Avis relatif au traitement fiscal de revenus provenant d’un trust, en application de la convention fiscale franco-américaine du 31 août 1994 (...)

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Le gouvernement a décidé de rendre public l'avis relatif au traitement fiscal de revenus provenant d’un trust, en application de la convention fiscale franco-américaine du 31 août 1994 modifiée par les avenants des 8 décembre 2004 et 13 janvier 2009.

Le Conseil d’Etat (section des finances) est saisi par le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique d’une demande d’avis portant en substance sur les questions suivantes, concernant l’application de la convention signée à Paris le 31 août 1994 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (la « convention ») : 

1° Les stipulations du paragraphe 3 de l’article 4 de la convention franco américaine font-elles obstacle à ce que les revenus d’un trust révocable et non discrétionnaire constitué aux Etats-Unis soient regardés, comme en droit américain, pour l’établissement de l’impôt sur le revenu en France, comme directement appréhendés par les citoyens américains qui l’ont constitué, l’administrent et en sont les bénéficiaires, dans le cas particulier où ceux-ci sont résidents français ?

2° Si cette lecture n’est pas partagée :

a) S’agissant de revenus de source américaine :

i) La catégorisation du revenu et du crédit d’impôt conventionnel correspondant sera t elle déterminée par application de l’article catégoriel de la convention propre à la nature du revenu d’amont perçu par le trust ?

ii) Les revenus pourront ils être taxés au titre de l’année de leur réalisation par le trust révocable et non discrétionnaire indépendamment de leur distribution au bénéficiaire ?

iii) La combinaison du paragraphe 2 de l’article 29 de la convention, qui permet aux Etats-Unis d’imposer leurs citoyens comme si le traité n’existait pas, et de l’article 24 relatif à l’élimination de la double imposition conduira-t-elle à ce que les revenus couverts par le b du 1 de l’article 24 soient exonérés, et à ce que, pour ceux couverts par le b du 2 de l’article 24, ce qui est le cas des distributions en provenance de trusts, les Etats-Unis accordent un crédit d’impôt correspondant à l’impôt français ?

b) S’agissant de revenus de source non américaine, seraient-ils également regardés comme directement appréhendés par leur bénéficiaire et la double imposition serait-elle neutralisée par le biais d’un crédit d’impôt déterminé selon la convention conclue entre la France et l’Etat de la source du revenu ?

Vu la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Paris le 31 août 1994 et modifiée par les avenants du 8 décembre 2004 et du 13 janvier 2009 ;

Vu le code général des impôts, notamment ses articles 120 et 792-0 bis ;

EST D’AVIS
de répondre dans le sens des observations suivantes :

1. La demande d’avis porte sur un trust non discrétionnaire ou simple, dont les revenus, issus de valeurs mobilières américaines ou non-américaines, sont en principe versés aux bénéficiaires au fur et à mesure de leur acquisition par le trust. Le Gouvernement indique que les trusts sont considérés comme fiscalement transparents par le droit américain, c’est-à-dire que les revenus qu’ils perçoivent sont réputés directement appréhendés par leurs bénéficiaires, qui les déclarent à ce titre à l'administration fiscale américaine en fonction de la nature juridique de ces revenus (dividendes, intérêts, gains en capital, revenus immobiliers ou autres), comme s’ils avaient été reçus sans interposition d’aucune structure. Par la première question, le Gouvernement demande si, en application de la convention fiscale franco-américaine susvisée, les revenus d’un tel trust doivent, comme en droit américain, être regardés, pour l’établissement de l’impôt sur le revenu, comme directement appréhendés par les citoyens américains qui l’ont constitué, l’administrent et en sont les bénéficiaires, dans le cas particulier où ceux-ci sont résidents français.

2. En droit fiscal français, aux termes de l’article 792-0 bis du code général des impôts : « Pour l'application du présent code, on entend par trust l'ensemble des relations juridiques créées dans le droit d'un Etat autre que la France par une personne qui a la qualité de constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, en vue d'y placer des biens ou droits, sous le contrôle d'un administrateur, dans l'intérêt d'un ou de plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d'un objectif déterminé». 

3. Aux termes de l'article 120 du code général des impôts, qui définit les revenus des valeurs mobilières émises hors de France et les revenus assimilés : « Sont considérés comme des revenus au sens du présent article… 9° Les produits distribués par un trust défini à l'article 792-0 bis, quelle que soit la consistance des biens ou droits placés dans le trust ». Il résulte du texte même de ces dispositions que la loi fiscale française refuse le régime de transparence fiscale aux trusts et ne regarde pas les produits qu’ils perçoivent comme directement appréhendés par leurs bénéficiaires. Elle distingue, à l’intérieur de ces produits, entre ceux qui ne sont pas distribués et ceux qui le sont, et assimile ces derniers à des revenus de valeurs mobilières émises hors de France, quelle que soit par ailleurs la forme sous laquelle le trust les a perçus (dividendes, intérêts, gains en capital, loyers ou autres).

4. Les stipulations d’une convention fiscale ont pour objet de répartir le pouvoir d’imposer entre les Etats contractants et ne sauraient avoir pour effet, à défaut d’indication expresse contraire, de modifier les règles de fond posées par la législation fiscale de chaque Etat.

5. En l’espèce, aux termes du paragraphe 3 de l'article 4 de la convention susvisée, dans sa rédaction issue de l’avenant du 13 janvier 2009 : « Aux fins d’application de la présente Convention, un élément de revenu, bénéfice ou gain perçu par l’intermédiaire d’une entité considérée comme fiscalement transparente en vertu de la législation fiscale de l’un ou l’autre des Etats contractants, et qui est constituée ou organisée (…) dans l’un ou l’autres des Etats contractants (…) est réputé perçu par un résident d’un Etat contractant dans la mesure où cet élément de revenu est traité, par la loi fiscale de cet Etat, comme le revenu, bénéfice ou gain d’un résident ». Loin de remettre en cause le traitement fiscal des trusts découlant des dispositions précitées du code général des impôts, ces stipulations s’en remettent au contraire expressément à la loi fiscale de l’Etat de résidence des bénéficiaires, en l’occurrence la France, pour déterminer s’il y a lieu de considérer un trust comme fiscalement transparent. Il en résulte qu’en application des dispositions de l'article 120 du code général des impôts, auxquelles les stipulations précitées ne font pas obstacle, les revenus provenant de valeurs mobilières versés à un trust constitué aux Etats-Unis ne peuvent pas être regardés comme directement appréhendés par des citoyens américains résidents français. Ils doivent être traités au titre de l’impôt sur le revenu, dans la mesure où ils sont distribués, comme des revenus de valeurs mobilières émises hors de France.

6. Le Conseil d’Etat estime donc qu’aucune stipulation conventionnelle ne fait obstacle à l’application du régime prévu au 9° de l'article 120 du code général des impôts aux produits effectivement versés par un trust constitué aux Etats-Unis à un citoyen américain résident français.

7. Le Conseil d’Etat relève en outre qu’il résulte des dispositions précitées du code général des impôts que les trusts ne peuvent être assimilés, au titre de la loi française, à des partnerships de droit américain, et qu’ils ne peuvent pas plus l’être sur le fondement du paragraphe 4 de l’article 7 de la convention susvisée. Enfin, des contribuables ne pourraient pas davantage se prévaloir, au titre des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, des commentaires administratifs publiés au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-INT-CVB-USA-10-20, pour faire valoir que les trusts doivent être assimilés à des partnerships, et donc se voir appliquer les stipulations afférentes de la convention. En effet, dans sa rédaction en vigueur depuis le 12 septembre 2012, cette doctrine énumère limitativement, au paragraphe n° 20, les entités que l'administration regarde comme des partnerships, sans y mentionner les trusts.

8. Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu d’examiner les points soulevés par le Gouvernement dans la seconde question. 

Cet avis a été délibéré et adopté par le Conseil d’Etat (section des finances) dans sa séance du mardi 18 avril 2023.