Avis sur un projet de loi ratifiant l'ordonnance relative aux règles de construction et au code de la construction et de l’habitation

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Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis du Conseil d'État sur un projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l’habitation.

CONSEIL D’ETAT
Section des travaux publics
Séance du 23 juin 2020
N° 400172

EXTRAIT DU REGISTRE DES DELIBERATIONS

1. Le Conseil d’Etat a été saisi le 12 mai 2020 d’un projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2020‑71 du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l’habitation.

2. Outre la ratification de l’ordonnance à laquelle il procède, ce projet comporte des dispositions qui modifient son annexe. En effet, la partie législative du livre Ier du code de la construction et de l'habitation (CCH) ne doit entrer en vigueur que lorsque la partie réglementaire de ce livre sera également recodifiée par un décret en Conseil d'Etat qui déterminera cette date, et au plus tard le 1er juillet 2021.

3. Certaines de ces modifications consistent en la correction d’erreurs matérielles mineures ou des harmonisations terminologiques et n’appellent pas d’observations.

4. La promulgation, depuis la publication de l’ordonnance, de lois nouvelles qui ont modifié les dispositions actuelles du livre Ier est à l’origine du remplacement de certains articles, tels celui qui impose la réalisation d’un diagnostic relatif à la gestion des produits, matériaux et déchets issus des travaux de construction et de rénovation des bâtiments et celui qui prévoit ses conditions d’application, qui ont été redéfinis par l'article 51 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. La nature de ces modifications, dont la nécessité est incontestable, met en évidence l’intérêt d’une entrée en vigueur immédiate d’un texte de recodification, laquelle est cependant subordonnée à la  recodification simultanée des parties législative et réglementaire d’un code. Elle n’était pas possible en l’espèce, l’habilitation consentie par le législateur ayant également pour finalité d’aboutir à une rédaction nouvelle des règles de construction applicables, propre à éclairer, notamment par l'identification des objectifs poursuivis, le maître d'ouvrage sur les obligations qui lui incombent. Il importait donc de faire approuver les dispositions législatives nouvelles avant de rédiger la partie réglementaire correspondante, dont l’élaboration pourrait prendre encore près d’une année. Dans cet intervalle, le Gouvernement et le Parlement devront donc être attentifs aux dispositions de lois futures qui affecteraient le livre Ier du CCH. Le Gouvernement ne disposant plus de la possibilité de modifier la future partie législative, c’est au Parlement qu’il reviendra d’y veiller.

5. Le projet de loi dont le Gouvernement a saisi le Conseil d'Etat contient également des dispositions entièrement nouvelles.

6. Le Conseil d'Etat admet l’intérêt, d’une part, d’introduire dans le futur livre Ier de la partie législative du code de la construction et de l'habitation un article destiné à donner une base législative aux dispositions réglementaires existantes imposant la tenue de registres de sécurité dans différentes catégories de bâtiments afin de procéder à l’harmonisation de ces registres, ainsi que, d’autre part, d’imposer la constitution d’un dossier relatif à la solution d'effet équivalent, dossier ayant vocation à figurer dans le registre de sécurité d’un bâtiment pour la construction ou la rénovation duquel il aurait été recouru à une solution d'effet équivalent.

Certes, la compétence pour édicter l’obligation de tenir et mettre à jour un registre de sécurité et pour en définir le contenu a été reconnue à l’autorité titulaire du pouvoir réglementaire tant au titre de son pouvoir de police que par application des dispositions législatives générales du code de la construction et de l'habitation, notamment ses articles L. 122-1 et L. 123-1, qui l’habilitent à fixer l’ensemble de la réglementation régissant la sécurité des immeubles. Le registre de sécurité, qui permet de consigner notamment les règles d’entretien et de maintenance et d’en vérifier le respect, est l’un des aspects de cette réglementation.

Toutefois, le Gouvernement entend étendre l’objet de ces registres, actuellement largement consacrés à la sécurité contre l’incendie, à tous les aspects de la sécurité des immeubles ainsi qu’à leur qualité sanitaire et poser explicitement l’obligation de conserver les consignes qui y sont afférentes durant toute la durée de vie de l’ouvrage. Cet élargissement à des objectifs nouveaux justifie l’intervention du législateur.

7. Le projet de loi de ratification comporte également des dispositions instituant une obligation d’établir un « carnet d'information du logement », qui est faite aux propriétaires de logements et destinée à améliorer la performance énergétique de ceux-ci.

8. Il a vocation à succéder au « carnet numérique d'information, de suivi et d'entretien du logement », régi par l’actuel article L. 111-10-5 du code de la construction et de l'habitation issu de l'article 182 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique. Ce carnet ne verra en réalité jamais le jour puisqu’une forte présomption d’inconstitutionnalité pèse sur lui, mise en évidence à l’occasion de l’examen des dispositions réglementaires envisagées pour son application.

En effet, d’une part, n’étant justifiées par aucun d’objectif d’intérêt général clairement déterminé, les obligations très larges et génératrices de coûts supplémentaires mises à la charge des personnes tenues d’établir ce carnet, l’absence de toute garantie de son effectivité, ainsi que les effets incertains qu’il comporte sont susceptibles d’être regardées comme une atteinte manifestement excessive au droit de propriété. 

D’autre part, en imposant aux propriétaires une obligation de conservation, sous forme numérisée, d’informations sur leur logement, parmi lesquelles figurent des données personnelles, sans définir le contenu ni la portée de cette obligation, ni encadrer l’activité des opérateurs auxquels il leur est fait obligation de recourir, la loi paraît entachée d’incompétence négative.

En outre, l’instauration d’un suivi permanent de l’entretien des immeubles bâtis, sans définition précise de son contenu, mais susceptible de porter sur tous les éléments relatifs à l’état du logement et du bâtiment, est de nature à entraîner un risque élevé pour la sécurité juridique et de faire obstacle aux transactions.

9. Le Gouvernement souhaite donc réintroduire le carnet d'information dans la future partie législative du livre Ier du CCH et, après s’être attaché à définir un carnet d’information exempt des graves défauts ainsi relevés, propose un dispositif qui ne présente pas les faiblesses du carnet numérique d'information, de suivi et d'entretien du logement.

L’objectif d’intérêt général qu’il poursuit est clairement affirmé et porte exclusivement sur l’amélioration de la performance énergétique des logements, sans créer aucune exception entre les différentes catégories de logement qui pourrait méconnaître le principe d’égalité.

L’obligation d’établir ce carnet à l’occasion de la construction du logement ainsi que de la réalisation de travaux de rénovation ayant une incidence significative sur la performance énergétique de ce logement est cohérente avec l’objectif d’intérêt général et directement en rapport avec son objet, tout comme le contenu du carnet d'information. Celui-ci est précisément défini par les dispositions législatives proposées de sorte que l’obligation de transmission de ce carnet en cas de mutation ne devrait pas gêner les transactions.

Enfin, l’obligation pour le propriétaire de recourir à un service en ligne sécurisé géré par un tiers pour regrouper et gérer les informations a disparu et il est loisible au propriétaire d’établir le carnet sous la forme qu’il souhaite, les éléments constitutifs lui étant transmis par les personnes détenant les informations et documents que doit contenir le carnet.  

10. L’étude d’impact pourrait être complétée par la démonstration de l’utilité de cette mesure et de sa capacité à faciliter l’application de réglementations de plus en plus exigeantes en matière de performance énergétique.  

 

Cet avis a été délibéré et adopté par la section des travaux publics dans sa séance du 23 juin 2020.