premières années de mise en œuvre des dispositifs créés ou réformés par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové aux fins de prévenir la dégradation des copropriétés et d’apporter de nouvelles solutions, ou des solutions mieux adaptées, aux différentes situations de difficultés de ces copropriétés lorsqu’elles surviennent néanmoins, le projet de loi apporte quelques modifications à la procédure de carence prévue aux articles L. 615-6 et suivants du code de la construction et au régime des opérations de requalification des copropriétés dégradées prévu aux articles L. 741-1 et L. 741-2 du même code respectivement aux fins de sécuriser et de faciliter le recours à ces procédures.

 

Ces dispositions n’appellent pas d’observation de la part du Conseil d’Etat.

 

109. Parallèlement, le projet de loi modifie le champ d’application de la procédure d’extrême urgence prévue aux articles L. 522-1 et suivants du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique afin de permettre la prise de possession anticipée d’un ou plusieurs immeubles dégradés situés dans le périmètre d’une opération de requalification de copropriété dégradée déclarée d’intérêt national en cas de risques sérieux pour la sécurité des occupants. Le Conseil d’Etat estime qu’eu égard à l’objectif auquel elle répond et aux conditions posées à sa mise en œuvre effective (existence d’un risque caractérisé, recours à un décret pris sur avis conforme du Conseil d’Etat, obligation d’établir un plan de relogement des occupants), la mesure, qui au demeurant n’a vocation à s’appliquer que dans des situations exceptionnelles, ne porte pas une atteinte excessive au droit de propriété.

 

Sur les dispositions relatives à la réforme du droit des copropriétés

110. La principale source du droit de la copropriété est la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Ce texte a connu de nombreuses réformes depuis son adoption, il y a plus d’un demi-siècle. Sa physionomie en a été profondément affectée. Au cours des seules vingt-cinq dernières années, le nombre de mots de la loi a été multiplié par cinq. Certaines dispositions de ces réformes ont été intégrées au code de la construction et de l’habitation, tandis que d’autres sont restées autonomes.

Cette succession de réformes a conduit à une réelle complexification des textes relatifs au droit de la copropriété, rendant difficile leur appréhension par les copropriétaires et les professionnels.

Le Gouvernement estime, à juste titre, que la codification de ces dispositions est de nature à améliorer la clarté et l’accessibilité de ce droit. Toutefois, il ne souhaite pas se limiter à une opération de codification à droit constant. Il entend, à cette occasion, modifier la loi du 10 juillet 1965 et la réformer selon deux axes principaux : d’une part, lever les blocages qui entravent les prises de décision, notamment pour favoriser les travaux et plus particulièrement ceux de rénovation énergétique des bâtiments ; d’autre part, prévenir le contentieux judiciaire de la copropriété grâce à des règles plus simples et plus accessibles.

 

111. Le Conseil d’Etat constate que le Gouvernement a retenu son souhait exprimé en juillet dernier à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif au droit à l’erreur et à la simplification de voir mieux distingués, dans le projet d’article, les deux aspects de la réforme engagée.

II constate également que, sur le second volet de la réforme, l’étude d’impact a été sensiblement améliorée afin de mieux dégager les grandes orientations que le Gouvernement souhaite mettre en œuvre à l’occasion de la modification des dispositions de la loi du 10 juillet 1965 précitée. Toutefois, cette étude mériterait d’être enrichie afin de permettre d’apprécier leurs conséquences notamment économiques.

Le Conseil d’Etat estime que les objectifs poursuivis - l’amélioration de la gestion des immeubles et la prévention des contentieux - sont à bon escient fixés au regard de critères suffisamment larges : caractéristiques des immeubles, leur destination, la taille de la copropriété pour que l’ordonnance puisse atteindre les finalités recherchées. Enfin, l’habilitation doit permettre de clarifier et d’adapter les règles d’organisation et de gouvernance de la copropriété et les droits et obligations des copropriétaires, du syndicat des copropriétaires, du conseil syndical et du syndic, afin de répondre aux souhaits des usagers et des professionnels et ainsi de mieux prévenir les contentieux.

 

112. Sur les délais dans lesquels les ordonnances doivent être publiées, le Conseil d’Etat estime que le délai de vingt-quatre mois pour prendre l’ordonnance sur la codification paraît justifié compte tenu de l’ampleur de la tâche tandis que celui, réduit à douze mois, pour conduire les modifications de fond de la loi de 1965 lui paraît répondre à un strict choix d’opportunité sur le rythme de la réforme.

 

Numérisation du secteur du logement

 

113. Le projet de loi comporte une disposition d’habilitation permettant la numérisation du secteur du logement. L’objectif poursuivi est d’abord d’améliorer la conformité aux règles législatives et réglementaires applicables des outils numériques développés par les professionnels du secteur de l’immobilier pour l’établissement des contrats de location relevant de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs. L’objectif est aussi de permettre le recueil de manière automatisée et l’utilisation, par l’Etat et par l’association dénommée « Agence nationale pour l’information sur le logement », de données relatives à ces contrats de location, en particulier ceux qui ouvrent droit à des avantages fiscaux. A cet effet, il est notamment prévu d’instituer un régime d’agrément pour les prestataires fournissant aux propriétaires et aux locataires, pour l’établissement du contrat de location, un outil numérique qui, à la fois, est conforme aux règles de droit applicables et permet d’assurer une transmission automatique des données dont le recueil est souhaité.

 

114. Le Conseil d'Etat estime que le choix d’une procédure d’agrément doit être davantage justifié dans l’étude d’impact, qu’il conviendrait de compléter pour présenter les différentes options envisageables et leurs avantages et inconvénients respectifs. En outre, il invite le Gouvernement à veiller, dans la conception de cette nouvelle procédure, à limiter la complexité administrative et les contraintes pour les acteurs concernés aux règles qui seront strictement nécessaires pour l’atteinte des objectifs en vue desquels la procédure est instituée.

 

 

Déploiement des réseaux de communications électroniques à très haute capacité.

 

115. Plusieurs mesures sont destinées à simplifier le déploiement des réseaux de communications électroniques à très haute capacité. La plupart n’appellent pas d’observation particulière.

 

116. Toutefois, le Conseil d'Etat estime inutile la disposition ajoutant un alinéa à l’article L. 2122-1-3 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) pour prévoir que l’article L. 2122-1-1 du même code n’est pas applicable « lorsque le titre d’occupation est délivré à un opérateur de réseaux de communications électroniques ouverts au public pour l’installation d’équipements nécessaires au respect d’obligations ou d’engagements pris auprès de l’Etat ou d’une collectivité territoriale portant sur le déploiement de ces réseaux ». Cette disposition a pour objectif d’accélérer la couverture numérique du territoire en excluant les réseaux de communication électronique de l’obligation de mise en concurrence préalable en vue d’une occupation du domaine public. Mais le Conseil d'Etat considère que l’état actuel du droit conduit déjà à ce que l’article L. 2122‑1‑1 du CG3P ne soit pas applicable à la délivrance de titres d’occupation du domaine public aux opérateurs du secteur des communications électroniques pour l’installation d’équipements permettant l’exercice de leur activité.

 

117. Le premier alinéa de l’article L. 2122-1-1 du CG3P prévoit que, « sauf dispositions législatives contraires », lorsque le titre permet à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue d'une exploitation économique, « l'autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester ». Les articles L. 2122-1-2 et L. 2122-1-3 prévoient les cas dans lesquels l’article L. 2122-1-1 n’est pas applicable. Ces articles, créés par l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017, constituent une mesure de transposition de l’article 12 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (directive « services »), tel qu’interprété par l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 14 juillet 2016 Promoimpresa (affaires jointes C-458/14 et C-67/15).

 

118. Le Conseil d'Etat relève qu’en vertu de l’article 2, paragraphe 2, sous c) de la directive « services », celle-ci ne s’applique pas aux services et réseaux de communications électroniques ainsi qu’aux ressources et services associés pour ce qui concerne les matières régies par les directives 2002/19/CE, 2002/20/CE, 2002/21/CE, 2002/22/CE et 2002/58/CE. La CJUE a jugé que le « nouveau cadre réglementaire commun » constitué par ces directives « a mis en œuvre les dispositions du traité, en particulier celles sur la libre prestation de services, dans le domaine des réseaux et des services de communications électroniques » (arrêt du 31 janvier 2008, Centro Europa 7 Srl, aff. C-380/05, point 76).

 

En particulier, l’article 11 de la directive 2002/21/CE du 7 mars 2002 (directive « cadre ») comporte des dispositions relatives aux demandes formulées par les opérateurs de communications électroniques en vue de l’octroi de droits pour permettre la mise en place de ressources sur, au-dessus ou au-dessous de propriétés publiques ou privées. Cet article prévoit que l’autorité qui examine ces demandes doit agir « sur la base de procédures simples, efficaces, transparentes et accessibles au public, appliquées sans discrimination ni retard ».

 

Le Conseil d’État en déduit que l’arrêt Promoimpresa n’est pas applicable au secteur des communications électroniques, ni en tant qu’il se fonde sur l’article 12 de la directive « Services », ni en tant qu’il se fonde, dans les cas où l’article 12 de cette directive n’est pas applicable, sur l’article 49 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, relatif à la liberté d’établissement.

Par ailleurs, la directive 2002/19/CE du 7 mars 2002 (directive « accès ») prévoit, s’agissant des relations entre les opérateurs de communications électroniques, des dispositions visant à mettre en œuvre l’accès, c’est-à-dire « la mise à disposition d’une autre entreprise, dans des conditions bien définies et de manière exclusive ou non exclusive, de ressources et/ou de services en vue de la fourniture de services de communications électroniques (…) ».

 

119. En droit national, le code des postes et des communications électroniques (CPCE) comporte des dispositions législatives assurant la transposition des directives de 2002 mentionnées ci-dessus. En particulier, les articles L. 45-9 à L. 53 fixent les règles pour l’occupation du domaine public par les opérateurs de communications électroniques en vue de l’exercice de leur activité ; les articles L. 34-8 à L. 34-8-6 prévoient les règles applicables en matière d’accès, au sens des dispositions précitées de la directive « accès ».

 

Le Conseil d'Etat estime que les articles L. 45-9 à L. 53 du CPCE, et en particulier les articles L. 45-9 à L. 47-1, doivent être regardés, pour l’application de l’article L. 2122-1-1 du CG3P, comme des « dispositions législatives contraires ». Dès lors, aucune nouvelle disposition législative n’est nécessaire pour écarter l’application de cet article lorsque l’autorisation d’occupation du domaine public concerne l’installation d’équipements permettant aux opérateurs de communications électroniques d’exercer leur activité.

Le Conseil d'Etat estime que l’adoption d’une disposition législative telle que celle proposée par le Gouvernement serait en outre inopportune : les articles L. 2122-1-1 à L. 2122-1-3 du CG3P ont défini l’ensemble du régime relatif à la procédure instituée à l’article L. 2122-1-1 ; la mention expresse dans le CG3P de situations particulières entrant dans le champ des exceptions déjà prévues par ces articles serait source de confusion et nuirait à la lisibilité du droit.

Diffusion de données horaires du temps légal français

120. Il est prévu de confier à l’Agence nationale des fréquences, établissement public de l’Etat à caractère administratif, la mission de diffusion par voie hertzienne terrestre de données horaires du temps légal français. Jusqu’au 31 décembre 2016, l’émission des programmes de France Inter en grandes ondes portait sur sa propre fréquence la diffusion de ce signal horaire. L’arrêt de la diffusion par Radio France sur les grandes ondes conduit le Gouvernement à proposer de confier la mission à l’Agence nationale des fréquences.

121. Le Conseil d'Etat estime que ces dispositions ne sont pas contraires au droit de la commande publique ni, par suite, incompatibles avec le droit de l’Union. S’il est en principe toujours loisible à l’Etat d’externaliser l’une de ses missions, il ne peut, lorsque la mission qu’il délègue peut s’analyser comme une activité économique participant d’un marché concurrentiel, s’exonérer du respect des règles de la commande publique et du droit de la concurrence que dans des situations précisément définies par la jurisprudence européenne. En l’espèce, le Conseil d'Etat relève que le signal horaire du temps légal français est mis gratuitement à la disposition d’utilisateurs multiples, publics ou privés (opérateurs économiques dans les domaines de l’énergie et des transports, direction générale de l’aviation civile, collectivités territoriales, acteurs du secteur bancaire, ministère de la défense, administrations de l’éducation nationale et de la santé, etc.). La diffusion de ce signal horaire correspond à une mission de l’Etat qui présente un caractère essentiel pour le fonctionnement de nombreux services publics et activités économiques. Cette mission n’a pas vocation à être exercée à titre onéreux et ne peut être regardée comme une activité économique exercée sur un marché concurrentiel.