Avis sur deux projets de loi relatifs aux délais d’organisation des élections législatives, sénatoriales, municipales partielles, commissions syndicales

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Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis rendu par le Conseil d’État sur un projet de loi organique relatif aux délais d'organisation des élections législatives et sénatoriales et sur un projet de loi relatif aux délais d’organisation des élections municipales partielles et des élections des membres des commissions syndicales

1.    Le Conseil d’Etat (commission permanente), a été saisi le 12 novembre 2020 d’un projet de loi organique portant extension du délai d’organisation des élections législatives et sénatoriales partielles et d’un projet de loi portant extension du délai d’organisation des élections municipales partielles et des élections des membres des commissions syndicales. Ces textes ont fait l’objet, chacun, d’une saisine rectificative le 15 novembre 2020.

2.    Pour les élections partielles concernées, les deux projets donnent à l’autorité compétente la possibilité d’organiser le scrutin sans être nécessairement tenue par le délai de droit commun. Ce dernier est fixé par différents articles du code électoral et du code général des collectivités territoriales à trois mois ou à deux mois après la survenance de la vacance. Les projets étendent ce délai jusqu’au dimanche 13 juin 2021 et prévoient que la décision de convoquer les électeurs pour une partielle déterminée sera prise, au vu d’un rapport du comité de scientifiques institué en application de l’article L. 3131-19 du code de la santé publique, « dès que la situation sanitaire le permet ». Ce rapport est remis au plus tard le 16 février 2021, cette date étant celle à laquelle a été fixée la fin de l’état d’urgence sanitaire par l’article 1 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire.

La date du 13 juin 2021, qui borne dans le temps la dérogation organisée par les projets, résulte quant à elle de la prise en compte de l’interdiction énoncée à l’article LO 121 du code électoral d’organiser une élection partielle législative dans les douze mois qui précédent l’expiration des pouvoirs de l’Assemblée nationale qui interviendra le 21 juin 2022. Pour tenir compte du délai assurant un bon déroulement de la campagne électorale, ainsi que de la nécessité de ne pas organiser des élections à trop grande proximité de jours fériés ou de périodes de congés scolaires, les projets prévoient que seules les élections partielles déclenchées par des vacances survenues avant le 13 mars 2021 (et le 13 avril 2021 pour les conseils d’arrondissement) peuvent faire l’objet de ce report.

3.    Les deux études d’impact, reçues le 12 novembre 2020, apparaissent, en dépit de la brièveté du délai de leur préparation, satisfaisantes.

4.    L’épidémie de covid-19 a déjà conduit le législateur à reporter plusieurs scrutins. La campagne électorale, notamment à l’occasion de rendez-vous ou de réunions, et les opérations électorales favorisent la diffusion du virus par les déplacements de nombreuses personnes et les contacts dans des espaces restreints. En conséquence le Parlement a, par l’article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, repoussé de trois mois le deuxième tour des élections municipales. Puis, par la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires, il a différé la tenue des élections consulaires. Par voie de conséquence, par la loi organique n° 2020-976 du 3 août 2020, il a reporté l’élection des six sénateurs représentant les Français établis hors de France. La même loi a décidé de n’organiser les élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France qu’une fois les élections consulaires réalisées.

Dans tous ces cas il s’est agi, afin de ne pas contribuer à la propagation de l’épidémie, de différer, en fixant un délai maximal, les opérations électorales conduisant à la désignation de nouveaux élus et de prolonger dans cette mesure les titulaires des mandats en cours. S’agissant du report du second tour des municipales, qui rompait avec le principe de l’unicité des opérations électorales, le Conseil constitutionnel l’a validé en l’estimant justifié par un « motif impérieux d’intérêt général », comme l’avait fait le Conseil d’Etat dans son avis du 18 mars 2020. Il a par ailleurs jugé le délai maximal de report fixé au mois de juin 2020 adapté à la gravité de la situation sanitaire et à l’incertitude entourant l’évolution de l’épidémie (Décision n° 2020-849 QPC du 17 juin 2020).

5.    Le cas des élections partielles que visent les projets repose sur un mécanisme différent : à la suite, le plus souvent, d’une annulation contentieuse définitive ou, plus rarement, en cas de vacance d’un ou plusieurs sièges pour un autre motif, les opérations électorales permettant la désignation de nouveaux élus peuvent être différées au-delà du délai légalement prévu, alors même que le mandat concerné n’est plus exercé par aucun élu.

La Constitution prévoit au premier alinéa de son article 3 que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants », c’est à dire les députés et les sénateurs. L’article 72 de la constitution dispose que « les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus ». Il résulte de ces dispositions que lorsqu’un siège, plusieurs ou la totalité d’entre eux, est vacant au sein d’une assemblée élue, il incombe au législateur organique, agissant sur le fondement de l’article 25 de la Constitution pour le Parlement, ou au législateur ordinaire, sur le fondement de l’article 34, d’organiser les conditions dans lesquelles le suffrage universel peut à nouveau y pourvoir dans un délai raisonnable, à la fois bref et compatible avec la bonne organisation du scrutin. Il appartient également au législateur, lorsqu’un motif d’intérêt général le justifie, de déroger au délai raisonnable qu’il a fixé pour l’organisation des élections partielles. Si la vacance concerne l’ensemble de l’organe élu d’une collectivité, ce motif doit être impérieux. Dans tous les cas la dérogation doit être justifiée par la situation et le dépassement du délai adapté au regard de l’objet qui le motive.

6.    La dérogation prévue par les projets se rattache à l’objectif constitutionnel de protection de la santé publique. Elle est justifiée par l’aggravation de la situation sanitaire qui a motivé le rétablissement de l’état d’urgence jusqu’au 16 février 2021 et des mesures de confinement, depuis le 30 octobre 2020, pour une durée à ce jour indéterminée. L’existence d’un motif impérieux d’intérêt général justifiant une dérogation au délai légal de convocation des électeurs doit dans ces conditions être admise et, a fortiori, celle de l’existence d’un motif d’intérêt général suffisant pour justifier cette dérogation.

7.    Toutefois le projet du Gouvernement pose le principe d’un report des élections partielles à des dates fixées en fonction d’une situation sanitaire appréciée notamment au vu d’un rapport du comité de scientifiques qui devra être remis au plus tard le 16 février 2021. Dès lors que la situation sanitaire devra être appréciée au vu du rapport, de telles dispositions feraient dépendre la possibilité d’organiser les scrutins de la date à laquelle le comité choisirait de le déposer. Or, c’est à l’autorité administrative compétente qu’il revient d’apprécier, au vu du contexte sanitaire prévalant dans chaque cas, s’il est justifié de reporter la date d’organisation du scrutin. Le Conseil d’État suggère en conséquence de modifier le projet afin de prévoir que des recommandations relatives aux conditions d’organisation des élections partielles sont rendues par le comité des scientifiques à la demande du gouvernement aux dates que ce dernier estimera opportunes.

8.    Il appartiendra ainsi à l’autorité administrative compétente d’apprécier, sous le contrôle du juge, pour les vacances en cours et pour celles qui surviendraient avant le 13 mars 2021 si la situation sanitaire permet ou non l’organisation du scrutin en cause et dans la négative de le reporter, dès que la situation le permet, à une date qui ne peut être postérieure au 13 juin 2021. Cette extension porte sur une période limitée dont le terme paraît adapté à la fois eu égard à l’impossibilité d’organiser des élections partielles législatives au-delà du 13 juin 2021, à l’opportunité de fixer une règle commune à toutes les élections partielles et à la difficulté de préjuger de l’évolution de la situation sanitaire dans les prochains mois qui, au surplus, peut être différente selon les parties du territoire national. Dans ces conditions, ce choix ne se heurte pas à des objections constitutionnelles. Si, à l’approche des échéances prévues, il apparaissait que la situation sanitaire ne permet pas de tenir toutes les élections partielles nécessaires, il reviendrait au législateur de définir de nouvelles modalités pour leur tenue en dérogeant éventuellement aux dispositions qui excluent les élections partielles moins d’un an avant les élections générales.

Cet avis a été délibéré et adopté par le Conseil d’Etat en Commission permanente dans sa séance du 16 novembre 2020.