Avis sur un projet de loi sur des dispositions d’adaptation au droit de l’UE dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances

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Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis rendu par le Conseil d’État sur un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances

1. Le Conseil d’Etat a été saisi le 12 mars 2021 d’un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances, qui a été modifié par deux saisines rectificatives reçues les 22 et 30 mars 2021.

2. Ce projet de loi, qui comprend quarante-deux articles, est organisé en sept chapitres, respectivement intitulés « Dispositions relatives à l’aviation civile », « Dispositions relatives aux transports terrestres et maritimes », « Dispositions relatives à la prévention des risques », « Dispositions relatives aux minerais de conflits », « Dispositions relatives à la protection et à l’information environnementales », « Dispositions relatives à la directive SOLVA II » et « Dispositions relatives au secteur financier et à la protection des consommateurs en matière financière ».

Le Conseil d'Etat n’a pas modifié cette structure, qui lui est apparue satisfaisante. Il suggère toutefois que le chapitre intitulé « Dispositions relatives à la directive SOLVA II » soit renommé « Dispositions relatives à la transposition de directives et à l’application de règlements dans le domaine financier ».

3.  L’étude d'impact a été reçue le 19 mars mais n’a été complétée, pour les saisines rectificatives, que les 6 et 8 avril, ce qui rend plus difficile l’appréciation en temps utile des mesures envisagées.   

L’étude ainsi rectifiée répond, de manière générale, aux exigences de l’article 8 de la loi organique n° 2009 403 du 15 avril 2009.

4. Les consultations préalables obligatoires concernant ces dispositions ont, pour l’essentiel, été effectuées.

Toutefois, d’une part, le Conseil d'Etat relève que certaines consultations sont réalisées trop tardivement pour être correctement prises en compte, telle celle de la commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP), requise pour un article du chapitre II, qui s’est réunie le 1er avril et dont l’avis n’a été reçu que le 7 avril, et celle de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), qui a été saisie en urgence le 26 mars et devait se prononcer dans un délai de onze jours.

D’autre part, le Conseil d'Etat constate que les dispositions permettant à l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation de réprimer le non-respect par les professionnels du règlement n° 260/2012 relatif aux virements et prélèvements transfrontaliers (SEPA) n’ont pas été soumises au Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière alors que l’article L. 614-2 du code monétaire et financier prévoit que ce comité est obligatoirement consulté sur les projets de loi traitant de questions relatives aux prestataires de services de paiement. En conséquence, il écarte ces dispositions

Le projet lui-même appelle de la part du Conseil d’Etat, les observations suivantes.

Sur le chapitre 1er relatif à l’aviation civile

5. Le premier chapitre du projet de loi comporte des dispositions destinées à mettre en conformité notre droit de l’aviation civile, activité par nature internationale, avec les nombreux règlements européens la régissant comme avec les conventions intervenues sous l’égide de l’Organisation de l’aviation civile internationale pour harmoniser et standardiser les règles du transport aérien au niveau mondial.

Il comprend douze articles, huit qui modifient, pour l’essentiel, la sixième partie du code des transports, laquelle est consacrée à l’aviation civile, les quatre autres habilitant le Gouvernement à intervenir par voie d’ordonnance.

Harmonisation des régimes de responsabilité des transporteurs aériens

6. S’agissant des dispositions qui modifient directement le code des transports, on relève qu’elles tirent parfois les conséquences de l’intervention de textes déjà anciens. C’est le cas des dispositions ayant pour objet d’harmoniser le régime de responsabilité des transporteurs aériens en faisant prévaloir le régime plus favorable de la convention de Montréal pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international du 28 mai 1999 sur celui de la convention de Varsovie du 12 octobre 1929, tant à l’égard des passagers qu’en matière de marchandises, qui auraient pu intervenir  plus tôt,  la France ayant ratifié dès 2003 la  convention de Montréal et l’ayant publiée en 2004. Le règlement (CE) n° 889/2002 du Parlement européen et du Conseil du 13 mai 2002 reprenant, en substance, les stipulations de la convention de Montréal, ratifiée par l’Union européenne, en ce qui concerne le régime de responsabilité applicable aux transporteurs aériens titulaires d’une licence d’exploitation, dite « communautaire », en matière de transport aérien des passagers et de leurs bagages, énonce d’ailleurs (à son considérant 18) qu’il incombe aux Etats membres de prévoir les dispositions supplémentaires éventuellement nécessaires pour mettre en œuvre la convention de Montréal sur des points qui ne seraient pas compris dans son champ d’application.

Le projet de loi met ainsi fin à la coexistence de deux régimes de responsabilité, source de complexité et d’inéquité, tout en laissant cependant subsister la spécificité du régime de responsabilité du transport aérien de passagers effectué à titre gratuit puisque cette responsabilité n’est engagée qu’en cas de faute.

Transport de matières dangereuses

7. L’annexe 18 à la convention relative à l'aviation civile internationale du 7 décembre 1944, dite convention de Chicago, qui traite de la sécurité du transport aérien de matières dangereuses est également ancienne, ayant adoptée en 1984 et modifiée pour la dernière fois en 2011. Le projet de loi permet d’étendre l’application de ses règles détaillées relatives aux conditions dans lesquelles le transport de marchandises dangereuses par aéronefs est autorisé ou limité par souci de sécurité, règles qui ne sont, pour l’heure, applicables qu’aux exploitants aériens en vertu du règlement (UE) n° 965/2012 de la Commission du 5 octobre 2012, à toutes les personnes intervenant en amont ou en aval du transport des marchandises dangereuses par voie aérienne.

Renforcement des règles de sûreté et des sanctions des intrusions

8. La plupart des dispositions du projet de loi sont toutefois rendues nécessaires par l’intervention de règlements récents, qui, pour être d’application directe, appellent cependant des actualisations, des adaptations procédurales et l’institution de régimes de sanctions, laissées aux Etats membres.

9. C’est d’actualisation qu’il s’agit pour les limites d’âge des pilotes de certains aéronefs, dirigeables, ballons, planeurs, qui ont été précisées par deux règlements de sécurité aérienne de 2018 (règlement (UE) n° 2018/395 de la Commission du 13 mars et règlement (UE) n°2018/1976 de la Commission du 14 décembre 2018) et qu’il convient de faire figurer dans notre droit, lequel se borne à poser la limite d’âge applicable aux seuls pilotes d’avion et d’hélicoptère.

10. En termes de procédure, les règlements tout aussi récents (règlement (UE) n° 2019 /103 de la Commission du 23 janvier 2019 et règlement (UE) n° 2019/1583 de la Commission du 25 septembre 2019) étendent les obligations d’effectuer une vérification des antécédents des personnels intervenant dans le domaine de la sûreté de l’aviation civile à de nouvelles catégories de personnels, ce qui impose de les assujettir aux procédures nationales prévues à cet effet en matière de sûreté.

11. Les exigences nouvelles des règles européennes ainsi mises en œuvre sont le plus souvent assorties de régimes de sanctions « dissuasives, efficaces et proportionnées » que prévoient ces règlements et qui sont destinés à en assurer l’effectivité, ou à la renforcer. A cet égard, le projet de loi renforce les sanctions destinées à réprimer les intrusions du « côté piste » des aéroports, dont la fréquence et la dangerosité se sont accrues ces dernières années, en s’inspirant de ce qui est prévu pour les installations portuaires, s’agissant des peines encourues, et pour les installations nucléaires, s’agissant des tentatives et des infractions commises en réunion, afin de disposer d’un régime réellement dissuasif, qui ne paraît pas excessif eu égard à la dangerosité de telles actions d’intrusion dans les enceintes aéroportuaires.

Autres dispositions

12. Le projet modifie également le code des transports pour élargir aux liaisons européennes - et non plus aux seules liaisons intérieures - la possibilité offerte aux collectivités de se voir déléguer l’organisation de services de transport aérien soumis à des obligations de service public, comme le permet l’article 16 du règlement (CE) n° 1008/2008 du 24 septembre 2008 établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté.

Il modifie, enfin, ce code pour compléter la liste des personnes chargées de constater les infractions aux dispositions du livre Ier de la sixième partie de ce code, pour y ajouter les agents des organismes habilités ou les personnes habilitées à l’effet d’exercer des missions de contrôle au sol et à bord des aéronefs.

Ces dispositions n’appellent pas de remarques particulières.

Application outre-mer

13. L’ensemble de ces articles comprend les dispositions éventuellement nécessaires à leur application outre-mer, déterminées par le croisement de deux critères, celui de la compétence de l’Etat en matière d’aviation civile, qui, en matière de sûreté et de sécurité, est quasiment exclusive sur l’ensemble du territoire de la République, le second tiré du champ d’application, outre-mer, du droit dérivé de l’Union européenne. Ces dispositions n’appellent pas d’observations particulières.

Ratification d’ordonnances en matière de régulation aéroportuaire

14. Le projet de loi  prévoit la ratification de deux ordonnances prises en vue de l’achèvement de la transposition de la directive 2009/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2009 sur les redevances aéroportuaires (ordonnances n° 2019-761 du 24 juillet 2019 et n° 2020 1602 du 16 décembre 2020, dont les objets étaient respectivement de confier les missions de régulateur des redevances aéroportuaires à l’ARAFER, devenue Autorité de régulation des transports (ART), et de modifier le critère d’appréciation du seuil de trafic des aéroports définissant le champ de compétence de cette Autorité afin de tenir compte de l’impact de la covid-19 sur le transport aérien.
15. Il modifie cependant le code des transports, dans sa rédaction issue de la première de ces deux ordonnances, pour tirer les conséquences de la décision par laquelle le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a partiellement censuré le décret n° 2019-16 du 3 octobre 2019 relatif aux redevances aéroportuaires, pris pour l’application de l’ordonnance du 24 juillet 2019 (28 janvier 2021, Syndicat des compagnies aériennes autonomes et autres, nos 436166, 436517, 438178, 439999). La modification apportée par le projet, qui est conforme à l’appréciation portée par le Conseil d'Etat sur cette disposition, n’appelle pas d’observations.

Habilitations pour la mise en œuvre des règlements (UE) n° 2018/42 et (UE) n° 2018/1139

16. Trois des quatre habilitations sollicitées sont motivées tout à la fois par le nombre, la complexité et la spécificité des mesures à intervenir pour mettre en œuvre les obligations lorsque le législateur européen a renvoyé aux Etats membres le soin d’en définir certaines modalités.

Il en va ainsi de l’habilitation à réaliser des tests d’alcoolémie et autres substances psychotropes imposés aux pilotes et équipages par le règlement (UE) n° 2018/42 de la Commission du 23 juillet 2018, dit « Germanwings ».

Il en va de même de l’habilitation à prévoir le régime de déclaration comme alternative au régime d’autorisation pour le certificat de transporteur aérien introduit par le règlement (UE) n° 2018/1139 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2018 concernant des règles communes dans le domaine de l’aviation civile et instituant une Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne.

Le même règlement (UE) n° 2018/1139 nécessite également de modifier la législation nationale dans le domaine des drones, qui n’était jusque-là pas couvert par les règles européennes, de sanctionner les violations à ses dispositions ou à celles de ses règlements d’application et de modifier les multiples références qui y sont faites puisqu’il concerne les règles communes dans le domaine de l’aviation civile.

Ces articles d’appellent pas d’observation de la part du Conseil d’Etat. Les finalités et les domaines d’intervention des mesures prévues par les articles d’habilitation sont suffisamment définis au regard des exigences de l’article 38 de la Constitution, qui imposent au Gouvernement, lorsqu’il sollicite l’autorisation de légiférer par voie d’ordonnance, d’indiquer au Parlement les finalités et les domaines d’intervention des mesures envisagées avec un degré de précision suffisant (voir notamment la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-794 DC du 20 décembre 2019).

Habilitation à créer un régime de sanctions pour les « PAXI »

17. La quatrième habilitation prévue par le chapitre vise à instituer un dispositif, assorti de sanctions spécifiques applicables aux passagers aériens perturbateurs définis à l’annexe 17 à la convention relative à l’aviation civile internationale, dits passagers indisciplinés ou « PAXI » selon le code en usage dans le transport aérien français, afin de prévenir et réprimer les comportements de nature à porter atteinte à la sécurité du vol. La nécessité d’une telle habilitation ressort avec moins d’évidence que pour les précédentes, pour lesquelles elle ne faisait pas de doute. En effet, la possibilité de prévenir et de réprimer certains comportements est conférée tant par les conditions générales de transport des compagnies, qui permettent de refuser le transport d’un passager et au pilote de prendre les mesures nécessaires pour, à bord, maintenir le bon ordre et la discipline et garantir la sécurité des personnes et des biens, que par des sanctions pénales existantes, et l’étude d'impact est peu précise sur le dispositif envisagé. L’augmentation du nombre d’incidents susceptibles de mettre en péril la sécurité du vol justifie, toutefois, cette habilitation, dont la finalité est la mise en place d’un dispositif de prévention efficace.

Sur le chapitre II relatif aux transports terrestres et maritimes

18. Ce chapitre comprend, comme les autres chapitres du projet de loi, des articles d’application de règlements de l’Union européenne, de transposition de directives ou visant à parfaire l’application ou la transposition de ces textes, mais également deux articles ayant pour objet de tirer les conséquences de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. L’adaptation du droit national ne procède, en ce cas, pas directement de l’évolution du droit de l’Union européenne mais en est seulement une conséquence indirecte.

Interopérabilité des systèmes de télépéage routier

19. La directive 2019/520 UE du 19 mars 2020 du Parlement européen et du Conseil du 19 mars 2019 concernant l'interopérabilité des systèmes de télépéage routier et facilitant l'échange transfrontière d'informations relatives au défaut de paiement des redevances routières dans l'Union a deux objets.

Elle reprend, en les précisant, les droits et obligations des acteurs du système européen de télépéage (SET), à savoir les prestataires de services de péage, les percepteurs de péages et les usagers, et fixe les conditions relative à la définition de ce service assurant l'interopérabilité des systèmes de télépéage sur l'ensemble du réseau routier de l'Union européenne (urbain et interurbain, autoroutes, grands ou petits axes routiers, ouvrages divers, tels que tunnels ou ponts, et transbordeurs).

Elle renforce ce dispositif par un volet destiné à « faciliter l’échange transfrontière de données d'immatriculation concernant les véhicules et les propriétaires ou détenteurs de véhicules pour lesquels il y a eu défaut de paiement de tout type de redevance routière dans l'Union ». Le projet de loi procède à la mise en conformité du droit national avec ces dispositions en modifiant la section 1 du chapitre X du titre Ier du code de la voirie routière.

Ces dispositions n’appellent pas de remarques particulières, sauf sur le point suivant.

20. Aux termes de la directive, les percepteurs de péage se voient conférer le droit d’obtenir, auprès des prestataires du SET, les données nécessaires à l’identification des auteurs des infractions pour défaut de paiement du péage que leurs agents sont habilités à constater. Le projet du Gouvernement ouvre cette possibilité auprès de tous les prestataires de service de péage.

Le Conseil d’Etat observe, tout d’abord, que le projet de loi va ainsi au-delà de ce qu’exige la transposition de la directive alors que l’objet de ce projet est seulement de procéder à l’adaptation du droit national au droit de l’Union. Il observe, en outre, que cette sur-transposition est contraire aux objectifs antérieurement affichés par le Gouvernement en matière de transposition des directives.

Le Conseil d’Etat relève, ensuite, que le droit de communication ouvert par la directive est assorti de garanties. D’une part, les prestataires de services du SET doivent être enregistrés auprès d’un Etat membre et répondre, à ce titre, aux conditions d’activité définies par la directive. D’autre part, la directive interdit de divulguer à d’autres prestataires les informations transmises par les prestataires du SET. Enfin, les informations transmises par les prestataires du SET ne peuvent servir qu’à l’engagement de poursuites.

Les prestataires de service de péage n’étant pas soumis aux mêmes garanties ni aux mêmes contraintes que ceux du SET, le Conseil d’Etat estime, en conséquence, qu’il n’est pas possible d’étendre aux données qu’ils détiennent le droit d’accès prévu par la directive au profit des percepteurs de péage.

Il ne peut donc donner un avis favorable à l’extension à laquelle procède le projet du Gouvernement.

21. S’agissant de la protection des données, le Conseil d’Etat rappelle qu’il appartiendra au pouvoir réglementaire d’encadrer la mise en œuvre du traitement de ces données en conformité avec les exigences du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement de données à caractère personnel, notamment en ce qui concerne la liste des données permettant d’identification des auteurs présumés d’infractions, la durée de conservation de ces données et leurs modalités de transmission.

Réduction de la teneur en soufre des combustibles liquides utilisés pour la navigation maritime

22. L’article 5 de la directive (UE) 2016/802 (UE) 2016/802 du 11 mai 2016 concernant une réduction de la teneur en soufre de certains combustibles liquides, ouvre la possibilité, pour les navires procédant à des essais de méthode de réduction des émissions, de dépasser les normes prescrites en ce qui concerne la réduction de la teneur en soufre de ces combustibles, dès lors que ces méthodes permettent d’obtenir des résultats équivalents, sans toutefois que les combustibles marins utilisés n’excèdent la norme générale de 3,50 % en masse. Elle assortit ce plafonnement d’une exception s’agissant des combustibles destinés à l'approvisionnement des navires qui mettent en œuvre des méthodes de réduction des émissions fonctionnant en système fermé.

Le projet prévoit de compléter les dispositions de l’article L. 218-2 du code de l’environnement, qui ne fait mention ni du plafond de 3,50%, ni de la dérogation ouverte pour les navires qui procèdent à ces essais de réduction en système fermé, pour les rendre conformes à la directive.
Il procède également à l’extension de ces dispositions outre-mer.

Ces dispositions, qui assurent une transposition complète et conforme de la directive, n’appellent pas de remarques particulières.

Obligations de qualification des formateurs, des évaluateurs et des superviseurs des organismes de formation professionnelle maritime

23. La directive 2008/106/CE du 19 novembre 2008 concernant le niveau minimal de formation des gens de mer invite les Etats membres, en conformité avec les conventions internationales sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille, dites STWC et STWC-F, à fixer des normes de qualité qui couvrent non seulement l’administration du système de délivrance des titres, les cours et programmes de formation, les examens et évaluations, mais aussi les qualifications et l’expérience que doivent posséder les instructeurs et les évaluateurs, ces obligations visant à la fois des entités publiques et privées.

Le projet prévoit de compléter le chapitre VII du titre IV du livre V de la cinquième partie du code des transports, relatif à la formation professionnelle des gens de mer, par des dispositions concernant les qualifications attendues des personnels dispensant des formations professionnelles dans les établissements relevant du ministre en charge de la mer. Comme le prévoient les termes de la directive, il étend explicitement aux « superviseurs » les exigences du contrôle lors la délivrance des agréments prévus à l’article L. 5547-4 du code des transports. Il procède également à l’extension de ces dispositions outre-mer.

Ces dispositions, par les précisions qu’elles apportent et qui assurent, dès le niveau législatif, une meilleure conformité au droit de l’Union européenne, n’appellent pas de remarques particulières.

Conformité des équipements marins

24. Afin d’adapter les dispositions du code des transports applicables à la surveillance et à la conformité des équipements marins (articles L. 5241-2-1 à L. 5241-13) aux dispositions du règlement (UE) n° 2019/1020 du 20 juin 2019 sur la surveillance et la conformité des produits, le projet prévoit, en premier lieu, d’actualiser la liste des opérateurs économiques pour y insérer, comme le prévoit le règlement, les prestataires de services d’exécution des commandes. En second lieu, le projet autorise la diffusion de mises en garde, s’agissant d’équipements marins non conformes qui continueraient à circuler sur le marché alors qu’ils présentent ou sont susceptibles de présenter un danger pour la santé et la sécurité des utilisateurs.

Le Conseil d’Etat observe que cette seconde série de dispositions, dont la rédaction est inspirée de l’article L. 521-7 du code de la consommation et qui viennent compléter les sanctions administratives existantes susceptibles d’être prononcées à l’encontre des opérateurs qui ne prennent pas les mesures correctives appropriées pour assurer la mise en conformité des équipements marins mis sur le marché, ne sont pas contraires aux dispositions du règlement (UE) n° 2019/1020. Ce règlement ne fait, en effet, pas obstacle à ce que les autorités de surveillance du marché prennent des mesures plus spécifiques prévues par la directive 2001/95/CE du 3 décembre 2001 relative à la sécurité générale des produits.

Ces dispositions n’appellent pas d’autres observations.

Exploitation à bord des navires de casinos ne comprenant que des appareils de jeux

25. Le II de l’article L. 321-3 du code de la sécurité intérieure permet aux navires de commerce transporteurs de passagers battant pavillon français, titulaires d’une autorisation délivrée à cet effet, d’exploiter à leur bord des casinos qui ne comprennent que des appareils de jeux, en restreignant le régime de cette dérogation aux seules lignes intracommunautaires.

Eu égard à l’impossibilité dans laquelle se trouvent désormais les exploitants des lignes régulières de transport maritime de passager entre la France et le Royaume-Uni de bénéficier de telles autorisations dérogatoires du fait de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, le projet adapte le cadre de la dérogation et rend éligible à ce dispositif, les lignes régulières « touchant un port de l’Union européenne ».

Ces dispositions, qui relèvent de l’opportunité, n’appellent pas de remarques particulières.

Travail de nuit des jeunes à bord des navires

26. Le projet de loi modifie l’article L. 5544-27 du code des transports pour augmenter d’une heure la période au cours de laquelle le travail de nuit des jeunes travailleurs de seize à dix-huit ans, en principe interdit, peut être autorisé sur dérogation accordée par l’inspecteur du travail lorsque la formation le justifie. Pour ces jeunes travailleurs, cette période est redéfinie pour s’étendre de 21 heures à 6 heures, alors qu’elle débute actuellement à 22 heures.

Le Conseil d’Etat constate que cet allongement d’une heure permet de mettre le texte en conformité avec la directive applicable au secteur de la pêche (directive (UE) 2017/159 du Conseil du 19 décembre 2016 portant mise en œuvre de l'accord relatif à la mise en œuvre de la convention sur le travail dans la pêche, 2007, de l'Organisation internationale du travail, conclu le 21 mai 2012 entre la Confédération générale des coopératives agricoles de l'Union européenne, la Fédération européenne des travailleurs des transports et l'Association des organisations nationales d'entreprises de pêche de l'Union européenne) et avec celle applicable au secteur du commerce (directive 2009/13/CE du Conseil du 16 février 2009 portant mise en œuvre de l’accord conclu par les Associations des armateurs de la Communauté européenne et la Fédération européenne des travailleurs des transports concernant la convention du travail maritime, 2006, et modifiant la directive 1999/63/CE) qui prévoient que la période de nuit couvre une période d’au moins neuf heures consécutives commençant au plus tard à minuit et se terminant au plus tôt à 5 heures du matin.

Ces dispositions, de même que l’adjonction d’une mesure prévoyant l’application de l’article L. 5544-27 ainsi modifié dans les îles Wallis et Futuna, n'appellent pas de remarques de la part du Conseil d'Etat.

27. Le projet de loi modifie ensuite l’article L.5544-29 du même code pour réduire d’une heure la période de repos obligatoire quotidien des jeunes travailleurs sur les navires, en prévoyant qu’elle se situe entre 24 heures et 4 heures du matin au lieu de 5 heures du matin dans le texte en vigueur. Le Conseil d’Etat prend acte de cette modification qui vise à tenir compte des contraintes des métiers maritimes (embarquements avant 5h du matin) et qui est autorisée par la directive 94/33/CE du Conseil du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail. Compte tenu de son caractère limité, elle ne constitue pas une régression du niveau général de protection des jeunes, prohibée par l’article 16 de cette même directive.

28. Par ailleurs, le Conseil d’Etat appelle l’attention du Gouvernement sur la nécessité, pour achever la transposition de la directive 94/33/CE de prévoir dans les meilleurs délais des dispositions spécifiques sur le temps de pause des jeunes, ces dispositions ayant été abrogées par l'article 7 de l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010 relative à la partie législative du code des transports lors de la codification de cette partie du code des transports.

Cotisation des marins

29.  Le projet de loi prévoit l’assujettissement des marins placés en activité partielle et percevant les indemnités prévues au II de l’article L. 5122-1 du code du travail ou, au titre de leur rémunération à la part, à l’article 10 bis de l'ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière d'activité partielle au versement de cotisations personnelles au régime d’assurance vieillesse. Le projet envisage d’asseoir ces cotisations sur le salaire forfaitaire de la catégorie d’appartenance du marin.

L’objet de cette disposition est de mieux prendre en compte, lors de la liquidation de la pension, les revenus perçus au cours de ces périodes dans le salaire de référence, qui est calculé en principe en tenant compte du salaire forfaitaire correspondant à la catégorie ou aux catégories dans lesquelles le marin a cotisé au cours des trente-six derniers mois.

Cette mesure, pérenne bien que s’inscrivant dans le contexte de recours généralisé à l’activité partielle en lien avec l’épidémie de covid-19, vise à améliorer le montant des pensions des marins, dont le niveau est, compte tenu notamment des modalités de calcul, particulièrement sensible aux interruptions de versement de cotisations survenant en fin de carrière.

Le Conseil d’Etat relève que l’article L. 5553-3 du code des transports prévoit déjà pour les mêmes raisons, de manière spécifique au régime des marins, le versement de cotisations sur diverses indemnités journalières de sécurité sociale. La mesure proposée combine ses effets avec deux autres dispositifs récents : la prise en compte de ces mêmes périodes dans la durée validée de services effectifs utilisée pour le calcul de la pension, et la suppression de la borne d’âge figurant au 8° de l’article L. 5552-16, fixée à 55 ans par voie réglementaire, au-delà de laquelle les périodes de perception de certains revenus de remplacement n’étaient pas prises en compte.  

30. Dans son principe même, cette mesure ne se heurte à aucun obstacle juridique et n’appelle pas d’observation. Le Conseil d’Etat relève que le choix de faire reposer l’intégration dans le revenu de référence sur l’extension de l’assiette des cotisations personnelles et non sur d’autres mécanismes contributifs ou de solidarité relève de l’opportunité, et vise en outre à éviter des effets préjudiciables sur l’équilibre financier de ce régime.

Le Conseil d’Etat constate toutefois que le projet du Gouvernement prévoit l’entrée en vigueur de la mesure aux périodes d’activité courant à compter du 1er mai 2021. Au regard de l’ensemble des règles applicables au calcul et au paiement des cotisations des marins, résultant notamment de la partie législative du code des transports et du décret n°53-953 du 30 septembre 1953 concernant l'organisation administrative et financière de l'établissement national des invalides de la marine, les cotisations personnelles versées au titre du régime des marins doivent être regardées comme normalement dues pour chaque mois achevé. Compte tenu des délais prévisibles d’adoption du texte, la mesure pourra par suite remettre en cause des montants de cotisation dus et déjà prélevés au titre des mois antérieurs à son entrée en vigueur. Si le projet du Gouvernement ne saurait conduire à la régularisation des cotisations versées par des marins ayant liquidé leur pension avant son entrée en vigueur, il est susceptible de présenter, pour les autres marins affiliés au régime placés en activité partielle à compter du 1er mai 2021, un effet rétroactif (CE, 17 mai 1963, Syndicat des industries métallurgiques du Loiret, au Recueil p. 302 ; Conseil constitutionnel, décision n° 2017-673 QPC du 24 décembre 2017, sur le régime d'exonération de cotisations sociales des jeunes entreprises innovantes, § 15).

31. Le Conseil d’Etat rappelle que la loi ne peut porter atteinte à des situations légalement acquises qu’à la condition que l’atteinte soit justifiée par un motif d'intérêt général suffisant (Décision n° 2012-661 DC, 29 décembre 2012, cons. 10, 13 et 15). Il note que le Conseil constitutionnel a déjà admis la rétroactivité de prélèvements intervenant en matière sociale et visant à garantir l'effectivité et la pérennité de la couverture des bénéficiaires, tout en évitant une hausse brutale des cotisations versées par les autres contributeurs (s’agissant de l’indemnité de résiliation ou de non-renouvellement du contrat de prévoyance, due en application de loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites pour toute fin de contrat postérieure au 1er janvier 2020, dès lors que le contrat continue de produire des effets : décision n° 2018-728 QPC du 13 juillet 2018).

En l’espèce, le Conseil d’Etat constate que, dans le contexte particulier lié à l’épidémie de covid-19, l’application rétroactive de la mesure bénéficiera tout particulièrement aux marins faisant prochainement valoir leurs droits à pension de retraite et qui, à défaut, pourraient compter dans la période de référence, couvrant notamment les premiers mois de l’année 2021, un nombre important de jours non cotisés. Pour les autres marins affiliés ayant connu une période d’activité partielle à compter du 1er mai 2021, la mesure sera susceptible de présenter des contreparties effectives en termes notamment d’accès à une catégorie supérieure (mécanisme de « surclassement » prévu par le décret n°52-540 du 7 mai 1952) sous réserve d’en remplir les conditions réglementaires.

Le Conseil d’Etat estime, par conséquent, que la rétroactivité de la mesure, d’une durée limitée, peut être regardée comme justifiée.

Temps de conduite et de repos des conducteurs routiers

32. Le projet de loi complète, tout d’abord, la liste des faits érigés en délit par l’article L. 3315 4 1 du code des transports afin de tirer les conséquences de deux nouvelles règles introduites par le règlement (UE) 2020/1054 du 15 juillet 2020 dans le règlement (CE) n° 561/2006 du 15 mars 2006 relatif aux temps de conduite et de repos des conducteurs routiers. Le projet prévoit ainsi de punir d’un an de prison et 30 000 euros d’amende, d’une part, le fait de fonder la rémunération d’un conducteur sur la rapidité de la livraison, d’autre part, la méconnaissance de l’obligation faite aux employeurs d’organiser le travail des conducteurs de manière à ce qu’ils puissent en principe retourner au minimum une fois toutes les quatre semaines dans leur centre opérationnel de rattachement ou leur lieu de résidence pour y prendre un repos hebdomadaire. Ces nouvelles incriminations, de nature à contribuer à l’effectivité des nouvelles règles européennes, n’appellent pas d’observation.

33. Le projet du Gouvernement comporte en outre une disposition imposant à l’entreprise de mettre à même le conducteur, en cas de contrôle en bord de route, de prouver par tout moyen qu’elle respecte ses obligations en matière de retour au centre opérationnel de rattachement ou au lieu de résidence.

Cette règle de preuve s’ajoute à celle, prévue au dernier alinéa du 8 bis de l’article 8 du règlement (CE) n° 561/2006, imposant à l’entreprise de conserver dans ses locaux la documentation établissant qu’elle s’acquitte de ces mêmes obligations.

Le Conseil d’Etat estime que cette règle complémentaire peut être admise dès lors que, tout en laissant aux entreprises une liberté de moyens, elle garantit l’effet utile du règlement, et contribue aux mêmes objectifs de protection de la sécurité routière et des conditions de travail et de vie des conducteurs. Circonscrite au respect par l’entreprise de ses obligations à l’égard du conducteur contrôlé, elle a un objet distinct de celle, générale à l’égard des conducteurs employés ou mis à la disposition de l’entreprise, posée par le règlement, qui n’exclut pas l’introduction par les Etats de mesures supplémentaires visant à assurer le contrôle effectif du respect de ses dispositions.

Le Conseil d’Etat propose une rédaction visant à préciser l’articulation entre cette règle et celle résultant du dernier alinéa du 8 bis de l’article 8 du règlement (CE) no 561/2006, au sein d’un nouvel article L. 3313-5.
 
Cabotage routier de marchandises

34. Le projet de loi entend ensuite adapter le droit français aux nouvelles règles en matière de cabotage routier de marchandises, issues du (UE) 2020/1055 du 15 juillet 2020. Ce texte a modifié le règlement (CE) n°1072/2009 du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l’accès au marché du transport international de marchandises par route afin de lutter contre les pratiques abusives de cabotage. A cette fin, il introduit un délai de carence de quatre jours devant être respecté entre la dernière opération de cabotage liée à un précédent transport international, et une opération de cabotage liée à un nouveau transport international.

35. Le Conseil d’Etat relève toutefois que, à l’exception de l’incrimination complémentaire qu’il envisage d’introduire à l’article L. 3452-7 en cas de méconnaissance du délai de carence, le projet a principalement pour objet de reproduire, dans la section 2 dédiée au cabotage en transport de marchandises du chapitre unique du titre II du livre IV de la 3ème partie du code des transports, les dispositions issues du nouveau règlement, sans y faire référence. Le Conseil d’Etat constate que ce parti de rédaction préexiste en matière, notamment, de cabotage routier de marchandises : les dispositions de cette section 2, issues de la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires, sont redondantes avec le règlement (CE) n°1072/2009, s’agissant en particulier du nombre maximal d’opérations de cabotage autorisées en France, ou de la durée maximale de ces transports.

Si la rédaction de ces dispositions législatives s’expliquait initialement par le souci d’anticiper l’application du règlement (CE) n°1072/2009, le Conseil d’Etat rappelle que la reproduction des dispositions d’un règlement, d’application immédiate, ne peut être admise que de manière limitée et partielle, lorsqu’elle se justifie par un objectif d’intelligibilité ou de cohérence des règles, et sous réserve de faire référence au texte européen (CJCE, 31 janvier 1978, Zerbone, C-94/77, Rec. ; CJCE, 28 mars 1985, Commission c/ Italie, C-272/83, Rec.).

La pratique systématique de réécriture en matière de cabotage routier de marchandises ne pouvant se justifier, le Conseil d’Etat propose de modifier le code des transports pour abroger les dispositions nationales redondantes.

Il suggère par ailleurs de remplacer les dispositions d’incrimination de l’actuel article L. 3452 7, qui dans leur rédaction actuelle procèdent par simple renvoi global aux dispositions du chapitre unique consacré au cabotage, pour énumérer de manière claire et précise dans un nouvel article L. 3452-7-1 les faits contraires au règlement (CE) n°1072/2009 érigés en infraction pénale.

36. Concernant les donneurs d’ordre faisant réaliser des opérations de cabotage de marchandises, régis par l’article L. 3421-7 du code des transports, le Conseil d’Etat estime qu’une disposition nationale peut être maintenue, sous réserve d’un nouveau positionnement dans le code, pour clarifier la nature de leur responsabilité et tirer les conséquences du nouvel article 14 bis du règlement (CE) n°1072/2009. La disposition d’incrimination les concernant, au 1° de l’article L. 3452-8, est réécrite en conséquence pour y préciser, conformément au règlement, que leur responsabilité pénale ne peut être engagée que lorsqu’ils savaient ou devaient raisonnablement savoir que l’exécution de la commande impliquait la méconnaissance, par le transporteur, des règles encadrant le cabotage.

Travail détaché des conducteurs routiers

37. Le projet de loi procède à la transposition de l’article 1er de la directive (UE) 2020/1057 du Parlement Européen et du Conseil du 15 juillet 2020 établissant des règles spécifiques en ce qui concerne la directive 96/71/CE et la directive 2014/67/UE pour le détachement de conducteurs dans le secteur du transport routier et modifiant la directive 2006/22/CE quant aux exigences en matière de contrôle et le règlement (UE) n°1024/2012, qui régit désormais le détachement des conducteurs routiers en cas de prestation de services internationale des conducteurs de poids lourds. Il crée à cet effet un nouveau chapitre dans le code des transports et restreint le champ d’application des règles actuelles aux cas de détachement ne relevant pas de la directive du 15 juillet 2020 précitée. Le projet de loi exclut du champ du nouveau chapitre certaines opérations de transport, précisément définies, dont le lien avec le territoire national n’apparait pas suffisant pour justifier, selon la directive, l’application des règles en matière de détachement.

38. La directive 2020/1057 prévoit qu’une déclaration doit être effectuée préalablement au détachement par l’opérateur de transport, au moyen d’une interface connectée au système d’information du marché intérieur (IMI) déployée par la Commission européenne et dresse la liste des informations qu’elle comporte.

Le Conseil d’Etat estime que si le principe d’une telle déclaration incombant à l’employeur est de niveau législatif, les modalités de sa mise en œuvre, et en particulier la désignation de l’interface à utiliser doivent être renvoyées à un décret en Conseil d’Etat. Il note que, comme le permet le paragraphe 13 de l’article 1er de la directive, le texte prévoit que les partenaires sociaux pourront obtenir la communication de certaines informations provenant de ce système d’information dans le seul but de vérifier le respect des règles en matière de détachement, dans des conditions qui seront définies par décret en Conseil d’Etat.

39. Pour le décompte de la durée de douze mois permettant l’application du statut de travailleur détaché longue durée mentionnée au II de l’article L. 1262 4 du code du travail, le projet de loi prévoit, conformément au paragraphe 8 de l’article 1er de la directive du 15 juillet 2020, d’une part, que le détachement prend fin lorsque le conducteur quitte le territoire national et, d’autre part, que cette période de détachement ainsi terminée n’est pas cumulable avec les périodes de détachement antérieures réalisées par le même conducteur ou par un conducteur qu’il remplace.

40. Le projet de loi prévoit également que la coresponsabilité sociale du destinataire de la marchandise transportée, prévue actuellement par les dispositions du code des transports relatives au détachement (article L. 1331-2), sera applicable dans le cadre d’une prestation de services internationale de transport par route.

Il précise ensuite que les informations relatives aux conditions de travail et d’emploi qui seront mises à la disposition des entreprises de transport établies hors de France et des salariés détachés, dans le respect du paragraphe 9 de l’article 1er de la directive, seront précisées par décret en Conseil d’Etat.

Enfin, le projet de loi prévoit des dispositions d’entrée en vigueur et une habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, les mesures législatives de mise en cohérence des codes des transports et du travail rendues nécessaires par les dispositions relatives au travail détaché des conducteurs routiers, qui n’appellent pas d’observations particulières.

Régime applicable aux installations, constructions et ouvrages nécessaires au fonctionnement du terminal de la liaison fixe trans-Manche dont la localisation répond à une nécessité technique impérative

41. Les constructions, installations et aménagements directement liés au rétablissement des contrôles à la frontière avec le Royaume-Uni (centre de contrôle du service d’inspection vétérinaire et phytosanitaire et du service des douanes, dit « centre SIVEP-Douanes ») ont bénéficié, en application de l’article 2 de l’ordonnance n° 2019-36 du 24 janvier 2019, d’un régime dérogatoire en matière d’autorisation d’urbanisme, valable à titre temporaire et pendant deux ans. La pérennisation de ces installations, rendue nécessaire par le Brexit, implique, avant l’expiration de ce délai, la délivrance d’un permis de construire. Ce permis ne peut toutefois être accordé que si ces installations, implantées pour partie sur le territoire de la commune de Calais, soumise aux dispositions du code de l'urbanisme applicables au littoral, bénéficient d’une dérogation au regard de cette législation, de telles installations n’étant pas au nombre de celles mentionnées à l’article L. 121-4 du code de l’urbanisme, susceptibles d’en bénéficier.

Le projet de loi prévoit, en conséquence, d’introduire une dérogation non codifiée aux dispositions de cet article, destinée à permettre la délivrance d’un permis de construire au centre SIVEP-Douanes.

42. Le Conseil d’Etat estime qu’une telle dérogation est justifiée. Elle concerne, en effet, des installations abritant des services publics dont l’implantation est rendue nécessaire par le rétablissement des frontières entre le Royaume-Uni et la France à la suite du Brexit, et qui sont d’une nature comparable aux installations bénéficiant déjà d’une dérogation en vertu de l’article L. 121-4 du code de l’urbanisme.

Il estime, toutefois, que cette dérogation, même si elle résulte de circonstances très particulières, doit, dans un souci de lisibilité du droit, figurer dans le code de l’urbanisme, et non en dehors de celui-ci, sous la forme d’un alinéa nouveau ajouté à l’article L. 121-4, pour tenir compte des conditions particulières, plus restrictives, auxquelles le Gouvernement entend la soumettre.

Sur le chapitre III relatif à la prévention des risques

43. Les dispositions prévues par ce chapitre tendent à édicter ou à adapter les sanctions applicables en cas de méconnaissance de divers règlements communautaires relatifs à des substances dangereuses pour l’environnement et la santé humaine.

Renforcement des sanctions des rejets de mercure

44. Le règlement (UE) n° 852/2017 du 17 mai 2017 relatif au mercure, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2018, a étendu le champ des prescriptions et interdictions destinées à réduire les rejets anthropiques de mercure dans l’air, l’eau et le sol.

Alors que les violations du précédent règlement (CE) n° 1102/2008 du 22 octobre 2008 relatif à l’interdiction des exportations de mercure et au stockage de cette substance (abrogé par le règlement n° 852/2017) n’étaient passibles que des sanctions pénales prévues à l’article L. 541 46 du code de l’environnement, qui sanctionne un certain nombre de manquements en matière de prévention et de gestion des déchets, le projet de loi prévoit, en outre, de soumettre les manquements au règlement n° 852/2017 au régime des sanctions administratives et pénales prévu aux articles L. 521-1 et suivants de ce code en matière de contrôle des produits chimiques.

45. Le Conseil d’Etat relève que, par ces dispositions, le projet de loi instaure un régime de sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives », ainsi que l’exige l’article 16 du règlement n° 852/2017.

Il constate que ces dispositions ouvrent la possibilité de sanctionner pénalement les manquements au règlement n° 852/2017 sur le fondement de deux dispositions distinctes, l’une insérée à l’article L. 521-21 du code de l’environnement, qui concerne les infractions en matière de produits chimiques, l’autre à l’article L. 541-46 de ce même code, relatif aux infractions en matière de déchets.

Il observe cependant que si les peines encourues dans l’un et l’autre cas – deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende – sont identiques, les agents habilités à rechercher et à constater ces infractions, désignés respectivement aux articles L. 521-12, s’agissant du contrôle des produits chimiques, et L. 541-44, s’agissant de la prévention et de la gestion des déchets, ne sont pas strictement les mêmes, tout comme les infractions, bien que leurs champs d’application respectifs se recoupent.

Afin de ne pas réserver le contrôle des manquements à l’une ou l’autre de ces polices, et dès lors que les quantums de peine retenus ne font pas peser un risque d’inégalité de traitement entre les personnes mises en cause, le Conseil d’Etat admet la coexistence de ces deux infractions pénales.

Adaptation des sanctions du dépassement du quota d’autorisation de mise sur le marché des hydrofluorocarbones

 46. Le projet de loi comporte, en outre, des dispositions tendant à adapter les sanctions administratives, prévues à  l’article L. 521-18 du code de l’environnement en cas de méconnaissance des articles 15 et suivants du règlement (UE) n° 517/2014 relatif aux gaz à effet de serre fluorés, qui sont relatifs au système de quotas d’autorisation de mise sur le marché d’une catégorie particulière de ces gaz, les hydrofluorocarbones (ou « HFC »), en particulier le régime procédural de l’amende administrative.

Il supprime l’exigence d’une mise en demeure préalable du producteur ou de l’importateur ayant dépassé son quota d’autorisation de mise sur le marché, car, compte tenu des délais, celle-ci a pour effet de rendre le système de sanction inopérant puisque le règlement n° 517/2014 n’ouvre aucune possibilité de régularisation a posteriori.

Par ailleurs, il étend le champ de l’infraction aux manquements à l’article 18 de ce règlement, là où la rédaction actuelle du 6° de l’article L. 521-18 ne vise que les manquements à l’article 16 de celui-ci. Le projet de loi a ainsi pour effet de permettre de sanctionner plus efficacement les violations du système de quotas mis en place par ce règlement.

Ces dispositions n’appellent pas d’observations de la part du Conseil d’Etat.

Autres dispositions

47. Enfin, le projet de loi prévoit de remplacer la référence au règlement (CE) n° 850/2004 relatif aux polluants organiques persistants par la référence au règlement (UE) n° 1021/2019 du 20 juin 2019, qui lui a succédé, dans l’ensemble des articles du code de l’environnement tendant à sanctionner les manquements à cette réglementation communautaire. Ces dispositions n’appellent pas d’observations de la part du Conseil d’Etat.

Sur le chapitre IV relatif aux minerais de conflit

48. Le projet de loi édicte des dispositions destinées à contrôler le respect, par les importateurs, de leurs obligations au titre du règlement (UE) n° 821/2017 du 17 mai 2017 fixant des obligations liées au devoir de diligence à l’égard de la chaîne d’approvisionnement pour les opérateurs de l’Union européenne qui importent de l’étain, du tantale et du tungstène, leurs minerais ou de l’or provenant de zones de conflit ou à haut risque.

Ces obligations visent à assurer la traçabilité des métaux et des minerais en cause et sont relatives à la mise en place de systèmes de gestion, de gestion des risques, d’évaluations par des tiers indépendants et à la publication d’informations. Elles sont applicables aux importateurs concernés depuis le 1er janvier 2021.

Afin de veiller au respect par ces entreprises de leurs obligations, le projet de loi instaure un système de contrôles, à l’issue desquels l’autorité administrative pourra prendre des mesures destinées à en garantir le respect. Il prévoit également un échange d’informations entre les agents chargés de réaliser ces contrôles et les agents des douanes.

Conditions de déroulement des contrôles des obligations liées au devoir de diligence à l’égard de la chaîne d’approvisionnement

49. Le Conseil d’Etat relève que le projet de loi se borne à confier à des agents désignés par décret le contrôle du respect de ces obligations, sans comporter de précisions, notamment quant aux prérogatives dont ces agents pourraient bénéficier dans l’exercice de leur mission.

Il observe que la liste des agents habilités à effectuer ces contrôles relève bien du pouvoir réglementaire, la désignation de ces agents ne constituant pas, par elle-même, une garantie pour les importateurs contrôlés et ne mettant en cause aucun des principes fondamentaux ni aucune des règles que l’article 34 de la Constitution a placés dans le domaine de la loi. Il souligne toutefois que l’étude d’impact ne comporte aucune indication quant aux services susceptibles de se voir confier la responsabilité de ces contrôles et suggère au Gouvernement de la compléter sur ce point.

50. En revanche, le Conseil d’Etat relève que l’article 11, point 3, du règlement prévoit que les contrôles a posteriori qu’il incombe aux Etats membres d’effectuer doivent inclure un examen des documents démontrant le respect, par les entreprises concernées, de leurs obligations au titre de ce règlement, et que ces contrôles devraient comporter des inspections sur place, notamment dans les locaux de l’importateur de l’Union.

D’une part, le Conseil d’Etat estime nécessaire, afin de garantir l’effectivité des contrôles conformément à ce qu’exige le règlement, de compléter le projet de loi de dispositions habilitant expressément les agents chargés des contrôles à effectuer des contrôles sur place et à prendre connaissance de la documentation pertinente de l’entreprise.

D’autre part, dès lors que de tels contrôles sont susceptibles de porter atteinte, notamment, à la protection du secret industriel et commercial et au droit de propriété, il suggère, s’agissant des contrôles sur place, de se référer aux garanties prévues en la matière par les articles L. 175-5 et suivants du code minier, qui prévoient l’intervention d’un juge des libertés et de la détention en cas notamment de refus d’accès, et de prévoir que les agents chargés de ces contrôles sont astreints au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

51. Le Conseil d’Etat suggère de ne pas conserver les dispositions du projet de loi prévoyant la notification du rapport de contrôle à « l’organisme central auquel est affilié ou lié l’importateur », compte tenu de l’imprécision des termes retenus et du risque d’atteinte au caractère contradictoire de la procédure et au secret industriel et commercial.

Mesures de police à l’issue des contrôles

52. S’agissant des mesures de police susceptibles d’être mises en œuvre par l’autorité compétente à l’issue du contrôle, le Conseil d’Etat suggère de prévoir que ces mesures ne pourront être prononcées qu’après que l’autorité compétente a notifié à l’importateur un avis prescrivant les mesures correctrices qu’il doit prendre, conformément à ce que prévoit l’article 16, point 3, du règlement.

53. Il estime, par ailleurs, que le prononcé d’une astreinte, le cas échéant d’un montant proportionné à la gravité du manquement, peut être de nature à inciter l’entreprise concernée à se conformer à ses obligations. Au terme de ses échanges avec le Gouvernement, il propose de prévoir que le montant de cette astreinte peut également être proportionné aux capacités financières de l’importateur.

54. Le Conseil d’Etat considère également que la possibilité ouverte à l’autorité administrative de faire exécuter d’office certaines des mesures prescrites après une mise en demeure demeurée sans résultat peut, dans certains cas, être de nature à garantir la mise en œuvre du règlement, s’agissant, par exemple de la suspension ou de la cessation des relations de l’importateur avec un fournisseur après l’échec des tentatives d’atténuation des risques prévue à l’article 5 du règlement, ou de la publication de certaines informations mentionnées à son article 7.

55. En revanche, il s’interroge sur le champ exact et, le cas échéant, sur le caractère pertinent et proportionné, des dispositions permettant à l’autorité compétente de suspendre l’exercice des activités occasionnant le manquement et de prendre les mesures conservatoires nécessaires, compte tenu de la nature particulière des obligations fixées par le règlement, qui portent, pour l’essentiel, sur l’organisation de la gouvernance interne de l’entreprise.

Par ailleurs, il observe que, dès lors que le règlement ne prévoit pas la possibilité d’interdire l’importation des métaux ou minerais en cause, et alors que ceux-ci ne sont pas des substances dangereuses, la mise en œuvre de ces dispositions pourrait conduire l’autorité administrative à s’immiscer de façon excessive dans le fonctionnement interne de l’entreprise.

Par suite, il suggère de ne pas retenir ces dernières dispositions.

Absence de sanctions de la méconnaissance du règlement (UE) n° 821/2017

56. Le Conseil d'Etat relève, enfin, que le projet de loi instaure un régime de police administrative reposant sur des contrôles et l’édiction d’un certain nombre de mesures de police mais ne prévoit en revanche aucune sanction en cas de méconnaissance du règlement.

Le Conseil d’Etat observe que, si l’article 16, point 1, du règlement n° 821/2017 impose aux Etats membres de « fixer les règles applicables aux violations du présent règlement », il se déduit notamment de l’article 17 de ce même règlement, aux termes duquel la Commission européenne pourra ultérieurement, au terme d’un examen de l’efficacité de ce dernier, « déterminer s’il incombe ou non aux autorités compétentes des Etats membres d’imposer des sanctions aux importateurs de l’Union en cas de manquement répété aux obligations énoncées dans le présent règlement », qu’en l’état, celui-ci n’impose pas aux Etats membres de prévoir un régime de sanctions en cas de violation par les importateurs de l’Union de leurs obligations.

Le Conseil d'Etat en conclut qu’en ne prévoyant pas un tel régime de sanctions, le projet de loi ne procède pas à une mise en œuvre incomplète du règlement n° 821/2017.

Sur le chapitre V relatif à la protection et à l’information environnementales

Calendrier du bon état des eaux

57. Le projet de loi prévoit de supprimer du V de l’article L. 212-1 du code de l’environnement la mention selon laquelle les échéances d’atteinte du bon état chimique des eaux de surface, prescrites par les directives européennes, sont fixées par voie réglementaire.

Le Conseil d’Etat relève que la directive 2013/39/UE du 12 août 2013 modifiant les directives 2000/60/CE et 2008/105/CE en ce qui concerne les substances prioritaires pour la politique dans le domaine de l’eau a fixé un calendrier échelonné pour la prise en compte d’un certain nombre de substances (ou groupes de substances) et de normes de qualité environnementale entrant dans l’appréciation des états écologiques et chimiques et du potentiel écologique des eaux de surface.

Il note que ce calendrier a été introduit en droit interne par un arrêté du 26 juin 2016, ainsi que le permet l’article R. 212-18 du code de l’environnement, lequel habilite le ministre chargé de l’environnement à définir par arrêté les méthodes et critères servant à caractériser les différents états écologiques et chimiques ou les potentiels écologiques des masses d’eau et à fixer la liste des polluants à prendre en compte et les normes de qualité environnementale correspondantes.

Le Conseil d’Etat constate que ni l’article 34 de la Constitution, ni aucun autre texte ou principe ne font obstacle à la suppression des dispositions envisagée par le projet de loi.

Assainissement non collectif

58. Le projet de loi comporte également des dispositions tendant à remédier à une ambiguïté dans la rédaction des dispositions de l’article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales relatives au contrôle exercé par les communes sur les installations d’assainissement non collectif, qui soumettent notamment à un agrément de telles installations lorsqu’elles ne fonctionnent pas par traitement par le sol et permettent aux communes de fixer des prescriptions techniques en vue de leur implantation ou de leur réhabilitation.

Le Conseil d’Etat observe qu’en visant les « dispositifs » d’assainissement non collectif, ces dispositions peuvent laisser penser que le droit français impose des conditions supplémentaires à ce que permet le règlement (UE) n° 305/2011 du 9 mars 2011 établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction, parmi lesquels figurent les petites installations de traitement des eaux usées, alors que l’agrément ou les prescriptions techniques qu’elles prévoient s’appliquent à l’ensemble de l’installation, et non aux dispositifs qui la composent.

Le Conseil d’Etat estime qu’en retirant de cet article toute référence à un « dispositif », ces dispositions permettront d’éviter des malentendus quant à la conformité du droit national au droit communautaire sur ce point.

Contrôle des captures et mises à mort accidentelles de certaines espèces animales

59. Le projet de loi prévoit d’insérer dans le code de l’environnement des dispositions renvoyant à un décret en Conseil d’Etat les conditions et modalités dans lesquelles est instauré un système de contrôle des captures et mises à mort accidentelles des espèces animales énumérées à l’annexe IV point a de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.

Le Conseil d’Etat observe que ces dispositions résultent d’une exigence formulée par la Commission européenne dans le cadre d’une mise en demeure de la France de se conformer à ses obligations au titre de cette directive. Il observe, en outre, que l’inscription dans la loi du principe de la création d’un tel système de contrôle et le renvoi de la définition des conditions et modalités dans lesquelles il est mis en œuvre ne méconnaissent pas les dispositions de l’article 34 de la Constitution, qui réserve à la loi la détermination des seuls principes fondamentaux relatifs à la préservation de l’environnement.

Ces dispositions n’appellent pas d’autres observations de sa part.

Notion « d’information relative à l’environnement »

60. Enfin, le projet de loi prévoit, en réponse à une mise en demeure de la Commission européenne, d’ajuster la définition que donne l’article L. 124-2 du code de l’environnement de la notion « d’information relative à l’environnement », afin de se rapprocher de la définition que donne de cette notion la directive 2003/4/CE du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement.

Ces dispositions n’appellent pas d’observations de la part du Conseil d’Etat.

Sur le chapitre VI relatif à la transposition de directives et à l’application de règlements dans le domaine financier

Dispositions complétant la transposition de la directive 2017/828, dite SRD2

61. Alors que la directive (UE) 2017/828 du Parlement européen et du Conseil du 17 mai 2017 modifiant la directive 2007/36/CE en vue de promouvoir l’engagement à long terme des actionnaires, dite SRD 2, a déjà fait l’objet de mesures de transposition par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, le projet de loi complète cette transposition. D’une part, des clarifications sont apportées aux procédures permettant aux sociétés émettrices d’exercer leur droit à connaître l’identité de leurs actionnaires. D’autre part, le projet de loi transpose les dispositions de la directive relatives à la transmission d’information aux actionnaires et à l’exercice par ces derniers de leurs droits.

62. Le Conseil d’Etat prend acte de la tardiveté de la transposition des dispositions relatives aux droits des actionnaires, alors que le Gouvernement avait estimé dans un premier temps que les actes d’exécution de la directive seraient suffisamment précis pour en permettre une application directe. Il approuve la démarche retenue consistant à prévoir la fixation dans la partie législative du code de commerce du principe des obligations incombant aux sociétés et aux intermédiaires pour renvoyer à la partie réglementaire du même code le soin de préciser le détail de ces obligations, au besoin par renvoi aux actes pris pour l’exécution de la directive SRD 2.

63. Le projet de loi transpose l’article 2 de la même directive du 18 décembre 2019, qui prévoit de renforcer la coopération entre autorités nationales de contrôle des activités d’assurance et de réassurance et l’autorité européenne de supervision, en particulier pour le suivi des entreprises exerçant leur activité au sein de plusieurs Etats membres et notamment lorsque ces autorités ont des préoccupations sérieuses concernant la protection des consommateurs.

Le Conseil d’Etat estime que les dispositions qui reprenaient celles figurant dans la directive pour préciser que les prérogatives reconnues à chaque autorité sont sans préjudice du mandat de contrôle des autorités de contrôle des autres Etats membres ne sont pas nécessaires pour assurer la transposition dans l’ordre juridique interne des dispositions de l’article 2 de la directive. Il les écarte donc du projet.

Dispositions liées à la transposition de la directive 98/28/CE du 19 mai 1998

64. Le projet de loi modifie les dispositions du code monétaire et financier qui assurent en droit interne la transposition de la directive 98/28/CE du 19 mai 1998 concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres.
Afin de sécuriser les transactions sur les marchés financiers, cette directive prévoit notamment qu’une procédure d’insolvabilité ouverte ne saurait avoir d’effet rétroactif sur les droits et obligations d’un participant découlant de la participation de celui-ci à un système de paiement ou de règlement-livraison  de titres financiers et que, lorsqu'une procédure d'insolvabilité est ouverte à l'encontre d'un participant à un tel système, les droits et obligations découlant de sa participation ou liés à cette participation sont déterminés par la législation applicable à ce système.

65. Afin d’éviter qu’un jugement étranger rendu dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité ouverte contre un participant à un système de compensation de règlement des ordres puisse produire des effets contraires à ceux qui découlent de l’obligation de transposition de la directive du 19 mai 1998, le projet précise qu’un tel jugement ne pourra être reconnu ni recevoir application s’il est contraire aux dispositions nationales transposant cette directive.

Le Conseil d’Etat estime qu’une telle précision n’est pas indispensable dans la mesure où le juge français peut déjà refuser de rendre exécutoire un jugement étranger s’il le regarde comme contraire à la conception française de l’ordre public international.

Or les règles françaises relatives à la stabilité des marchés financiers, qui découlent de celles fixées par la directive du 19 mai 1998, font partie de cet ordre public. A ce titre, le juge français, saisi d'une décision étrangère appliquant une loi contraire à ces règles françaises, dont la reconnaissance en France aurait pour effet de violer ces règles françaises d'ordre public, devrait refuser de lui donner effet motif pris de sa non conformité à l'ordre public international.

Le Conseil d'Etat admet cependant l’utilité d’apporter ainsi aux opérateurs davantage de sécurité face aux effets potentiellement systémiques sur la stabilité des marchés financiers des conséquences d’une faillite d’un participant à un tel système établi dans un pays tiers.

Autres dispositions

66. Le chapitre comporte diverses dispositions qui ont pour objet :

- de supprimer du code monétaire et financier les règles applicables aux prestataires de service de communication de données, désormais fixées par le règlement (UE) n° 600/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés d'instruments financiers ;

- d’achever la mise en conformité du même code avec les dispositions du règlement (UE) n°909/2014 du 23 juillet 2014, afin de mieux distinguer les différentes catégories de dépositaires centraux de titres susceptibles de proposer leurs services à des émetteurs établis en France ;

- d’habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive (UE) 2021/338 du 16 février 2021 modifiant la directive 2014/65/UE en ce qui concerne les obligations d’information, la gouvernance des produits et les limites de position, et les directives 2013/36/UE et (UE) 2019/878 en ce qui concerne leur application aux entreprises d’investissement, afin de soutenir la reprise à la suite de la pandémie de covid-19.

Ces dispositions ne se heurtent à aucune objection d’ordre juridique et n’appellent pas d’observations de la part du Conseil d’Etat.

Sur le chapitre VII relatif au secteur financier et à la protection des consommateurs en matière financière

67. Outre le dispositif permettant à l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation de réprimer le non-respect par les professionnels du règlement n° 260/2012 relatif aux virements et prélèvements transfrontaliers (SEPA) que le Conseil d’Etat écarte en raison d’un défaut de consultation préalable (voir point 4) les autres dispositions de ce chapitre ont pour objet :

- d’instaurer des sanctions renforcées en cas de violation des stipulations du règlement eIDAS n° 910/2014 du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et de confier aux agents de la direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes compétence pour rechercher et sanctionner ces infractions ;

- d’habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnance à la mise en conformité du droit national avec le règlement (UE) 2020/1503 du Parlement européen et du Conseil du 7 octobre 2020 relatif aux prestataires européens de services de financement participatif pour les entrepreneurs, ainsi qu’à l’adaptation des règles des activités de financement participatif ne relevant pas du droit de l’Union européenne ;

- de mettre en œuvre le droit d’option prévu par l’article 18 du règlement (UE) 596/2014 sur les abus de marché, modifié par le règlement (UE) 2019/2115, afin d’autoriser les émetteurs dont les instruments financiers sont admis à la négociation sur un marché de croissance des petites et moyennes entreprises à établir leurs listes d’initiés selon un format défini dans les normes techniques d’exécution du même règlement.

Ces dispositions ne se heurtent à aucune objection d’ordre juridique et n’appellent pas d’observations de la part du Conseil d’Etat.

Cet avis a été délibéré et adopté par l’assemblée générale du Conseil d’Etat dans sa séance du 8 avril 2021.