Avis sur un projet de loi portant diverses mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail

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Le Gouvernement a décidé de rendre public l’avis du Conseil d’État sur un projet de loi portant diverses mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail.

CONSEIL D’ÉTAT    
Commission permanente
Séance du lundi 5 septembre 2022
N° 405.699
EXTRAIT DU REGISTRE DES DÉLIBÉRATIONS

1. Le Conseil d’Etat a été saisi le 2 août 2022 d’un projet de loi portant des premières mesures d’urgence visant à conforter et à améliorer le fonctionnement du marché du travail. Ce projet de loi a été modifié par une saisine rectificative reçue le 8 août 2022.

Ce projet de loi comporte cinq articles :

- les deux premiers ont pour objet d’autoriser le Gouvernement à prendre par décret en Conseil d’Etat, au-delà du 1er novembre 2022, date à partir de laquelle le décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage cessera de produire ses effets, les mesures d’application de ce régime au plus tard jusqu’au 31 décembre 2023 ou, s’agissant de la modulation des taux de contribution des employeurs en fonction de leur taux de séparation (« bonus-malus »), jusqu’au 31 août 2024. Ces articles précisent également les informations susceptibles d’être transmises aux employeurs concernant les modalités de calcul de leur taux modulé ;

- le troisième article réécrit les dispositions de l’article L. 2314-18 du code du travail, qui définissent le corps électoral pour les élections des représentants des salariés dans les comités sociaux et économiques, afin de tirer les conséquences de la décision n° 2021-947 QPC du 19 novembre 2021 par laquelle le Conseil constitutionnel a abrogé cet article, dans sa rédaction actuelle, avec effet au 1er novembre 2022 ;

- le quatrième article comporte diverses mesures relatives à la valorisation des acquis de l’expérience, visant à ouvrir ce dispositif aux proches aidants, à tenir compte de certaines périodes de mise en situation professionnelle dans l’expérience du candidat, à renforcer l’accompagnement des candidats dans la constitution de leurs dossiers et à ouvrir à de nouveaux organismes la possibilité de prendre en charge les frais exposés par certains salariés ;

- le cinquième comporte des dispositions ratifiant vingt-et-une ordonnances intervenues dans les domaines du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.

2. L’étude d’impact répond aux exigences de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

3. Le Conseil d’Etat constate que le projet de loi a été soumis à l’avis préalable de l’ensemble des instances dont la consultation est obligatoire.

Il relève que les dispositions du projet de loi relatives à la valorisation des acquis de l’expérience mentionnées au point 1 du présent avis, eu égard à leur objet, ne peuvent être regardées comme concernant l’enseignement ou l’éducation au sens des dispositions de l’article L. 231-1 du code de l’éducation. Par suite, la consultation du Conseil supérieur de l’éducation revêtait un caractère facultatif.

Sur les dispositions temporaires et dérogatoires relatives au régime d’assurance-chômage

4. Le Conseil d’Etat rappelle qu’en vertu des articles L. 5422-20 et L. 5422-20-1 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, les mesures d’application des dispositions législatives relatives au régime d’assurance chômage sont normalement définies par la voie d’un accord conclu entre les organisations représentatives d'employeurs et de salariés puis agréé par le Premier ministre. Cet accord est négocié sur la base d’un document de cadrage établi par le Gouvernement après concertation avec les partenaires sociaux. A défaut d’accord ou en l’absence d’agrément de celui ci, les mesures d’application du régime d’assurance chômage sont déterminées par décret en Conseil d’Etat (dit « décret de carence »).

C’est dans ce cadre que, après l’échec des négociations initiées au vu du document de cadrage transmis le 25 septembre 2018, le Premier ministre a pris le décret n° 2019-797 du 
26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage. En vertu de son article 6, les dispositions de ce décret de carence sont applicables jusqu’au 1er novembre 2022. 

5. Afin de garantir la continuité du recouvrement des contributions et du service public de l’indemnisation à cette date, le projet de loi autorise le Gouvernement à définir les mesures d’application du régime d’assurance chômage par décret en Conseil d’Etat au-delà du 1er novembre 2022, pour une période dont le terme sera fixé par décret, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2023, à l’exception des mesures relatives au « bonus-malus », pour lesquelles le projet de loi permet au Gouvernement d’intervenir jusqu’au 31 août 2024.

Le Gouvernement justifie la mesure par le souhait d’engager une concertation sur l’évolution des règles d’indemnisation, ainsi que sur les règles mêmes de la gouvernance du régime d’assurance chômage, dans un contexte où, du fait notamment des incidences économiques et sociales de l’épidémie de covid-19, les principales mesures introduites par le décret du 26 juillet 2019 ont vu leur mise en œuvre différée jusqu’à 2021 voire, pour certaines, jusqu’en 2022. 

6. Le Conseil d’Etat constate, à titre liminaire, que le projet du Gouvernement ne se limite pas à habiliter le pouvoir réglementaire à proroger à l’identique les dispositions du décret de carence en vigueur, ou à ne les adapter que dans la mesure où ces adaptations resteraient compatibles avec le document de cadrage transmis aux partenaires sociaux en 2018. Le projet de loi ne comporte en effet aucune limitation directe ou indirecte quant à l’objet ou à la portée des dispositions du futur décret.

7. S’agissant, d’abord, de la nécessité d’une intervention législative pour atteindre l’objectif poursuivi, le Conseil d’Etat observe que les dispositions législatives en vigueur n’assignent pas à l’accord ou au décret de carence de durée précise. Il résulte toutefois de l’article L. 5422-20-1 que le document de cadrage, adressé aux partenaires sociaux en amont de la négociation de l’accord, doit indiquer le montant prévisionnel du produit des impositions de toute nature contribuant au financement du régime « pour les trois exercices à venir ». En outre, l’article L. 5422-22 impose aux accords d’être compatibles avec la trajectoire financière et, le cas échéant, les objectifs d’évolution des règles du régime définis dans le document de cadrage. La même exigence s’applique au décret de carence pendant la période que l’accord devait couvrir, ainsi qu’il résulte de la décision du Conseil d’Etat statuant au contentieux du 15 décembre 2021 (n° 452209, point 5). Le Conseil d’Etat relève que le document de cadrage du 25 septembre 2018 s’inscrivait dans l’hypothèse d’un accord applicable pour une durée de trois années. 

Compte tenu notamment de la durée pendant laquelle le projet de loi entend permettre au Gouvernement d’intervenir au-delà de la période initialement prévue, ainsi que de la volonté du Gouvernement d’apporter le cas échéant au régime d’assurance chômage des adaptations excédant celles qu’autorisent les dispositions régissant le décret de carence actuel,  le Conseil d’Etat estime que les objectifs poursuivis ne peuvent être atteints par la voie réglementaire et requièrent effectivement des dispositions législatives.

8. S’agissant, ensuite, du fond de la mesure, le Conseil constitutionnel a jugé que la négociation des règles de l'assurance chômage entre dans le champ d'application du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail, garanti par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (voir notamment sa décision n° 2018-769 DC du 4 septembre 2018, paragr. 49 et 50 ; voir aussi l’avis n° 389926 du Conseil d’Etat du 16 avril 2015 sur le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, point 13). L’article 34 de la Constitution range par ailleurs dans le domaine de la loi la détermination des principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical. 

Il appartient par conséquent au seul législateur de déterminer, dans le respect des principes qui sont énoncés au huitième alinéa du Préambule, les conditions de leur mise en œuvre. Il résulte en particulier de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que si le huitième alinéa « implique que la détermination des modalités concrètes de cette mise en œuvre fasse l'objet d'une concertation appropriée entre les employeurs et les salariés ou leurs organisations représentatives, elle n'a ni pour objet ni pour effet d'imposer que dans tous les cas cette détermination soit subordonnée à la conclusion d'accords collectifs » (voir les décisions n° 93 328 DC du 16 décembre 1993, cons. 4 ; n° 97-388 DC du 20 mars 1997, cons. 7). Le Conseil constitutionnel a pu préciser, lors de l’examen de la loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, « qu’il est loisible au législateur de renvoyer au décret ou de confier à la convention collective le soin de préciser les modalités d’application des règles fixées par lui pour l’exercice du droit de grève » (décision n° 2007-556 DC du 16 août 2007, cons. 7).

9. Le Conseil d’Etat relève que le futur décret devra être soumis pour avis à la commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle en application des dispositions de l’article L. 2271-1 du code du travail. Par ailleurs, si le présent projet de loi a, tout comme les articles L. 5422-20 et L. 5422-20-1 auxquels il déroge, implicitement mais nécessairement pour effet d’écarter l’application à ce décret de la procédure prévue par les dispositions de l’article L. 1 du code du travail, le Gouvernement a indiqué qu’une première phase de la concertation à venir avec les partenaires sociaux porterait spécifiquement sur le contenu du décret appelé à être adopté sur le fondement des dispositions du présent projet de loi. Le Conseil d’Etat propose de mentionner expressément cette concertation ad hoc dans le projet de loi.

10. Le Conseil d’Etat observe, par ailleurs, que la mesure proposée, justifiée par les motifs d’intérêt général mentionnés au point 5 du présent avis, revêt un caractère temporaire, pour une durée qui peut être regardée comme adéquate compte tenu, notamment, de l’hypothèse où la concertation à venir mettrait à jour la nécessité de modifier les textes législatifs ou réglementaires en vigueur s’agissant du rôle des différents acteurs intervenant dans la définition des règles et dans la gestion du régime d’assurance chômage.

11. Le Conseil d’Etat rappelle, enfin, que si le présent projet de loi ne circonscrit pas par lui-même le contenu du futur décret, celui-ci ne pourra comporter, dans le respect des normes constitutionnelles, conventionnelles et législatives applicables ainsi que des principes généraux du droit, que des mesures en lien avec les questions soumises aux partenaires sociaux dans le cadre de la concertation à venir, et sur lesquelles ceux-ci auront été mis à même de prendre effectivement position. 

12. Le Conseil d’Etat estime qu’il résulte de ce qui précède que cette mesure ne méconnaît pas le principe garanti par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, ni aucune autre exigence d'ordre constitutionnel ou conventionnel.

13. Concernant la possibilité de définir par voie réglementaire les règles relatives au « bonus-malus » jusqu’au 31 août 2024, au-delà donc de la période envisagée pour les autres règles, le Conseil d’Etat relève que cette durée spécifique se justifie par l’objectif de mettre en œuvre le dispositif de modulation des taux de contribution des employeurs, prévu à l’article L. 5422-12 du code du travail, sur deux périodes successives de douze mois, la première ayant débuté au 1er juillet 2022 sur le fondement du décret de carence actuellement en vigueur. 

Compte tenu des caractéristiques propres du dispositif, le Conseil d’Etat estime que cette mesure ne se heurte à aucun obstacle juridique. Le Conseil d’Etat relève, par ailleurs, la nécessité de circonscrire le champ des dispositions concernées à celles qui sont strictement nécessaires à la mise en œuvre du « bonus-malus » et, conformément à l’article 37 de la Constitution, de renvoyer au niveau réglementaire le soin de préciser les bornes temporelles exactes des périodes au cours desquelles les taux de séparation sont constatés et les périodes au cours desquelles les taux de contribution calculés sur cette base sont appliqués à chaque employeur.

Sur la transmission des sous-jacents du taux modulé à l’employeur

14. Le projet de loi comporte une disposition modifiant de manière pérenne l’article L. 5422 12 du code du travail afin d’y préciser que les organismes chargés du recouvrement des cotisations auprès des employeurs peuvent, dans des conditions précisées par décret, transmettre à ceux-ci certaines informations nécessaires à la compréhension des modalités de calcul de leur taux modulé dans le cadre du dispositif « bonus-malus », en particulier la liste de leurs anciens salariés inscrits à Pôle emploi à la suite de la rupture de leur contrat. 

Le Conseil d’Etat relève que cette variable est l’un des paramètres d’établissement du taux, en vertu du 1° de l’article L. 5422-12. Si cette donnée peut être regardée comme une information relative à la vie privée, le Conseil d’Etat estime qu’eu égard à la nature de cette donnée et à l’objectif de transparence poursuivi, la mesure est justifiée par un motif d’intérêt général, adéquate et proportionnée à l’objectif. Il rappelle que cette mesure de transparence concernant certaines variables prises en compte pour le calcul du taux modulé s’appliquera sans préjudice de la mise en œuvre pour les autres variables, le cas échéant, des dispositions du code des relations entre le public et l’administration relatives à la communication des documents administratifs (art. L. 311 1 et suivants) ou de certaines informations relatives aux décisions individuelles prises sur le fondement d'un traitement algorithmique (art. L. 311-3-1).

Sur la définition du corps électoral pour les élections aux comités sociaux et économiques

15. Le Conseil d’Etat rappelle que la Cour de cassation interprète les dispositions de l’article L. 2314-18 du code du travail, qui définissent le corps électoral pour les élections aux comités sociaux et économiques, et celles de l’article L. 2314-19, qui déterminent les personnes éligibles à ces mêmes élections, comme impliquant que « ne peuvent ni exercer un mandat de représentation du personnel ni être électeurs les salariés qui, soit disposent d'une délégation écrite particulière d'autorité leur permettant d'être assimilés au chef d'entreprise, soit représentent effectivement l'employeur devant les institutions représentatives du personnel. » (voir Cass. soc., 6 mars 2001, 99-60.553 ; Cass. soc., 31 mars 2021, 19-25.233). 

Dans sa décision n° 2021-947 QPC, le Conseil constitutionnel, qui n’avait été saisi que des dispositions de l’article L. 2314-18, a estimé qu’« en privant des salariés de toute possibilité de participer en qualité d'électeur à l'élection du comité social et économique, au seul motif qu'ils disposent d'une telle délégation ou d'un tel pouvoir de représentation », ces dispositions, telles qu’interprétées par la jurisprudence constante des juridictions judiciaires, « portent une atteinte manifestement disproportionnée au principe de participation des travailleurs ». Il a, en conséquence, décidé d’abroger l’article L. 2314-18, dans sa rédaction actuelle, et reporté au 1er novembre 2022 les effets de cette abrogation.

16. Dans le présent projet de loi, tel que modifié par une saisine rectificative, le Gouvernement propose de rétablir l’article L. 2314-18 à compter du 1er novembre prochain, en y précisant que désormais l’ensemble des salariés ont la qualité d’électeur, dès lors qu’ils remplissent les conditions posées par cette disposition en termes notamment d’âge ou d’ancienneté dans l’entreprise. Il propose également de modifier l’article L. 2314-19 pour y expliciter, dans la lignée de la jurisprudence bien établie de la Cour de cassation rappelée au point 15 du présent avis, que les salariés assimilables à l’employeur en raison des attributions qui leur ont été déléguées, ou qui représentent l’employeur devant les instances représentatives du personnel, restent inéligibles.

17. Le Conseil d’Etat rappelle que le Conseil constitutionnel juge, d’une part, que « Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit » et d’autre part, pour l’application du principe de participation garanti par les dispositions du huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, « qu’il incombe au législateur de déterminer, dans le respect de ce principe et de la liberté syndicale, les conditions et garanties de sa mise en œuvre et, en particulier, les modalités selon lesquelles la représentation des travailleurs est assurée dans l’entreprise » (décision n° 2015-519 QPC du 3 février 2016, paragr. 11).

Le Conseil d’Etat estime que la modification à la marge de l’article L. 2314-18, rapprochée de l’article L. 2314-19 dans sa rédaction elle-même modifiée, est de nature à lever toute difficulté d’ordre constitutionnel s’agissant de la définition du corps électoral, et à assurer le respect de l’autorité de chose jugée qui s’attache à la décision n° 2021-947 QPC. 

Il estime, par ailleurs, que, s’agissant de l’éligibilité, la distinction opérée ne méconnaît pas le principe d’égalité ni les exigences du huitième alinéa du Préambule de 1946, compte tenu de l’incidence que les attributions exercées ou les fonctions occupées seraient, par elles-mêmes, de nature à avoir sur le bon fonctionnement des comités sociaux et économiques. Le critère utilisé apparaissant clair et précis, la mesure ne se heurte à aucun autre obstacle juridique.

Sur les dispositions relatives à la validation des acquis de l’expérience

18. Afin de lever toute ambiguïté et d’éviter une rupture d’égalité, le Conseil d’Etat estime nécessaire de compléter le projet du Gouvernement pour préciser que l’élargissement envisagé du champ des personnes éligibles à la validation des acquis de l’expérience ne concerne pas seulement les « proches aidants » au sens de l’article L. 113-1-3 du code de l’action sociale et des familles, c’est-à-dire les proches apportant une aide à une personne âgée dans l’accomplissement des actes de la vie quotidienne, mais aussi les « aidants familiaux » au sens de l’article L. 245-12 du même code, qui apportent une aide à une personne handicapée. 

19. Le Conseil d’Etat estime qu’il y a lieu de préciser que les périodes de mise en situation professionnelle dont le projet de loi prévoit la prise en compte au titre de l’expérience antérieure du candidat sont celles effectuées dans le cadre du dispositif d’insertion mentionné à l’article L. 5135-1 du code du travail. Les périodes de même nature effectuées dans le cadre d’une formation initiale ou continue sont en effet déjà susceptibles d’être légalement prises en compte.

20. Le projet de loi prévoit par ailleurs d’élargir la vocation des dispositifs d’accompagnement des candidats à la valorisation des acquis de l’expérience. En l’état du droit, il résulte de l’article L. 6423-1 du code du travail que « Toute personne dont la candidature a été déclarée recevable (…) peut bénéficier d'un accompagnement dans la préparation de son dossier et de son entretien avec le jury ». Le Gouvernement entend faire débuter cet accompagnement dès la constitution du dossier de recevabilité, afin de tenir compte des difficultés rencontrées par de nombreuses personnes dans cette étape du parcours de validation, qui compromettent la qualité de leur dossier, voire font obstacle à ce qu’elles se portent candidates.

Le Conseil d’Etat relève que cette mesure, de nature à faciliter substantiellement l’accès aux procédures de valorisation des acquis de l’expérience, aura de manière générale une incidence sur les organismes chargés du financement et de la prise en charge des frais afférents. 

Elle aura un impact particulier sur les régions, qui sont chargées, en vertu du 4° de l’article L. 6121-1 du code du travail, d’organiser l'accompagnement des jeunes et des adultes à la recherche d'un emploi qui sont candidats à la validation des acquis de l'expérience, et de participer à son financement. Cette compétence est rappelée à l’article L. 6423-1 du même code. 

Le Conseil d’Etat constate toutefois que le projet de loi ne crée pas de nouvelle prestation, l’accompagnement étant déjà une composante de la compétence régionale en matière d’« accès à la formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d'un emploi ou d'une nouvelle orientation professionnelle », mentionnée au premier alinéa de l’article L. 6121-1 du code du travail. Le projet de loi n’étend pas davantage le champ des bénéficiaires de l’accompagnement et, dès lors qu’il se limite à permettre un accompagnement plus précoce des publics concernés, ne peut être regardé comme modifiant la nature ou l’objet de la compétence des régions en la matière. Par suite, si la mesure envisagée modifie les conditions d’exercice de cette compétence, elle ne constitue pas une « extension » de compétence au sens de l’article 72-2 de la Constitution, qui supposerait que la loi l’accompagne de ressources dédiées (voir notamment les décisions du Conseil constitutionnel n° 2010-56 QPC du 18 octobre 2010 et n° 2010-109 QPC du 25 mars 2011).

21. Le Conseil d’Etat estime que la mesure autorisant de manière pérenne les commissions paritaires interprofessionnelles agréées pour prendre en charge financièrement les projets de transition professionnelle (associations de transition professionnelle), mentionnées à l’article L. 6323-17-6 du code du travail, à assumer certains frais afférents à la validation des acquis de l’expérience, dans la continuité des dispositions temporaires issues de l’ordonnance n° 2020-387 du 1er avril 2020 portant mesures d'urgence en matière de formation professionnelle, ne se heurte à aucun obstacle juridique.

Sur les dispositions ratifiant diverses ordonnances

22. Ces dispositions n’appellent pas d’observation de la part du Conseil d’Etat.

Cet avis a été délibéré et adopté par le Conseil d’Etat en Commission permanente dans sa séance du lundi 5 septembre 2022.