Projet de loi organique et projet de loi pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace

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Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis rendu par le Conseil d’État sur le projet de loi organique et sur le projet de loi pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace

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CONSEIL D’ÉTAT
Section de l'intérieur
Séance du jeudi 17 mai 2018
s 394741-394742

 
EXTRAIT DU REGISTRE DES DÉLIBÉRATIONS

1.           Le Conseil d’Etat a été saisi le 23 avril 2018 d’un projet de loi organique et d’un projet de loi ordinaire pour une démocratie plus représentative, responsable, accompagnés par deux études d’impact transmises le 27 avril 2018.
Ces deux projets de loi organique et ordinaire ont été modifiés par une saisine rectificative le 15 mai 2018, et les deux études d’impact ont été complétées les 3 et 16 mai 2018.
Ces deux projets de loi s’inscrivent dans le cadre d’une importante réforme des institutions dont le premier volet est constitué par le projet de loi constitutionnelle qui a été examiné le 3 mai 2018 par le Conseil d’Etat.

Présentation généraledes deux projets de loi

2.            Le projet de loi organique comprend quatorze articles répartis en trois chapitres. Le projet de loi comprend neuf articles répartis en cinq chapitres.

Le chapitre 1er de chaque loi est essentiellement consacré à la réforme de l’élection des députés, à laquelle s’ajoute, dans la loi organique, la diminution du nombre de députés et de sénateurs. La loi prévoit notamment qu’une partie des députés seront élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle dans une circonscription unique. A cette mesure essentielle s’ajoutent d’autres dispositions relatives à l’élection des députés, notamment celles qu’exige le scrutin de liste.

Le chapitre II de chaque loi est consacré à la limitation dans le temps de l’exercice de certaines fonctions et mandats. La loi organique applique cette limitation aux députés et aux sénateurs ainsi qu’aux titulaires de fonctions exécutives dans les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie. La loi ordinaire applique la même limitation aux titulaires de fonctions similaires dans les autres collectivités territoriales et dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, avec une exception pour les collectivités et les établissements dont la population n’excède pas un certain seuil.

Le chapitre III de la loi ordinaire comporte un article unique autorisant le Gouvernement à prendre certaines mesures par ordonnance, parmi lesquelles figurent notamment la répartition des sièges de parlementaires et la délimitation des nouvelles circonscriptions législatives. Le chapitre IV de la même loi comprend des dispositions électorales diverses, dont certaines sont relatives à l’outre-mer.

Enfin, les derniers chapitres sont consacrés à l’entrée en vigueur de chaque texte et à son application sur tout le territoire de la République. S’agissant de la diminution du nombre de sénateurs, la loi organique prévoit qu’elle sera appliquée à l’occasion d’un renouvellement intégral du Sénat effectué en septembre 2021, ce qui suppose de modifier la durée des mandats en cours et celle d’une fraction des mandats qui débuteront à cette date.

Réduction du nombre de parlementaires et réforme de l’élection des députés

3.            Le projet de loi organique prévoit que le nombre de députés sera réduit de 577 à 404. Une telle disposition relève de la loi organique en vertu de l’article 25 de la Constitution.

Cette mesure a pour objet, selon le Gouvernement, d’assurer une plus grande efficacité du Parlement et une meilleure représentation des électeurs. Telle qu’elle est formulée, elle relève d’un choix politique sur lequel le Conseil d’Etat n’a pas à se prononcer.

4.            Par ailleurs, le projet de loi prévoit que, parmi les 404 députés, 61 seront élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle dans une circonscription nationale unique. Seront également élus au scrutin de liste, dans une circonscription unique, les députés élus par les Français établis hors de France. Les autres députés seront élus, comme aujourd’hui, au scrutin uninominal majoritaire à deux tours.
Le scrutin proportionnel aura lieu le jour du premier tour du scrutin majoritaire, chaque électeur disposant de deux bulletins.
Seules seront admises à la répartition des sièges les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. La répartition sera opérée selon la règle de la plus forte moyenne d’après l’ordre de présentation des candidats. Ces modalités sont identiques à celles qui sont en vigueur pour les autres scrutins de liste en France et n’appellent pas d’autre observation.

5.            Le Conseil d’Etat considère que l’introduction d’une part limitée de représentation proportionnelle résulte d’un choix politique visant à une meilleure représentation de la diversité des formations politiques, renforcée par le fait que les électeurs disposeront de deux bulletins, l’un pour désigner le député de leur circonscription, l’autre pour se prononcer en faveur d’une liste nationale. Il relève cependant que le nombre de sièges concernés, ainsi que l’instauration du seuil de 5 % des suffrages exprimés, ne permettront sans doute pas à toutes les formations politiques d’être représentées.

Par ailleurs, la modification du mode de scrutin entraînera la présence, au sein de l’Assemblée nationale, de deux catégories de députés : les uns auront obtenu, sur leur personne, la confiance d’une majorité d’électeurs de leur circonscription, tandis que l'élection des autres sera due à la place qu'ils occupent sur une liste nationale. Le Conseil d'Etat considère que ces dispositions ne se heurtent à aucun obstacle, notamment constitutionnel.

 6.            Le Conseil d’Etat s’est attaché à vérifier, dans la mesure du possible, que la diminution importante du nombre de circonscriptions législatives ne fera pas obstacle à ce que l’Assemblée nationale soit élue sur des bases essentiellement démographiques, comme l’exige le Conseil constitutionnel. Si, à ce stade, les exigences constitutionnelles semblent pouvoir être respectées, cette vérification ne pourra toutefois être entièrement effectuée que lorsque les nouvelles circonscriptions auront été délimitées, particulièrement en ce qui concerne le respect du principe au sein de chaque département.

7.            Le nombre de sénateurs sera réduit de 348 à 244. Le Conseil d’Etat observe qu’une telle disposition doit, dans le cadre de l’article 46 de la Constitution, être votée dans les mêmes termes par les deux assemblées.

8.            Le projet de loi prévoit que le nombre de sénateurs ne peut être inférieur à un par département et collectivité d’outre-mer, ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie. Le Conseil d’Etat relève que l’application de cette règle, à laquelle s’ajoute la diminution du nombre de sénateurs, augmentera encore l’importance de la représentation des départements les moins peuplés.

9.            Comme il l’a fait pour les députés, le Conseil d’Etat s’est attaché à vérifier que ces dispositions n’entraîneraient pas d’écarts de représentation trop importants entre les moins peuplés et les plus peuplés des départements. En effet, bien que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales en application de l’article 24 de la Constitution, le Conseil constitutionnel exige qu’il soit, lui aussi, élu sur des bases essentiellement démographiques, même si cette règle s’applique de façon moins rigoureuse que pour l’Assemblée nationale.
En l’état, le Conseil d’Etat estime que les dispositions du projet de loi relatives à la répartition des sénateurs entre les départements et collectivités ne font pas obstacle au respect des exigences constitutionnelles.

10.        Il considère également qu’aucune disposition relative à la réduction du nombre de membres du Parlement n’impose à ce stade la consultation préalable de la commission instituée par le dernier alinéa de l’article 25 de la Constitution.

La modification de la date d’expiration des pouvoirs de l’Assemblée nationale

11.        Le projet de loi organique modifie l’article LO. 121 pour repousser la date d’expiration des pouvoirs de l’Assemblée nationale du troisième au quatrième mardi de juin de la cinquième année qui suit son élection. Le Conseil d’Etat estime que cette prolongation marginale est justifiée par l’instauration d’un scrutin de liste national, pour lequel les modalités retenues par le Gouvernement nécessitent de disposer d’une semaine supplémentaire aux fins de permettre l’enregistrement des candidatures. Le Conseil d’Etat précise en revanche que cette modification s’applique à l’Assemblée élue en juin 2017, en s’inspirant en cela des dispositions de la loi organique du 15 mai 2001 modifiant la date d’expiration des pouvoirs de l’Assemblée nationale qui le mentionnaient expressément.

Les inéligibilités

12.        Le projet de loi organique étend au scrutin de liste national la liste des inéligibilités prévue, pour le scrutin majoritaire, à l’article LO 132. Dans cette optique, les préfets ne peuvent se porter candidats au scrutin de liste national s’ils exercent ou ont exercé leurs fonctions en poste territorial depuis moins de trois ans à la date du scrutin. Cette durée d’inéligibilité est fixée à un an pour les titulaires des fonctions énumérées au II de cet article. Il ressort de l’étude d’impact, que nombre d’autres pays européens ont retenu des solutions plus drastiques (inéligibilité absolue, démission préalable du service public, délai d’inéligibilité plus long).

Le projet de loi organique élargit par ailleurs les inéligibilités applicables aux diplomates et à certains fonctionnaires exerçant leurs fonctions à l’étranger cités à l’article LO 329, non seulement à la nouvelle circonscription unique des Français établis hors de France mais aussi au scrutin national de liste.

13.        Le Conseil d’Etat relève que le Conseil constitutionnel juge que l’éligibilité, c'est-à-dire le droit de se porter candidat, dont jouit en principe chaque citoyen en vertu de l’article 6 de la Déclaration de 1789 ne peut être remis en cause « que dans la mesure nécessaire au respect du principe d’égalité devant le suffrage et à la préservation de la liberté de l’élection » (décision du 12 avril 2011, n° 2011-628 DC). A cette aune, le choix d’étendre au scrutin de liste national, sans adaptation, les inéligibilités prévues aux articles LO 129 et LO 132, qui sont en l’état circonscrites aux seules circonscriptions comprises en tout ou partie dans les ressorts dans lesquels les titulaires visés ont exercé leurs fonctions, peut être regardé comme relativement strict. En effet, dans le cadre d’un scrutin national, les titulaires visés ne feraient pas nécessairement campagne dans le ressort dans lequel ils ont exercé et, en tout état de cause, ils font partie d’une liste ce qui, par rapport au scrutin uninominal, atténue le risque de personnalisation.

Pour autant, le Conseil d’Etat relève que les titulaires concernés ne sont pas privés du droit de se présenter aux élections législatives puisqu’ils peuvent se porter candidats dans toutes les circonscriptions pourvues au scrutin majoritaire dans lesquelles ils n’ont pas récemment exercé leurs fonctions. Par ailleurs, ce choix procède d’une volonté, légitime, de moralisation de la vie publique destinée à prévenir les risques de conflits d’intérêts. Dans ces conditions, le Conseil d’Etat estime que le choix du Gouvernement ne porte pas, au regard de l’objectif poursuivi, une atteinte disproportionnée au droit des intéressés à se porter candidats.

14.        Le projet de loi organique transpose au scrutin de liste national les dispositions de l’article LO 135 du code électoral, qui interdisent au suppléant ayant remplacé le député titulaire nommé membre du Gouvernement de faire acte de candidature contre lui lors de l’élection suivante.

Le Conseil d’Etat relève, d’une part, que le suivant de liste, qui a été candidat au même titre que celui qui le précède, ne saurait être assimilé à un suppléant, qui lui n’est élu en même temps que son titulaire qu’aux seules fins, le cas échéant, de le remplacer. D’autre part, appliquée à un scrutin de liste national, la portée exacte de l’interdiction de faire acte de candidature contre un député nommé membre du Gouvernement apparaît plus difficile à justifier. Enfin, le risque que vise à prévenir l’actuel article LO 135 du code électoral, tel qu’explicité par la décision du Conseil constitutionnel du 23 janvier 2015 n° 2014-4909 SEN, apparaît moins prégnant dans l’hypothèse d’un scrutin de liste : en effet, dans la mesure où ces députés ne sont pas élus dans une circonscription locale, leurs remplaçants ne sont pas susceptibles d’y acquérir de la notoriété en bénéficiant de leur absence. Le Conseil d’Etat ne retient donc pas cette extension.

15.        L’article LO 136-1 du code électoral organise les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel peut déclarer inéligible le candidat qui n’a pas respecté les règles relatives au compte de campagne, notamment en dépassant le plafond autorisé des dépenses électorales. Le projet du Gouvernement étend cette disposition au scrutin de liste national, en précisant que l’inéligibilité susceptible d’être prononcée vise uniquement le candidat tête de liste. Cette modification n’appelle pas d’observation de la part du Conseil d’Etat.

La consultation par les électeurs des déclarations de situation patrimoniale des députés

16.        Le projet de loi organique adapte les modalités de consultation des déclarations de situation patrimoniale des députés élus au nouveau scrutin de liste national. Si ces déclarations, pour les députés élus au scrutin majoritaire, restent tenues à la disposition des électeurs à la seule préfecture de leur département d’élection, le projet du Gouvernement prévoit, au même article LO 135-2, que celles des députés élus au scrutin de liste national sont accessibles dans chaque préfecture et « outre-mer, dans chaque service du représentant de l’Etat ». Cette disposition tire la conséquence logique de ce que le scrutin de liste se tient à l’échelle d’une circonscription nationale unique, ce qui implique que l’ensemble des électeurs inscrits sur les listes électorales doivent être en mesure de les consulter.

Le Conseil d’Etat modifie toutefois la rédaction du projet en ce qui concerne l’outre-mer, pour éviter que tous les services du représentant de l’Etat aient à tenir à la disposition des électeurs les déclarations des députés élus au scrutin de liste national. En cohérence avec la solution retenue pour la métropole, le Conseil d’Etat préconise de n’ouvrir cette possibilité de consultation qu’auprès du représentant de l’Etat dans chacune de ces collectivités.

Les incompatibilités entre le mandat de député et d’autres mandats et fonctions électifs

17.        L’article LO 141 du code électoral prévoit que le mandat de député est incompatible avec l'exercice de plus d'un des mandats qu’il énumère, dont le mandat de conseiller départemental ou de conseiller municipal. Le Gouvernement étend cette liste d’incompatibilités au mandat de conseiller métropolitain de Lyon. Cet ajout ponctuel qui vient tirer les conséquences, au niveau organique, de la création de ce nouveau mandat par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles n’appelle pas d’observation de la part du Conseil d’Etat.

18.        La première modification de l’article LO 141-1 du code électoral procède de la même logique : il s’agit de prévoir que le mandat de député est incompatible avec les fonctions de président et de vice-président du conseil de la métropole de Lyon. La seconde, qui prévoit que le mandat de député est également incompatible avec les fonctions de vice-président de l’assemblée de Corse, reprend une réserve d’interprétation formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 février 2014 n° 2014-689 DC, selon laquelle le législateur ne saurait, sans méconnaître le principe d’égalité devant la loi, permettre le cumul du mandat de député ou de sénateur avec de telles fonctions. Ces dispositions n’appellent pas d’autre observation du Conseil d’Etat.

 

Les déclarations de candidatures

 

19.        En premier lieu, le projet de loi organique modifie les procédures applicables aux cas dans lesquels la candidature déposée pour le scrutin majoritaire ne satisfait pas, au premier tour, aux conditions fixées par le code électoral.

Le droit actuel distingue deux hypothèses : si la candidature ne remplit pas une condition de forme, le préfet doit, en application de l’article L. 159, saisir dans les vingt-quatre heures le tribunal administratif qui a trois jours pour statuer. Si le candidat ne remplit pas une condition de fond (par exemple en raison de son inéligibilité), il se voit notifier un refus d’enregistrement qu’il peut contester dans les vingt-quatre heures devant le tribunal administratif, lequel doit alors rendre sa décision dans les trois jours. Le projet remplace ce régime dual par une procédure unique : le candidat qui ne remplit pas une ou plusieurs des conditions auxquelles est subordonné l’enregistrement d’une candidature se voit notifier un refus d’enregistrement motivé, contestable dans les vingt-quatre heures devant le tribunal administratif qui devra se prononcer sous quarante-huit heures.

20.        Le Conseil d’Etat estime que cette unification simplifie les modalités de prises des candidatures, en mettant fin à une dualité procédurale parfois source d’erreurs. Dans une matière sensible, et alors même que ces déclarations sont instruites dans des délais brefs, ce souci de simplification apparaît opportun, tant pour les administrations concernées que pour les candidats. Le choix de réduire à quarante-huit heures le délai dont dispose le tribunal administratif saisi pour se prononcer n’appelle pas d’observations : l’expérience du référé-liberté témoigne de ce que le juge administratif est en mesure de se prononcer dans des délais très contraints lorsque l’urgence le justifie et, du reste, certaines dispositions du code électoral prévoient des délais encore plus courts, de vingt-quatre heures, pour les refus d’enregistrement au second tour (articles L. 162 et L. 351 par exemple).

21.        Le projet de loi organique applique cette unité procédurale au scrutin de liste national, avec deux adaptations.

D’une part, le tribunal administratif de Paris est désigné comme juridiction compétente pour statuer sur le recours d’un candidat tête de liste, ou de la personne qu’il désigne à cet effet, contre un refus d’enregistrement de sa liste. Cette précision ne modifie toutefois pas la répartition des compétences au sein de la juridiction administrative puisque, dans le cas du scrutin de liste national, la décision contestée émanera du ministre de l’intérieur.

D’autre part, le projet laisse vingt-quatre heures pour se compléter à une liste qui n’est plus complète en application de la décision du tribunal administratif. Le Conseil d’Etat modifie cette disposition. Pour mieux refléter l’intention du Gouvernement, il précise que cette possibilité de compléter sa liste est limitée aux cas où le refus d’enregistrement est motivé par l’inéligibilité d’un ou plusieurs de ses candidats, ou par la méconnaissance de l’interdiction des doubles candidatures. Par ailleurs, pour éviter de contraindre un candidat tête de liste à saisir le tribunal administratif, alors même qu’il ne contesterait pas le bien-fondé du refus qui lui est opposé, aux seules fins de disposer du délai supplémentaire pour compléter sa liste, le Conseil d’Etat prévoit que ce délai de vingt-quatre heures court soit à compter de la notification du refus, soit à compter de la décision du tribunal administratif le confirmant.

Le projet de loi organique modifie en conséquence l’article LO. 304 du code électoral, pour appliquer ces deux nouveaux régimes aux élections sénatoriales, selon que les sénateurs sont élus au scrutin majoritaire ou au scrutin de liste. Le Conseil d’Etat harmonise les modalités d’entrée en vigueur de ces dispositions, pour qu’elles prennent toutes effet à l’occasion du prochain renouvellement général de l’Assemblée nationale.

22.        En second lieu, le projet de loi ordinaire détaille les modalités de dépôt des candidatures selon le mode de scrutin.

Les conditions à respecter restent identiques par rapport au droit actuel pour les candidats au scrutin majoritaire. Les candidats au scrutin de liste national sont soumis, en substance, aux mêmes exigences ; certaines sont néanmoins adaptées aux caractéristiques de ce scrutin, et elles s’inspirent alors de celles déjà imposées aux listes candidates à d’autres scrutins (comme les élections régionales et européennes). Dès lors, hormis quelques modifications formelles, les dispositions correspondantes n’appellent pas d’observation de la part du Conseil d’Etat.

Le projet prévoit que l’enregistrement des candidatures au scrutin de liste national précède celui des candidatures au scrutin majoritaire. Cette chronologie est justifiée par le fait que  le Gouvernement entend permettre aux candidats au scrutin majoritaire d’indiquer dans leur déclaration de candidature le nom de la liste qu’ils soutiennent parmi celles, recensées par un arrêté du ministre de l’intérieur, dont la candidature a été régulièrement enregistrée. Ces soutiens seraient ensuite pris en compte pour déterminer si ces listes peuvent bénéficier des moyens de la propagande électorale.

23.        Le Conseil d’Etat ne remet pas en cause la pertinence de cette chronologie. Toutefois, il estime que le projet du Gouvernement met en place un calendrier trop ramassé et incertain. En effet, alors que les déclarations de candidature pour le scrutin majoritaire sont ouvertes, à partir du lundi, la quatrième semaine précédant le premier tour de scrutin, le projet prévoit de permettre aux listes de déclarer leur candidature jusqu’au cinquième mercredi précédant le premier tour de scrutin. Or en intégrant l’ensemble des délais induits par l’instruction des candidatures, par d’éventuels recours contentieux contre les refus d’enregistrement et par les vingt-quatre heures laissées à la liste pour se compléter, l’intervalle laissé entre ces deux séquences d’enregistrement apparaît trop bref.

Aussi, le Conseil d’Etat apporte deux modifications au projet pour sécuriser la chronologie retenue. D’une part, la date-butoir de dépôt des candidatures au scrutin de liste national est avancée au cinquième mardi précédant le premier tour de scrutin. D’autre part, dans la mesure où la publication de l’arrêté énumérant les listes régulièrement enregistrées doit nécessairement intervenir avant l’ouverture de l’enregistrement des candidatures au scrutin majoritaire afin de mettre chaque candidat en mesure de soutenir, s’il le souhaite, l’une des listes candidates au niveau national, le Conseil d’Etat estime nécessaire de prévoir que cet arrêté sera publié au plus tard le quatrième dimanche précédant le scrutin.

 

Les opérations préparatoires au scrutin

 

24.        Le projet de loi ordinaire modifie les articles L. 172 et L. 173, pour prévoir que le décret convoquant les électeurs est publié au moins sept semaines avant la date du scrutin alors qu’en l’état ces articles prévoient que les élections ont nécessairement lieu le septième dimanche suivant la publication de ce décret. Cette modification, qui vise à assouplir la contrainte pesant sur l’administration en lui laissant une plus grande latitude quant à la date d’édiction de ce décret, n’appelle pas d’observation de la part du Conseil d’Etat.

Les opérations de vote

25.        En premier lieu, le projet de loi ordinaire prévoit que les suffrages donnés au candidat qui a fait acte de candidature dans plus d’une circonscription ou sur plus d’une liste sont considérés comme nuls, et que ce candidat ne peut être élu dans aucune circonscription, ni les listes sur lesquelles il figure obtenir aucun siège. Cette rédaction étend donc aux deux modes de scrutin les dispositions de l’actuel article L. 174.

Certes, l’actuel article L. 156, repris à l’article L. 153-1 et étendu au scrutin de liste par le présent projet, précise déjà, en amont, que nul ne peut être candidat dans plus d’une circonscription, ni sur plus d’une liste, et que les candidatures contraires à ces prescriptions ne sont pas enregistrées. Pour autant, de telles candidatures pourraient néanmoins être enregistrées, par exemple à la suite d’une instruction défaillante ou après que le tribunal administratif, saisi d’un recours contre un refus d’enregistrement, n’a pas statué dans le délai prescrit par le code électoral. Dans ces conditions, le Conseil d’Etat estime utile de prévoir, en aval, que les candidats et les listes qui méconnaîtraient cet interdit ne peuvent, en tout état de cause, être élus.

26.        En second lieu, le projet de loi ordinaire organise les conditions dans lesquelles les résultats sont recensés et proclamés.

Pour les circonscriptions pourvues au scrutin majoritaire, l’actuel article L. 175 est, en substance, conservé : le recensement général des votes reste effectué au chef-lieu du département, au plus tard le lundi qui suit le scrutin, en présence des représentants des candidats, par une commission dont la composition et le fonctionnement sont précisés par un décret en Conseil d'Etat. Le projet ajoute désormais que, dans le même délai, les résultats sont proclamés par cette commission.

Ces commissions départementales prévues pour le scrutin majoritaire sont également chargées de recenser les votes du scrutin de liste national, puis de les faire remonter à une commission nationale, dont la composition et le fonctionnement seront fixés par décret en Conseil d’Etat, qui devra effectuer le recensement général des votes et proclamer les résultats. Le Conseil d’Etat précise que ce recensement général et la proclamation subséquente doivent intervenir au plus tard le jeudi qui suit le scrutin, par cohérence avec les dispositions applicables tant au scrutin majoritaire qu’à d’autres élections (par exemple à l’article L. 359 pour les élections régionales), qui toutes prévoient une telle date-butoir.

Le plafonnement des dépenses électorales

 

27.        Le projet de loi ordinaire conserve, pour les élections au scrutin majoritaire et pour l’élection des députés élus par les Français établis hors de France, la méthode de calcul du plafond prévue par l’article L. 52-11 du code électoral, qui prévoit un socle minimal de 38 000 euros par candidat ou par liste, majoré de 0,15 euro par habitant de la circonscription. En revanche, pour les candidats au scrutin de liste national, le plafond des dépenses est fixé, par liste, à 9 200 000 euros. Le choix de retenir un plafond distinct selon que le scrutin se déroule au niveau d’une circonscription locale ou nationale n’appelle, par lui-même, pas d’observation de la part du Conseil d’Etat. En outre, le montant retenu est cohérent au regard de celui récemment fixé pour les élections européennes, dont les caractéristiques sont semblables, par le projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen, en cours d’examen au Parlement.

La propagande

28.        Le projet de loi ordinaire ne modifie pas la teneur des dispositions relatives à la propagande dans le cadre des élections au scrutin majoritaire. En revanche, le projet introduit de nouvelles dispositions pour encadrer la propagande liée au scrutin de liste national.

29.        En premier lieu, le projet réécrit l’article L. 167-1 du code électoral relatif à la propagande audiovisuelle. Cet article organise, sur le service public de la communication audiovisuelle, la répartition du temps d’antenne entre les partis et groupements politiques pour les émissions de la campagne électorale en vue des élections législatives. Dans sa rédaction actuelle, cet article prévoit que les partis représentés à l’Assemblée nationale disposent, en vue du premier tour, de trois heures d’émission réparties à égalité entre majorité et opposition, tandis que les partis et groupements politiques qui ne sont pas représentés par un groupe à l’Assemblée nationale ne peuvent prétendre qu’à sept minutes d’émission. Or, cet article a été déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 31 mai 2017 n° 2017-651 QPC, avec une prise d’effet de l’abrogation reportée au 30 juin 2018. Le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions au motif qu’elles « peuvent conduire à l'octroi de temps d'antenne sur le service public manifestement hors de proportion avec la participation à la vie démocratique de la Nation » des partis et groupements politiques non représentés à l’Assemblée nationale.

30.        Pour remédier à cette inconstitutionnalité, le projet du Gouvernement prévoit une répartition du temps d’antenne selon trois logiques distinctes. Chaque liste candidate au scrutin national dispose, sous réserve qu’elle soit régulièrement enregistrée et soutenue par des candidats issus d’au moins quarante-quatre circonscriptions, d’une durée d’émission de sept minutes. Par ailleurs, une durée d’émission de deux heures est mise à la disposition des présidents des groupes parlementaires à l’Assemblée nationale au prorata de leur nombre de députés. Enfin, une durée d’émission supplémentaire d’une heure est répartie, par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), entre les listes candidates sur la base de critères visant à corriger d’éventuelles disproportions entre le faible temps alloué à certaines listes et l’importante participation des partis et groupements politiques qui les soutiennent à la vie démocratique de la Nation.
Le Conseil d’Etat estime que cette nouvelle disposition, dans son équilibre général, prend en compte la jurisprudence du Conseil constitutionnel, en prévoyant une répartition du temps d’émission plus respectueuse de l’exigence de pluralisme, protégée par l’article 4 de la Constitution. En particulier, l’heure supplémentaire dont la répartition est décidée par le CSA est de nature à permettre d’allouer un temps d’antenne significatif aux listes soutenues par des partis ou groupements qui auraient récemment acquis une importance politique, dont la composition de l’Assemblée nationale sortante, élue plusieurs années auparavant, ne se ferait pas l’écho. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel n’a pas entendu faire obstacle à ce que la répartition du temps d’antenne puisse, pour partie, se baser sur la composition de l’Assemblée nationale à renouveler : il a au contraire admis que le fait de réserver un temps d’antenne spécifique aux partis et groupements représentés à l’Assemblée nationale permettait de « favoriser l'expression des principales opinions qui animent la vie démocratique de la Nation et de poursuivre ainsi l'objectif d'intérêt général de clarté du débat électoral ». Le choix du Gouvernement de continuer à se référer, pour partie, à ce critère ne l’expose donc pas à un risque constitutionnel.

31.        En revanche, le Conseil d’Etat modifie plusieurs alinéas de cet article L. 167-1 pour en rendre la rédaction plus claire. Par ailleurs, il estime que l’appréciation de la représentativité des listes de candidats pour la répartition de l’heure d’émission supplémentaire ne doit pas pouvoir se fonder sur les résultats obtenus « aux plus récentes élections par les candidats des listes ». Autant ce critère, repris de l’article 3 de la loi organique du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel, est pertinent pour un scrutin uninominal, autant sa transposition à un scrutin de liste apparaît hasardeuse, dans la mesure où c’est la représentativité de la liste prise dans son ensemble, plus que celle des candidats qui la composent, qu’il convient d’apprécier.

32.        En deuxième lieu, le projet de loi ordinaire adapte les autres moyens de propagande au scrutin de liste national. Le Gouvernement entend dématérialiser la diffusion des circulaires des listes candidates au scrutin national : une commission nationale, après les avoir validées (ainsi que les bulletins de vote), devra mettre en ligne les circulaires sur un site internet dédié. Toutefois, ces circulaires resteront matériellement accessibles en mairie.
Le Conseil d’Etat estime qu’il n’existe pas d’obstacle constitutionnel à ce que cette partie de la propagande soit dématérialisée : compte tenu, d’une part, de l’état actuel des moyens de communication ainsi que de l’importance prise par les services de communication au public pour l’exercice de la démocratie et, d’autre part, du maintien d’une possibilité physique d’accéder à ces documents, afin que les citoyens qui ne disposeraient pas d’un accès satisfaisant aux services en ligne puissent s’informer, la réforme proposée ne porte atteinte ni à l’égalité entre électeurs, ni à la sincérité des scrutins. A cet égard, le Conseil d’Etat relève que ces circulaires devront être affichées à l’extérieur des mairies, ce qui assurera leur accessibilité indépendamment des horaires d’ouverture des services administratifs.
Par ailleurs, les listes candidates sont autorisées, comme les candidats au scrutin majoritaire, à apposer des affiches sur les emplacements et panneaux d’affichage prévus à cette fin.

33.        Le projet prévoit que sont remboursés aux listes ayant obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés le coût du papier et l'impression des bulletins de vote et des affiches ainsi que les frais d’apposition de ces dernières. Le Conseil d’Etat relève que le seuil ainsi fixé est plus bas que celui prévu pour les élections au scrutin majoritaire, qui s’élève à 5 %, sans que cette différence n’apparaisse se heurter à un obstacle constitutionnel.

34.        Enfin, le projet précise que seules les listes ayant obtenu le soutien de candidats ou de candidats tête de liste dans au moins quarante-quatre circonscriptions (parmi celles pourvues au scrutin majoritaire ou celle des « Français établis hors de France ») peuvent bénéficier des dispositions relatives à la propagande électorale. Cette condition vise à éviter que le scrutin de liste national ne soit instrumentalisé par des listes dont le message politique ne correspondrait pas à l’enjeu d’un tel scrutin, notamment en raison de sa portée trop locale. Le seuil de soutien retenu est, en proportion, équivalent à celui existant à l’actuel article L. 167-1, qui exige que soixante-quinze candidats aient indiqué dans leur déclaration de candidature se rattacher à un parti non représenté à l’Assemblée nationale pour que ce dernier puisse disposer de sept minutes d’émission.

35.        Le Conseil d’Etat estime que le principe même de ce seuil, et le nombre de candidats dont le soutien est requis, ne portent pas une atteinte disproportionnée au principe constitutionnel du pluralisme des courants d’idées et d’opinion, ce d’autant plus qu’il peut être regardé comme participant de l’objectif de clarté du débat électoral reconnu d’intérêt général par le Conseil constitutionnel.
Toutefois, le Conseil d’Etat estime excessif le choix du Gouvernement d’exclure du bénéfice de l’ensemble des moyens de propagande les listes qui ne peuvent se prévaloir du nombre minimal de soutiens requis. En leur refusant le bénéfice de l’accès à la propagande audiovisuelle, à la publication de leurs circulaires et à l’apposition de leurs affiches, le projet vise, de façon cohérente, à éviter que de telles listes ne puissent, grâce à la propagande officielle, détourner l’esprit du scrutin de liste national en disposant d’une visibilité indue. En revanche, priver également ces listes du bénéfice de l’acheminement, par les commissions départementales, de leurs bulletins de vote en mairie revient à leur imposer une contrainte logistique lourde, qui risque de les dissuader de se présenter. Cette privation pourrait aussi être analysée comme une atteinte au droit de se présenter au suffrage des électeurs. De plus, l’acheminement des bulletins de vote sous le contrôle de l’administration constitue une garantie contribuant à la fiabilité du scrutin. Le Conseil d’Etat estime donc nécessaire de permettre à l’ensemble des listes d’en bénéficier.

Modifications de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique

 

36.        Le projet de loi ordinaire modifie également la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, pour tenir compte de la réforme de l’élection des députés, et de la réduction de leur nombre. Sans modifier la logique de l’article 9 de cette loi, qui fixe les modalités de calcul des deux fractions des aides destinées aux partis et groupements politiques prévues à l’article 8, le projet réduit le nombre minimal de candidats que les partis et groupements doivent avoir présentés pour être éligibles à la première fraction de l’aide : il faut désormais que leurs candidats aient chacun obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins 30 des circonscriptions pourvues au scrutin majoritaire ou dans celle des « Français établis hors de France » (contre 50 aujourd’hui), pour que ces partis et groupements puissent prétendre au bénéfice de cette première fraction. Le Conseil d’Etat constate que cette réduction est proportionnelle à la baisse du nombre des circonscriptions concernées et que l’économie générale du dispositif n’est pas modifiée.

37.        Le projet modifie également l’article 9-1 de cette loi, qui aménage la distribution des aides versées aux partis et groupements politiques qui ne respectent pas les règles de parité. Aux termes de cet article, en cas d’écart de plus de 2 % entre les femmes et les hommes dans le total des candidats rattachés à un parti, alors le montant de la première fraction qui lui est attribuée en application des articles 8 et 9 est diminué d’un pourcentage égal à 150 % de cet écart rapporté au nombre total de ces candidats. Pour ce calcul, le projet prévoit de ne prendre en compte que les candidats au scrutin majoritaire. Le Conseil d’Etat estime ce choix cohérent, dès lors que les listes candidates au scrutin de liste sont obligatoirement paritaires ; aussi, les inclure dans le calcul du pourcentage permettrait aux partis et groupements politiques de rehausser artificiellement leur taux de parité, à rebours de l’objectif volontariste poursuivi par cette disposition.

 

Le remplacement des députés

 

38.        En application de l’article 25 de la Constitution, la loi organique fixe notamment  « les conditions dans lesquelles sont élues les personnes appelées à assurer, en cas de vacance du siège, le remplacement des députés ou des sénateurs jusqu'au renouvellement général ou partiel de l'assemblée à laquelle ils appartenaient ou leur remplacement temporaire en cas d'acceptation par eux de fonctions gouvernementales ». L’article LO 176 du code électoral prévoit les modalités de remplacement des députés. Sauf dans les cas énumérés par l’article LO 178, pour lesquels une élection partielle doit être organisée, le remplacement des députés est réalisé par leurs suppléants élus en même temps qu’eux.

39.        Le projet de loi organique adapte ce régime afin de préciser, d’une part, dans quelles conditions les suivants de liste remplaceront les députés élus au scrutin proportionnel national, d’autre part, dans quelles conditions des élections doivent être organisées en cas d’annulation des opérations électorales dans la nouvelle circonscription unique nationale ainsi que dans la nouvelle circonscription unique des Français établis hors de France.

40.        En premier lieu, le Conseil d’Etat relève que ces dispositions entrent dans les compétences confiées par l’article 25 de la Constitution au législateur organique. Cet article évoque certes les personnes « appelées à assurer le remplacement », alors que tous les candidats de la liste, notamment les futurs «  suivants de liste », peuvent directement siéger eux-mêmes. Toutefois, le Conseil constitutionnel a déjà jugé que le suivant de liste pour l’élection sénatoriale devait être regardé comme un « remplaçant » pour l’application de l’article LO 134 (n° 2012-4563/4600 AN du 18 octobre 2012). Le Conseil d’Etat estime que le remplacement par le suivant de liste revient ainsi à déterminer une condition de l’élection de la personne appelée à assurer le remplacement.

41.        En deuxième lieu, le projet de loi organique ne prévoit pas l’hypothèse d’une élection partielle pour les députés élus au scrutin de liste. Ce choix ne pose pas de difficulté constitutionnelle, dès lors que le remplacement par le suivant de liste, prévu dans tous les cas, permet d’éviter la vacance de sièges. Il apparaît, de plus, raisonnable eu égard à l’infime probabilité de l’inexistence d’un suivant de liste. S’agissant, en effet, de la nouvelle liste unique pour l’élection des députés représentant les Français établis hors de France, le projet prévoit l’ajout de quatre noms de candidats supplémentaires sur la liste par rapport au nombre de sièges à pourvoir. Cet ajout n’a pas été prévu pour la liste nationale, mais n’apparaît pas nécessaire eu égard au nombre de sièges à pourvoir, comme le Conseil d’Etat l’a déjà affirmé dans son avis du 21 décembre 2017 rendu à propos du projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen.

42.       En troisième lieu, le projet précise les dispositions relatives au remplacement temporaire d’un député nommé membre du Gouvernement, qui figurent à l’article LO. 176 s’agissant du remplacement par le suppléant. Il les étend, à l’article LO 176-1, au cas du remplacement par le suivant de liste. Il prévoit expressément qu’à l’expiration du délai d’un mois suivant la cessation des fonctions gouvernementales, les députés reprennent l’exercice de leur mandat. Ces dispositions n’appellent pas d’observation.

43.        Enfin, le Conseil d’Etat met en cohérence les dispositions de l’article LO 178 du code électoral. Son I portera sur l’ensemble des questions relatives au scrutin majoritaire (remplacement et élection partielle) et son II sur l’annulation des opérations électorales dans les circonscriptions avec scrutin de liste, mentionnées aux II et III de l’article L. 123.

Le contentieux devant le Conseil constitutionnel

44.        Le projet de loi organique tire les conséquences du nouveau mode de scrutin s’agissant du contentieux des élections législatives devant le Conseil constitutionnel. Il modifie l’article LO 189 du code électoral afin de prévoir que l’inéligibilité d’un ou plusieurs candidats élus au scrutin de liste n’entraîne l’annulation de l’élection que du ou des députés inéligibles. Le Conseil constitutionnel proclamera en conséquence l’élection du ou des suivants de liste.
Le Conseil d’Etat propose une rédaction alternative qui ne modifie en rien l’intention du Gouvernement, mais privilégie l’introduction de cette disposition au sein de l’article 45 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. L’article LO 189 procédera par renvoi à cette disposition sans la répéter. Il suggère, en outre, de préciser à l’article 45 de l’ordonnance que lorsque le Conseil constitutionnel constate l’inéligibilité d’un candidat non élu, celui-ci est supprimé de la liste des candidats ayant vocation à remplacer les élus de la même liste dont le siège devient vacant.

L’abrogation de dispositions de rang organique sur les effectifs des sénateurs élus en outre‑mer et des sénateurs élus par les Français établis hors de France

45.        Le projet de loi organique prévoit d’abroger les dispositions déterminant le nombre de sénateurs élus en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna, à Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que l’effectif des sénateurs élus par les Français établis hors de France. Il s’inspire directement du dispositif adopté pour les députés par la loi organique du 13 janvier 2009, qui a abrogé les dispositions relatives aux effectifs de députés dans les collectivités d’outre-mer.
Cette disposition, qui répond à un objectif de simplification du droit, ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel, dès lors que l’article 24 de la Constitution ne détermine qu’un plafond pour le nombre global de sénateurs et que son article 25 ne renvoie à la loi organique que pour déterminer l’effectif global du nombre de sénateurs. En outre, les dispositions de l’article 74 propres aux collectivités concernées n’imposent pas que l’effectif des sénateurs qui y sont élus soit déterminé par la loi organique. S’agissant des sénateurs des Français établis hors de France, le dernier alinéa de l’article 24 de la Constitution pose le principe de leur représentation, mais n’encadre pas ses modalités. Le Conseil d’Etat approuve le choix consistant à abroger également les dispositions de rang organique les concernant.

Le parrainage du candidat à l’élection présidentielle par les députés élus au scrutin de liste national

 

46.        Conformément aux dispositions de la loi organique du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel, le candidat à l’élection présidentielle doit être présenté par au moins 500 élus titulaires d’un des mandats que le I de l’article 3 de cette loi énumère, émanant d’au moins trente départements ou collectivités d’outre-mer, et sans que plus d’un dixième de ces soutiens soit élu d’un même département ou collectivité. L’affectation d’un élu à un département ne pose pas de difficulté pour la majorité des élus, mais lorsque cette affectation est impossible, ils sont réputés élus dans un département « virtuel », permettant de vérifier l’obligation relative aux trente départements. La loi organique détermine ainsi les cas des élus « réputés être les élus d'un même département ».
Le projet de loi précise que les députés élus au scrutin de liste sont habilités à parrainer un candidat à l’élection présidentielle. A cette fin, ils seraient réputés être les élus d’un même département.

47.        Le Conseil d’Etat estime, tout d’abord, que l’objectif poursuivi par cette disposition obéit à une nécessité constitutionnelle : les membres du Parlement élus selon le nouveau mode de scrutin doivent pouvoir soutenir un candidat à l’élection présidentielle, comme les députés élus au scrutin uninominal majoritaire. Le principe d’égalité ne permettrait pas que seule une partie des députés puisse compter pour le parrainage à l’élection présidentielle.
S’agissant de la modalité choisie, l’option retenue par le Gouvernement consiste à assimiler leur lieu d’élection à un département virtuel unique. Ce choix, qui s’inspire de ce qui existe pour les élus au Parlement européen ou les Français établis hors de France, apparaît pertinent et préférable à d’autres options de rattachement à un département déjà existant, réel ou virtuel, qui n’aurait pu avoir de fondement objectif. En conséquence, les élus concernés compteront moins que si plusieurs départements virtuels avaient été retenus. Toutefois, le Conseil d’Etat n’identifie pas d’obstacle constitutionnel à cette disposition qui n’empêche pas les députés élus au scrutin de liste de parrainer un candidat, malgré leur nécessaire combinaison avec les dispositions de la loi organique du 6 novembre 1962, imposant que pas plus d’un dixième de ces soutiens ne soit élu dans un même département. D’une part, les difficultés d’application apparaissent théoriques, dès lors que tous les députés qui seront issus de ce scrutin ne soutiendront pas le même candidat à l’élection présidentielle. D’autre part, des différences existent déjà selon le nombre d’élus issus de chaque département. Chaque député, quel que soit le mode de scrutin par lequel il a été élu, pourra ainsi apporter son parrainage, sous réserve du nombre de soutiens d’autres élus issus du même département, que celui-ci soit réel ou virtuel.

 

L’élection des députés des Français établis hors de France

48.        Aux termes du dernier alinéa de l’article 24 de la Constitution : « Les Français établis hors de France sont représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat ». Les élections législatives se déroulent aujourd’hui dans onze circonscriptions, au scrutin uninominal majoritaire. Le projet de loi prévoit que ces députés seront désormais élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle dans une circonscription unique à un seul tour.

49.        Le Conseil d’Etat estime que la consultation préalable de la commission prévue à l'article 25 de la Constitution n'est pas requise sur ces dispositions qui instituent cette nouvelle circonscription unique, comme elle ne l’est pas sur la nouvelle circonscription unique nationale, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une opération de répartition des sièges ou de délimitation des circonscriptions, mais de l'instauration d'un nouveau mode de scrutin.

50.        Le Conseil d’Etat estime que cette disposition, ne relevant pas de la loi organique, ne pose pas de difficulté eu égard au principe d’égalité compte tenu de la situation particulière dans laquelle sont placés les Français établis hors de France. La modalité retenue, qui correspond à un choix du Gouvernement, apparaît la plus adaptée face aux nombreuses contraintes entourant ce vote.
Le maintien d’un nombre identique de circonscriptions est en effet impossible dans le contexte de baisse globale de l’effectif de députés. En outre, la réduction du nombre de circonscriptions n’est pas aisée pour assurer le respect de l’équilibre démographique. Enfin, la fusion avec la nouvelle liste nationale serait inconstitutionnelle, puisque les Français établis hors de France ne voteraient alors qu’une fois. La solution d’une circonscription unique apparaît ainsi pertinente et le choix du scrutin de liste à la représentation proportionnelle cohérent avec les objectifs plus généraux du projet de loi.

51.        Le projet de loi prévoit de supprimer le vote par correspondance pour l’élection des députés représentant les Français établis hors de France et il subordonne cette suppression à l’homologation du système d’information mettant en œuvre le vote électronique avec les garanties nécessaires en termes de secret du vote et de sincérité du scrutin. Compte tenu des nombreuses difficultés concrètes affectant le vote par correspondance et du faible recours à cette modalité, sa suppression, qui ne se heurte pas à des obstacles juridiques, apparaît justifiée. Le choix du Gouvernement consistant à subordonner cette suppression à l’homologation du système de vote électronique ne s’impose pas en droit compte tenu des autres modalités de vote, mais il répond au souci légitime de favoriser le vote des personnes éloignées des bureaux de vote à l’étranger.

 

L’habilitation à opérer par ordonnance la répartition des sièges et la délimitation des circonscriptions législatives

 

52.        La baisse du nombre de parlementaires implique nécessairement une nouvelle répartition des sièges et une nouvelle délimitation des circonscriptions législatives. Elle impose également d’introduire différentes modifications techniques dans le code électoral. Le projet de loi habilite le Gouvernement à procéder par ordonnances pour fixer les règles qui régiront ces opérations.

53.        Le recours à l’article 38 de la Constitution pour procéder par ordonnance à la répartition des sièges de parlementaires et à la délimitation des circonscriptions législatives a déjà été admis à deux reprises par le Conseil constitutionnel, dans ses décisions n° 86-208 DC du 2 juillet 1986 et n° 2008-573 DC du 8 janvier 2009.

54.        Le Conseil d’Etat estime que la définition des finalités et du champ des mesures assignées aux futures ordonnances, telle qu’elle ressort du projet de loi, est suffisamment précise pour respecter les exigences constitutionnelles qui s’imposent au stade de l’habilitation. Les objectifs et les critères qui guideront les opérations de répartition des sièges et de délimitation des circonscriptions, qui s’inspirent de la précédente habilitation de 2009 en les adaptant, ne se heurtent à aucun obstacle constitutionnel : ils respectent en particulier le principe d’égalité du suffrage, qui suppose que les bases de l’élection soient essentiellement démographiques, sous réserve de la prise en compte, dans une mesure limitée, d’impératifs d’intérêt général.

55.        Le Conseil d’Etat s’est, en revanche, interrogé sur la compatibilité de ces dispositions avec l’article 25 de la Constitution qui prévoit à son dernier alinéa qu’ « Une commission indépendante, dont la loi fixe la composition et les règles d'organisation et de fonctionnement, se prononce par un avis public sur les projets de texte et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs. ». Dans sa décision précitée du 8 janvier 2009, le Conseil constitutionnel a admis que la consultation de cette commission puisse être réalisée seulement au stade des ordonnances et non dès celui de l’habilitation, en relevant que cette dernière ne privait pas, en l’espèce, la commission de « pouvoir formuler utilement un avis » sur les projets d’ordonnance qui lui seraient soumis.
Pour vérifier que cette obligation est respectée, le Conseil d’Etat distingue, d’une part, la délimitation des circonscriptions, pour laquelle les objectifs et critères fixés par le projet de loi encadrent, sans le prédéterminer, le contenu des ordonnances, et, d’autre part, la répartition des sièges. Si le projet de loi s’inspire largement du précédent de 2009, il comporte toutefois un degré de précision supérieur en ce qu’il détermine la méthode dite de la tranche unique qui s’imposera aux opérations de répartition. Cette précision importante a pour conséquence que les opérations de répartition des sièges entre départements résulteront mécaniquement de l’application de la méthode fixée par l’habilitation. La commission prévue par l’article 25 de la Constitution n’aurait alors qu’à vérifier les chiffres retenus pour estimer les populations et relever d’éventuelles erreurs de calcul. Elle serait ainsi privée d’émettre un avis utile sur le critère auquel il est recouru pour repartir les sièges entre départements.
Tout en relevant le souci de clarté ayant conduit le Gouvernement à inscrire cette méthode dès le projet de loi d’habilitation et en estimant que celle-ci ne pose pas, par elle-même, de difficulté, le Conseil d’Etat recommande de fixer dans les futures ordonnances, et non dès à présent, les termes imposant la méthode de la tranche unique. Ce choix pourra ainsi être examiné par la commission prévue par l’article 25 de la Constitution, dans des conditions lui permettant de donner utilement son avis.

 56.        Enfin, le Conseil d’Etat observe que l’habilitation ne précise pas à quelle date les estimations de population seront prises en compte pour la réalisation de ces opérations. Il estime toutefois préférable de ne pas figer une telle date, par exemple à la date de publication de la loi, au risque qu’elle soit trop éloignée des opérations, selon la date à laquelle la loi sera votée et les ordonnances rédigées. Ce risque est d’autant plus élevé que le projet de loi retient un délai d’habilitation de dix-huit mois. Il appartiendra au Gouvernement de prendre en compte, dans la mesure du possible, les estimations les plus récentes au stade de la rédaction des ordonnances.

  Limitation dans le temps de l’exercice des mandats parlementaires et des fonctions exécutives locales

 57.        Le projet de loi organique interdit de se présenter à un quatrième mandat consécutif de député ou de sénateur.

 Le mandat actuellement en cours est considéré comme le premier des trois et les mandats incomplets sont pris en compte si la durée pendant laquelle ils n’ont pas été exercés est inférieure à un an.

 Selon l’exposé des motifs, « cet objectif de renouvellement participe tant du respect du principe d’égalité devant le suffrage que de la préservation de la liberté de l’électeur ».

 58.        Se pose d’abord la question de savoir si la disposition doit trouver sa place dans la Constitution ou, au contraire, relève de la compétence du législateur organique. Le Conseil d’Etat estime qu’il n’existe pas de matière qui soit constitutionnelle par nature. Comme il est dit à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La loi est l’expression de la volonté générale », et ne trouve pas d’autre limite que le respect de la Constitution. En l’absence de toute règle constitutionnelle, c’est à la loi qu’il appartient de fixer les règles applicables à la limitation dans le temps du nombre des mandats.

 En l’espèce, la règle proposée par le projet de loi organique soumis à l’examen du Conseil d’Etat doit s’analyser en une règle d’inéligibilité du député ou du sénateur, qui ne peut se présenter au suffrage des électeurs pour obtenir un quatrième mandat identique et consécutif.

 Or l’article 25 de la Constitution donne bien compétence au législateur organique pour fixer « le régime des inéligibilités » des membres du Parlement, sans encadrer cette compétence par des règles plus précises.

 59.        Le Conseil d’Etat observe certes que l’interdiction de même nature faite au Président de la République d’accomplir plus de deux mandats consécutifs a été inscrite à l’article 6 de la Constitution. Toutefois, cette considération qui est inopérante compte tenu de ce qui vient d’être dit au point 58 s’explique par la place éminente que le Président occupe dans les institutions et par le fait que cette interdiction, si elle était posée par le législateur, pourrait être considérée comme portant atteinte à la séparation des pouvoirs. De plus, alors que l’article 25 de la Constitution habilite expressément le législateur organique à définir le régime des inéligibilités des parlementaires, tel n’est pas le cas de l’article 6, relatif à l’élection du Président de la République, qui renvoie à la loi organique le soin d’en fixer les modalités d’application.

 60.        Le Conseil d’Etat s’attache ensuite à vérifier que l’inéligibilité ainsi proposée par le projet de loi organique ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel.

 Toute inéligibilité, par nature, affecte le droit de se présenter au suffrage des électeurs, proclamé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, aux termes duquel « Tous les citoyens (…) sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, (…) sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». Elle restreint également le libre choix par les électeurs de leurs représentants garanti par l’article 3 de la Constitution qui dispose que « La souveraineté nationale appartient au peuple, qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »

 61.        La seule contrainte qui s’impose à la loi organique, dans l’exercice de la compétence qui lui est attribuée par la Constitution, est de ne pas porter une atteinte disproportionnée aux principes  constitutionnels rappelés ci-dessus. Par conséquent, l’inéligibilité doit, d’une part, être justifiée par un motif d’intérêt général et, d’autre part, être proportionnée à l’objectif poursuivi en n’étant édictée que « dans la mesure nécessaire au respect du principe d’égalité devant le suffrage et à la préservation de la liberté de l’électeur » (voir notamment décision n° 2011-628 DC du 12 avril 2011, Loi organique relative à l’élection des députés et des sénateurs : § 5).

 62.        En ce qui concerne le motif d’intérêt général, l’inéligibilité prévue par le projet de loi organique répond à l’objectif de renouvellement des élus et de « non professionnalisation » de la vie politique, qui n’a à ce stade pas été examiné par le Conseil constitutionnel : ce dernier s’est, en l’état de sa jurisprudence, essentiellement attaché à vérifier que les inéligibilités dues à l’existence de condamnations antérieures, à la nature des fonctions occupées par le candidat ou au risque de conflits d’intérêts respectaient les exigences rappelées ci-dessus. Il les a admises au nom de l’intérêt général qui s’attache à renforcer les garanties de probité et d’exemplarité des élus et la confiance des électeurs dans leurs représentants (voir, très récemment, la décision n° 2017‑752 DC du 8 septembre 2017, Loi pour la confiance dans la vie politique, § 8).
Pour autant, il ne peut être  considéré que les inéligibilités existantes, de la nature de celles présentées ci-dessus, épuisent les motifs d’intérêt général dont peut s’inspirer le législateur organique pour prévoir de nouveaux cas d’inéligibilité.

 63.        La possibilité donnée à un parlementaire d’exercer plusieurs mandats successifs peut se recommander de deux objectifs qui méritent d’être pris en compte : d’une part, elle permet de présenter au suffrage des candidats expérimentés, connaissant les règles et les exigences de l’élaboration de la loi et susceptibles d’assurer ainsi une meilleure efficacité du travail parlementaire ; d’autre part, le fait d’interdire aux électeurs de renouveler leur confiance à des personnes auxquelles elles ont accordé leur suffrage à plusieurs reprises peut contribuer à rompre le lien qui s’était établi entre les citoyens et leurs élus.

 64.        En sens inverse, le renouvellement des élus favorise la diversité des profils, des expériences et des générations et permet de lutter contre une « professionnalisation » excessive de la vie politique. En ce sens, il peut être regardé comme un objectif d’intérêt général. L’adoption d’une règle contraignante pour satisfaire à cet objectif apparaît à la fois nécessaire et inspirée par un souci d’égalité effective, les candidats qui exercent leurs fonctions depuis longtemps bénéficiant d’un avantage structurel par rapport à ceux qui se présentent pour la première fois.
Le législateur a d’ailleurs poursuivi cet objectif dans les nombreux cas dans lesquels a été instituée une règle de limitation des mandats ou des fonctions dans le temps, par exemple aux articles L. 225-67 et suivants du code de commerce à propos des mandats exercés par les dirigeants et les membres du conseil de surveillance ou du directoire des sociétés anonymes, ou encore à l’article 7 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 pour les membres des autorités administratives indépendantes. Une limitation de même nature est apportée à la durée des mandats des membres du comité économique et social d’une entreprise par l’article L. 2314-33 du code du travail, créé par l’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017.

 65.        En ce qui concerne le caractère proportionné de la mesure, le Conseil d’Etat relève que les modalités d’application prévues par le projet de loi organique limitent l’interdiction à ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi. Ainsi, l’inéligibilité n’est pas absolue, puisque la personne concernée pourra de nouveau se présenter, après une interruption correspondant à la durée d’un mandat. Par ailleurs, ainsi qu’il a été dit plus haut, les mandats en cours lors de l’entrée en vigueur de la loi organique sont considérés comme les premiers des trois mandats à prendre en compte, et il n’est pas tenu compte de ceux qui ont été interrompus pendant une durée d’un an ou plus.

 66.        En conclusion, et même si toute incertitude ne peut être levée, s’agissant d’une question nouvelle à laquelle la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne peut avoir apporté de réponse, le Conseil d'Etat émet un avis favorable à la disposition en cause.

67.        Les projets prévoient que l’interdiction mentionnée au point 57 s’applique selon les mêmes modalités aux présidents des assemblées délibérantes et aux titulaires de fonctions exécutives des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. En seraient cependant exceptés les maires des communes de moins de 9000 habitants et les responsables des établissements publics de moins de 25 000 habitants.

 68.        Le Conseil d’Etat considère que cette mesure appelle les mêmes observations que celles qui viennent d’être faites à propos de la limitation du nombre des mandats des membres du Parlement.

 

Dispositions diverses et finales

 

69.        Le projet de loi simplifie les dispositions fixant les dates des élections législatives dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Il comporte également deux dispositions relatives à l’élection des sénateurs.
La première prévoit que les députés élus sur la liste nationale sont rattachés au collège électoral du département ou de la collectivité où se situe la commune dans laquelle ils sont inscrits comme électeurs.
La seconde disposition comble une lacune afin de permettre aux conseillers de la métropole de Lyon de participer à l’élection des sénateurs.
Ces dispositions n’appellent pas d’observation.

 70.        Les dispositions des deux projets de loi relatives aux conditions de leur entrée en vigueur n’appellent pas non plus d’observation particulière, à l’exception de celles de la loi organique qui concernent la diminution du nombre de sénateurs.

 71.        Les prochaines élections sénatoriales devraient en principe se tenir en septembre 2020, à l’occasion du renouvellement de la série n° 2. Mais la loi organique prévoit de procéder à un renouvellement intégral du Sénat et d’appliquer alors, concomitamment aux deux séries, la diminution du nombre de sénateurs. Le renouvellement intégral aurait lieu en septembre 2021.
Ce dispositif suppose de proroger d’un an le mandat des sénateurs de la série n° 2, élus en septembre 2014, et d’abréger de deux ans le mandat des sénateurs de la série n° 1, élu en septembre 2017. En outre, afin de reprendre le rythme normal des renouvellements partiels, les sénateurs de la série n° 2 seront élus en 2021 pour trois ans seulement tandis que ceux de la série n° 1 effectueront un mandat normal de six ans.

 72.        Le Conseil d’Etat considère que le renouvellement intégral du Sénat est justifié par la nécessité de maintenir l’importance approximativement égale des deux séries, prévue par l’article LO 276 du code électoral. En effet, en l’absence de dispositions particulières, la série n° 2, renouvelée en 2020 et à laquelle s’appliquerait la diminution du nombre de sénateurs, serait beaucoup moins importante que la série n° 1 élue trois ans auparavant et qui ne serait renouvelée qu’en 2023. Une telle situation ne serait pas conforme au principe constitutionnel d’égalité des suffrages.

 73.        Le Conseil d’Etat est d’avis que l’article 32 de la Constitution, aux termes duquel le président du Sénat est élu "après chaque renouvellement partiel", ne fait pas obstacle à ce que le Sénat, à titre exceptionnel, soit entièrement renouvelé pour tenir compte de l’exigence constitutionnelle d’équilibre entre les deux séries. Seul cet entier renouvellement est de nature à assurer l’égale représentation des électeurs au Sénat, par le truchement des collectivités territoriales. Le Conseil d’Etat observe au demeurant que le principe du renouvellement partiel sera remis en application dès le renouvellement suivant.

 74.        S’agissant de la date choisie pour le renouvellement intégral, le Conseil d’Etat constate qu’elle présente l’avantage de prendre en compte, pour la composition du collège électoral, les résultats des élections municipales prévues en 2020 et ceux des élections départementales et régionales prévues en 2021.

 

75.        Quant aux modifications de la durée des mandats, elles paraissent conformes à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

 D’une part, elles sont justifiées par le motif d’intérêt général tiré de la nécessité de ne pas créer un déséquilibre trop important entre les deux séries.

 D’autre part, s’agissant de la durée des mandats à venir, le Conseil constitutionnel a admis, à l’occasion de la mise en œuvre de la réforme de 2003 qui réduisait de neuf ans à six ans la durée du mandat des sénateurs, que certains d’entre eux seraient élus pour neuf ans et d’autres pour six ans (décision n° 2003-476 DC du 24 juillet 2003, Loi organique portant réforme de la durée du mandat et de l'âge d'éligibilité des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat, §. 6 et 9).

Enfin, en ce qui concerne les mandats en cours, dont la modification porte une atteinte plus grande à l’expression du suffrage, le Conseil constitutionnel admet qu’ils puissent être, exceptionnellement et à titre transitoire, prorogés ou raccourcis pour des motifs d’intérêt général, comme il l’a jugé à plusieurs reprises depuis la décision n° 79-104 DC du 23 mai 1979, Loi modifiant les modes d’élection de l’Assemblée territoriale et du Conseil de gouvernement du territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances (§. 9).

76.        En conséquence, le Conseil d’État considère que les dispositions en question qui sont nécessaires pour atteindre les objectifs poursuivis et respecter l’ensemble des exigences en présence ne se heurtent à aucun obstacle constitutionnel.

Cet avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’Etat dans sa séance du jeudi 17 mai 2018.