Avis sur un projet de loi organique adaptant diverses dispositions du droit électoral dans la perspective de la prochaine élection présidentielle

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Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis rendu par le Conseil d’État sur un projet de loi organique adaptant diverses dispositions du droit électoral dans la perspective de la prochaine élection du Président de la République.

Conseil d’État
Assemblée générale
Séance du jeudi 17 décembre 2020
Extrait du registre des délibérations

1. Le Conseil d’État a été saisi le 3 décembre 2020 d’un projet de loi organique adaptant diverses dispositions du droit électoral dans la perspective de la prochaine élection du Président de la République.

Ce projet introduit plusieurs dispositions dans la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, afin :

- de prévoir que les électeurs sont convoqués par décret en conseil des ministres dix semaines avant la date retenue pour le premier tour de scrutin, ou dès la publication de la décision du Conseil constitutionnel constatant la vacance de la Présidence de la République ou l’empêchement définitif du président ;
- de reporter la date d’entrée en vigueur d’une disposition de la loi organique n° 2016-506 du 25 avril 2016 permettant d’adresser les parrainages de candidats au Conseil constitutionnel par voie électronique ;
- d’actualiser la liste des articles du code électoral rendus applicables à cette élection ;
- d’obliger les candidats à déposer leurs comptes de campagne par voie dématérialisée et leurs mandataires à éditer les reçus des dons encaissés au moyen d’un téléservice mis en œuvre par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;
- d’instituer un système de vote par correspondance pour les personnes détenues.

Par ailleurs, le projet ramène, pour l’élection présidentielle de 2022, à neuf mois la période, fixée à un an par la loi du 6 novembre 1962, pendant laquelle les mandataires des candidats recueillent les fonds destinés au financement de la campagne et règlent les dépenses engagées en vue de l’élection.

Enfin, deux modifications, relatives aux commissions de contrôle et au vote par procuration, sont apportées à la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République.

Le Conseil d’État formule sur le projet les observations qui suivent.

2. L’étude d’impact du projet satisfait aux exigences de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009.

3. Le Conseil d’État propose de simplifier le titre du projet, en reprenant celui de la loi organique qui a modifié la loi du 6 novembre 1962 en vue de l’élection de 2007 (loi n° 2006-404 du 5 avril 2006 relative à l’élection du Président de la République).

Dispositions du code électoral rendues applicables à l’élection présidentielle

4. Le projet prévoit que les articles du code électoral rendus applicables à l’élection présidentielle s’appliquent dans leur rédaction en vigueur à la date de publication de la loi organique. Toutefois, il est prévu que l’article L. 72, relatif aux procurations, s’applique dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 dont l’entrée en vigueur a été fixée par cette loi au 1er janvier 2022. Cette disposition permet de rendre applicable à l’élection présidentielle la simplification résultant de la suppression de la condition relative à l’inscription du mandataire et du mandant dans la même commune.

Vote par correspondance des détenus

5. Le système de vote par correspondance des personnes en détention provisoire ou purgeant une peine d’emprisonnement institué par le projet reprend celui qui a été mis en œuvre lors de la dernière élection des représentants au Parlement européen.

L’article 87 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a en effet prévu, pour ce scrutin, que les détenus inscrits sur une liste électorale peuvent demander à voter par correspondance en remettant leur bulletin sous pli fermé à l’administration pénitentiaire et qu’une commission nationale établit la liste des électeurs admis à voter selon cette modalité et recense les suffrages.

La loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a ensuite introduit dans le code électoral des dispositions sur le vote des détenus. Il résulte de l’article L. 12-1 du code électoral, issu de cette loi, que les détenus qui souhaitent voter par correspondance sont inscrits sur une liste électorale au chef-lieu du département d’implantation de l’établissement pénitentiaire. Ceux qui sont inscrits sur la liste de la commune de leur domicile ou de leur dernière résidence, de leur commune de naissance ou d’une commune où résident des membres de leur famille peuvent seulement voter par procuration ou à la faveur d’une permission de sortir.

Pour l’élection présidentielle, le Gouvernement n’entend pas imposer aux détenus souhaitant voter par correspondance de renoncer à leur inscription sur la liste d’une commune dans laquelle ils ont des attaches personnelles. En effet, l’obligation de s’inscrire dans un bureau unique dédié à cette modalité de vote vise à éviter les difficultés que comporterait la transmission à une pluralité de bureaux dispersés sur l’ensemble du territoire des bulletins recueillis sous pli fermé au sein d’un établissement pénitentiaire. Or, cette difficulté ne se présente que pour l’élection des députés et celle des membres des assemblées locales, qui se déroulent dans des circonscriptions territoriales. Pour les scrutins nationaux, les bulletins recueillis dans les établissements peuvent être transmis à une commission centrale chargée de les recenser, sans qu’il soit nécessaire de remettre en cause l’inscription des électeurs sur la liste électorale de telle ou telle commune. Cette raison explique le choix que fait le projet d’étendre à l’élection présidentielle le système retenu pour les élections européennes.

Le Conseil d’État estime que ce choix n’appelle pas d’objection. Il considère toutefois qu’il n’y a pas lieu de reprendre à l’identique l’ensemble des dispositions de l’article 87 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019.

D’une part, il propose de ne pas retenir la disposition selon laquelle un détenu ayant opté pour le vote par correspondance qui est libéré avant d’avoir pu émettre son suffrage doit, s’il souhaite participer au scrutin, demander au juge judiciaire de l’autoriser à voter à l’urne. En effet, il ne paraît pas justifié d’imposer une telle démarche aux intéressés alors que l’administration, nécessairement informée de la situation, peut les mettre à même de voter à l’urne ou par procuration en demandant la suppression de la mention apposée sur la liste électorale de leur commune d’inscription selon laquelle ils ont opté pour le vote par correspondance et, au besoin, en leur délivrant des attestations.

D’autre part, la disposition selon laquelle les dépenses résultant de l'organisation des opérations de vote par correspondance sont à la charge de l’État paraît inutile puisque ces opérations seront intégralement accomplies par ses services.

Le Conseil d’État estime opportun de procéder ultérieurement et par souci de cohérence à une modification l’article 87 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 afin de supprimer ces dispositions.

Raccourcissement de la période de contrôle du financement des dépenses électorales

6. Le projet, pour la seule élection présidentielle de 2022, réduit à neuf mois la période, fixée à un an par le deuxième alinéa du II de l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962, pendant laquelle les mandataires des candidats recueillent les fonds destinés au financement de la campagne et règlent les dépenses engagées en vue de l’élection.

Cette disposition tient compte du report, prévu par un projet de loi ordinaire, des élections départementales et régionales qui devaient se tenir en mars 2021 au mois de juin suivant. Elle vise à éviter les difficultés qui pourraient naître de l’application parallèle du contrôle des comptes de campagne propres à ces élections et du contrôle relatif à l’élection présidentielle. En effet, pour les candidats à l’élection présidentielle qui auraient également été candidats aux élections départementales et régionales, la ventilation des dépenses entre les comptes de campagne relatifs à ces différentes élections serait susceptible de soulever des questions délicates.

Sur le plan constitutionnel, le Conseil d’État estime qu’aucun principe ne vient contraindre l’appréciation du législateur quant à la détermination de la période pendant laquelle s’appliquent les dispositions destinées à permettre le contrôle du financement des campagnes électorales, dès lors que cette période n’a pas commencé à courir. Il relève d’ailleurs qu’à l’exception de l’élection présidentielle, toutes les autres élections politiques font l’objet d’un contrôle pendant les six mois qui précédent. Le délai de neuf mois proposé par le projet du Gouvernement ne se heurte donc à aucun obstacle juridique.

Analysant plus avant les raisons justifiant ou non ce délai, le Conseil d’État estime en l’espèce que les difficultés mises en exergue dans l’exposé des motifs doivent pouvoir être surmontées. En effet, la superposition des périodes de contrôle afférentes à des campagnes électorales distinctes est habituelle, du fait notamment de la proximité entre l’élection présidentielle et les élections législatives, et n’entraîne pas de problèmes majeurs. Ceux qui pourraient résulter de la superposition entre les trois derniers mois de la période correspondant aux élections départementales et régionales et les trois premiers mois de la période correspondant à l’élection présidentielle devraient demeurer limités, compte tenu tant des plafonds de dépenses applicables respectivement aux élections locales et à l’élection du Président de la République que du faible nombre de personnes qui seront candidates à la fois aux premières et à la seconde.

Le raccourcissement de la période aurait par ailleurs pour conséquence   de retarder de trois mois la mise en œuvre du contrôle du recueil des fonds, qui est notamment destiné à assurer le respect du plafonnement des dons d’une même personne physique et de l’interdiction des dons de personnes morales. Par ailleurs, il limiterait le recueil de ressources auprès des particuliers, les donateurs ne pouvant, durant ces trois mois, bénéficier de l’avantage fiscal prévu par la loi. Pour l’ensemble de ces motifs, le Conseil d’État propose, au terme de son analyse et tout en reconnaissant au législateur une large latitude pour opérer son choix, de ne pas déroger à la durée de douze mois pour l’élection présidentielle de 2022.  

7. Les autres dispositions du projet de loi organique n’appellent pas de commentaire particulier du Conseil d’Etat.

Cet avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’État dans sa séance du jeudi 17 décembre 2020.