Avis sur un projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la Covid-19

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Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis du Conseil d'État sur un projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la Covid-19.

1. Le Conseil d’Etat a été saisi le 17 juin 2022 d’un projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la Covid-19.
Ce projet comporte trois articles :
- le premier modifie l’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions pour reporter au 31 mars 2023 l’échéance jusqu’à laquelle peuvent être mis en œuvre certains traitements de données à caractère personnel relatives aux personnes infectées par le virus SARS-CoV-2 et aux personnes ayant été en contact avec elles ; 
- le deuxième maintient jusqu’au 31 mars 2023 la possibilité pour le Premier ministre d’imposer aux personnes souhaitant se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou d'une collectivité d’outre-mer, de présenter le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la Covid-19, un justificatif de l’administration d’un vaccin contre la Covid-19 ou un document attestant de leur rétablissement à la suite d’une contamination par la Covid-19 ;
- le troisième crée, à titre pérenne, un « comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires » auprès des ministres chargés de la santé et de la recherche.

2. Sous réserve de ce qui est dit au point 14, l’étude d’impact répond globalement aux exigences de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

3. Le comité de scientifiques mentionné à l’article L. 3131-19 du code de la santé publique a été consulté, de manière facultative. Il a rendu un avis le 23 juin 2022.

Le contexte de la saisine

4. Le projet de loi s’inscrit dans la perspective de l’échéance du 31 juillet 2022, date au-delà de laquelle plusieurs des cadres juridiques établis pour lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 ne seront plus susceptibles de recevoir application : 
- l’article 7 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a prévu que le cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire, introduit par cette même loi aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique, n’est applicable que jusqu’à la date prévue par la loi. Cette date, initialement fixée au 1er avril 2021, a été reportée au 31 décembre 2021 par la loi n° 2021-160 du 15 février 2021 prorogeant l’état d’urgence sanitaire, puis au 31 juillet 2022 par la loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021 portant diverses dispositions de vigilance sanitaire ;
- l’article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire a rétabli le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire défini par la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire. Ce régime est entré en vigueur le 2 juin 2021. Son terme, initialement fixé au 30 septembre 2021, a été repoussé au 15 novembre 2021 par la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, puis jusqu’au 31 juillet 2022 par la loi du 10 novembre 2021 ;
- l’article 11 de la loi du 11 mai 2020 a autorisé la mise en œuvre, dans des conditions conduisant à déroger au secret médical, de traitements de données à caractère personnel dédiés à la lutte contre la propagation de l’épidémie de Covid-19, au plus tard jusqu’à une date initialement fixée au terme de six mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire. Cette date a ensuite été reportée au 1er avril 2021, puis au 31 décembre 2021, et enfin au 31 juillet 2022 par la loi du 10 novembre 2021.
En l’absence de disposition législative qui rétablirait, après le 31 juillet 2022, l’application des dispositions rappelées ci-dessus, les pouvoirs publics disposeront toujours de leurs prérogatives de police générale, exercées le cas échéant dans les conditions de la théorie jurisprudentielle des circonstances exceptionnelles, ainsi que des prérogatives de police sanitaire spéciale conférées au ministre de la santé par les dispositions du chapitre Ier du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique, en particulier celles de l’article L. 3131-1 relatives aux situations de menace sanitaire grave appelant des mesures d’urgence, sans préjudice des mesures spécifiques prévues par d’autres législations (telles que le contrôle des prix prévu à l’article L. 410-2 du code de commerce).

5. L’échéance prochaine du 31 juillet 2022 s’inscrit dans un contexte sanitaire marqué par un rebond épidémique et la persistance d’incertitudes sur l’évolution de l’épidémie. 
Il ressort de l’étude d’impact et de l’avis du comité de scientifiques mentionné à l’article L. 3131-19 du code de la santé publique rendu le 23 juin que les deux nouveaux sous-lignages de la souche Omicron, dits BA.4 et BA.5, apparus en Afrique du Sud, tendent à progresser, en France, comme dans les autres pays européens, où ils sont devenus majoritaires à la mi-juin. 
Après une phase de ralentissement de la circulation du virus, les indicateurs de circulation du virus sont en forte progression en France depuis le début du mois de juin (taux d’incidence de 477 pour 100 000 au 21 juin, contre 244 deux semaines plus tôt). Le nombre de reproduction R effectif est évalué à 1,35 et traduit une accélération de la circulation du virus. Ces tendances sont encore plus marquées dans certaines collectivités outre-mer. 
Le Conseil d’Etat relève que si les indicateurs de pression hospitalière restent contenus, en raison de la moindre virulence du sous-lignage BA.2 encore dominant en France jusqu’à récemment, de l’immunité acquise et de la couverture vaccinale, le comité de scientifiques mentionné à l’article L. 3131-19 du code de la santé publique relève dans son avis que le nombre de personnes hospitalisées avec Covid-19 reste élevé pour la saison, supérieur à ce qu’il était à la mi-juin 2021, au début de la diffusion du variant Delta. Par ailleurs, les nouvelles admissions à l’hôpital tendent à augmenter légèrement. Ces indicateurs doivent en outre être mis en perspective avec les fragilités que connaît le système de soins. Comme le relève le comité de scientifiques, l’impact hospitalier est bien plus important en Martinique et pourrait le devenir en Guadeloupe et en Guyane. 
A moyen terme, compte tenu du risque d’apparition de nouveaux variants du virus SARS CoV-2, des incertitudes existant quant à la persistance de l’immunité induite par les vaccins et au risque de réinfection, l’évolution de la situation épidémique reste particulièrement imprévisible. Parmi les scénarios présentés par la Haute Autorité de santé (Recommandation « Stratégie de vaccination contre la Covid-19 » du 12 mai 2022), si le scénario dit « de base » repose sur l’hypothèse d’une circulation active du virus, de reprises épidémiques périodiques et d’une immunité en baisse mais restant suffisante contre les formes graves et les décès pour une majorité de la population, un scénario dit « pessimiste », marqué par l’émergence d’un nouveau variant plus virulent échappant à la protection induite par les vaccins et l’immunité acquise, n’est pas exclu. Le comité de scientifiques indique quant à lui, dans son avis du 23 juin, qu’« il faut s’attendre à de nouvelles vagues épidémiques de Covid-19 » et que « dans l’attente d’une situation plus apaisée sur le front de l’émergence des variants du SARS-Cov-2, il est souhaitable de garder des dispositifs permettant une surveillance efficace de la circulation du virus ». 

Sur le cadre juridique de la gestion des crises sanitaires

6. Le Conseil d’Etat prend acte du choix du Gouvernement, au regard du contexte sanitaire, de ne pas prolonger pour l’essentiel, à l’exception des dispositions relatives aux systèmes d’information, la durée d’application des régimes de gestion de la crise sanitaire créés spécifiquement pour lutter contre l’épidémie de Covid-19. 
Le Conseil d’Etat observe toutefois qu’il en résulte un état du droit peu lisible, dès lors que les dispositions des articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique qui définissent, de manière indépendante de l’épidémie de Covid-19, le régime de l’état d’urgence sanitaire, ne sont plus susceptibles de recevoir application au-delà du 31 juillet 2022, sans être pour autant formellement abrogées. 
Il rappelle également, dans la continuité de son avis du 20 décembre 2020 portant sur un projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires (n° 401.741, point 7) et des propositions formulées dans son étude annuelle 2021 (« Les états d’urgence : la démocratie sous contrainte »), l’intérêt s’attachant à ce que soit réalisée une évaluation du cadre juridique actuel en vue de définir un cadre durable de réponse aux menaces, crises ou catastrophes sanitaires, compte tenu des limites du droit en vigueur et des besoins spécifiques, y compris en matière de traitements de données à caractère personnel, auxquels la législation en vigueur ne permet pas de répondre de manière suffisante. 
Le Conseil d’Etat regrette que cette démarche n’ait pu être menée à terme à ce jour, alors que la persistance de l’épidémie et le risque de reprises périodiques la rendent d’autant plus nécessaire.
Sur la prolongation de la durée maximale de mise en œuvre des traitements « SIDEP » et « Contact Covid » 

7. Le projet entend d’abord reporter au 31 mars 2023 l’échéance jusqu’à laquelle peuvent être mis en œuvre, dans des conditions conduisant à déroger au secret médical, les traitements de données à caractère personnel dédiés à la lutte contre la propagation de l’épidémie de Covid-19, dont l’article 11 de la loi du 11 mai 2020 autorise la création. Il a, en outre, pour effet de proroger jusqu’à cette même date la période pendant laquelle peuvent être conservées les données traitées aux seules fins de surveillance épidémiologique et de recherche. 
Le Conseil d’Etat rappelle que dans le cadre défini par cet article ont été créés par voie réglementaire (décret n° 2020-551 du 12 mai 2020 relatif aux systèmes d'information mentionnés à l'article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions), d’une part, le traitement « SIDEP », visant à centraliser les résultats des examens de dépistage du Covid-19, d’autre part, le traitement « Contact Covid », dont l’objet est  d’identifier, d’orienter et d’accompagner les personnes infectées et les personnes susceptibles de l’être, ainsi que de permettre la surveillance épidémiologique et la recherche sur le virus et les moyens de lutter contre sa propagation, enfin, certains traitements mis en œuvre par les agences régionales de santé pour l’exercice de leurs missions dans le cadre de la lutte contre l’épidémie.
Le Conseil d’Etat relève que le droit au respect de la vie privée, garanti par l'article 2 de la Déclaration de 1789 et par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, impose que les données à caractère personnel soient conservées pendant une durée n'excédant pas celle nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont enregistrées. Une exigence analogue résulte des dispositions du e du paragraphe 1 de l’article 5 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (dit « RGPD »). 
 
8. Le Conseil d’Etat estime que le report de l’échéance prévu par le projet de loi est justifié par la situation épidémiologique actuelle et par ses perspectives d’évolution à moyen terme rappelées au point 5 du présent avis, alors même que ni le régime de l’état d’urgence sanitaire résultant de la loi du 23 mars 2020, ni le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire défini par la loi du 31 mai 2021 ne seront plus susceptibles de recevoir application au-delà du 31 juillet 2022.
Compte tenu de la persistance de l’épidémie à court terme et des risques de rebond à moyen terme, cette mesure apparaît en effet nécessaire, au regard de l’intérêt public qui s’attache au recensement et à l’accompagnement des personnes dépistées positives aux fins de la réalisation d’enquêtes sanitaires et de l’obtention de données statistiques précises sur la progression de l’épidémie. Elle apparaît également nécessaire aux fins d’identifier et de dépister dans les meilleurs délais les cas contacts des personnes dépistées positives, notamment en présence de cas groupés, et d’assurer leur suivi médical. Ces systèmes d’information permettent également d’établir des attestations, justificatifs ou certificats conformes au règlement (UE) 2021/953 du 14 juin 2021 du Parlement et du Conseil relatif à un cadre pour la délivrance, la vérification et l’acceptation de certificats COVID-19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement.
Le Conseil d’Etat considère par ailleurs, ainsi qu’il l’a déjà admis dans ses avis du 9 juin 2020 (n° 400.322), du 14 septembre 2020 (n° 401.114), du 11 janvier 2021 (n° 401.919) et du 7 octobre 2021 (n° 404.103), que la prolongation jusqu’à cette même échéance du 31 mars 2023 de la durée pendant laquelle les données pseudonymisées pourront être conservées, à des fins de surveillance épidémiologique et de recherche scientifique, apparaît également cohérente avec les objectifs poursuivis par le Gouvernement et justifiée par l’évolution de la situation sanitaire. Il souligne, en outre, que ce report est sans incidence sur la durée de conservation des données directement identifiantes, qui reste fixée selon les cas à trois ou six mois à compter de leur enregistrement.
Le Conseil d’Etat considère en conséquence que le projet de loi ne méconnaît pas les exigences rappelées au point 7.  
Sur la possibilité de prévoir un « passe » pour les déplacements à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou d'une collectivité d’outre-mer

9. Le Conseil d’Etat relève que le Gouvernement ne souhaite prolonger au-delà du 31 juillet 2022 ni la possibilité de déclencher l’état d’urgence sanitaire en application de l’article L. 3131-12 du code de la santé publique, ni l’application du régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire organisé par les dispositions de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021. Ainsi qu’il résulte notamment de l’étude d’impact, le Gouvernement entend pour l’essentiel faire face à une éventuelle dégradation de la situation sanitaire au moyen des pouvoirs, rappelés au point 4, dont il disposait avant l’adoption de ces deux cadres juridiques et, le cas échéant, en soumettant au Parlement toute disposition législative requise par les circonstances. 
Le projet du Gouvernement envisage toutefois de conserver jusqu’au 31 mars 2023 la possibilité, prévue en l’état du droit au 1° du A du II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021, de subordonner les déplacements à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou d'une collectivité d’outre-mer à la présentation du résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la Covid-19, d’un justificatif de l’administration d’un vaccin contre la Covid-19 ou d’un document attestant d’un rétablissement à la suite d’une contamination par la Covid-19. 
Ce « passe », qui pourrait être mis en œuvre aux seules fins de prévenir ou de lutter contre un rebond de l’épidémie, restera soumis à un régime juridique identique à celui prévu, dans le cadre du régime de sortie, aux articles 1er et 4 de la loi du 31 mai 2021, en matière de prononcé de la mesure, de modalités de présentation des justificatifs par les personnes concernées, d’obligations applicables aux personnels intervenant dans les services de transport en cause, de contrôle et de sanctions pénales, ainsi que d’information régulière du Parlement, sous réserve de certaines adaptations mineures.

10. Il appartient au Conseil d’Etat, comme il l’a indiqué dans son avis du 21 avril 2021 sur le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire (n° 402.691, point 8), de vérifier que le projet assure, au regard des risques liés à la propagation du virus, en l’état des connaissances scientifiques et pour une durée adéquate, une conciliation conforme à la Constitution des nécessités de la lutte contre l’épidémie avec la protection des libertés fondamentales reconnues à tous ceux qui résident sur le territoire de la République.
Le Conseil d’Etat relève que la mesure prévue vise à permettre de ralentir la propagation sur le territoire national d’un éventuel nouveau variant du virus SARS-CoV-2 apparu à l’étranger ou de prévenir la diffusion rapide d’un tel variant dans des territoires, situés notamment outre-mer, disposant de capacités hospitalières moins accessibles. Le Conseil d’Etat estime que la disposition est justifiée, dans son principe, compte tenu de la situation épidémiologique actuelle et de ses perspectives d’évolution à moyen terme, telles qu’elles ont été exposées au point 5 du présent avis.
Tout en relevant la durée particulièrement longue de la période au cours de laquelle cette mesure sera susceptible de recevoir application, le Conseil d’Etat estime que l’échéance de la fin mars 2023 peut être regardée comme adéquate dans le contexte décrit au même point 5. La délimitation de cette période tient compte, notamment, de l’incidence particulière de la période hivernale sur la dynamique de l’épidémie et sur le fonctionnement du système de soins. Par ailleurs, la transmission régulière de rapports au Parlement sur la mise en œuvre de la mesure et son impact sur la situation sanitaire permettra la pleine information de celui-ci tout au long de la période. Le Conseil d’Etat rappelle qu’en tout état de cause il appartiendra au Premier ministre de ne mettre en œuvre cette mesure qu’en cas de nécessité et d’y mettre fin immédiatement, le cas échéant sur une base territorialisée, dès que les conditions de sa mise en œuvre ne seraient plus remplies. 
Le Conseil d’Etat propose en revanche de ne pas recourir à un critère de déclenchement faisant appel, comme le retient le projet du Gouvernement, à la notion de « résurgence » de l’épidémie, compte tenu de l’imprécision de cette notion qu’il avait relevée dans son avis du 9 juin 2020 sur le projet de loi organisant la fin de l’état d’urgence sanitaire (n° 400.322, point 7). Il propose, en outre, de préciser la rédaction du projet pour clarifier les différentes composantes du régime applicable aux mesures en cause et pour tirer les conséquences de la disparition, à compter du 31 juillet 2022, de la base légale permettant la réunion du comité de scientifiques mentionné à l’article L. 3131-19 du code de la santé publique.
Sur la création d’un comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires

11. Le Gouvernement n’entend pas prolonger au-delà du 31 mars 2023 l’existence du comité de scientifiques mentionné à l’article L. 3131-19 du code de la santé publique, dont la loi du 23 mars 2020 a prévu la création lors du déclenchement de l’état d’urgence sanitaire, et dont le VII de la loi du 31 mai 2021 a prévu la réunion, également, pendant toute la durée d’application du régime de sortie.
Le projet du Gouvernement prévoit en revanche la création d’un nouveau « comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires » placé auprès des ministres chargés de la santé et de la recherche, dont les missions et la composition seront définies par décret. Selon le projet, ce comité rend périodiquement des avis sur la situation sanitaire et les connaissances scientifiques qui s’y rapportent, et peut formuler des recommandations. Il ressort de l’étude d’impact que ce comité doit permettre d’éclairer les pouvoirs publics dans leur démarche de surveillance de l’évolution de l’épidémie de Covid-19 mais aussi, plus largement, d’identification et de suivi des autres menaces sanitaires auxquelles le pays pourrait être confronté à l’avenir.

12. Le Conseil d’Etat estime qu’au regard des missions que le projet du Gouvernement prévoit de confier à ce comité, la création de cette instance ne peut être regardées comme participant des « garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques » ni comme relevant d’aucun des autres principes ou règles placés par la Constitution dans le domaine de la loi. La disposition envisagée relève, par suite, du domaine du règlement.
 
13. Le Conseil d’Etat constate, en outre, que la création d’une instance pérenne proposée par le Gouvernement n’a pas été précédée d’une analyse de son articulation avec les instances existantes. 
Le Conseil d’Etat relève en particulier que l’article L. 1411-4 du code de la santé publique confie au Haut Conseil de la santé publique la mission : « 2° De fournir aux pouvoirs publics, en liaison avec les agences sanitaires et la Haute Autorité de santé, l’expertise nécessaire à la gestion des risques sanitaires ainsi qu’à la conception et à l’évaluation des politiques et stratégies de prévention et de sécurité sanitaire ». Compte tenu des missions que le Gouvernement envisage de lui confier, le domaine de compétence du nouveau comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires recoupe, en partie, celui du Haut Conseil.
Le Conseil d’Etat rappelle que, dans son avis du 20 décembre 2020 portant sur un projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires (n° 401.741, point 22), il avait appelé à une réflexion approfondie sur l'organisation du dispositif de protection de la santé publique, notamment sur l'articulation et la cohérence des interventions des différentes instances d’expertise sanitaire. Il souligne l’intérêt particulier s’attachant à la redéfinition des conditions de mobilisation de cette expertise dans les périodes de crise sanitaire ou en anticipation de celles-ci. Cette réflexion devrait notamment porter sur le point de savoir si les objectifs poursuivis peuvent être mieux atteints par la création de nouvelles instances chargées d’éclairer les pouvoirs publics sur les risques sanitaires, qu’elles soient créées ou non dans le cadre d’une crise sanitaire spécifique, ou au contraire par l’adaptation des instances d'expertise existantes, notamment le Haut conseil de la santé publique, afin que leurs modalités d’organisation et de fonctionnement soient en mesure de répondre aux besoins spécifiques de gestion de crises de la nature de celles qu’envisage le Gouvernement. 

14. Compte tenu de ce qui précède, le Conseil d’Etat estime que la mise en place d’une instance spécifique, se substituant au comité de scientifiques mentionné à l’article L. 3131-19 du code de la santé publique et reprenant ses compétences, afin de continuer à assurer le suivi de l’épidémie de Covid-19 tant qu’un tel suivi est requis, n’appellerait pas d’objection de sa part. 
En revanche, la création, par le biais de dispositions au demeurant non codifiées, d’une nouvelle instance, à vocation pérenne, chargée de fournir aux pouvoirs publics l’expertise nécessaire à la gestion des différents risques sanitaires, sans évaluation préalable de l’impact de cette création sur l’organisation de l’expertise sanitaire, n’est pas justifiée. Il considère en conséquence que les dispositions du projet relatives à la création de cette instance ne peuvent être retenues.

Cet avis a été délibéré et adopté par le Conseil d’Etat en Commission permanente dans sa séance du vendredi 24 juin 2022.