Avis sur un projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique

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Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis rendu par le Conseil d’État sur un projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique

1.    Le Conseil d’Etat, a été saisi le 18 février 2021 d’un projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

Il a reçu des saisines rectificatives le 26 mars, le 8 avril, et le 26 avril 2021, celle du 8 avril ayant pour principal objet de prendre en compte des suggestions ou de répondre à des interrogations du Conseil d’Etat lors des travaux menés devant les sections.

CONSIDERATIONS GENERALES

2.    Ce projet est organisé en huit titres et comporte soixante-dix-sept articles.

Le titre I « La différenciation territoriale », comporte quatre articles.

Le titre II, « La transition écologique », comporte dix articles et trois chapitres, relatifs à la répartition des compétences dans le domaine de la transition écologique (chapitre 1er), aux transports (chapitre 2), à la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité (chapitre 3).

Le titre III, « L'urbanisme et le logement », comporte quinze articles.

Le titre IV, « La santé, la cohésion sociale et l’éducation », comporte onze articles et trois chapitres relatifs à la participation à la sécurité sanitaire territoriale (chapitre 1er), à la cohésion sociale (chapitre 2), à l’éducation (chapitre 3).

Le titre V « Dispositions communes à l’ensemble des textes du présent projet de loi en matière financière et statutaire », comporte deux articles.

Le titre VI « Mesures de déconcentration », comporte cinq articles.

Le titre VII « Mesures de simplification de l’action publique locale », comporte vingt deux articles et trois chapitres relatifs à l’accélération du partage de données entre administrations au bénéfice de l’usager (chapitre 1er), à la simplification du fonctionnement des institutions locales (chapitre 2), à des mesures de simplification de l’action publique locale en matière d’aménagement et d’environnement (chapitre 3), à des mesures de simplification du fonctionnement des établissements publics (chapitre 4), à des mesures liées à l’appel à projets France expérimentation au service de la relance et des activités économiques innovantes (chapitre 5), à la transparence des entreprises publiques locales (chapitre 6).

Le titre VIII « Dispositions relatives à l’outre-mer », comprend huit articles.

3.    Quatre axes mentionnés dans son intitulé inspirent les mesures du projet de loi : différenciation, décentralisation, déconcentration, simplification.

4.    Concernant la décentralisation, conformément au parti pris du Gouvernement et à l’aspiration exprimée par nombre d’élus lors des concertations menées au cours de sa préparation, le projet ne modifie ni les équilibres institutionnels ni ceux de la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales ou entre collectivités territoriales.

Les mesures qu’il comporte sont dès lors d’ampleur limitée. Plusieurs sont mises en œuvre de façon progressive, parfois dans le cadre d’une expérimentation, comme c’est le cas du transfert de certaines routes nationales aux régions, quand d’autres portent sur des sujets ponctuels comme le transfert aux départements de la tutelle des pupilles de l’Etat ou le transfert de la gestion des sites Natura 2000 aux régions. Certaines mesures n’ont pas d’autre objet que d’apporter des précisions ou des clarifications à des compétences existantes. Le Conseil d’Etat a sur ce point veillé à ce qu’il en soit bien ainsi, et proposé de supprimer celles dépourvues de portée normative ou altérant la clarté des règles de définition et de répartition des compétences des collectivités territoriales, souvent déjà excessivement complexes.  

A cet égard, comme il l’avait fait dans son avis n° 393651 du 7 décembre 2017 sur la différenciation des compétences des collectivités territoriales relevant d’une même catégorie et des règles relatives à l’exercice de ces compétences, le Conseil d’Etat rappelle l’importance qui s’attache à la poursuite de l’effort de clarification des compétences engagé par le législateur ces dernières années.   

S’agissant des moyens de ces compétences, à côté de mesures utiles, comme dans le domaine des moyens d’expertise au profit des collectivités territoriales et de leurs groupements, le projet comporte des dispositions de portée limitée en ce qui concerne les personnels de l’Etat dont les fonctions s’exercent dans le cadre de compétences qui sont celles des collectivités territoriales.

Inversement enfin, des mesures opèrent une certaine recentralisation, comme c’est le cas pour le revenu de solidarité active, dans le cadre d’une expérimentation, ou de la politique locale de l’eau.

5.    La différenciation est présentée comme une inspiration majeure du projet, dans la lignée des lois du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace ainsi que de la loi organique n° 2021 467 du 19 avril 2021 relative aux expérimentations mises en œuvre par les collectivités territoriales sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution.  

Son objectif est, dans le respect du principe d’égalité, de reconnaître aux élus davantage de marges de manœuvre pour exercer leurs compétences. La différenciation peut aussi consister à apporter des tempéraments à l’uniformité des règles d’attribution et d’exercice des compétences au sein d’une même catégorie de collectivités territoriales, pour donner une portée plus effective au principe de subsidiarité énoncé au deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution.

Comme le Conseil d’Etat l’avait relevé  dans son avis du 7 décembre 2017 sur la différenciation des compétences des collectivités territoriales relevant d’une même catégorie et des règles relatives à l’exercice de ces compétences, et dans plusieurs autres avis plus récents, la reconnaissance aux collectivités territoriales de marges de manœuvre accrues est de nature à renforcer la démocratie locale et à permettre à celles-ci d’exercer leurs compétences avec une plus grande efficacité, grâce aux responsabilités supplémentaires données aux élus pour innover et adapter leur action aux réalités des territoires ainsi qu’aux besoins de la population et de l’économie.

Le projet comporte quelques mesures qui se rattachent à la différenciation, qui font l’objet d’expérimentations qui, si elles sont concluantes, pourraient se traduire par des dispositifs différenciés, entre régions pour les routes, et entre départements pour le revenu supplémentaire d’activité.

Le Conseil d’Etat constate toutefois l’absence de mesures relatives aux attributions de compétences ou à l’exercice de celles-ci, hormis un article général sans effet normatif, et que les mesures relatives aux leviers des collectivités pour conduire leur action, comme le pouvoir règlementaire ou l’action contractuelle, sont de portée très modeste.

Il souligne cependant que la différenciation ne peut être le fait d’un seul texte particulier. Elle relève bien davantage d’un processus et d’une action au long cours, qui touche à l’élaboration des normes législatives et règlementaires et des politiques contractuelles de l’Etat, auxquelles l’évaluation régulière de leur mise en œuvre et les expérimentations du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution peuvent utilement contribuer.

6.    Le troisième axe du projet est présenté comme reposant sur une plus grande déconcentration. Si des marges de manœuvre accrues données au représentant de l’Etat dans le département et la région, dans l’esprit du décret du 8 avril 2020 relatif à son droit de dérogation, et un renforcement du préfet vis-à-vis des agences et de certains services de l’Etat, peuvent y concourir, le Conseil d’Etat constate toutefois que les mesures du projet, telles celles relatives à l’ADEME ou aux agences de l’eau, consistent à modifier des règles statutaires d’établissements publics, étant rappelé par ailleurs que les mesures de  déconcentration proprement dites relèvent normalement de la compétence du pouvoir règlementaire.

Il y a lieu également de veiller selon le Conseil d’Etat, pour conforter la déconcentration, et aussi la décentralisation, à ce que l’exigence de cohérence des politiques publiques nationales, particulièrement des plus prioritaires, privilégie davantage le recours à des objectifs et ne conduise pas à définir des cadre normatifs et contractuels trop rigides, trop détaillés par des instructions ministérielles, qui brident les initiatives des acteurs locaux, notamment des élus, et peuvent affaiblir l’efficacité des actions conjointes du représentant de l’Etat et des collectivités territoriales dans la déclinaison territoriale de ces politiques.  

7.    Enfin le projet comporte, à côté de diverses mesures de simplification de portée diverse, des mesures importantes concernant des politiques publiques, comme le logement, ou la santé en vue pour celles-ci de tirer des enseignements de la crise sanitaire.

Mais le projet de loi est aussi le vecteur de nombreuses mesures qui, pour utiles qu’elles soient, sont sans lien avec l’intitulé du projet. Dans un souci de clarification le Conseil d’Etat recommande de les regrouper dans un même titre « Dispositions diverses ».

De même, le projet comporte des mesures qui sont tout autant applicables à l’action publique en général qu’à l’action publique locale. Aussi le Conseil d’Etat propose-t-il que l’intitulé du projet soit « projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique ».

8.    L’étude d’impact du projet de loi, parvenue le 26 février et complétée le 30 mars et le 16 avril 2021, répond de manière satisfaisante, pour la plupart des articles du projet de loi, aux exigences de l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34 1, 39 et 44 de la Constitution, sous réserve des observations faites dans les développements qui suivent. Le Conseil d’Etat souligne notamment, à propos des expérimentations prévues par plusieurs mesures du projet, qu’il est de bonne administration que l’étude d’impact comporte des indications suffisamment précises sur les modalités de pilotage et d’évaluation de chaque expérimentation, le principe de l’évaluation figurant dans la mesure elle-même, ce qui garantit qu’à leur issue l’autorité compétente peut décider des suites à leur donner en étant aussi bien éclairée que possible.  

9.    Le Conseil d’Etat constate que le projet de loi a été soumis à l’avis préalable de l’ensemble des instances dont la consultation est obligatoire, certaines instances ayant même été consultées trois fois comme le Conseil national d’évaluation des normes. Son avis, particulièrement riche et motivé, s’il admet que le texte comporte un certain nombre d’avancées concrètes est défavorable au regard tant du caractère jugé limité des dispositions qu’il contient que des sujets qu’ils n’aborde pas. Le Conseil d’Etat souligne aussi l’importance des consultations et des concertations avec les représentants des élus qui ont précédé la transmission du texte au Conseil d’Etat, et qui expliquent plusieurs mesures du projet pratiques et utiles, qui visent, dans des domaines variés, à répondre aux besoins de proximité et d’efficacité exprimés par les élus et les citoyens.

Outre ces remarques liminaires, et les nombreuses améliorations de rédaction, qui s’expliquent d’elles-mêmes, et que le Conseil d’Etat propose de lui apporter, ce projet de loi appelle de sa part les observations suivantes. Il les classe sous les rubriques suivantes :

-    dispositions relatives à la différenciation ;
-    dispositions relatives à la décentralisation ;
-    dispositions relatives à la déconcentration ;
-    mesures de simplification ;
-    mesures relatives à l’urbanisme et au logement ;
-    expérimentations ;
-    dispositions relatives à l’outre-mer ;
-    dispositions diverses ;
-    dispositions n’appelant pas d’observations du Conseil d’Etat,
les deux dernières rubriques étant relatives à plus de la moitié des articles du projet.

DISPOSITIONS RELATIVES A LA DIFFERENCIATION TERRITORIALE

Une première série de mesures vise à permettre de mieux adapter aux spécificités locales l’organisation et l’exercice des compétences des collectivités territoriales.

Affirmation de la différenciation

10.    Elles modifient en premier lieu des dispositions du chapitre 1er : « principe de libre administration » du titre premier du Livre 1er du code général des collectivités territoriales (CGCT).

Les articles de ce chapitre sont organisés par le projet en trois sections nouvelles : la section 1 : « Dispositions générales et exercice différencié des compétences », qui comprend les articles L. 1111 1 à L. 1111 7, la section 2 : « Délégations de compétences », qui comprend les articles L. 1111 8 à L. 1111 8 2, la section 3 : « Exercice concerté des compétences », qui comprend les articles L. 1111 9 à L. 1111 11.

Le projet crée en premier lieu, dans la section 1, un article L. 1111 3 1 nouveau qui vise à affirmer dans la loi que des marges de différenciation sont autorisées dans le respect du principe constitutionnel d’égalité.

Tout en relevant la faible normativité de cette disposition, le Conseil d’Etat n’émet pas d’objection de principe à son insertion dans la section 1 nouvelle du code général des collectivités territoriales : « Dispositions générales et exercice différencié des compétences ».

Il observe d’abord que d’autres articles énonçant des principes généraux relatifs à l’organisation et aux compétences des collectivités territoriales figurent dans cette même section du chapitre 1er : « Principe de libre administration », comme l’article L. 1111 3 qui rappelle la limite constitutionnelle s’imposant aux lois relatives aux compétences des collectivités territoriales, selon laquelle « La répartition de compétences entre les communes, les départements et les régions ne peut autoriser l'une de ces collectivités à établir ou exercer une tutelle, sous quelque forme que ce soit, sur une autre d'entre elles. »

Cette disposition du projet fait ensuite écho à l’avis du Conseil d’Etat du 7 décembre 2017 sur la différenciation des compétences des collectivités territoriales ainsi qu’aux finalités nouvelles assignées par la loi organique du 19 avril 2021 aux expérimentations conduites par les collectivités territoriales. L’objectif de différenciation a enfin été mis en œuvre par la loi du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace.

Le Conseil d’Etat propose toutefois de modifier la rédaction de cette disposition.

Il considère, d’une part, que celle-ci ne doit pas être conçue comme une explicitation du principe constitutionnel d’égalité appliqué à la loi, mais comme l’énoncé de l’objectif que se donne le législateur pour mieux tenir compte, dans le respect du principe d’égalité, des différences de situations, en vue de donner plus de souplesse au cadre de l’action des collectivités territoriales. D’autre part, pour mieux expliciter la portée de la différenciation, il précise que celle-ci peut s’appliquer aux lois relatives à l’exercice des compétences et qu’elle concerne des dispositions applicables à des collectivités territoriales appartenant à la même catégorie.

Délégations de compétence

11.    En second lieu, dans la section 3 nouvelle du même chapitre « Exercice concerté des compétences », le projet complète l’article L. 1111 9 1, relatif aux conférences territoriales de l’action publique, au sein desquelles, en application du V de l’article L. 1111 9, sont débattues, en vue de leur bonne organisation dans la région, les modalités de l'action commune des collectivités territoriales et de leurs groupements, particulièrement au travers du recours par les collectivités à certaines délégations de compétences.  

Le IX ajouté dans l’article L. 1111 9 1 a pour objet de permettre des délégations de compétences portant sur la réalisation de projets structurants pour les territoires.

Le principe de telles délégations est inscrit à l’ordre du jour de la conférence par le président du conseil régional dans les douze mois suivant le renouvellement des conseils régionaux. Le préfet de région participe à cette conférence et propose aux collectivités et à leurs groupements des projets en ce sens. Si la résolution adoptée par la conférence est favorable, les collectivités intéressées peuvent alors conclure la délégation portant sur la réalisation du projet structurant en question. Le Conseil d’Etat interprète cette disposition comme donnant un pouvoir de blocage à la conférence, au moins théorique.

Le Conseil d’Etat souscrit à l’objectif de ce dispositif, qui vise à favoriser l’exercice concerté des compétences des collectivités territoriales pour la réalisation de projets structurants. Il relève que si les dispositions en vigueur n’interdisent pas les délégations de compétence partielles, portant sur un projet déterminé, la mesure du projet a toutefois le mérite de créer un cadre juridique clair, propre à les faciliter. Y concourent en effet :

- la convocation par le président du conseil régional, à un terme fixé par la loi, d’une conférence territoriale de l'action publique à l'ordre du jour de laquelle est mis au débat le principe de délégations de compétences portant sur la réalisation de projets structurants pour les territoires ;

- la possibilité, explicitement reconnue, de délégations de compétences partielles, pour la seule réalisation de ces projets ;

- le rôle particulier donné au préfet de région au sein de la conférence pour proposer aux collectivités territoriales des projets structurants, le préfet ayant même, selon les termes du projet, l’obligation de proposer à celles-ci des projets, obligation de proposition de projets qui paraît de bonne administration eu égard aux responsabilités qui sont les siennes dans la région, à la nature des relations entre l’Etat et les collectivités territoriales, et à l’étendue des régions.

Le Conseil d’Etat interprète ces dispositions comme ne conférant pas au préfet un rôle exclusif pour proposer des projets structurants. Les collectivités territoriales pourront également en proposer devant la conférence.

Le Conseil d’Etat propose enfin d’apporter les compléments suivant à la mesure :

- les délégations pourraient porter non seulement sur la réalisation de projets structurants, mais aussi sur leur gestion ;

- la convention définissant les conditions de la délégation devrait prévoir les modalités d’information de la collectivité délégante par la collectivité délégataire ainsi que celles des résiliations survenant avant le terme décidé.

Pouvoir règlementaire des collectivités territoriales

12.    Le projet de loi comporte en troisième lieu des dispositions qui étendent le pouvoir règlementaire des collectivités territoriales.

Il modifie d’abord l’article L. 123 6 du code de l’action sociale et des familles, qui prévoit que les membres élus et les membres nommés le sont en nombre égal au sein du conseil d'administration du centre d'action sociale, pour préciser que «, leur nombre est fixé par délibération du conseil de la collectivité ou de l'établissement public de coopération intercommunale ».

Le Conseil d’Etat relève que les articles R. 123 7 et R. 123 9 du même code prévoient d’ores et déjà que le nombre de ces membres est fixé par délibération de la collectivité ou de l’établissement public, mais dans la limite d’un nombre maximum.

La disposition du projet supprime donc cette limite tout en érigeant au niveau législatif la compétence de l’organe délibérant pour fixer ce nombre. La partie réglementaire du code de l’action sociale et des familles devra être modifiée en conséquence.

Le projet donne ensuite compétence au pouvoir règlementaire, respectivement du maire et du conseil municipal pour fixer des règles aujourd’hui déterminées par décret dans deux autres domaines particuliers :

- le délai de publication de la liste des terrains qui n'ont pas fait l'objet d'une mise en défens et du nombre de bestiaux admis au pâturage et au panage, en modifiant à cette fin l’article L. 241 11 du code forestier ;

- le régime de redevance d’occupation du domaine public de la commune pour travaux, en modifiant à cet fin l’article L. 2333 84 du code général des collectivités territoriales.

Dans ces deux cas le projet encadre le pouvoir règlementaire local :

- pour l’application de l’article L. 241 11 du code forestier, le maire doit fixer un délai compatible avec la communication par l’Office national des forêts ;

- pour l’application de l’article L. 2333 84 du code général des collectivités territoriales, le conseil municipal doit tenir compte notamment de la durée de l'occupation et de la valeur locative de l'emplacement occupé ; le Conseil d’Etat propose de supprimer ces conditions que les collectivités appliqueront d’elles-mêmes, conformément aux prescriptions du Code général de la propriété des personnes publiques.

Ces mesures appellent les observations générales suivantes.

Les dispositions modifiées par le projet sont d’abord illustratives de la place trop souvent insuffisante laissée par la loi et les décrets d’application au pouvoir règlementaire des collectivités territoriales.

Comme le Conseil d’Etat l’avait souligné dans ses avis mentionnés au point 5, un pouvoir règlementaire plus étendu des autorités locales dans l’exercice de leurs compétences permet de donner :

- davantage de marges de manœuvre aux élus pour mieux adapter leur action aux réalités des territoires ainsi qu’aux besoins de la population, conformément à l’objectif de différenciation ;

- et une portée plus effective au principe de subsidiarité et au pouvoir réglementaire des collectivités territoriales, affirmés au deuxième et troisième alinéas de l’article 72 de la Constitution.

Mais le Conseil d’Etat ne peut que constater le caractère particulièrement limité et ponctuel des mesures au regard de l’ambition affichée par le projet dans son intitulé et son exposé des motifs. Afin de donner au pouvoir règlementaire des autorités locales davantage de place, et sans préjudice des enrichissements qui pourraient être apportés au projet au cours de la procédure parlementaire, le Conseil d’Etat suggère au Gouvernement de veiller à la traduction de cet objectif à l’occasion de prochains projets de loi comportant des mesures concernant des compétences de collectivités territoriales, si ces mesures s’y prêtent. La même attention pourrait être apportée à la rédaction des décrets d’application. Il souligne qu’il importe également d’être attentif à l’existence de règles nationales supplétives au cas où certaines collectivités locales ne s’empareraient pas du pouvoir réglementaire qui leur est accordé.

DISPOSITIONS RELATIVES A LA DECENTRALISATION

Pétition des électeurs

13.    Le projet de loi modifie d’abord l’article L. 1112 16 du code général des collectivités territoriales relatif à la consultation des électeurs.

Il apporte trois changements :

- la division par deux du nombre d’électeurs requis pour demander que soit inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante de la collectivité l'organisation d'une consultation sur toute affaire relevant de la décision de cette assemblée : un dixième au lieu d’un cinquième dans une commune aujourd’hui, et un vingtième au lieu d’un dixième actuellement dans les autres collectivités territoriales ;

- l’élargissement de l’objet de la pétition, celle-ci pouvant saisir la collectivité non seulement d’une demande de consultation mais aussi d’une demande invitant son assemblée délibérante à délibérer dans un sens déterminé sur une affaire relevant de sa compétence ;

- l’obligation faite à l'assemblée délibérante de la collectivité de se prononcer sur la recevabilité de la pétition par une décision motivée, qui peut faire l'objet d'un recours devant le tribunal administratif, la décision de donner suite ou non à la pétition recevable revenant au conseil municipal ou à l’assemblée délibérante.

Le Conseil d’Etat estime que ces mesures sont de nature à faciliter la pratique des consultations d’électeurs.   

Toutefois, il s’interroge sur la pertinence du seuil retenu pour les communes les plus peuplées, dans lesquelles bien qu’abaissé il demeure beaucoup plus difficile à atteindre que dans les autres communes et même dans certains départements, alors que le seuil pour ces derniers est plus bas. Sans être en mesure de proposer des modifications sur ce point, faute de disposer d’éléments le lui permettant, le Conseil d’Etat invite le Gouvernement à engager une réflexion sur ce point. Il l’invite aussi à compléter l’étude d’impact en donnant des informations sur la pratique de la mise en œuvre des articles L. 1112 15 à L. 1112 23 au cours des années passées.

Compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la transition énergétique

14.    Les mesures du projet de loi présentées comme relatives à la répartition des compétences en matière de transition écologique modifient des dispositions du code général des collectivités territoriales sur les compétences qui sont partagées entre les régions, les départements et les communes, et pour l’exercice desquelles l’article L. 1111 9 désigne une collectivité territoriale chef de file, ainsi que, par voie de conséquence, les articles L. 3211-1 et L. 4211-1, relatifs, respectivement, aux compétences du département et de la région.

Le Conseil d’Etat propose la suppression de ces dispositions.

Il constate en premier lieu que sont d’ordre formel, et sans portée juridique sur la répartition des compétences entre les collectivités territoriales :

- s’agissant de la région, les dispositions du projet qui ajoutent « la planification de la transition et de l'efficacité énergétiques » et « la coordination et l'animation de l'économie circulaire » à l’article L. 1111 9 et, à l’article L. 4211 1, sa contribution « à la transition écologique (…) dans le cadre des compétences que lui attribue la loi (…) », du fait des compétences que la région tient de l’article L. 4251 1 en vigueur sur le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires de la région ;
- s’agissant du département, les dispositions du projet introduisant dans l’article L. 1111 9 les « actions de transition écologique concernant la santé, l'habitat et la lutte contre la précarité en lien avec les compétences dévolues au département » et, à l’article L. 3211 1 sa contribution « à la transition écologique (…) dans le cadre des compétences que lui attribue la loi (…) », alors que ces actions peuvent être déjà conduites dans le cadre de ces articles en vigueur.
De surcroit l’article L. 1111 2 dispose que les collectivités territoriales dans le cadre de leurs compétences « concourent avec l'Etat à l'administration et à l'aménagement du territoire, au développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique, à la promotion de la santé (…) ainsi qu'à la protection de l'environnement, à la lutte contre l'effet de serre par la maîtrise et l'utilisation rationnelle de l’énergie (…) ».

S’agissant en second lieu de la commune le projet modifie l’article L. 1111 9 pour faire de celle-ci le chef de file dans les domaines de la « transition énergétique au plan local » et de « la gestion de l'eau, de l'assainissement des eaux usées, des eaux pluviales urbaines et de la gestion des déchets ». Ces dispositions qui tendent à faire de la commune le chef de file pour des compétences qu’elle ne partage pas toutes, avec la région ou le département, n’ont pas leur place dans l’article L. 1111 9.

Outre ces objections, le Conseil d’Etat considère que doit être évitée, d’une manière générale, l’insertion dans celles des dispositions du code général des collectivités territoriales qui ont pour objet de répartir précisément les compétences entre les collectivités territoriales, d’expressions et de termes généraux empruntés à d’autres législations, ayant moins pour objet d’identifier un champ d’intervention de l’action publique que d’affirmer un ou des objectifs de politique publique.

Comme le projet en apporte la démonstration, une telle insertion, sans ici modifier les capacités d’action qu’offre le droit en vigueur aux régions départements et communes, altère la lisibilité de la répartition des compétences entre ces collectivités, répartition déjà complexe par ailleurs.

Ne présenterait pas les mêmes inconvénients, selon le Conseil d’Etat, une insertion de la référence aux objectifs de la transition écologique et de l’économie circulaire dans l’article L. 1111 2 du code général des collectivités territoriales, dont les dispositions énoncent en termes généraux divers objectifs de politiques publiques à la réalisation desquels les collectivités territoriales concourent. Il propose de substituer à la mesure du projet cette modification de l’article L. 1111 2 qui permet d’affirmer dans le code, dans les dispositions générales qui s’y prêtent, ces objectifs d’intérêt général prééminents, qui doivent, eu égard aux enjeux cruciaux qui sont en cause, orienter l’exercice de toutes leurs compétences par les collectivités territoriales.  

Transfert de routes nationales non concédées aux départements et aux métropoles

15.    Voici près de cinquante ans, l’Etat a entrepris de transférer les routes nationales d’intérêt local aux départements. Ils sont devenus propriétaires de 55 000 km de voies en 1972. La loi n° 2004 809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales leur a transféré 18 000 km supplémentaires, avec les personnels et moyens correspondants. Plus récemment, la loi n° 2019 816 du 2 août 2019 relative à la collectivité européenne d’Alsace, issue de la fusion des anciens départements, lui a transféré les routes et autoroutes non concédées du domaine public routier national situées sur son territoire, sous réserve de celles attribuées à l’eurométropole de Strasbourg.

Le législateur est également intervenu à plusieurs reprises afin de prévoir, à titre obligatoire ou facultatif selon les cas, le transfert des compétences relatives à la voirie communale aux communautés de communes, urbaines et d’agglomération et aux métropoles. Diverses dispositions prévoient, en outre, la possibilité d’opérer des transferts de voirie départementale aux communautés urbaines et aux métropoles.

Le projet de loi a pour objet, en tenant compte de la montée en puissance de ces établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre en matière d’organisation des mobilités, de parachever la décentralisation de la voirie nationale. Il prévoit le transfert d'une grande partie des routes nationales non concédées relevant encore de l’Etat aux départements et aux métropoles, s’ils le demandent. L’objectif est d’aménager et gérer ces infrastructures, à un niveau pertinent situé plus près des usagers.

Cette réforme marque une étape importante dans l’organisation de la voirie routière. La logique rappelée par la décision du Conseil d’Etat statuant au contentieux du 23 mai 2007 Département des Landes et autres, n° 288378, selon laquelle le maintien d’une route dans la voirie nationale résulte de ses fonctionnalités, et non de ses caractéristiques, est respectée mais avec un resserrement marqué des critères pris en compte. Les seuls itinéraires fonctionnels que l’Etat entend conserver à terme sont ceux qui sont essentiels pour l’exercice des prérogatives régaliennes de l’Etat, notamment en matière militaire, de sûreté et de gestion de crise, ceux s’inscrivant dans un maillage reliant la capitale aux territoires et les territoires entre eux, enfin ceux constituant un maillon central du réseau transeuropéen.

Le projet de loi fixe la procédure de transfert en pleine propriété des routes, avec leurs dépendances et accessoires, débutant par un décret fixant la liste des ouvrages concernés. Il appartient ensuite aux collectivités de se porter candidates, les métropoles bénéficiant d’un droit de priorité. Le transfert est par lui-même sans incidence sur le statut des routes (voie express ou à grande circulation, autoroute).

Sont également transférés les biens liés à l’exploitation de ces voies. Cela concerne notamment, outre les terrains acquis pour les aménagements futurs et divers équipements, les « centres d’entretien et d’intervention » et leurs points d’appui. Est prévu le cas des biens utilisés à la fois pour des voies transférées et non transférées, ou susceptibles de concerner plusieurs collectivités bénéficiant d’un transfert de voirie. Des conventions conclues entre les acteurs concernés permettront d’organiser de façon rationnelle leur utilisation.

Ces dispositions, qui sont inspirées de précédents transferts de compétence, n’appellent pas d’observations du Conseil d’Etat.

Le projet de loi traite aussi du transfert des personnels d’exploitation. Cela concerne, en particulier, les ouvriers des parcs et ateliers, agents de droit public à statut spécial dont le cadre a été mis en extinction, mais avec diverses garanties.

Il est renvoyé, à cet effet, à un autre article du projet de loi fixant les règles applicables aux personnels en cas de transfert de compétence, qui prévoit, par référence à la loi n° 2014 58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, que doit être conclue dans les trois mois à compter de la date du transfert une convention entre l’Etat et la collectivité concernée, afin de fixer la liste des services ou parties de services transférés. Dans l’attente de sa signature, les services concernés reçoivent leurs instructions des collectivités. A défaut d’accord, la liste des services ou parties de services transférés est arrêtée par les ministres intéressés, après avis d’une commission nationale de conciliation.

Il convient d’adapter cette procédure. Il ne s’agit pas, en effet, de transférer des blocs de compétences, mais des tronçons linéaires de routes. La plupart des agents d’exploitation sont affectés dans des centres d’entretien et d’intervention dont une partie seulement sera décentralisée, parfois au profit de plusieurs collectivités. Il sera donc nécessaire de procéder à l’examen de la situation des personnels non pas au niveau de chaque service ou partie de service, comme cela se fait habituellement, mais de chaque agent. C’est la raison pour laquelle la convention devra être conclue entre l’Etat et la collectivité avant le transfert de compétences et au terme de diverses consultations, notamment des comités sociaux. En l’absence d’accord, il n’y a pas de transfert des agents, mais une compensation financière, le nombre d’emplois pris en compte étant, dans ce cas, fonction de la surface de chaussées transférée.

Les pouvoirs de police de la circulation sur les voies transférées seront respectivement exercés par les exécutifs locaux concernés, à l’exception des autoroutes où ils relèvent du représentant de l’Etat.

Est prévu l’avis du représentant de l’Etat en cas de modification substantielle des caractéristiques techniques des autoroutes mises à disposition et des passages en surplomb des autoroutes.

Transfert de la maîtrise d’ouvrage d’opérations d’aménagement du réseau routier national revêtant un intérêt local aux régions, départements, métropoles et communautés urbaines

16.    Le projet crée un article L. 121 5 dans le code de la voirie routière afin de permettre à l’Etat de transférer la maîtrise d’ouvrage d’opérations d’aménagement du réseau routier national non concédé aux régions, départements, métropoles et communautés urbaines. Sont concernés notamment des projets de déviation ou de contournement présentant un intérêt local fort mais non prioritaires pour l’Etat.

Cette mesure n’appelle pas d’objection de principe. Il s’agit d’une simple faculté, insusceptible de porter atteinte à la libre administration des collectivités territoriales et qui poursuit un but d’intérêt général. Cette mission de maîtrise d’ouvrage ne donnant lieu à aucune rémunération de la collectivité concernée n’entre pas, en tout état de cause, dans le champ de la commande publique.

Il relève cependant que cette mesure s’analyse comme une nouvelle dérogation à l’interdiction faite au maître d’ouvrage de déléguer ses attributions. Il complète, en conséquence, le projet en modifiant l’article L. 2411 1 du code de la commande publique afin d’y ajouter cette dérogation.

Il relève, par ailleurs, que les obligations afférentes à la maîtrise d’ouvrage, telles qu’elles résultent notamment de l’article L. 2421 1 du code de la commande publique, sont lourdes et représentent environ 1 % en moyenne du coût des opérations concernées selon les informations communiquées. Une charge incombant normalement à l’Etat pèsera donc sur les collectivités concernées. Le Conseil d’Etat estime, toutefois, qu’aucune règle ni principe constitutionnel n’impose de prévoir, dans ce cas, une compensation financière.

Il ne s’agit pas, en effet, de transférer une compétence, mais de confier, à titre temporaire, à des collectivités, à seule fin de faciliter la réalisation d’un projet routier déterminé, les responsabilités de maîtrise d’ouvrage. Si les infrastructures concernées sont susceptibles d’être rattachées à la voirie de l’Etat, la décision de les réaliser à titre prioritaire, compte tenu de l’intérêt local caractérisé qu’ils présentent, en assumant, à leurs frais, ces responsabilités, procèdera du libre choix des collectivités concernées.

Il résulte, en outre, de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat statuant au contentieux que l’article 72 2 de la Constitution impose de prendre en compte, pour le calcul de la compensation financière due en cas de transfert, les ressources, en fonctionnement et en investissement, correspondant aux charges liées à la gestion du domaine routier existant à la date du transfert et non de compenser celles résultant du développement de celui-ci. Un tel mécanisme d’évaluation des charges, fondé sur des coûts d’investissement et de fonctionnement historiques, ne semble pas transposable au cas prévu par le projet de loi, qui concerne de futurs projets d’extension du réseau routier.

Il convient, au demeurant, d’observer que la charge financière des investissements routiers est le plus souvent partagée entre plusieurs personnes publiques, notamment dans le cadre des dispositifs de co financement prévus dans les contrats de plan entre l’Etat et les régions, et se trouve alors déconnectée de la question de savoir quel est le propriétaire des voies.

Transferts de gestion et de propriété aux collectivités territoriales ou à leurs groupements de petites lignes ferroviaires

17.    Le projet de loi comporte des dispositions qui visent à faciliter les transferts de gestion et de propriété aux collectivités territoriales ou à leurs groupements de petites lignes ferroviaires et des infrastructures qui y sont liées.

Il modifie, d’une part, le code des transports, pour les dispositions relatives à la gestion des lignes, d’autre part, le code de la propriété des personnes publiques pour les dispositions relatives aux transferts de propriété d’infrastructures ferroviaires ou d’installations de service appartenant à l’Etat.

Il procède essentiellement à des ajustements, en renforçant ce qui a déjà été largement engagé par des dispositions antérieures, en particulier la loi n° 2018 515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire et l’ordonnance n° 2019 552 du 3 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au groupe SNCF.

Le Conseil d’Etat s’est assuré que les transferts ainsi permis respectent les dispositions de la directive 2012/34 du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen, modifiée par la directive (UE) 2016/2370 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016.

Mise à disposition des collectivités territoriales et de leurs délégataires de salariés de SNCF Réseau et de SNCF Gares et Connexions

18.    Le projet de loi modifie le code des transports aux fins d’aménager les conditions dans lesquelles les salariés de SNCF Réseau et, le cas échéant, ceux de SNCF Gares et Connexions peuvent être mis à disposition des collectivités territoriales ou de leurs délégataires lorsqu’est transférée à cette collectivité la propriété ou la gestion de certaines lignes ferroviaires. Il prévoit de fixer à vingt ans la durée maximale pendant laquelle les salariés de ces entreprises peuvent faire l’objet d’une telle mise à disposition et permet de conclure une convention de mise à disposition commune pour plusieurs agents.

19.    Le Conseil d’Etat estime qu’eu égard à leur objet, ces dispositions, qui dérogent en particulier aux règles concernant la durée de la mise à disposition, doivent être soumises au préalable à la consultation de la Commission nationale de la négociation collective, de l'emploi et de la formation professionnelle. Il constate que la commission a été consultée le 28 avril 2021.

20.    Le projet de loi rappelle d’abord que, sous réserve des dispositions spécifiques qu’il introduit, ces mises à disposition s’effectuent dans les conditions générales prévues par l’article L. 8241-2 du code du travail et l’article 61 2 de la loi du 26 janvier 1984 portant statut de la fonction publique territoriale.

Le Conseil d’Etat propose sur ce point de clarifier la rédaction initialement envisagée afin de mieux faire apparaître que les dispositions de l’article L. 8241 2 du code du travail ont également vocation à s’appliquer aux salariés mis à disposition d’une collectivité territoriale, en complément de celles de l’article 61 2 de la loi du 26 janvier 1984, tandis que l’article L. 8241 2 du code du travail est seul applicable aux salariés mis à disposition des délégataires auxquels ces collectivités confient tout ou partie de leurs missions de gestion des lignes.

21.    Le projet de loi fixe ensuite, comme cela a été dit, à vingt ans la durée maximale pendant laquelle les salariés concernés peuvent être mis à disposition des collectivités territoriales. Le Conseil d’Etat estime, en premier lieu, que cette disposition ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel et est justifiée par la longue durée sur laquelle portent les transferts de gestion des lignes ferroviaires aux collectivités territoriales. Il recommande cependant, par dérogation à l’article L. 8241 2 du code du travail qui prévoit que la durée de la mise à disposition doit figurer uniquement dans la convention de mise à disposition conclue entre l’employeur du salarié et l’employeur auprès duquel il est mis à disposition, d’imposer la mention de cette durée dans l’avenant au contrat de travail du salarié concerné. En effet, eu égard à la durée maximale particulièrement longue de cette mise à disposition, il apparaît préférable de prévoir qu’elle figure parmi les caractéristiques principales de la mise à disposition qui doivent, en application du 3° de l’article L. 8241 2, être précisées au sein de l’avenant soumis à la signature du salarié.

Le Conseil d’Etat note, en second lieu, que ni l’article L. 8241 2 du code du travail, ni l’article 61 2 de la loi du 26 janvier 1984, ni aucune autre disposition législative à caractère général n’encadre la durée des conventions de mise à disposition à titre non lucratif. Il relève cependant qu’en l’espèce, le législateur entend autoriser des mises à disposition pour une durée particulièrement longue et que le Gouvernement entend en outre, conformément à la recommandation qui lui a été faite par le Conseil d’Etat, imposer également la mention de la durée de la mise à disposition dans l’avenant au contrat de travail des salariés concernés. Dans ces circonstances particulières, il considère que la définition d’une durée maximale de mise à disposition de vingt ans est au nombre des principes fondamentaux du droit du travail au sens de l’article 34 de la Constitution et que, partant, le législateur est compétent pour fixer une telle durée maximale.

22.    Le projet de loi prévoit enfin la possibilité, pour SNCF Réseau et SNCF Gares et Connexions, d’une part, les collectivités territoriales et leur délégataire éventuel, d’autre part, de conclure une convention de mise à disposition commune à plusieurs agents.

Le Conseil d’Etat estime que la rédaction de l’article L. 8241 2 du code du travail laisse subsister une incertitude sur le point de savoir si ces dispositions imposent la conclusion d’une convention de mise à disposition par salarié. S’il observe à cet égard que le décret n° 2008 580 du 18 juin 2008 relatif au régime de la mise à disposition applicable aux collectivités territoriales et aux établissements publics administratifs locaux, pris pour l’application de l’article 61 2 de la loi du 26 janvier 1984, pose déjà une règle analogue, il relève, en revanche, qu’une telle disposition a été introduite par un article législatif (art. 52 de la loi n° 2020 734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne) dans le contexte de la crise sanitaire. Il considère en conséquence que l’intervention du législateur pour sécuriser juridiquement sur ce point les conventions de mise à disposition est justifiée. Il estime que, sur le fond, ces dispositions ne se heurtent à aucun obstacle juridique.

Compétence des collectivités territoriales et leurs groupements pour installer des appareils de contrôle automatique des véhicules sur la voirie   

23.    Les appareils de contrôle automatique, tels que les radars routiers permettant la verbalisation des excès de vitesse et des franchissements de feux rouges, sont régis par l’article L. 130 9 du code de la route. Ils sont soumis à homologation. La procédure d’infraction, sanctionnée par une amende forfaitaire, est simple et efficace. Les constatations font foi jusqu’à preuve contraire et peuvent faire l’objet d’un procès-verbal revêtu d’une signature manuelle numérisée. Un arrêté ministériel précise les conditions de gestion et d’utilisation des appareils et des données obtenues.
 
Le traitement des constatations des radars est confié à un service à compétence nationale commun à la police nationale et à la gendarmerie, le Centre automatisé de constatation des infractions routières (CACIR). Un établissement public de l’Etat, l’Agence nationale des traitements automatisés des infractions (ANTAI), est notamment chargé de la préparation et de l'envoi des avis de contraventions ou d'amendes forfaitaires délictuelles établis dans le cadre du traitement automatisé des infractions.

L’installation des appareils, qui ne procède pas d’une décision formelle selon les informations communiquées, résulte d’échanges entre le représentant de l’Etat et la délégation à la sécurité routière, au vu des études d’accidentologie et des résultats d’une concertation locale et d’une visite sur site.  

L’objet du projet de loi, en modifiant l’article L. 130 9 du code de la route, est de donner compétence aux collectivités territoriales et à leurs groupements pour en décider l’installation.

Si le principe d’une mesure destinée à favoriser l’installation de nouveaux appareils de contrôle n’appelle pas d’objection, le Conseil d’Etat relève cependant que le projet du Gouvernement ouvre cette faculté à l’ensemble des collectivités territoriales et de leurs groupements, y compris en dehors des routes dont ils sont gestionnaires, sans prévoir de mesure de coordination. Une telle orientation est de nature à soulever de sérieuses difficultés, alors que l’étude d’impact ne comporte aucune analyse étayée de ses conditions de mise en œuvre.

Le Conseil d’Etat a envisagé, pour traduire les objectifs du Gouvernement, de limiter cette faculté aux collectivités et groupements gestionnaires de voirie, sur les routes dont ils sont gestionnaires, en prévoyant que leur décision serait précédée, afin d’assurer une implantation cohérente des appareils, d’un avis du représentant de l’Etat.

Mais faute d’être éclairé sur les intentions du Gouvernement, s’agissant notamment des collectivités concernées, des modalités de traitement des données relevées par les appareils et des suites pénales à y apporter, il n’a pas été mis à même d’apporter au projet les précisions requises.

En premier lieu, il ne dispose d’aucune indication sur le périmètre des collectivités concernées, en particulier sur le point de savoir si, et dans quelles conditions, les régions sont susceptibles d’être concernées par cette mesure, au titre de l’expérimentation du transfert de gestion de la voirie nationale prévue par ailleurs dans le projet de loi. Ni les dispositions relatives à cette expérimentation, ni l’exposé des motifs, ni l’étude d’impact n’évoquent ni n’excluent cette possibilité, qui risque de se heurter à des difficultés pratiques, compte tenu du caractère novateur et de la complexité de cette expérimentation permettant des transferts de gestion croisés avec les départements.

En deuxième lieu, si le Gouvernement a indiqué qu’il n’entendait pas étendre la compétence du CACIR pour assurer le traitement des constatations effectuées par ces appareils et envisageait de confier cette mission aux agents de police municipale et gardes champêtres, dans le cadre de centres locaux automatisés de constatation des infractions routières créés par les communes ou leurs groupements, il n’a pu fournir d’explications sur les conditions d’organisation et de fonctionnement de ces centres et, en particulier, leurs relations avec les départements et les régions qui auraient décidé d’installer ces appareils sur leur voirie et ne pourraient les mettre en service en l’absence de centre local. Le Conseil d’Etat ne peut s’assurer que l’interdiction énoncée à l’article 72 de la Constitution qu’une collectivité territoriale exerce une tutelle sur une autre sera respectée. Il s’interroge, en outre, sur la pertinence d’un choix conduisant les communes ou leurs groupements à créer chacun leur propre centre de traitement des constatations, avec des moyens humains et informatiques conséquents, quand des considérations d’efficacité et de préservation des deniers publics plaident plutôt pour la mise en place d’un dispositif commun.

En dernier lieu, le Gouvernement n’a pas davantage été en mesure de préciser les suites pénales à donner à ces constatations, dont il a seulement été indiqué qu’elles ne relèveraient pas nécessairement de la compétence de l’ANTAI.

Le renvoi à un décret en Conseil d’Etat afin de préciser les « conditions de l’installation des appareils et de traitement des constatations par les agents de police municipale et les gardes champêtres » ne peut suppléer les insuffisances du projet et le défaut d’instruction préalable dont il souffre, ni régler la question du traitement des amendes pénales.

En conséquence, le Conseil d’Etat ne peut retenir ces dispositions.

Délégations de l’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie aux régions en matière d’aides

24.    Le projet de loi modifie, d’une part, la composition du conseil d’administration de l’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (ADEME) pour permettre d’y faire siéger trois représentants des collectivités territoriales ou des établissements publics de coopération intercommunale au lieu de trois représentants de collectivités territoriales. Une telle évolution est cohérente avec celles des compétences des intercommunalités dans les domaines d’action de l’ADEME.

Le projet tend, d’autre part, à ce que les régions attribuent une partie des aides versées actuellement par l’ADEME au titre du fonds « chaleur », destiné à soutenir les projets de développement de la valorisation énergétique des déchets non recyclables, et du fonds « économie circulaire », consacré au soutien d’opérations visant notamment l’allongement de la durée de vie et l’éco conception des produits ou la lutte contre le gaspillage alimentaire.

Le projet dont a été saisi le Conseil d’Etat fait le choix non pas d’un transfert de compétence par l’Etat, au sens de l’article 72 2 de la Constitution, mais d’une « délégation » (dite « de gestion » dans l’étude d’impact), à laquelle il donne un caractère obligatoire, entre un établissement public et une collectivité territoriale.

Un tel choix ne peut être retenu compte-tenu de la contradiction interne qu’il comporte. Le caractère obligatoire de la délégation, qui l’apparente à un transfert de compétences, lequel devrait être réalisé dans les conditions prévues à l’article 72-2 de la Constitution, ne peut, en effet, se concilier avec l’accord de volontés qu’implique sa mise en œuvre, qui l’apparente à une délégation de compétences ou de gestion, lesquelles interviennent à la demande de la personne délégataire.

Ainsi, les articles L. 1111 8 à L. 1111 8 2 du code général des collectivités territoriales permettent des délégations de compétences entre collectivités territoriales, entre ces collectivités et les établissements public de coopération intercommunale (EPCI), ou entre l’Etat et les collectivités territoriales, mais toujours à la demande du délégataire. La compétence est alors exercée au nom et pour le compte de la personne publique attributaire par la loi de la compétence et qui la délègue. Une convention entre le délégant et le délégataire fixe la durée et définit les objectifs à atteindre ainsi que les modalités du contrôle de l'autorité délégante sur l'autorité délégataire. Dans les domaines de compétences partagées, l'Etat, une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre peut, par convention, déléguer l'instruction et l'octroi d'aides ou de subventions à l'une des personnes publiques précitées, toujours sur demande du délégant et avec un contrôle de l’exécution de la délégation.

Une possibilité de délégation associant un établissement public national est prévue dans le domaine des aides au logement : l’article L. 301 5 1 du code de la construction et de l’habitation prévoit ainsi que certains EPCI peuvent demander à l’Etat qu’il lui délègue les compétences d’attribution des aides en faveur de l’habitat privé et la signature des conventions d’aides aux propriétaires bailleurs par délégation de l’Agence nationale de l’Habitat (ANAH). Ainsi, l’EPCI agit à la place de l’établissement public exerçant habituellement la compétence comme opérateur de l’Etat. Mais, à la différence du projet du Gouvernement relatif à l’ADEME, c’est sur le fondement d’une demande de l’EPCI et, subsidiairement, c’est l’Etat qui opère la délégation et non l’établissement public directement.

Le Conseil d’Etat estime donc qu’il convient de modifier la rédaction de l’article, en ayant une formulation plus cohérente avec celle de l’article L. 131 6 du code de l’environnement dans lequel il s’insère, en ajoutant que la délégation intervient sur demande de la région, et en précisant la nature des principaux éléments que la convention devra contenir.

Police de l’accès aux espaces protégés

25.    Le projet de loi vise à permettre de réglementer ou interdire l’accès et la circulation des personnes, véhicules et animaux domestiques aux espaces protégés au titre des livres III (littoral, parcs et réserves, sites inscrits et classés, paysages, accès à la nature, trame verte et bleue) et IV (patrimoine naturel, faunistique et floristique, chasse et pêche) du code de l’environnement.

Il existe déjà des possibilités de réglementer les accès à certains de ces espaces, en particulier ceux faisant partie du domaine du Conservatoire du littoral, des parcs nationaux et des réserves naturelles.

Le projet de loi ajoute une base légale générale, subsidiaire par rapport aux pouvoirs de police spéciaux préexistants. Il confie ce pouvoir de police au maire et au représentant de l’Etat dans le département lorsque la mesure excède le territoire d’une seule commune, dans ce cas après avis des maires des communes concernées.

Sur la suggestion du Conseil d’Etat, le Gouvernement a ajouté dans son projet, par une saisine rectificative, le pouvoir du préfet de se substituer au maire en cas de carence et après mise en demeure restée sans résultat. Le Conseil d’Etat estime, en effet, qu’eu égard à l’objet de la mesure - la protection de la nature, qui participe à l’objectif à valeur constitutionnelle de préservation de l’environnement - il y a un intérêt général justifiant la possibilité d’un tel pouvoir de substitution.

Financement des établissements de santé par les collectivités territoriales

26.    Le projet de loi insère dans le code de la santé publique des dispositions autorisant les communes et leurs groupements, les départements et les régions à participer au financement du programme d’investissement des établissements de santé publics et privés.

Le Conseil d’Etat rappelle que la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a modifié l’article L. 1511 2 du code général des collectivités territoriales aux fins de confier à la région, sous réserve de dérogations prévues par des dispositions spécifiques, le soin de définir le régime et de décider de l'octroi des aides aux « entreprises » ayant pour objet la création ou l'extension d'activités économiques, les départements, les communes et leurs groupements pouvant uniquement participer au financement de ces aides dans le cadre d'une convention passée avec la région. Cette même loi a, en conséquence, abrogé les articles L. 3231 2 et L. 3231 3 du même code, qui ouvraient au département un champ de compétences étendu en matière d’aides économiques aux entreprises.  

Le Conseil d’Etat relève que si l’article L. 1511-8 du code général des collectivités territoriales permet aux collectivités territoriales, par dérogation à son article L. 1511 2, d’attribuer des aides visant à financer des entreprises participant à la permanence des soins, ces dispositions ne constituent pas un fondement juridique suffisant pour permettre aux collectivités territoriales de contribuer dans tous les cas au financement d’investissements des établissements de santé, en particulier au bénéfice d’établissements publics de santé, dont la qualification d’entreprises au sens de ces dispositions peut donner lieu à hésitation. Il estime en conséquence que l’intervention du législateur est justifiée pour clarifier les compétences des collectivités en la matière.

Le Conseil d’Etat constate par ailleurs que ces dispositions, qui se bornent à admettre dans son principe la possibilité pour les collectivités territoriales de financer des établissements de santé, sans rappeler les conditions de légalité auxquelles de tels financements sont subordonnés, ne méconnaissent pas, par elles-mêmes, les dispositions du droit de l’Union européenne, notamment celles, à les supposer applicables, relatives aux aides d’Etat.
 
Création de centres de santé

27.    Le projet de loi entend clarifier les dispositions des articles L. 3211 1 du code général des collectivités territoriales et L. 6323 1 3 du code de la santé publique, en précisant que peuvent créer des centres de santé les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les départements.

Il résulte de l’article L. 6323 1 du code de la santé publique que les centres de santé « sont des structures sanitaires de proximité, dispensant des soins de premier recours et, le cas échéant, de second recours et pratiquant à la fois des activités de prévention, de diagnostic et de soins, au sein du centre, sans hébergement, ou au domicile du patient » et qu’ils « assurent, le cas échéant, une prise en charge pluriprofessionnelle, associant des professionnels médicaux et des auxiliaires médicaux ».

Le Conseil d’Etat constate que ce souci de sécurisation juridique est justifié par la suppression de la « clause de compétence générale » des départements et des régions par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, qui a remis en cause la possibilité pour ces collectivités de créer des centres de santé. La modification que le Gouvernement entend introduire a pour conséquence qu’à la différence notamment des départements, les régions ne pourront créer de tels centres. Cette mesure est justifiée dans l’étude d’impact par le souci du Gouvernement de veiller à une répartition cohérente des compétences entre chacune de ces collectivités et de ne pas nuire à la lisibilité de l’action publique.

Le Conseil d’Etat considère qu’eu égard à la mission de service public dont sont investis les centres de santé en application des dispositions précitées de l’article L. 6323 1 du code de la santé publique, ces dispositions ne se heurtent à aucun obstacle constitutionnel ou conventionnel.

28.    Le projet de loi entend par ailleurs permettre aux collectivités territoriales gestionnaires des centres de santé de recruter des professionnels médicaux, des auxiliaires médicaux et des personnels administratifs et de les affecter à l'exercice des activités de ces centres. Il résulte des explications transmises par le Gouvernement que celui-ci souhaite, d’une part, clarifier sur ce point la portée de la mission de gestion des centres de santé dévolue aux collectivités et, d’autre part, leur permettre d’affecter dans ces centres leurs propres agents, l’article L. 6323 1 5 du code de la santé publique prévoyant uniquement, dans sa rédaction actuelle, la possibilité de recruter dans ces structures des « salariés ».

Le Conseil d’Etat estime que ces dispositions ne se heurtent à aucun obstacle constitutionnel et conventionnel. Il propose cependant de reformuler ces dispositions afin d’en simplifier la rédaction et d’en clarifier l’objet.

Compétences des départements en matière de sécurité sanitaire

29.    Le projet de loi étend la compétence des départements en matière de sécurité sanitaire pour leur permettre, comme ils pouvaient le faire avant la suppression de la « clause de compétence générale » par la loi du 7 août 2015 mentionnée précédemment, de financer trois autres types de structures : les laboratoires d’analyses départementaux, les organismes à vocation sanitaire et les organisations vétérinaires à vocation technique ainsi que les organismes de lutte et d’intervention contre les zoonoses. Il modifie en ce sens l’article L. 3211 1 du code général des collectivités territoriales et crée, au sein du code rural et de la pêche maritime, un article L. 201 10 1. Le Conseil d’Etat estime que ces dispositions ne se heurtent à aucun obstacle constitutionnel ou conventionnel.

Organisation de la tutelle des pupilles de l’Etat

30.    Le projet de loi organise le transfert au président du conseil départemental de la tutelle des pupilles de l’Etat, aujourd’hui confiée au représentant de l’Etat dans le département en application de l’article L. 224 1 du code de l’action sociale et des familles. Il modifie en conséquence la composition du conseil de famille des pupilles de l’Etat, dont l’approbation doit être recueillie par le tuteur lorsqu’il entend prendre certaines décisions importantes concernant le pupille. Ce conseil ne sera désormais composé que de membres d’associations familiales, d’assistants familiaux et de pupilles de l’Etat ou anciens pupilles de l’Etat ainsi que de personnes qualifiées, nommés par le préfet.

Si le Conseil d’Etat note que le projet a pour effet de supprimer la représentation des services du département au sein du conseil de famille, il estime que ces dispositions ne se heurtent à aucun obstacle constitutionnel ou conventionnel.

Modalités de compensation financière des transferts de compétences aux collectivités territoriales

31.    Les dispositions relatives aux modalités de compensation financière des transferts de compétence opérées à titre définitif par le projet de loi au profit de diverses collectivités territoriales sont conformes aux exigences du quatrième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution.

Si la loi ordinaire peut énoncer le principe selon lequel la compensation assurée aux départements s’opère à titre principal par l’attribution d’impositions de toute nature, le Conseil d’Etat ne peut retenir les dispositions du projet de loi attribuant directement aux départements une fraction du produit de la taxe intérieure sur les produits énergétiques, une telle affectation relevant de la compétence exclusive de la loi de finances en vertu de l’article 36 de la organique n° 2001 692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (décision du Conseil constitutionnel n° 2001 448 DC du 25 juillet 2001).

DISPOSITIONS RELATIVES A LA DÉCONCENTRATION

Contrats de cohésion territoriale

32.    Le projet de loi précise le cadre juridique applicable aux contrats de cohésion territoriale institués par la loi n° 2019 753 du 22 juillet 2019 portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires.

Ce contrat est actuellement défini par la loi la fois comme l’instrument par lequel l’Etat intervient en soutien des projets et politiques portés par les communes et leurs groupements et celui par lequel il décline, à l’échelle déconcentrée, des programmes nationaux territorialisés. Le projet de loi vient préciser que le contrat de cohésion territoriale « intègre l’ensemble des contrats territoriaux relatifs à la cohésion et à l’aménagement du territoire » et « peut intégrer tout autre contrat prévu par les lois et règlements en vigueur » et décline les principes généraux auxquels doivent satisfaire ces contrats (définition du périmètre, pilotage, association des citoyens, suivi et évaluation…).

Si la contractualisation est devenue le mode d’intervention partenarial privilégié de l’Etat dans les territoires, le Conseil d’Etat partage le constat, établi par l’ensemble des acteurs, d’une multiplication excessive des outils contractuels au cours des dernières décennies. Alors que les contrats de plan Etat-Région, créés par la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, constituent depuis 1984 le cadre unifié de contractualisation entre l’Etat et les régions, une multitude de contrats, spécifiques à un territoire ou à une politique publique, aux périmètres d’intervention et durées variables, régissent les relations entre l’Etat et les communes ou leurs groupements, contribuant au manque de cohérence, à la perte d’efficacité et à la faible lisibilité de l’action publique territoriale.

Le Conseil d’Etat souscrit donc à l’objectif de simplification et d’unification des outils contractuels au niveau infrarégional matérialisé par la mise en œuvre du contrat de cohésion territoriale.

Si les dispositions du projet de loi vont dans le sens souhaité d’une plus grande intégration des outils contractuels existants, le Conseil d’Etat regrette toutefois leur caractère peu prescriptif et peu précis, notamment sur les contrats existants qui ont vocation à être intégrés dans ce nouveau contrat. Il recommande de compléter l’étude d’impact sur ce point  afin de préciser, comme cela été indiqué lors des séances de travail, qu’il a vocation à intégrer non seulement les programmes nationaux territorialisés conduits par l’Agence nationale de la cohésion des territoires, tels Action cœur de ville, Territoires d’industrie ou France services, mais aussi les contrats territoriaux existants tels le contrat de ruralité, institué par une circulaire du 23 juin 2016, et le contrat de transition écologique, créé par une instruction du Gouvernement du 16 octobre 2019 mais pas le contrat de ville, prévu par la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, qui conservera un fonctionnement propre.

Le Conseil d’Etat considère que les principes d’élaboration, de mise en œuvre et de suivi des contrats de cohésion territoriale, listés par le projet, ne relèvent pas du domaine de la loi. Il propose donc de renvoyer au décret leur détermination.

Le Conseil estime, en outre, que l’importance prise par la contractualisation dans les relations entre l’Etat et les collectivités locales justifierait la création, au sein du code général des collectivités territoriales, d’un chapitre dédié regroupant les dispositions relatives au contrat de plan Etat-Région et au contrat de cohésion territoriale et précisant les modalités de leur articulation.

MESURES DE SIMPLIFICATION

Echanges de données entre administrations afin d’informer les usagers sur les prestations ou avantages dont ils pourraient bénéficier

33.    Le projet de loi modifie, de façon à faciliter l’extension de leur champ et à élargir leur objet, les dispositions du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), issues de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qui mettent en œuvre le dispositif « Dites-le nous une fois ». En application de ce dernier, une administration saisie d’une demande ou d’une déclaration ne doit pas demander à la personne qui la saisit des informations dont elle-même dispose déjà ou qu’elle peut obtenir d’une autre administration au moyen d’un système d’échanges de données.

Ainsi, en premier lieu, les articles L. 113 12 et L. 114 9 de ce code sont réécrits de façon à abandonner le dispositif actuel, que traduisent les articles R. 114 9 1 à R. 114 9 4, selon lequel les domaines et procédures relevant de ces échanges de données et les administrations y participant sont déterminés par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

Cette simplification, dont la CNIL a pris acte, n’appelle pas d’objection juridique de la part du Conseil d’Etat. Elle n’affecte pas les garanties de fond apportées aux usagers et n’implique pas, par elle-même, la généralisation immédiate du système d’échanges de données, car la participation des administrations, locales en particulier, à ce système, qui passe par la mise en place d’interfaces standardisées de programmation (API), reste notamment subordonnée à leurs moyens et capacités techniques. Au demeurant, le projet prévoit, à l’article L. 114 8, que la liste des administrations participant au système d’échanges et celle des données ainsi échangées font l’objet d’une diffusion publique et, à l’article L. 114 9, qu’un arrêté du Premier ministre détermine, pour chaque type d'informations ou de données, la liste des administrations responsables de leur mise à disposition des autres administrations.

En second lieu, une évolution plus significative du dispositif « Dites-le-nous une fois » résulte des dispositions que le projet de loi introduit sous forme d’un II de l’article L. 114 8, et qui lui assignent une finalité nouvelle : les administrations pourront procéder, de leur seule initiative, à des échanges d’informations et de données afin d’informer les usagers sur les prestations ou avantages dont ils pourraient bénéficier en vue, le cas échéant, de leur attribution.

Tout en regrettant que l’étude d’impact ne comporte pas d’indications sur l’importance des phénomènes dits de « non-recours » aux droits et prestations auxquels il s’agit de répondre, le Conseil d’Etat estime que cette évolution répond à un besoin tiré de fortes considérations d’intérêt général, comme l’a admis la CNIL dans sa délibération n° 2020 121 du 3 décembre 2020. Toutefois, et en écho à cette même délibération, il convient, dès lors que ces échanges de données concernent par hypothèse des usagers qui n’ont pas présenté de demande ou de déclaration à l’administration, et donc qui n’y ont pas consenti ab initio, de prévoir dans la loi des précautions et garanties spécifiques et pertinentes.

En conséquence, la rédaction retenue énonce que les échanges sont strictement limités à ce qui est nécessaire à cette information des usagers et que les traitements mis en œuvre pour procéder à ces échanges ne peuvent être ultérieurement utilisés à d’autres fins, en particulier à la détection ou la sanction d’une fraude. Il est également précisé, dans le texte que le Conseil d’Etat retient, qu’au plus tard au moment de la première communication individuelle avec chaque personne concernée, celle-ci est avisée de ses droits d’accès et de rectification ainsi que de son droit de s’opposer à la poursuite du traitement et de la faculté qu’elle a de produire elle-même, si elle le souhaite, les pièces ou informations requises pour l’attribution d’une prestation ou d’un avantage. En outre, en cas d’opposition exprimée par la personne concernée de poursuivre le traitement ou si ce traitement révèle que la personne n’a pas droit à la prestation ou à l’avantage, les informations obtenues à la suite de cet échange sont détruites sans délai.

Le Conseil d’Etat attire l’attention du Gouvernement sur la nécessité de veiller à intégrer les finalités du dispositif et ses limites ainsi que les garanties énoncées ci-dessus tant dans les dispositions réglementaires qui doivent être prises pour sa mise en œuvre que dans d’autres dispositions de même nature, afin d’assurer le respect du Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (RGPD).

Le Conseil d’Etat souligne enfin que si ces échanges à l’initiative des administrations peuvent être de nature à réduire les phénomènes de « non recours » aux prestations et avantages, ils ne sauraient dispenser les pouvoirs publics de mener, avec l’ensemble des parties concourant à la mise en œuvre des droits sociaux, un travail d’appui personnalisé des usagers qui sont les plus éloignés des circuits administratifs, mais aussi, plus généralement, de faciliter la compréhension des droits dont ces usagers peuvent bénéficier, notamment par la diffusion d’une information accessible et claire partant des diverses situations dans lesquelles ils peuvent se trouver.

Règles de protection des allées et alignements d’arbres bordant les voies ouvertes à la circulation publique

34.    Le projet de loi vise à clarifier le régime juridique de la protection des allées et alignements d’arbres bordant les voies ouvertes à la circulation publique, instauré par l’article 172 de la loi n° 2016 1087 du 8 août 2016 sur la biodiversité.

Il précise les motifs et les conditions permettant qu’une atteinte aux allées et alignement d’arbre puisse être autorisée, et explicite que l’autorité compétente pour délivrer une telle autorisation est le représentant de l’Etat dans le département.

A l’initiative du Conseil d’Etat, le Gouvernement a modifié son projet, dans une saisine rectificative, pour articuler ce régime d’autorisation avec celui de l’autorisation environnementale, prévu par les articles L. 181 1 et suivants du code de l’environnement.

Le Conseil d’Etat introduit également dans le projet, en cas de danger imminent pour la sécurité des personnes, une procédure particulière sans autorisation préalable mais avec information immédiate du représentant de l’Etat dans le département, qui devra approuver les mesures de compensation.

Il estime souhaitable qu’une même date d’entrée en vigueur soit fixée pour ces dispositions, que ces autorisations soient délivrées de façon autonome ou dans le cadre d’une autorisation environnementale, et estime qu’un différé de deux mois suivant la publication de la loi est suffisant. Des dispositions sont, en conséquence, ajoutées en ce sens.

MESURES RELATIVES A L’URBANISME ET AU LOGEMENT

Prorogation et modifications du dispositif de l’article 55 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains

35.    Le projet de loi modifie le dispositif, prévu aux articles L. 302 5 et suivants du code de la construction et de l’habitation et issu de l’article 55 de la loi n° 2000 1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), imposant aux communes urbaines situées dans certaines agglomérations de disposer d’un minimum de 20 % ou 25 %, selon le cas, de logements locatifs sociaux parmi les résidences principales de la commune. Il tend à proroger ce dispositif et à l’adapter pour faire suite, notamment, au rapport remis au début de l’année 2021 par la commission nationale de suivi instituée à l’article L. 302 9 1 1 du même code. La définition des communes exemptées de ces obligations, en particulier celles situées dans des secteurs où la tension sur le marché du logement est faible, est précisée.

36.    Les dispositions principales soumises au Conseil d’Etat vise à proroger, au-delà de son échéance aujourd’hui prévue pour 2025, l’obligation, pour les communes concernées, de disposer d’un taux minimum de logements sociaux (20 % ou 25 % selon le niveau de tension locative des territoires). Le Conseil d’Etat relève que ces dispositions évitent une interruption d’un mécanisme progressif, qui répond aux objectifs pour lesquels il a été adopté par le législateur. Le projet de loi institue un rythme de rattrapage de référence, applicable à toutes les communes concernées, de 33 % du nombre de logements sociaux locatifs manquants, celui-ci étant automatiquement augmenté dès lors que le taux de logement social de la commune se rapproche de l’objectif, afin d’éviter une décélération de la production en volume. Un montant plancher est rétabli pour le prélèvement financier affectant les communes faisant l’objet de constat de carence. Enfin, le Conseil d’Etat admet le dispositif consistant à permettre au préfet d’accroître les objectifs assignés à une commune à la condition que cette dernière ait donné son accord.

37.    Le projet de loi prévoit la possibilité, pour le préfet, de prendre des mesures correctrices lorsque les bénéficiaires des sommes issues des prélèvements effectués sur les recettes des communes n’ayant pas atteint l’objectif minimum de logements sociaux, effectué en application de l’article L. 302 7 du code de la construction et de l’habitation, n’utilisent pas suffisamment ces fonds ou les utilisent de manière irrégulière. Si un tel dispositif se justifie dans son principe, le Gouvernement n’a cependant pas été en mesure de préciser les mesures correctrices envisagées, à l’exception de la suspension du versement des fonds, prévue par ailleurs dans le projet, ni les modalités selon lesquelles elles seraient mise en œuvre. Le Gouvernement n’a pas davantage été en mesure d’indiquer selon quelles modalités les fonds dont le versement a été suspendu seraient réattribués. Le Conseil d’Etat relève, en outre, que, si des observations de la Cour des comptes en mars 2021 ont mis en évidence les insuffisances du suivi de l’utilisation des fonds, l’étude d’impact ne permet pas d’apprécier l’existence et l’importance de l’utilisation irrégulière des fonds et, par voie de conséquence, le caractère adapté du dispositif aux problèmes rencontrés. Il n’a donc pas pu retenir les dispositions du projet sur ce point.
 
38.    Malgré ses incidences sur la complexité de l’organisation administrative, le Conseil d’Etat a admis la création d’un contrat de mixité sociale, signé entre l’Etat, la commune et l’établissement public de coopération intercommunale dont elle est membre et destiné à organiser les modalités d’adaptation temporaire, au sein d’une agglomération, des objectifs précis de chaque commune, permettant de réduire les objectifs assignés à certaines communes et d’accroître corrélativement les objectifs assignés à d’autres. Afin d’assurer une homogénéité dans l’application de ces dispositions, un avis préalable de la commission nationale prévue à l’article L. 302 9 1 1 du code de la construction et de l’habitation est requis avant la signature de ces contrats. Le Conseil d’Etat ne peut, en revanche, retenir des dispositions, sans caractère normatif, se bornant à décrire quelques situations spécifiques dans lesquelles ce contrat pourrait être signé.

39.    Le projet de loi prévoit de nouvelles conditions d’attribution des logements locatifs sociaux. Il prévoit, en particulier, des dispositions visant à faciliter l’accès au logement pour les personnes exerçant une activité professionnelle essentielle à la vie du territoire. Le Conseil d’Etat relève, à cet égard, que l’accroissement régulier des catégories de personnes prioritaires pour l’attribution de logements sociaux ne peut que réduire l’effet de la reconnaissance d’une telle qualité pour les demandeurs. Il invite donc le Gouvernement à définir à l’avenir de véritables priorités dans ce domaine et à ne plus augmenter la liste des catégories prioritaires.

40.    Le projet de loi prévoit que les métropoles (à l’exception de celle du Grand Paris) pourront, comme les autres établissements publics de coopération intercommunale, se voir déléguer, par convention, des compétences de l’Etat en matière de logement social et d’hébergement. Le Conseil d’Etat ne retient pas les dispositions du projet de loi prévoyant, qui plus est à titre expérimental, que certaines compétences ne pourront être déléguées qu’en bloc, alors qu’il est loisible à l’Etat, sur la base des textes applicables, de déterminer dans quels cas il déléguera ses compétences par voie de convention et donc de les déléguer en bloc s’il le souhaite.

41.    Le projet de loi vise, enfin, à permettre, dans les métropoles, la conclusion d’opérations de revitalisation du territoire (ORT) sans y intégrer obligatoirement la commune principale, de manière à permettre une utilisation plus large et plus simple de cette procédure. Il prévoit d’étendre cette possibilité aux communautés de communes et d’agglomérations mais uniquement lorsqu’elles sont situées dans les départements et régions d’outre-mer. Le Conseil d’Etat estime que les éléments avancés par le Gouvernement pour justifier une adaptation de la loi sur ce point ne peuvent pas être retenus. En effet, certaines communautés de communes et agglomérations de métropole présentent les mêmes caractéristiques (vaste étendue des communautés ou agglomérations et des communes, éloignement des communes importantes de la commune centre, …) que celles invoquées pour justifier la différence de traitement et pourraient avoir besoin des facilités ouvertes par la loi. Le Conseil d’Etat recommande donc de supprimer la limitation prévue dans le projet de loi aux seuls départements et régions d’outre-mer.

42.    Le Conseil d’Etat propose, à l’article 20, une amélioration de la rédaction des dispositions permettant d’harmoniser les conditions dans lesquelles les métropoles pourront, comme les autres EPCI, se voir déléguer les compétences de l’Etat en matière de logement. Il ne peut, toutefois, retenir les dispositions qui ne présentent pas de caractère normatif.

Modification des dispositions relatives au bail réel solidaire

43.    Le projet de loi comprend des dispositions visant à adapter, après quelques années d’application, certaines dispositions relatives au bail réel solidaire prévu au chapitre V du titre V du livre II du code de la construction et de l’habitation.

Le Gouvernement souhaite étendre à d’autres personnes et à d’autres opérations les principes qui ont inspiré le bail réel solidaire et réduire le coût d’achat de logements ou de locaux à usage professionnel ou commercial. Toutefois, les modifications envisagées par le Gouvernement ne peuvent se limiter, comme le fait le projet de loi, à de simples modifications du régime du bail réel solidaire. Les modifications envisagées, tout en s’inspirant de ce régime, appellent de plus amples réflexions. Le Conseil d’Etat a ainsi suggéré au Gouvernement, qui l’a accepté, de renvoyer à des ordonnances la définition de ces nouveaux régimes, afin de disposer du temps nécessaire pour les mettre au point.

44.    Pour renforcer la couverture du territoire par des programmes locaux de l’habitat (PLH), le projet de loi permet aux départements de faire bénéficier les communautés de communes d’une assistance technique en vue de leur élaboration. Le Conseil d’Etat estime que le projet ne peut, toutefois, sans contrevenir au droit communautaire de la concurrence, prévoir que ces prestations pourront être rendues à titre gratuit. Il recommande, en conséquence, de supprimer cette possibilité.

45.    Le projet de loi prévoit de prolonger et d’adapter l’expérimentation de l’encadrement des loyers prévue par l’article 140 de la loi n° 2018 1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN).

Le Conseil d’Etat admet qu’en l’espèce, une bonne évaluation du dispositif expérimental d’encadrement des loyers justifie une prolongation de cette expérimentation, portant sa durée à huit ans. En effet, l’évaluation du dispositif suppose, ce qui n’est pas le cas à ce jour, qu’un nombre suffisant de remises en location aient été réalisées. Le Conseil d’Etat attire, toutefois, l’attention du Gouvernement sur le fait que l’allongement de la durée expérimentation, qui recule d’autant l’évaluation du dispositif à soumettre au législateur, ne pourra pas être à nouveau accru.

S’agissant de l’adaptation du dispositif ainsi prolongé, le Conseil d’Etat attire également l’attention du Gouvernement sur le fait que la loi n° 89 462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, qui contient l’ensemble des dispositions relatives aux relations entre les bailleurs et les locataires, notamment les dispositions sur l’accès des parties à la commission départementale de conciliation ou sur les colocations, ne sont pas applicables aux litiges relatifs à l’application du régime d’encadrement expérimental des loyers, prévu par la loi n° 2018 1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique. Ce qui conduit à étendre expressément, les unes après les autres, les dispositions de la loi de 1989 à ces litiges, comme le fait le projet de loi en l’espèce. Le Conseil d’Etat invite donc le Gouvernement, pour des raisons d’accessibilité, de clarté et de bonne application du droit, à insérer les dispositions de l’article 140 de la loi du 23 novembre 2018 dans la loi du 6 juillet 1989.

EXPERIMENTATIONS

Outre les expérimentations portant sur un « état de calamité naturelle exceptionnelle » dans les collectivités des articles 73 et 74 de la Constitution et en Nouvelle Calédonie présentées au point 50, le projet prévoit les expérimentations suivantes, certaines d’entre elles étant décidées sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution.

Compétence d’aménagement et de gestion des routes nationales et autoroutes non concédées transférées aux régions

46.    Les régions sont chefs de file de la mobilité depuis la loi n° 2014 58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles. Elles définissent le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) et donc la planification générale des mobilités. Elles peuvent contribuer au financement des voies et des axes routiers qui, par leurs caractéristiques, constituent des itinéraires d'intérêt régional et sont identifiés par le SRADDET.

Dans le prolongement de ces nouvelles attributions, le projet permet aux régions d’exercer, à titre expérimental, pendant cinq ans, la compétence d’aménagement et de gestion des routes nationales et autoroutes non concédées. Cette mesure est liée à un article du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, actuellement en cours de discussion au Parlement, qui habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de permettre aux régions d’instituer une contribution spécifique assise sur le transport routier de marchandises sur les voies du domaine public routier national mises à leur disposition dans le cadre de la présente expérimentation.  

Un décret établit, tout d’abord, la liste des routes nationales concernées. Les régions ont, ensuite, trois mois pour formuler leur demande, qui porte sur l’ensemble des voies proposées situées sur leur territoire, sous réserve des voies transférées aux départements et métropoles. L’Etat notifie à la région le périmètre définitif de l’expérimentation, après information de l’ensemble des collectivités ayant présenté une demande de transfert. La région dispose alors d’un délai de huit mois pour signer avec l’Etat une convention déterminant les modalités du transfert.  Le projet précise la date à partir de laquelle les biens correspondants sont mis à sa disposition ainsi que les conditions d’usage de ceux servant à la fois aux voies mises à disposition et autres voies. Les biens qui sont utilisés pour les besoins de routes mises à disposition de la région et de routes transférées à plusieurs collectivités territoriales ou métropoles sont régis par une convention entre les personnes publiques concernées.

Le projet comporte des dispositions usuelles sur la substitution de personnes morales, la neutralité financière et fiscale du transfert et l’absence d’incidence de la mesure sur le statut des voies. Est prévu un avis du représentant de l’Etat en cas de modification substantielle des caractéristiques techniques des autoroutes mises à disposition et des passages en surplomb des autoroutes. Les pouvoirs de police de la circulation sont attribués au président du conseil régional, sous réserve des prérogatives du maire et du représentant de l’Etat, ce dernier demeurant compétent pour les autoroutes. Est prévue la substitution à celui-ci en cas de carence.

Le projet prévoit que le président du conseil régional peut relever de 10 km/h la limitation de vitesse prévue par le code de la route pour les sections de routes hors agglomération relevant de la compétence de la région et ne comportant pas au moins deux voies affectées à un même sens de circulation, à l’instar de ce qui est déjà prévu en matière départementale et communale.  

Il prévoit des modalités de compensation financière spécifiques. En effet, les dispositions du projet de loi relatives à la compensation des transferts de compétence définitifs, en ce qu’elles attribuent notamment des ressources fiscales pérennes aux collectivités concernées, ne sont pas adaptées à un dispositif expérimental. Le projet prévoit que les modalités de compensation seront fixées par convention entre l’Etat et chaque région concernée, mais en faisant référence aux règles d’évaluation favorables retenues pour les transferts définitifs, qui consistent à prendre en compte une moyenne de coûts historiques constatés sur moyen terme en matière de dépenses de fonctionnement et d’investissement sur une période pluriannuelle. Les compensations se feront par le biais de crédits budgétaires. La maîtrise d’ouvrage sera transférée à la région sur l’ensemble des opérations routières sur le réseau routier national inscrites dans les contrats de planification des investissements entre l’Etat et les régions et le versement à ces dernières d’une soulte correspondant aux montants des financements prévus par l’Etat dans ces contrats pour ces opérations.  

Sont précisées les conditions de mise à disposition des services ou parties de services de l’Etat qui participent à l’exercice des compétences transférées.

Le projet de loi prévoit, enfin, la possibilité pour les départements qui le souhaitent, pendant cette expérimentation, de déléguer aux régions leur compétence pour aménager et gérer les voies départementales ayant un intérêt régional selon le SRADDET. Une convention précisera les modalités de mise en œuvre de cette mesure. Les pouvoirs de police de la circulation seront exercés par le président du conseil régional. De façon symétrique, le projet permet à la région de déléguer à un département sa propre compétence expérimentale de gestion de la voirie pour les routes situées sur le territoire de celui-ci, avec un dispositif conventionnel similaire.

Ces dispositions appellent les observations suivantes.

Le Conseil d’Etat observe, en premier lieu, que l’objectif poursuivi n’est pas de déroger, pour un objet et une durée limités, au principe d’égalité devant la loi. Il ne s’agit donc pas d’une expérimentation relevant de l’article 37 1 de la Constitution. La mesure ne peut pas davantage se rattacher à une expérimentation, au sens de l’article 72 de la Constitution, dès lors qu’elle ne tend pas à déroger aux dispositions qui régissent l’exercice des compétences des collectivités. Mais la mesure revêt bien le caractère d’une expérimentation administrative, qui donnera lieu à une évaluation conjointe à son terme, en vue d’une éventuelle pérennisation.

Cette réforme ne se heurte pas à des obstacles juridiques, mais il convient d’appeler l’attention du Gouvernement sur le fait qu’elle va accentuer la complexité, déjà excessive, des règles de répartition de compétences en matière de voirie routière, alors que les régions sont dépourvues de toute expérience en ce domaine. Cette situation nuit à l’efficacité et à la lisibilité de l’action publique, favorise la dilution des responsabilités et peut contrarier l’exercice par l’Etat des missions de direction générale et de coordination qui lui incombent. Il n’est pas évident de justifier que les mêmes routes nationales puissent donner lieu soit à un transfert définitif aux départements et métropoles, soit à une mise à disposition expérimentale des régions.

Cette complexité est encore accrue par la possibilité d’opérer des transferts de gestion croisés de routes entre les régions et les départements. Le caractère expérimental d’un dispositif conçu pour s’appliquer pendant une période de cinq ans seulement plaiderait plutôt pour une organisation simple et stable. Il n’est, au demeurant, pas certain que les collectivités concernées seront désireuses de recourir à ces transferts de gestion. Les départements disposent d’une compétence ancienne et reconnue en matière d’exploitation de leur domaine routier et n’ont pas de raison de s’en dessaisir. De leur côté, les régions seront probablement réticentes à renoncer d’emblée à une compétence de voirie qu’elles se voient confier pour la première fois.

Le Conseil d’Etat apporte, enfin, des modifications sur les points suivants. D’une part, il estime nécessaire de préciser le délai imparti à l’Etat pour prendre sa décision de transfert, qu’il propose de fixer à neuf mois, en tenant compte du décalage avec la procédure de transfert définitif des routes nationales aux départements et métropoles, qui précède le transfert de gestion aux régions. D’autre part, dès lors que le dispositif est expérimental et repose sur une simple mise à disposition des routes, des biens et des personnels relevant de l’Etat, il propose de préciser que la convention conclue entre la région et un département, en cas de délégation à ce dernier de la gestion d’une route nationale, est subordonnée à un avis préalable du représentant de l’Etat.

Nouvelles missions confiées aux chambres d’agriculture en matière d’information et d’assistance des agriculteurs

47.    Le projet de loi prolonge de trois ans les expérimentations relatives aux nouvelles missions confiées aux chambres d’agriculture en matière d’information et d’assistance des agriculteurs et tendant à une régionalisation accrue de ce réseau, la mise en œuvre de ces expérimentations dans les délais initialement prévus ayant été entravée par les effets de la crise sanitaire ;

Elargissement du « mécénat de compétences » aux fonctionnaires de l’Etat

48.    A titre expérimental, le projet de loi ouvre aux administrations de l’Etat et à leurs fonctionnaires la possibilité de pratiquer le « mécénat de compétences », en élargissant, par dérogation aux dispositions de l’article 42 de la loi n° 84 16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, les conditions dans lesquelles les fonctionnaires peuvent être mis à disposition d’associations, fondations et autres organismes d’intérêt général.

Actuellement limitée, en dehors de la sphère publique, aux organismes, tels que des associations, contribuant à la mise en œuvre d’une politique publique, et seulement pour l’exercice des missions de service public qui leur sont confiées, la mise à disposition des fonctionnaires de l’Etat est étendue par le projet au bénéfice des organismes d’intérêt général mentionnés au a du 1 de l’article 238 bis du code général des impôts ainsi qu’aux associations et fondations reconnues d’utilité publique, soit un champ beaucoup plus large. D’autre part, alors que le dispositif de droit commun impose le remboursement de la rémunération du fonctionnaire mis à disposition d’une association, l’administration pourra ne pas l’exiger, en tout ou partie, dans le cadre de ce dispositif.

Le Conseil d’Etat estime que cette expérimentation, qui est de nature à répondre aux intérêts respectifs de l’administration, du fonctionnaire concerné et de la personne morale bénéficiaire, est entourée de garanties suffisantes : le projet prévoit ainsi que la mise à disposition ne peut excéder une durée totale de trois ans et qu’en l’absence de remboursement elle constitue une subvention et est en conséquence soumise aux dispositions légales applicables aux subventions, telles que l’exigence de passation d’une convention. Il précise aussi, à juste titre, que l’autorité hiérarchique doit apprécier la compatibilité de l’activité envisagée au sein de l’organisme d’accueil avec les fonctions exercées par le fonctionnaire au cours des trois dernières années, selon les modalités relatives aux contrôles déontologiques dans la fonction publique.

Dans le texte qu’il retient, le Conseil d’Etat propose de porter de trois à quatre ans la période d’application de ce dispositif, afin de disposer d’un recul suffisant pour procéder à son évaluation, et de préciser que le décret en Conseil d’Etat à prendre pour en préciser les conditions d’application définira en particulier le contenu et les modalités de cette évaluation ainsi que les règles selon lesquelles les administrations de l’Etat apporteront les informations nécessaires aux services du ministre chargé de la fonction publique.

Expérimentation de la recentralisation partielle du revenu de solidarité active

49.    Le projet de loi organise une expérimentation portant sur la « recentralisation » partielle du revenu de solidarité active, qui relève aujourd’hui de la compétence exclusive du département. Il résulte en effet du code de l’action sociale et des familles que cette collectivité est compétente pour instruire (art. L. 262 15) et attribuer la prestation (art. L. 262 13), qu’elle en assume financièrement le coût (art. L. 262 24) et qu’elle se charge en outre de l’orientation et de l’accompagnement des bénéficiaires (art. L. 262 29).

Le Conseil d’Etat relève qu’il ressort de l’étude d’impact que cette mesure est justifiée par la charge accrue que représente ces dernières années le revenu de solidarité active dans les finances départementales, en particulier dans les départements comprenant le plus d’habitants en situation précaire, encore aggravée par la crise sanitaire actuelle. Cette situation conduit l’Etat à s’impliquer davantage dans la conduite des politiques d’insertion au plan local, en lien étroit avec les collectivités territoriales, et en particulier les départements.

Le Conseil d’Etat constate que le présent projet de loi prévoit d’expérimenter, pour une durée limitée à cinq ans, le transfert à l’Etat des seules compétences des départements, s’étant portés volontaires, portant sur l’instruction des demandes et l’attribution des prestations. L’Etat assumera la charge financière de ces missions et pourra déléguer celles-ci aux caisses d’allocations familiales et aux caisses de mutualité sociale agricole. L’orientation et l’accompagnement des bénéficiaires demeureront de la compétence des départements, en cohérence avec leur rôle de chefs de file dans le champ de l’action sociale. Le projet de loi renvoie enfin à la loi de finances la détermination des modalités financières de l’expérimentation. L’expérimentation fera l’objet d’une convention entre le représentant de l’Etat dans le département et le président du conseil départemental, portant notamment sur les modalités de renforcement du service public de l’orientation des bénéficiaires et des dispositifs d’insertion mis en œuvre par le département. Le président du conseil départemental remettra annuellement au préfet un rapport de suivi de sa mise en œuvre.

Le Conseil d’Etat estime que ces dispositions ne se heurtent à aucun obstacle constitutionnel ou conventionnel.

Il propose d’apporter des précisions rédactionnelles destinées à clarifier l’étendue des missions qui pourront être transférées à l’Etat et ensuite déléguées par celui-ci aux caisses d’allocations familiales et caisses de mutualité sociale agricole, afin de préciser que celles-ci engloberont également l’examen des réclamations et recours contentieux ainsi que le contrôle des prestations versées et le recouvrement des indus.

Le Conseil d’Etat considère que, dans la mesure où il est prévu que la liste des départements volontaires soit définie par décret, il est plus pertinent de renvoyer à un décret en Conseil d’Etat, et non à un décret simple comme l’envisageait le Gouvernement, la détermination des modalités de mise en œuvre de l’expérimentation, au nombre desquelles la définition des critères généraux de sélection des départements parmi ceux qui se seront portés candidats.

Le Conseil d’Etat suggère enfin d’introduire un alinéa portant sur l’évaluation de l’expérimentation.

DISPOSITIONS RELATIVES A L’OUTRE-MER

Expérimentation portant sur un « état de calamité naturelle exceptionnelle »

50.    Le projet de loi instaure dans les collectivités d’outre-mer mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution, à titre expérimental pour une durée de cinq ans, un « état de calamité naturelle exceptionnelle » déclaré par décret pour une durée d’un mois, renouvelable sous certaines conditions par périodes d’un mois au plus. L’état de calamité naturelle exceptionnelle « peut être déclaré à la suite de la survenance d’un aléa naturel d’une ampleur exceptionnelle de nature à compromettre gravement le fonctionnement des institutions et présentant un danger grave et imminent pour la sécurité des populations, l’ordre public, l’approvisionnement en biens de première nécessité ou la santé publique ». La déclaration produit deux effets : elle permet, d’une part, de présumer la condition de force majeure ou d’urgence pour l’application des réglementations mises en œuvre par les autorités publiques pour faire face à la situation et suspend d’autre part les délais en matière administrative.

Le Conseil d’Etat, a considéré comme approprié le fait de recourir à une expérimentation, au titre de l’article 37 1 de la Constitution, pour créer un état de calamité naturelle exceptionnelle dans ces territoires. Il recommande cependant au Gouvernement de compléter l’étude d’impact pour préciser la méthodologie et les critères au regard desquels l’expérimentation sera évaluée.

Le Conseil d’Etat s’est interrogé sur la compétence de l’Etat pour instituer cette procédure en Nouvelle-Calédonie où depuis le 1er janvier 2014 la compétence en matière de sécurité civile a été transférée en vertu de la loi du pays n° 2012 2 du 20 janvier 2012. Il a estimé que la situation justifiant le déclenchement de la déclaration d’état de calamité naturelle exceptionnelle, celle d’une menace grave sur le fonctionnement des institutions, sur l’ordre public et la sécurité des populations renvoyait à l’exercice des compétences de l’Etat alors même que la compétence du territoire pourrait être mobilisée pour la gestion des secours dans le cadre de la sécurité civile. Il a donc admis que les dispositions en cause sont applicables en Nouvelle-Calédonie.

Le Conseil d’Etat propose de réorganiser la présentation des dispositions de l’article et d’en simplifier la rédaction. Il suggère également de cantonner la suspension des délais en matière administrative attachée à la déclaration de l’état de calamité naturelle exceptionnelle aux seuls délais fixés par les lois et règlements nationaux afin de réserver ceux fixés dans le cadre de l’exercice de compétences locales en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

Formation professionnelle

51.    Le projet de loi ouvre à cinq collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et Mayotte, la possibilité de créer un établissement public industriel et commercial (EPIC) compétent en matière de formation professionnelle. Ce texte reprend les termes de l’article 2 du projet de loi ratifiant diverses ordonnances de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel et portant diverses mesures d’ordre social que le Conseil d’Etat a approuvé lors de son assemblée générale du 7 novembre 2019 (Avis n° 398848). Le Conseil d’Etat renvoie aux points 5, 6, et 7 de cet avis.

Modification des règles relatives aux cinquante pas géométriques

52.    Le projet de loi modifie plusieurs textes relatifs à la zone dite « des cinquante pas géométriques » (ZPG), qui est la bande de terre de 81,20 mètres bordant le littoral au-delà de la limite du rivage, instaurée au XVIIème siècle et dont l’existence a perduré même après la loi n° 86 2 du 3 janvier 1986 relative à la protection et la mise en valeur du littoral.

Il reporte l’échéance de régularisation des implantations irrégulières d’habitations privées dans cette zone littorale en Martinique et en Guadeloupe, en permettant que des demandes de régularisation soient déposées jusqu’au 1er janvier 2024. Corrélativement, il reporte, au plus tard, au 1er janvier 2025 la date de transfert aux collectivités territoriales des terrains relevant du domaine public de l’Etat dans les espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation diffuse dans ces ZPG, et au 1er janvier 2031 l’échéance d’activité des agences, dites « des cinquante pas géométriques », chargées des régularisations et des aménagements nécessaires pour reloger les personnes ou viabiliser les quartiers d’urbanisation.

Il renforce les outils pouvant être mobilisés pour faciliter ces régularisations : instauration d’une décote de la valeur vénale des biens cédés ; suppression de la nécessité d’un document stratégique d’orientation adopté par les collectivités territoriales comme préalable à la délimitation des espaces ; extension des zones d’intervention des agences et possibilité pour elles d’être délégataires du droit de préemption urbain ; création d’une contravention de grande voierie qui pourra être constatée par les agents des agences en cas d’atteinte à l’intégrité et à la conservation du domaine public dans leurs zones de compétence.

Le Conseil d’Etat souligne, tout d’abord, qu’en l’état actuel des textes, les agences des cinquante pas géométriques n’auront plus d’existence légale au 1er janvier 2022. Le présent projet de loi ne lui paraît pas le vecteur le plus sûr pour être parvenir à reporter cette échéance.

Il émet également un doute sur le caractère réaliste des nouvelles échéances fixées pour les régularisations de situations et les transferts de propriété, malgré l’accroissement des outils destinés à les atteindre.

Enfin, le Conseil d’Etat veille, dans la rédaction qu’il retient, à ce que la cohérence d’ensemble des dispositions prévues par le projet de loi soit renforcée, en particulier pour rendre opérationnelle la possibilité d’infliger des contraventions de grande voirie, afin que cet outil répressif joue un rôle en combinaison avec les dispositions incitatives renforcées par ailleurs.

DISPOSITIONS DIVERSES

Renforcement des sanctions pour atteinte au domaine public fluvial.

53.    Le projet de loi comporte des dispositions qui renforcent les capacités de sanction de l’établissement public Voies navigables de France pour les atteintes au domaine public fluvial.

D’une part, il complète les contraventions de grande voiries sur le domaine public fluvial en ajoutant la possibilité de sanctionner d’une amende de 150 à 12 000 € les manquements à l’interdiction de procéder à des dépôts ou de se livrer à des dégradations sur le domaine public fluvial, les chemins de halage et francs bords, fossés et ouvrages d’art, sur les arbres qui les bordent, ainsi que sur les matériaux destinés à leur entretien. Une telle sanction existe déjà pour d’autres atteintes au domaine public fluvial et a été jugée conforme aux principes constitutionnels applicables aux sanctions (Conseil d’Etat, 12 mars 2021, n° 448007).

D’autre part, il permet de sanctionner par une majoration de la redevance de prise et de rejet d’eau, pouvant aller jusqu’à 100 % des montants éludés, les cas d’installation sur le domaine public fluvial sans autorisation ou avec une autorisation pour un volume différent de celui effectivement prélevé ou rejeté. Semblable possibilité de majoration en cas de non-paiement de la redevance due pour stationnement d’un bateau, navire ou établissement flottant sur le domaine public fluvial existe déjà dans le code général de la propriété des personnes publiques, dont le Conseil constitutionnel a jugé qu’elle n’est pas contraire à la Constitution (Décision n° 2013 341 QPC du 27 septembre 2013).

Le Conseil d’Etat propose de modifier la rédaction du projet de loi pour renforcer le caractère proportionné d’une telle sanction.

Régime des biens sans maître

54.    Le projet de loi modifie l’article L. 1123 1 du code général de la propriété des personnes publiques afin de ramener de trente à dix ans, pour les seuls biens situés dans le périmètre d’une grande opération d’urbanisme (art. L. 312 3 du code de l’urbanisme) ou d’une opération de revitalisation du territoire (art. L. 303 2 du code de la construction et de l’habitation), le délai au terme duquel les biens faisant partie d’une succession ouverte et pour lesquels aucun successible ne s’est présenté sont considérés comme des « biens sans maître », de sorte que leur propriété est transférée à la commune ou, selon le cas, à un établissement public ou, à défaut, à l’Etat. Cette mesure vise à faciliter la réalisation d’opérations d’urbanisme importantes répondant elles-mêmes à des considérations d’intérêt général et qui se heurtent, pour certains des immeubles situés dans leur périmètre, à l’absence de propriétaire identifié.

Le Conseil d’Etat observe, en premier lieu, que le délai de dix ans retenu est cohérent avec le délai de prescription de la faculté d’option ouverte aux héritiers, lui-même réduit de trente à dix ans par la loi n° 2006 728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités. Ce délai plus court ne s’appliquera toutefois qu’à certains biens, ce qui a pour effet de compliquer le régime des biens sans maître. Il n’en résulte pas pour autant de méconnaissance du principe d’égalité, dès lors que la différence de traitement entre héritiers ainsi introduite selon la localisation des biens compris dans une succession est en rapport direct avec l’objectif d’intérêt général poursuivi.

Le Conseil d’Etat relève, en deuxième lieu, que le projet de loi prévoit d’étendre à l’ensemble des biens sans maître dont la propriété a été transférée le mécanisme de restitution du bien, voire le cas échéant d’indemnisation, prévu par l’article L. 2222 20 du code général de la propriété des personnes publiques, lequel est ouvert pendant trente ans à compter de l’ouverture de la succession. Cette extension est de nature à répondre aux situations résultant notamment de l’interruption du délai de prescription pour des causes légales ou de ce que le successible invoque à bon droit une juste raison d’ignorer la naissance de son droit.

Enfin, le Conseil d’Etat note que, si le projet de loi rend applicable le nouveau délai de dix ans aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 2007, de sorte qu’il peut déjà être écoulé pour certaines d’entre elles, ce choix est en cohérence avec la réduction du délai d’option résultant de la loi du 23 juin 2006, applicable aux successions ouvertes à compter de cette date (Cass. 1ère civ., 12 février 2020, n° 19-11.668) et laisse au demeurant aux héritiers qui se présenteraient un délai suffisant pour demander la restitution du bien ou une indemnisation dans les conditions définies par l’article L. 2222 20.

Modifications apportées à la gouvernance des agences régionales de santé

55.    Le projet de loi aménage les conditions de gouvernance des agences régionales de santé et en élargit les attributions.

Le projet de loi vise tout d’abord à substituer des conseils d’administration aux conseils de surveillance des agences. Il modifie ensuite l’article L. 1432 3 du code de la santé publique afin de prévoir que ces conseils fixeront, sur proposition du directeur général de l’agence, les grandes orientations de la politique menée par l’agence en ce qui concerne la conclusion et l’exécution des conventions avec les collectivités territoriales pour la mise en œuvre du projet régional de santé. Il impose également au directeur général de transmettre au conseil d’administration un rapport sur ces conventions ainsi qu’un rapport relatif aux actions financées par le budget annexe, qui finance le fonds d’intervention régional, instrument majeur de la politique de l’agence dans les territoires.

Le Conseil d’Etat estime que ces dispositions ne se heurtent à aucune objection d’ordre juridique.

56.    Le projet prévoit également que le représentant de l’Etat dans la région, qui préside le conseil d’administration, soit assisté de trois vice-présidents dont deux représentants des collectivités territoriales.

Le Conseil d’Etat relève que les agences régionales de santé constituent une catégorie particulière d’établissements publics, de sorte qu’il résulte de l’article 34 de la Constitution que le législateur doit en fixer les règles constitutives, au nombre desquelles la détermination des organes dirigeants, leur rôle, les conditions de leur désignation et les catégories de personnes représentées en leur sein (cf. par ex. décision n° 2000 439 DC du 16 janvier 2001). Il estime en l’espèce que la désignation de vice-présidents, chargés d’assister le président du conseil d’administration dans l’exercice de ses fonctions, peut être rattachée à ces règles constitutives et que le législateur est donc bien compétent pour poser cette règle.

Création d’une procédure allégée de sanctions pour la Commission nationale de l’informatique et des libertés

57.    Depuis l’entrée en vigueur du Règlement Général pour la Protection des Données (UE 2016/679 du 27 avril 2016, RGPD), l’autorité de contrôle nationale en matière de protection des données, la CNIL, est tenue d’examiner les plaintes qui lui sont présentées à raison de la méconnaissance des exigences du RGPD. Leur flux a cru de manière très significative (+ 30 % chaque année), depuis l’entrée en vigueur du règlement européen, à l’instar d’une évolution observée dans tous les autres pays européens. Aujourd’hui confrontée à 14 000 demandes par an, même si plus de 5 000 ne relèvent pas de sa compétence, l’autorité n’a été en mesure d’adresser que 60 mises en demeure et prononcer huit sanctions.

Le projet entend remédier à cet état de fait, qui compromet la bonne mise en œuvre des exigences du droit de l’Union européenne, en créant une procédure allégée de sanction.

L’étude d’impact omet cependant de relever que la source principale des difficultés rencontrées par la CNIL vient de la très grande insuffisance des effectifs qu’elle est en mesure de consacrer à l’examen des plaintes et à d’éventuelles sanctions. La France n’alloue à son autorité de contrôle qu’un cinquième des effectifs de l’autorité allemande, un quart de ceux de l’autorité britannique. Le Conseil d’État estime que l’amélioration de la situation ne peut provenir à titre principal que d’un effort significatif de renforcement des moyens de la CNIL.

Le projet introduit dans la section 3 « Mesures correctrices et sanctions » du chapitre II du Titre I de la loi n° 78 17 du 6 janvier 1978 relatif à la CNIL des dispositions ayant principalement pour objet de créer un dispositif simplifié de sanctions, permettant dans des affaires sans complexité que la sanction – limitée au rappel à l’ordre, à l’injonction sous astreinte dans la limite de 100 euros par jour et à l’amende dans la limite de 20 000 euros - soit prononcée par un membre seul de la formation restreinte saisi sur le rapport d’un agent de la Commission chargé des poursuites par son président. Le Conseil d’État propose d’amender les rédactions proposées de manière à clarifier l’articulation entre procédure simplifiée et procédure normale, à assurer l’autonomie de la décision de la formation restreinte sur le choix de la procédure ainsi que le respect des droits de la défense lorsque la voie de la procédure simplifiée a été choisie.

Dénomination des voies communales.

58.    Le projet introduit dans le CGCT une disposition aux termes de laquelle : « Le conseil municipal décide de la dénomination des voies. La commune garantit l’accès aux informations en matière de dénomination des voies et de numérotation des maisons dans les conditions prévues par un décret ».

Le Conseil d’Etat relève qu’il résulte  d’une jurisprudence constante (19 juin 1974, n° 88 410, sieur Broutin, p 346, et 26 mars 2012, n° 336 459, commune de Vergèze, p 127) que depuis que l’article 61 de la loi du 5 avril 1884 a posé le principe, aujourd’hui repris à l’article L. 2121 29 du code général des collectivités territoriales selon lequel : « Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune », ces dispositions impliquent que le conseil municipal est compétent pour fixer la dénomination des voies publiques et des lieux dits dans la commune. L’affirmation de cette compétence par la loi est donc inutile. Il ne retient donc pas ces dispositions.

Il rappelle par ailleurs que les délibérations du conseil municipal sont communicables au public. Les difficultés qu’éprouve le Gouvernement à constituer une base adresse pour les opérateurs de réseaux, qui, selon l’étude d’impact, justifient l’adoption de ces dispositions, doivent pouvoir être traitées par le droit commun des traitements de données.  La nécessité de contraindre les collectivités territoriales à transmettre ces informations sous un format imposé par un traitement national devrait faire l’objet d’une analyse préalable avant toute éventuelle rédaction de celles des dispositions qui pourraient alors paraître nécessaire.

Association des collectivités étrangères limitrophes à l’élaboration des documents d’urbanisme

59.    Le projet de loi crée, dans la partie législative du code de l’urbanisme, un nouvel article qui dispose que les collectivités territoriales étrangères limitrophes peuvent être associées à l’élaboration des documents d’urbanisme.

Le Conseil d’Etat constate que ces dispositions, qui ne relèvent pas du domaine de la loi, figurent déjà à l’article R. 132 5 du code de l’urbanisme, relatif à l’élaboration des documents d’urbanisme, aux termes duquel « les communes ou groupements compétents (…) peuvent consulter les collectivités territoriales des Etats limitrophes (…) ».

Le Conseil d’Etat ne retient donc pas ces dispositions.

Droit de préemption pour la préservation des ressources en eau

60.    Des dispositions du projet de loi visent à apporter plusieurs clarifications au régime juridique du droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine, créé par l’article 118 de la loi n° 2019 1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et la proximité de l’action publique et codifié aux articles L. 218 1 à L. 218 14 du code de l’urbanisme.

Dans la saisine initiale, cet article visait seulement à étendre ce droit de préemption sur des terres agricoles aux syndicats mixtes (en plus des communes ou de leurs groupements) et à permettre aux régies dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière, d’être délégataires de ce droit. Cette extension est cohérente avec le rôle de ces syndicats mixtes et régies et n’appelle pas d’observation.

Le Gouvernement a complété sa saisine pour tenir compte de ce que le dispositif actuel ne comporte pas de dispositions de nature à garantir que le bien acquis par préemption servira effectivement à atteindre l’objectif qui lui est assigné. Plus précisément, dans le cas où un terrain est donné à bail, l’absence de possibilité d’imposer le respect de clauses environnementales n’assure pas que la préemption a effectivement servi à son objet, qui est la protection des environs des captages d’eau ; l’absence de constitution d’obligations réelles attachées aux parcelles n’assure pas que le bien continuera à être utilisé conformément à l’usage justifiant la préemption en cas de cession ultérieure.

Le dispositif envisagé dans la saisine rectificative répond de manière satisfaisante à la nécessité de constituer des obligations réelles attachées au bien et transmises avec lui durablement, par l’utilisation du dispositif des obligations réelles environnementales prévu à l’article L. 132 3 du code de l’environnement.

En revanche, s’agissant des obligations environnementales dans les baux ruraux, le dispositif envisagé par la saisine rectificative ne permet toujours pas de répondre à l’objectif pour lequel est institué ce droit de préemption spécifique. Le Conseil d'Etat propose, en conséquence, de prévoir que l’acquéreur est tenu de proposer au preneur l’introduction de clauses environnementales dans le bail, et que l’ajout de telles clauses doit, en tout état de cause, avoir lieu, au plus tard, lors du renouvellement du bail. Un tel dispositif est cohérent à la fois avec le régime des baux ruraux, en particulier les dispositions de l’article L. 411 27 du code rural et de la pêche maritime, et avec celles de l’article L. 132 3 du code de l’environnement.

Possibilité pour toute personne publique ou privée intéressée de contribuer, à titre exceptionnel, au financement d’ouvrages ou aménagements non prévus initialement dans une concession autoroutière

61.    L’article L. 122 4 du code de la voirie routière, après avoir énoncé le principe de gratuité de l’usage des autoroutes, permet d’instituer des péages, par décret en Conseil d’Etat, en traitant du cas des ouvrages ou aménagements non prévus par la concession. En vertu de son quatrième alinéa, sans préjudice des dispositions du code de la commande publique, ceux-ci peuvent être intégrés à l'assiette de la concession, sans nouvelle mise en concurrence. Cette faculté est toutefois subordonnée à des conditions tenant à leur nécessité ou leur utilité, ainsi qu’à leur caractère accessoire. Leur financement ne peut être couvert que par une augmentation des péages, raisonnable et strictement limitée à ce qui est nécessaire. Le même alinéa précise toutefois que, le cas échéant, l'Etat et les collectivités territoriales intéressées, dans le cadre des règles prévues dans le code général des collectivités territoriales, peuvent, à titre exceptionnel, apporter des concours.

Il résulte des débats parlementaires relatifs à l’article 20 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales, qui a introduit cette possibilité de concours, qu’elle concerne notamment les ouvrages, tels que les échangeurs et diffuseurs, non identifiés à l’origine de la concession, destinés à assurer la desserte locale des territoires traversés par les voies concédées.  

Le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion, dans l’exercice de sa mission consultative, lors de l’examen d’un projet de décret approuvant un avenant à une concession autoroutière, d’appeler l’attention du Gouvernement sur le fait que l’article L. 122 4, dans sa rédaction en vigueur, ne permet qu’à l’Etat et aux collectivités territoriales intéressées d’apporter ces concours.

Le projet de loi élargit le champ des personnes concernées, afin de permettre à des personnes privées, tels que des industriels, ou à d’autres acteurs publics, au titre par exemple de leur mission d’aménageur ou de leurs compétences dans le domaine des transports, d’apporter une contribution notamment pour la réalisation de diffuseurs susceptibles de bénéficier à leur activité.

Le Conseil d’Etat n’identifie pas d’obstacle à cette mesure, dès lors notamment que le dispositif permettant d’ajouter des ouvrages non prévus dans la concession, qui est conforme au droit de l’Union européenne, est rigoureusement encadré et que son application, y compris s’agissant des modalités de financement, fait l’objet d’un double contrôle lors de la procédure d’approbation des avenants intégrant ces aménagements aux conventions de concession, par l’Autorité de régulation des transports en vertu de l’article L. 122 8 du code de la voirie routière et par le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat ne retient pas, en revanche, la suppression, qui figurait dans la rédaction du Gouvernement, de la mention selon laquelle ces concours sont apportés « à titre exceptionnel ». Il estime nécessaire de maintenir cette condition, qui souligne que ces concours sont occasionnels et ne peuvent revêtir qu’un rôle marginal par rapport aux péages acquittés par les usagers des voies.

Mutualisation des fonctions de support entre les établissements publics de l’Etat qui exercent les mêmes missions sur des périmètres géographiques différents

62.    Le projet de loi comporte des dispositions permettant aux établissements publics de l’Etat exerçant les mêmes missions sur des périmètres géographiques différents de mutualiser leurs « fonctions de support », le cas échéant en chargeant l’un des établissements d’assurer ces fonctions pour le compte de tous les autres.

Le Conseil d’Etat estime que ces dispositions sont utiles en ce qu’elles permettent de surmonter toute difficulté au regard du principe de spécialité applicable aux établissements publics et de la définition légale des missions des établissements concernés. Compte tenu de la rédaction proposée, leur champ d’application n’inclura que certaines catégories d’établissements, comme les agences de l’eau ou les parcs nationaux, et ne s’étendra pas aux établissements publics exerçant leurs missions sur l’ensemble du territoire national.

La rédaction proposée par le Conseil d’Etat complète le projet de façon à définir, sans entrer dans trop de détails, les modalités possibles de cette mutualisation et, conformément au souhait du Gouvernement, à permettre au pouvoir réglementaire de la décider et de l’organiser, après avis des conseils d’administration des établissements concernés, à défaut d’une initiative en ce sens de leur part.

Transparence des entreprises publiques locales

63.    Le projet de loi comporte plusieurs dispositions tendant à renforcer le contrôle des collectivités territoriales sur les entreprises publiques locales, en prévoyant notamment que leurs assemblées délibérantes débattent du rapport de leurs mandataires au sein de ces entreprises et donnent un accord exprès à toute prise de participation d’une société d’économie mixte locale dans une autre société. Il élargit également les obligations d’information et d’alerte incombant aux commissaires aux comptes. Le Conseil d’Etat relève que ces dispositions, qui tiennent notamment compte des pratiques croissantes de filialisation de ces entreprises, répondent aux enjeux juridiques de responsabilité, aux enjeux financiers ainsi qu’à l’impératif de bonne gestion des services publics locaux dont ces entreprises ont la charge.

Le Conseil d’Etat relève également qu’en assortissant l’obligation faite aux organes des sociétés d'économie mixte locales de transmettre leurs délibérations dans les quinze jours suivant leur adoption au préfet de département d’une sanction de nullité, le projet de loi remédie à une lacune qui affecte la portée contraignante de cette disposition impérative.

Modernisation des missions des chambres régionales des comptes :

64.    Le projet de loi prévoit la faculté pour les régions et les départements de demander aux chambres régionales des comptes de leur ressort de procéder à l’évaluation d’une politique publique relevant de leur compétence, à l’instar de celle exercée par la Cour des comptes au bénéfice du Parlement (art. L. 132 6 du code des juridictions financières). Cette disposition tend, conformément aux préconisations du Conseil d’Etat, à ce que les collectivités territoriales puissent disposer d’outils de pilotage pour la conduite des politiques publiques et ce, dans un contexte où un nombre croissant de politiques publiques est partagé entre l’Etat et les différents niveaux d’administration décentralisée (Etude annuelle du Conseil d’Etat de 2020 : « Conduire et partager l’évaluation des politiques publiques », proposition n° 7).

Le projet de loi réserve dans un premier temps cette faculté aux deux catégories de collectivités précitées. Cette option, qui s’inscrit dans une phase de démarrage de l’aide offerte par les chambres régionales des comptes et tient compte des moyens contraints de celles-ci, ne soulève pas d’objection. Le Conseil d’Etat relève qu’au regard des objectifs poursuivis par le projet de loi, les régions et les départements sont dans une situation différente des collectivités du bloc communal.

Evaluation des mineurs privés de la protection de leur famille

65.    Le projet de loi, reprenant sur ce point des dispositions dont le Conseil d’Etat avait déjà eu à connaître dans le cadre de l’examen du projet de loi confortant le respect, par tous, des principes républicains (Assemblée générale, 3 décembre 2020, n° 401549), modifie la procédure d’évaluation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille prévue à l’article L. 221 2 2 du code l’action sociale et des familles qui ressortit à la compétence du président du conseil départemental. En l’état actuel du droit, le président du conseil départemental s’appuie sur les entretiens conduits par des professionnels spécialement formés avant de statuer sur la minorité et l’isolement de la personne concernée. Depuis le décret n° 2019 57 du 30 janvier 2019 relatif aux modalités d'évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et autorisant la création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à ces personnes, il peut, s’il le souhaite, recueillir des informations complémentaires et organiser la présentation de la personne concernée auprès des agents des services de l’Etat spécialement habilités à recueillir les informations utiles à son identification et à renseigner le traitement de données intitulé « application d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM) », établi sur le fondement de l’article L. 611 6 1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (devenu, depuis le 1er mai 2021, l’article L. 142 3 de ce même code) et régi par les articles R. 221 15 1 à R. 221 15 9 du code de l’action sociale et des familles.

Selon l’étude d’impact, le dispositif de protection des mineurs isolés est aujourd’hui victime d’engorgement sous le double effet d’un nombre croissant de demandes d’étrangers majeurs et de la réitération des demandes dans plusieurs départements. Afin d’y remédier, le Gouvernement souhaite rendre obligatoires, d’une part, l’organisation de la présentation des personnes concernées auprès des services de l’Etat ainsi que le renseignement du traitement de données AEM et, d’autre part, la transmission au préfet, chaque mois, des décisions prises par le président du conseil départemental sur la situation de minorité et d’isolement de ces personnes. Ces dispositions visent à compléter les informations prises en compte par le président du conseil départemental au moment où il statue et à mieux détecter les demandes multiples.

66.    Le Gouvernement souhaite également conditionner le versement des contributions forfaitaires de l’Etat aux départements au titre des charges d’évaluation à l’organisation de la présentation de la personne concernée auprès des agents des services de l’Etat et à la transmission au préfet des décisions statuant sur la situation des personnes concernées.

67.    En premier lieu, le Conseil d’Etat, reprenant sur ces dispositions du projet de loi les termes de son précédent avis, note que le Conseil constitutionnel a jugé, à propos de la création du traitement de données AEM, que « ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de modifier les règles relatives à la détermination de l'âge d'un individu et aux protections attachées à la qualité de mineur, notamment celles interdisant les mesures d'éloignement et permettant de contester devant un juge l'évaluation réalisée. À cet égard, la majorité d'un individu ne saurait être déduite ni de son refus opposé au recueil de ses empreintes ni de la seule constatation, par une autorité chargée d'évaluer son âge, qu'il est déjà enregistré dans le fichier en cause ou dans un autre fichier alimenté par les données de celui-ci » (Décision n° 2019 797 QPC, 26 juillet 2019, paragr. 7). Il rappelle également que le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a précisé que « l’intervention des agents des préfectures a pour seul objet de fournir au président du conseil départemental des informations permettant d’aider à la détermination de l’identité et de la situation de la personne, qui sont alors l’un des éléments de l’évaluation qui doit être conduite, en vertu du III de l’article R. 221 11 du code de l’action sociale et des familles, par les services du département, ou de la structure du secteur public ou du secteur associatif à laquelle cette mission a été déléguée par le président du conseil départemental. Elle est distincte des entretiens menés avec les intéressés par les professionnels de ces services ou structures, en application du septième alinéa du II du même article, dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire » (CE, 5 février 2020, n° 428478 428826, UNICEF France et autres, Conseil national des barreaux, point n° 9).

La transformation de la possibilité de saisir les services de la préfecture en obligation ne modifie pas les effets juridiques associés, tels qu’ils ont été décrits ci-dessus dans les deux décisions précitées. Le Conseil d’Etat considère, par suite, que l’obligation d’organiser la présentation mentionnée au point 68 auprès des services de l’Etat dans le cadre de l’évaluation n’affecte pas la compétence que détient le président du conseil départemental en la matière et n’a pas d’incidence sur la protection dont doivent bénéficier les personnes mineures. Cette mesure ne méconnait ainsi ni le principe de libre administration des collectivités territoriales, ni l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, ni les stipulations de la convention internationale relative aux droits de l’enfant ou de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

68.    En second lieu, le Conseil d’Etat constate, d’une part, que les nouvelles obligations mentionnées au point 68 mises à la charge des départements correspondent à une augmentation de dépenses liées à des compétences déjà transférées et qu’il revient en conséquence à l’Etat, dès lors qu’aucune compensation n’est requise, de fixer les conditions de versement de sa contribution. Il relève, d’autre part, que le Conseil constitutionnel veille à ce que les dispositions législatives qui réduisent les ressources des collectivités territoriales ne les restreignent pas au point d'entraver leur libre administration et de méconnaître ainsi l'article 72 de la Constitution (Décision n° 2016 745 DC, 26 janvier 2017, paragr. 61 et 63 à 69). A titre d’exemple, le Conseil constitutionnel a admis des diminutions de la dotation globale de fonctionnement pour les années 2015, 2016 et 2017, pour des montants respectivement de 1,9 %, 1,6 % et 1 % des recettes de ces collectivités territoriales (Décision n° 2014 707 DC, 29 décembre 2014, cons. 20 et 23 ; Décision n° 2016 744 DC, 29 décembre 2016, paragr. 52 et 53).

En l’espèce, il ressort des informations communiquées par le Gouvernement que le montant de la contribution forfaitaire mentionnée ci-dessus représente 0,14 % des recettes réelles de fonctionnement des départements. Le Conseil d’Etat estime qu’il en résulte que l’absence de versement de cette contribution aux départements qui ne respecteraient pas l’obligation mensuelle de transmission de leurs décisions à la préfecture ne serait pas de nature à restreindre excessivement leurs ressources et à entraver leur libre administration.

Prise en compte des accords-cadres de coopération sanitaire dans les schémas régionaux de santé

69.    Le projet de loi modifie l’article L. 1434 3 du code de la santé publique en introduisant dans les schémas régionaux de santé un volet consacré aux accords-cadres de coopération sanitaire entre la France et les pays frontaliers, sur le fondement desquels peuvent être conclues, en application de l’article R. 160 3 du code de la sécurité sociale, des conventions de coopération sanitaire ou médico-sociale entre les organismes de sécurité sociale et certains établissements sanitaires ou médico-sociaux établis dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou la Suisse.

Le Conseil d’Etat relève qu’il résulte de l’article L. 1434 2 du code de la santé publique que les projets régionaux de santé, dont les schémas régionaux de santé sont une composante, ont déjà notamment pour objet d’organiser, lorsqu'un accord cadre international le permet, la coopération sanitaire et médico-sociale avec les autorités du pays voisin. Il constate ainsi que la mesure a en fait uniquement pour objet d’imposer que les éléments que contient le projet régional de santé relatifs à la coopération sanitaire frontalière figurent au sein du schéma régional et de préciser certains éléments de son contenu, à savoir l’accès aux soins urgents, l’évacuation des blessés ainsi que la coordination en cas de crise sanitaire.

Le Conseil d’Etat estime que la précision ainsi apportée au contenu des schémas régionaux de santé ne se heurte à aucun obstacle juridique.

Il propose, en cohérence avec les dispositions actuelles de l’article L. 1434 2 du code de la santé publique, d’étendre le champ de la mesure à l’ensemble des accords-cadres de coopération sanitaire conclus dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution.

Clarification de certaines dispositions relatives au régime juridique des canalisations de gaz

70.    Le projet de loi apporte plusieurs clarifications au régime juridique des canalisations de gaz.

En premier lieu, il apporte des modifications au code de l’énergie en posant le principe de l’appartenance au réseau public de distribution des conduits à l’intérieur des immeubles, en amont des compteurs individuels. Il laisse aux propriétaires et copropriétaires un délai pour faire connaître leur opposition à cette appartenance. Il organise le transfert au réseau public de distribution des parties de canalisations comprises entre les parties communes de l’immeuble et les compteurs individuels, appelés « bouts parisiens ». Il précise les délais et modalités de ces transferts ainsi que les conditions financières et les répercussions tarifaires.

En second lieu, il apporte des modifications au code de l’environnement pour clarifier certains éléments relatifs à la responsabilité en cas de dommage à une canalisation ou installation de gaz. Les atteintes volontaires à leur bon fonctionnement sont déjà passibles des sanctions prévues au code pénal pour les destructions, dégradations et détériorations de biens ; l’article ajouté au code de l’environnement n’est dès lors qu’une disposition miroir des articles correspondants du code pénal. S’agissant des atteintes involontaires à des canalisations ou à des ouvrages qui se trouvent en dehors de la zone signalée par l’exploitant et sans indice de présence, le projet de loi dispose que l’entreprise qui exécute les travaux sans imprudence ni négligence caractérisée ne peut être tenue de réparer les dommages.

La rédaction du projet a été sensiblement revue par le Conseil d’Etat afin de préciser et de sécuriser juridiquement les différents éléments du dispositif, qui n’appelle, par ailleurs, pas d’observation particulière.

Obligation de réaliser un diagnostic de l’état des équipements de raccordement des biens immobiliers au réseau public collectif d’assainissement

71.    Le Conseil d’Etat a été saisi, par une saisine rectificative en date du 26 avril 2021, donc dans des délais très contraints, de nouvelles dispositions, dont l’objet principal est de rendre obligatoire la réalisation, par les collectivités territoriales en charge de l’assainissement, sur le fondement de l’article L. 2224 8 du code général des collectivités territoriales, à la demande et aux frais de propriétaires privés, d’un diagnostic de l’état des équipements de raccordement de leurs biens immobiliers au réseau public collectif d’assainissement, avant toute vente d’un bâtiment ou partie de bâtiment. Le diagnostic doit, en application de l’article L. 271 4 du code de la construction et de l’habitation, être annexé à l’acte de vente. La réalisation d’un tel diagnostic à la demande d’un copropriétaire est ajoutée aux missions du syndic de copropriété.

L’objectif poursuivi par ces dispositions consiste à réduire l’importance des rejets d’eaux usées dans le milieu naturel, du fait des désordres fréquents affectant ces raccordements. Le Conseil d’Etat attire l’attention du Gouvernement sur les contraintes que fait peser, une nouvelle fois, ce dispositif d’abord sur les propriétaires et copropriétaires mais aussi sur les collectivités territoriales. Il note également que les dates envisagées pour l’entrée en vigueur du dispositif (1er janvier 2023 pour l’obligation faite aux collectivités compétentes de réaliser ces diagnostics ; 1er juillet 2023 pour l’obligation de joindre ce document aux actes de vente) sont très proches et ne sauraient être avancées, d’autant que le délai accordé aux acteurs publics et privés pour s’y préparer dépendra de la date effective d’entrée en vigueur de la loi.

Le Conseil d’Etat relève, par ailleurs, que l’efficacité, pour l’environnement, des mesures envisagées sera significativement réduite dès lors que le projet de loi ne prévoit aucune mesure pour tirer les conséquences du diagnostic. Il ne peut qu’inviter le Gouvernement à poursuivre sa réflexion en ce sens.

Le Conseil d’Etat ne peut pas retenir les dispositions du projet de loi prévoyant que le diagnostic issu des contrôles doit être fourni lors de la mise en location d’un bien immobilier. En effet, cette information n’a pas la même utilité pour le locataire que pour le propriétaire. En tout état de cause, le Conseil d’Etat estime que, compte tenu du nombre des demandes susceptibles d’être adressées en application du projet de loi, le risque de perturbation des services des collectivités territoriales et, par voie de conséquence, des transactions privées qui dépendraient de cette transmission, est excessif au regard de l’intérêt collectif en cause.

De même, le Conseil d’Etat ne peut retenir les dispositions du projet consistant à rendre applicables, dès le 1er janvier 2022, le contrôle des raccordements et, dès le 1er juillet 2022, l’obligation d’annexer les résultats de ce contrôle aux actes de vente, dans les communes, déterminées par décret, concernées par le plan d’amélioration de la qualité des eaux de baignade des secteurs devant accueillir des épreuves de nage en eau libre des Jeux Olympiques de Paris de 2024. En effet, compte tenu du très faible nombre d’installations qui pourraient, avant l’été 2024, faire l’objet de travaux de remise en état à la suite de diagnostics, l’impact sur la qualité des eaux de baignade concernées sera limité voire, très vraisemblablement, négligeable. Dans ces conditions, l’importance des conséquences susceptibles de résulter de l’application anticipée de ces mesures, assorties de l’obligation de réaliser les travaux nécessaires dans un délai de deux ans, sur les collectivités territoriales concernées et sur les transactions réalisées dans ces secteurs, ne justifie pas l’atteinte au principe d’égalité à laquelle elles conduisent.

Enfin, le Conseil d’Etat ne peut donner un avis favorable aux dispositions du projet de loi modifiant l’article L. 1331 11 1 du code de la santé publique, qui compromettent la clarté et la lisibilité de cet article.

Ratification de l’ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en tant qu’elles sont prises sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution

72.    Faute de disposer des informations lui permettant d’identifier les dispositions de l’ordonnance n° 2020 1733 du 16 décembre 2020 qui ont été prises sur le fondement de l’article 74 1 de la Constitution, le Conseil d’Etat n’est pas en mesure de donner son avis sur la mesure de ratification et ne peut que proposer sa suppression. Pour le cas où le Gouvernement entendrait maintenir ces dispositions, le Conseil d’Etat l’invite à compléter l’exposé des motifs pour préciser lesquelles des dispositions de l’ordonnance ont été prises sur le fondement de l’article 74 1 de la Constitution.


DISPOSITIONS N’APPELANT PAS D’OBSERVATIONS DU CONSEIL D’ETAT

73.    Le projet de loi comporte enfin d’autres dispositions qui n’appellent pas d’observation particulière de la part du Conseil d’Etat, les modifications qu’il propose pour certaines d’entre elles s’expliquant d’elles-mêmes. Elles ont pour objet :

- d’opérer un transfert de compétence, au sens de l’article 72 2 de la Constitution, aux régions pour leur attribuer une partie des compétences de l’Etat relatives aux sites Natura 2000 ;

- de supprimer les commissions départementales de suivi de la loi SRU, qui ont perdu leur objet ;

- de clarifier l’article L. 313 34 du code de la construction et de l’habitation et étend l’action de l’Association foncière logement (AFL), filiale du groupe Action logement, à la diversité de l’habitat et à la lutte contre l’habitat indigne ;

- de simplifier les règles applicables aux projets partenariaux d’aménagement (PPA) et aux grandes opérations d’urbanisme (GOU), en particulier en élargissant le recours à un permis d’aménager multi-sites pour la mise en œuvre des opérations prévues dans ce cadre ;

- de porter à six ans le délai fixé par la loi n° 2018 1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique pour procéder à la mise en conformité des règlements de copropriété en ce qui concerne les parties communes spéciales, les parties communes à jouissance privative et les lots transitoires ;

- de permettre aux collectivités territoriales gestionnaires des centres de santé de recruter des professionnels médicaux, auxiliaires médicaux et administratifs et les affecter à l'exercice des activités de ces centres ;

- de donner compétence au département pour coordonner le développement de l'habitat inclusif, défini à l'article L. 281 1 du code de l'action sociale et des familles, et l’adaptation du logement au vieillissement de la population ;

- de modifier l’article L. 123 4 1 du code de l’action sociale et des familles aux fins de permettre aux communautés urbaines et aux métropoles de créer des centres intercommunaux d’action sociale (CIAS) ;

- de prévoir qu’au plus tard au terme d’un délai d’un an à compter de la publication de la loi, les fonctionnaires de la fonction publique hospitalière nommés dans les fonctions de directeur d’un établissement relevant des services départementaux de l’aide sociale à l’enfance exercent ces fonctions en position de détachement dans les cadres d’emplois équivalents de la fonction publique territoriale ;

- à titre expérimental, pour une durée de trois ans, de placer sous l’autorité fonctionnelle de l’exécutif de la collectivité territoriale de rattachement, au titre des compétences qui incombe à celle-ci, l’adjoint du chef d’établissement chargé, dans un établissement public local d’enseignement, de la gestion matérielle, financière et administrative ;

- de permettre l’attribution par la commune, le département, et la région, de subventions aux entreprises existantes ayant pour objet l’exploitation de salles de cinéma pour la création de nouveaux établissements, conçus pour réaliser moins de 7 500 entrées hebdomadaires ou labellisés art et essai ;

- de définir, en reprenant et adaptant des dispositions de lois antérieures ayant le même objet, les règles applicables aux transferts des services et des agents qui y sont affectés résultant des dispositions du présent projet de loi ;

- de faire du représentant de l’Etat, respectivement dans les régions, la collectivité de Corse, et les collectivités d’outre-mer mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution, le délégué territorial de l’ADEME ;

- de faire de chaque préfet coordonnateur de bassin hydraulique le président du conseil d’administration de l’agence de bassin correspondante (établissement public administratif de l’Etat) et à assurer, sur le territoire d’intervention de chaque agence, une plus forte coordination entre la programmation de ses aides et les priorités et projets territoriaux de l’Etat ;

- en vue de renforcer au profit des collectivités territoriales le rôle d’expertise et d’assistance du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cérema), d’habiliter le Gouvernement à modifier par ordonnance le statut de cet établissement public et à prévoir les conditions de la participation des collectivités territoriales au financement de ses missions ;

- mettant le droit en accord avec le fait, de faire évoluer le dispositif des « maisons de services au public », régi par l’article 27 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, vers un dispositif dénommé « France services » fondé sur des conventions conclues au niveau départemental ou infra-départemental entre l’Etat, des collectivités territoriales et des organismes nationaux ou locaux chargés d’un service public ou d’une mission d’intérêt général et donnant lieu à la délivrance d’un label à l’ensemble des services compris dans le champ des conventions ;

- de simplifier la répartition des tâches entre l’assemblée délibérante et l’exécutif local en déléguant à ce dernier les décisions d’admission en non-valeur de créances irrécouvrables de faibles montants ;

- d’élargir les possibilités de cession à titre gratuit par les collectivités territoriales de leurs biens meubles, en procédant à un alignement quasi complet sur le cadre juridique des cessions à titre gratuit par l’Etat de ses biens meubles ;

- de clarifier le délai dans lequel les présidents d’établissement public de coopération intercommunale ou de groupement de collectivités territoriales peuvent renoncer à ce que les pouvoirs de police spéciale des maires des communs membres leur soient transférés de plein droit ;

- de prévoir un débat obligatoire à mi-mandat sur les délégations de compétences de la métropole d’Aix-Marseille-Provence aux territoires ;

- de préciser que les conseils régionaux peuvent consulter les collectivités territoriales étrangères limitrophes sur tout ou partie du projet de schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires ;

- de permettre à des collectivités territoriales étrangères et à leurs groupements de participer au capital de sociétés publiques locales ayant pour objet la gestion d’un service public d’intérêt commun transfrontalier ;

- d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnances de l'article 38 de la Constitution les mesures nécessaires à la codification, la simplification et la modernisation des règles législatives de la publicité foncière ;

- de modifier le statut de l’établissement public Monnaie de Paris pour lui permettre en particulier de valoriser le patrimoine immobilier dont il est propriétaire, ce qui vise le site industriel de Pessac ;

- de préciser modalités d’application à Mayotte de la prescription acquisitive en matière immobilière ;

- d’ouvrir à cinq collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, la Réunion et Mayotte, la possibilité de créer un établissement public industriel et commercial (EPIC) compétent en matière de formation professionnelle ;

- d’étendre aux Terres australes et antarctiques françaises la possibilité de conclure des conventions de mandat avec des organismes tiers afin de pouvoir notamment encaisser des ressources issues d’un financement participatif ;

- de supprimer l’obligation de subdivision en deux sections du Conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l’éducation de Guyane et du Conseil économique, social, environnemental, de la culture et de l’éducation de Martinique ;

- d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnances de l'article 38 de la Constitution les mesures nécessaires à l'adaptation et à l'extension des dispositions de la présente loi dans les collectivités d’outre-mer mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution ;

- de faciliter, en Guyane, les cessions gratuites du domaine foncier de l’Etat au bénéfice de l’établissement public foncier et d’aménagement, en précisant les conditions dans lesquelles est consultée la commune sur le territoire de laquelle est située le terrain dont la cession est envisagée ainsi que les motifs qui peuvent être invoqués par la collectivité pour s’opposer à la cession.

 

Cet avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’Etat dans sa séance du jeudi 6 mai 2021.