Modalités permettant d’assurer la continuité de la présidence des sociétés nationales de programme « en cas de cessation anticipée du mandat du président ».

Avis consultatif
Passer la navigation de l'article pour arriver après Passer la navigation de l'article pour arriver avant
Passer le partage de l'article pour arriver après
Skip article sharing

Le Gouvernement a décidé de rendre public l’avis du Conseil d’État sur sa demande concernant les modalités permettant d’assurer la continuité de la présidence des sociétés nationales de programme (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde) « en cas de cessation anticipée du mandat du président ».

Synthèse

Interrogé en particulier sur la portée des dispositions adoptées par le législateur en 2013 en vue d’instaurer un « dispositif de tuilage » entre deux présidents, le Conseil d’État estime qu’elles n’ont vocation à s’appliquer que lorsque le mandat du président sortant vient à expirer à son échéance normale ou à une date prévisible. En revanche, dans les cas de cessation imprévue de fonctions, quelle qu’en soit la cause, le législateur n’a pas entendu prévoir un décalage entre la date de nomination du nouveau président et celle de sa prise de fonctions effective. La personne nommée dans de telles circonstances peut donc prendre ses fonctions immédiatement à compter de sa nomination.

L’avis du Conseil d’État

CONSEIL D’ÉTAT
Section de l’intérieur
N° 394424
Séance du mardi 27 mars 2018

EXTRAIT DU REGISTRE DES DELIBERATIONS

AVIS portant sur les modalités permettant d’assurer la continuité de la présidence des sociétés nationales de programme en cas de cessation anticipée du mandat du président

Le Conseil d’État (section de l’intérieur), saisi par le Premier ministre des questions suivantes :

1° Alors que, selon le troisième alinéa de l’article 47-4 de la loi du n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les nominations des présidents des sociétés nationales de programme « interviennent trois à quatre mois avant la prise de fonctions effective », est-il possible, en cas de retard dans la procédure de nomination ou en cas de vacance imprévue du poste à pourvoir, de procéder à une nomination prenant effet moins de trois mois après la date de la décision ?

2° Les dispositions de l’article 21 de l’ordonnance du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, aux termes desquelles : « En cas de vacance de l'un des postes mentionnés à l'article 19, l’État peut désigner la personne chargée d'assurer l'intérim jusqu'à la désignation d'un nouveau dirigeant », sont-elles susceptibles de s’appliquer aux sociétés nationales de programme ?
Dans l’hypothèse où elles seraient applicables, comment ces dispositions devraient-elles s’articuler avec les règles de suppléance prévues par les statuts de ces sociétés ?
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 35-1 et 47 à 47-4 ;
Vu l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 modifiée relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, notamment ses articles 21 et 39 ;
Vu le décret n° 2009-1263 du 19 octobre 2009 modifié portant approbation des statuts de la société nationale de programme France Télévisions ;
Vu le décret n° 2010-417 du 27 avril 2010 portant approbation des statuts de la société nationale de programme en charge de l'audiovisuel extérieur de la France ;
Vu le décret n° 2017-1043 du 9 mai 2017 portant approbation des statuts de la société nationale de programme Radio France ;

EST D’AVIS
qu’il y a lieu de répondre aux questions posées dans le sens des observations suivantes, sous réserve de l’appréciation souveraine des juridictions compétentes :
Sur la première question :

1. Aux termes du troisième alinéa de l’article 47-4 de loi du 30 septembre 1986 susvisée, dans la rédaction que lui a donnée la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, les nominations des présidents des sociétés nationales de programme « interviennent trois à quatre mois avant la prise de fonctions effective ».
La finalité de ces dispositions, confirmée par les travaux parlementaires qui les ont précédées, est de permettre à un président nouvellement nommé de disposer du temps nécessaire pour examiner ou préparer avec son prédécesseur encore en fonctions les décisions stratégiques affectant la vie de l’entreprise concernée, en particulier, en matière audiovisuelle, les mesures relatives à la programmation. Ce délai, communément dit de « tuilage », n’a donc vocation à s’appliquer que lorsque le mandat du président d’une société nationale de programme vient à expirer à son échéance normale ou à une date prévisible, notamment en cas d’atteinte de la limite d’âge.

2. Il en résulte qu’un simple retard dans la procédure de nomination ne saurait justifier de déroger à la règle posée par l’article 47-4. Afin d’assurer l’effectivité du dispositif de tuilage, il appartient aux autorités de nomination de prendre les mesures nécessaires pour que la nomination intervienne au moins trois mois avant l’expiration du mandat à renouveler.

3. En revanche, dans les cas de cessation imprévue de fonctions, quelle qu’en soit la cause, le législateur n’a pas entendu prévoir un décalage entre la date de nomination du nouveau président et celle de sa prise de fonctions effective, ce qui s’opposerait du reste, si ce n’est au principe de continuité du service public, du moins aux impératifs de bonne gestion, notamment pour ce qui concerne les décisions en matière de programmation. La personne nommée dans de telles circonstances peut donc prendre ses fonctions immédiatement à compter de sa nomination.
Sur la seconde question :

4. L’article 47 de la loi du 30 septembre 1986 susvisée dispose que : « L’État détient directement la totalité du capital des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France. / Ces sociétés sont soumises à la législation sur les sociétés anonymes, sauf dispositions contraires de la loi. Leurs statuts sont approuvés par décret ». Dans la rédaction que lui a donné l’article 39 de l’ordonnance du 20 août 2014 susvisée, l’article 35-1 de la même loi énonce que : « Les dispositions de la présente loi sont applicables nonobstant les dispositions de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique. »
Il résulte de la combinaison des textes rappelés ci-dessus que les dispositions du chapitre II (« Présidence et direction générale ») du titre II (« Gouvernance ») de l’ordonnance du 20 août 2014, en particulier l’article 21 de cette ordonnance qui prévoit qu’« En cas de vacance de l'un des postes mentionnés à l'article 19, l’État peut désigner la personne chargée d'assurer l'intérim jusqu'à la désignation d'un nouveau dirigeant », ne sont pas susceptibles de régir la nomination et la suppléance des présidents des sociétés nationales de programme, qui font l’objet de règles spécifiques prévues par la loi du 30 septembre 1986, destinées notamment à protéger l’indépendance de celles-ci.

5. Il n’y a donc pas lieu pour le Conseil d’État, en tout état de cause, de se prononcer sur l’articulation, dans ce cadre, des dispositions de cette ordonnance avec les règles de suppléance prévues par les statuts de ces sociétés.