Lutte contre les fausses informations

Avis consultatif
Passer la navigation de l'article pour arriver après Passer la navigation de l'article pour arriver avant
Passer le partage de l'article pour arriver après
Skip article sharing

L'Assemblée nationale a publié l'avis rendu par le Conseil d'État portant sur les propositions de loi relatives à la lutte contre les fausses informations

> Télécharger au format pdf

Assemblée générale
Séance du jeudi 19 avril 2018
Section de l’intérieur        
N°s 394641-394642

Extrait du registre des délibérations

Avis sur les propositions de loi relatives à la lutte contre les fausses informations

Présentation générale

1. Saisi sur le fondement du cinquième alinéa de l’article 39 de la Constitution de la proposition de loi organique n° 772 et de la proposition de loi ordinaire n° 799, respectivement enregistrées les 16 et 21 mars 2018 à la présidence de l’Assemblée nationale, relatives à lutte contre les fausses informations, présentées par M. Bruno Studer et Mme Naïma Moutchou, députés, le Conseil d’État, après avoir examiné le contenu de ces propositions de loi, formule les observations et suggestions qui suivent.
2. Le titre Ier de la proposition de loi ordinaire modifie le code électoral pour y introduire deux nouvelles mesures valables, à compter de la date de publication du décret convoquant les électeurs, pour les élections d’ampleur nationale (législatives et sénatoriales) afin de lutter contre la diffusion des fausses informations. Elles consistent, d’une part, à soumettre, à peine de sanctions pénales, les plateformes numériques à une obligation de transparence renforcée et, d’autre part, à ouvrir une nouvelle voie de référé devant le juge judiciaire aux fins de faire cesser la diffusion de fausses informations. Ces mesures sont également rendues applicables aux élections européennes et, par la proposition de loi organique, à l’élection présidentielle.
3. Le titre II de la proposition de loi ordinaire modifie la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Il vise, en premier lieu, à renforcer les prérogatives du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en lui permettant, dans de nouvelles hypothèses afférentes à la sauvegarde de l’ordre public, de refuser de conclure les conventions nécessaires à la distribution d’un service et de les résilier unilatéralement. En deuxième lieu, il reconnaît au CSA, lors des périodes précédant les opérations référendaires et les élections visées au titre Ier, la faculté d’ordonner la suspension de la diffusion d’un service titulaire d’une convention si ce dernier, d’une part, est contrôlé ou sous l’influence d’un État étranger et, d’autre part, vise à altérer la sincérité du scrutin à venir. Ce titre II prévoit également une nouvelle hypothèse justifiant la saisine du président de la Section du contentieux du Conseil d’État, aux fins de faire cesser la diffusion, tant par un opérateur satellitaire que par un distributeur de services, de ce service.
4. Le titre III de la proposition de loi ordinaire soumet les intermédiaires techniques (hébergeurs et fournisseurs d’accès à internet) à une obligation de coopération supplémentaire, aux fins de lutter contre les fausses informations.
5. Le titre IV porte sur les dispositions relatives à l’outre-mer.

Remarques générales

6. Le Conseil d’État constate tout d’abord que le droit français contient déjà plusieurs dispositions visant, en substance, à lutter contre la diffusion de fausses informations, suivant trois logiques distinctes. En premier lieu, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse comporte, dans ses chapitres IV et V, des dispositions permettant de réprimer des propos sciemment erronés, diffamatoires, injurieux ou provocants. Ces chapitres ont été rendus applicables aux services de communication au public en ligne par l’article 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. En deuxième lieu, le code électoral contient également des dispositions qui visent à garantir le bon déroulement des campagnes électorales en luttant tant contre la diffusion de fausses nouvelles (article L. 97) que contre la publicité commerciale à des fins de propagande électorale (article L. 52-1). Enfin la procédure de référé prévue à l’article 6 de la loi du 21 juin 2004, en tant qu’elle permet de mettre un terme aux dommages résultant du contenu d’un service de communication au public en ligne, peut être mobilisée aux fins de faire cesser la diffusion de fausses informations, sans préjudice des autres procédures d’urgence existantes lorsque ces fausses informations portent atteinte à l’intimité de la vie privée (article 9 du code civil). Cet état du droit, qui n’est pas exhaustif (d’autres dispositions du code pénal, notamment ses articles 411-5 et 411-10, et le droit de la protection des données à caractère personnel étant susceptibles de poursuivre, de façon plus indirecte, la même finalité), révèle que la lutte contre les fausses informations est une préoccupation ancienne et récurrente du législateur, à laquelle répondent déjà, quoique de façon éparse, de nombreuses dispositions.
7. Mais le Conseil d’État observe que l’actualité récente a révélé que la diffusion des fausses informations s’effectuait désormais selon des logiques et des vecteurs nouveaux. D’une part, les dernières élections intervenues dans plusieurs pays occidentaux ont été perturbées par la diffusion massive de fausses informations. D’autre part, cette diffusion résulte, pour une part significative, de stratégies délibérées d’acteurs -y compris étrangers- qui ont cherché à influer sur le cours normal des processus électoraux, en mobilisant à cette fin d’importants moyens financiers et technologiques. Enfin l’écho donné à ces fausses informations a été amplifié par les plateformes numériques, en particulier les réseaux sociaux, dont la logique économique conduit à valoriser, notamment, les contenus pour la promotion desquels elles ont été rémunérées et ceux suscitant le plus de controverses. Dans ces conditions, le Conseil d’État admet que l’état actuel du droit, notamment en matière électorale, ne permet pas nécessairement de répondre à l’intégralité des risques induits par ces nouveaux phénomènes.  
8. À titre liminaire, le Conseil d’État a ensuite émis deux recommandations transversales.
9. En premier lieu, lorsque la proposition de loi ordinaire prévoit que certaines dispositions ne sont applicables qu’aux périodes précédant les scrutins d’ampleur nationale, cette période est définie à compter de la publication du décret de convocation des électeurs, et court jusqu’à la fin des opérations de vote. Or le Conseil d’État constate qu’aucune disposition ne fixe de délai entre la date de publication de ces décrets et la date des élections auxquelles ils convoquent, à l’exception des élections européennes pour lesquelles la loi du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen se borne toutefois à prévoir que ce décret est publié « cinq semaines au moins avant la date des élections ». Dans ces conditions, pour éviter qu’une telle indétermination ne rende incertaine la durée maximale des périodes au cours desquelles les dispositions en cause, plus attentatoires aux libertés, auront vocation à s’appliquer, le Conseil d’État suggère plutôt de prévoir, sur le modèle de l’article L. 52-1 du code électoral, qu’elles s’appliquent « pendant les trois mois précédant le premier jour du mois de l’élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise ». Dans la même logique, afin d’éviter que ces dispositions ne s’appliquent, dans les faits, de façon pérenne, le Conseil d’État recommande de préciser qu’elles ne concernent pas les élections partielles, lesquelles, eu égard à leur portée locale, sont moins exposées à des stratégies délibérées de diffusion de fausses informations. En tout état de cause si de telles stratégies devaient se déployer à l’occasion d’élections partielles, le juge électoral serait amené, en cas de contentieux, à vérifier qu’elles n’ont pas altéré la sincérité du scrutin.
10. En second lieu, le Conseil d’État relève que la proposition de loi mentionne à la fois la notion de « fausses nouvelles », déjà présente dans la loi du 29 juillet 1881 et dans le code électoral, et la notion de « fausses informations ». Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que la notion de « fausses nouvelles » est interprétée comme désignant les nouvelles se rattachant à un fait précis et circonstancié, non encore divulgué et dont le caractère mensonger est établi de façon objective. Le champ d’application de la notion de « fausses informations » est plus large en ce qu’il supprime la condition tenant à l’absence de divulgation préalable de l’information litigieuse. Dans la mesure où cette notion ne vise toutefois que les informations dépourvues de tout élément de fait contrôlable de nature à les rendre vraisemblables, et qu’elle n’a ni pour objet, ni pour effet, d’attraire dans la catégorie juridique des fausses informations l’expression d’opinions, la prise en compte des fausses informations déjà divulguées n’appelle pas d’observations de la part du Conseil d’État. Ces « fausses informations » sont en outre cohérentes au regard de la distinction qu’opère la Cour européenne des droits de l’homme entre les jugements de valeur, à propos desquels la Cour estime, sauf exceptions, que l’obligation de preuve est impossible à remplir et porte atteinte à la liberté d’opinion elle-même, et les déclarations de fait, dont la matérialité doit pouvoir se prouver (CEDH, 27 mai 2001, Jerusalem c/ Autriche, n° 26958/98). Il relève également que le critère tenant à l’absence de divulgation préalable serait, en tout état de cause, difficile à manier dans un contexte d’informations diffusées de façon simultanée par de multiples services audiovisuels ou de communication en ligne, et qu’il réduirait par suite l’effectivité des mesures envisagées. En revanche, d’une part, par souci de cohérence et d’intelligibilité du texte, le Conseil d’État suggère aux auteurs des propositions de loi d’harmoniser les différentes dispositions des propositions de loi pour ne retenir que la notion de « fausses informations », plus opératoire. D’autre part, il souligne qu’ainsi définie, la notion de « fausses informations » ne révèle, par elle-même, aucune intention : aussi, pour éviter qu’une atteinte disproportionnée puisse être portée à la liberté d’expression, le Conseil d’État recommande que la lutte contre les fausses informations soit systématiquement circonscrite aux cas dans lesquels il est établi que la diffusion de telles informations procède d’une intention délibérée de nuire.

Titre Ier de la proposition de loi ordinaire (dispositions modifiant le code électoral)

Sur l’obligation de transparence en périodes électorales

11. L’article 1er de la proposition de loi ordinaire soumet, à peine de sanctions pénales introduites à l’article L. 112 du code électoral, les plateformes d’une taille significative à une obligation de transparence renforcée, qui leur impose de révéler, à leurs utilisateurs, l’identité et la qualité des personnes leur versant des rémunérations en contrepartie de la promotion de contenus d’information, ainsi que les montants correspondants. Cette obligation est créée à l’article L. 163-1 du même code.
12. Le Conseil d’État s’est, tout d’abord, interrogé sur la compatibilité de cette disposition avec le droit de l’Union européenne. En effet, d’une part, la catégorie juridique des plateformes, récemment créée en droit national en superposition de la distinction classique entre prestataires techniques et éditeurs, ne trouve aucun écho dans la directive 2000/31/CE ; d’autre part, les nouvelles obligations en matière de transparence mises à la charge de ces plateformes ne se rattachent pas aux obligations prévues par ce texte. Or, de telles obligations contribuent à restreindre, quoique de façon limitée et temporaire, la libre prestation des services de la société de l’information, y compris ceux en provenance d’un autre État membre. Pour justifier une telle dérogation à cette liberté, le fondement juridique qu’identifie le Conseil d’État consisterait à rattacher cette disposition à une raison impérieuse d’intérêt général inédite, tirée de l’intérêt qui s’attache à l’information éclairée des citoyens en périodes électorales. Cette argumentation pourrait se réclamer des précédents à l’occasion desquels la Cour de justice des Communautés européennes, après avoir dégagé cette catégorie de façon prétorienne dans son arrêt dit Cassis de Dijon (20 février 1979, n° 120/78) à propos de la libre circulation des biens, a admis qu’elle s’appliquait également à la libre prestation de services et qu’en relevaient la protection des consommateurs (22 octobre 1998, Commission c/ France, C-184/96) ainsi, de façon plus topique, que le maintien d’une certaine qualité de programmes par la lutte contre les excès de la publicité télévisuelle (28 octobre 1999, ARD c. Pro Sieben Media AG, C 6/98). Elle pourrait, en outre, être confortée à la lumière de l’importance qu’attache le Conseil constitutionnel au principe de sincérité du scrutin. Si l’objectif poursuivi était ainsi regardé comme constitutif d’une telle raison impérieuse, les autres conditions auxquelles la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne subordonne la validité des mesures prises sur le fondement de cette raison impérieuse d’intérêt général seraient satisfaites. En effet, d’une part, la disposition en cause ne poursuit pas un objectif économique. D’autre part, la directive 2000/31/CE n’est pas d’harmonisation exhaustive. Enfin, la disposition apparaît, sous réserve des remarques formulées ci-après, proportionnée au regard de l’objectif poursuivi.
13. Le Conseil d’État constate que cette nouvelle obligation amplifie les exigences déjà imposées aux plateformes par l’article L. 111-7 du code de la consommation, puisqu’elle les contraint à révéler non plus seulement l’existence d’une relation influençant son activité d’intermédiation, mais également l’identité du tiers cherchant à promouvoir certains contenus d’information ainsi que le montant de la contrepartie versée à cette fin.
14. Le Conseil d’État relève toutefois, d’une part, que cette obligation est cantonnée aux périodes électorales précédant les scrutins nationaux et, d’autre part, qu’elle ne concerne que les contenus d’information. Par suite, il estime que l’obligation est pertinente au regard de l’objectif poursuivi, qui est d’informer les citoyens sur l’identité des acteurs susceptibles d’influer sur l’ordre et la manière dont les informations leur sont présentées sur internet, et sur les moyens financiers mobilisés à cette fin. Cette nouvelle obligation s’inscrit en outre avec cohérence dans un cadre plus global qui, d’une part, interdit la publicité à des fins de propagande électorale, y compris l’achat de liens commerciaux en vue d’obtenir un meilleur référencement (CE, 13 février 2009, Elections municipales de Fuveau, n° 317637, T.), dans les six mois précédant le scrutin (article L. 52-1 du code électoral) et, d’autre part, impose que les communications commerciales qui font partie d’un service de la société de l’information, et la personne pour le compte de laquelle elles sont faites, soient identifiables comme telles (article 6 de la directive 2000/31/CE).  
15. Dans ces conditions, le Conseil d’État estime que la limitation apportée aux principes constitutionnels de la liberté du commerce et de l’industrie et de la liberté d’entreprendre n’est pas disproportionnée au regard de l’objectif d’intérêt général ainsi poursuivi. Il constate en ce sens que le Conseil constitutionnel a déjà jugé, suivant une logique proche, que la transparence financière dans le domaine de la presse mettait les lecteurs à même « d’exercer leur choix de façon vraiment libre et l’opinion à même de porter un jugement éclairé sur les moyens d’information qui lui sont offerts par la presse écrite » (décision n° 84-181 DC du 11 octobre 1984). Le Conseil d’État n’identifie pas davantage d’obstacle à cette mesure dans les engagements internationaux de la France.
16. Si cette mesure, dans son principe, n’appelle donc pas d’observation de la part du Conseil d’État, ce dernier suggère en revanche plusieurs modifications aux auteurs des propositions de loi. En premier lieu, le terme de « contenus d’information » apparaît insuffisamment précis : eu égard à l’objectif poursuivi, qui est de protéger la qualité du débat démocratique avant les élections d’ampleur nationale, le Conseil d’État estime que seuls devraient être visés les contenus d’information « se rattachant à un débat d’intérêt général ». Cette dernière notion est fréquemment mobilisée par la Cour européenne des droits de l’homme, qui y rattache l’ensemble des questions « qui touchent le public dans une mesure telle qu’il peut légitimement s’y intéresser, qui éveillent son attention ou le préoccupent sensiblement, notamment parce qu’elles concernent le bien-être des citoyens ou la vie de la collectivité » (CEDH, 10 novembre 2015, Couderc et Hachette Filipacchi Associés c/ France, n° 40454/07). En deuxième lieu, le Conseil d’État préconise de supprimer la référence à la « qualité » des personnes physiques et morales, car il n’identifie pas ce à quoi cette notion fait référence, notamment appliquée à une personne morale. Enfin, il suggère de dissiper une ambigüité du texte, qui exige en l’état des plateformes qu’elles affichent, outre l’identité de la personne qui paie pour promouvoir des contenus d’information, l’identité de celle « pour le compte de laquelle, le cas échéant, elle agit ». Dans la mesure où, dans l’esprit des auteurs du texte, cette information supplémentaire ne doit pas résulter d’une recherche supplémentaire imposée aux plateformes mais d’une précision déclarative apportée par la personne qui vise à promouvoir les contenus en cause, le Conseil d’État trouve plus adéquat de préciser que les plateformes, dévoilent l’identité de la personne acquéreuse et de celle pour le compte de laquelle, le cas échéant, elle « a déclaré agir ». Enfin, le Conseil d’État recommande divers ajustements d’ordre légistique afin de rendre applicables aux élections européennes et présidentielles les sanctions pénales nouvellement créées par les dispositions de l’article 112 du code électoral.

Sur la nouvelle procédure de référé créée pour les périodes électorales  

17. L’article 1er instaure aussi, à l’article L. 163-2 du code électoral, une nouvelle procédure de référé, ouverte uniquement pendant les périodes électorales précédant les scrutins d’ampleur nationale, qui serait portée devant un seul tribunal de grande instance. Se prononçant dans un délai de 48 heures, ce juge des référés pourrait, à la demande du ministère public ou de toute personne ayant intérêt à agir, prescrire aux hébergeurs ou, à défaut, aux fournisseurs d’accès à internet toutes mesures aux fins de faire cesser la diffusion artificielle et massive, par le biais d’un service de communication au public en ligne, de faits constituant des fausses informations.  
18. À titre liminaire, le Conseil d’État appelle l’attention des auteurs des propositions de loi sur les difficultés qu’implique la création d’une telle voie de droit. La première série de difficultés tient à l’objet même de cette nouvelle procédure : les « faits constituant des fausses informations » sont en effet délicats à qualifier juridiquement, à plus forte raison lorsque le juge saisi doit statuer à très brefs délais et sans que ne soit nécessairement mis en cause l’auteur des contenus litigieux. Cette difficulté est rendue plus saillante par la circonstance qu’en période électorale, les jurisprudences de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l’homme exigent du juge saisi qu’il soit plus indulgent à l’égard de propos qui, en temps normal, auraient, par leur caractère exagéré ou provocant, excédé les limites de ce qui est tolérable dans le débat public (en ce sens : Cass, Crim, 26 mai 1987, n° 86-94.690 et CEDH, 11 avril 2006, Brasilier c/ France, n° 71343/01). Enfin, la charge de la preuve incombant au demandeur, ce dernier ne sera pas toujours en mesure d’apporter la preuve, négative, de nature à établir la fausseté du contenu litigieux. La seconde série de difficultés a trait à l’efficacité incertaine de cette nouvelle procédure. En ce sens, le Conseil d’État estime que la réponse du juge des référés, aussi rapide soit-elle, risque d’intervenir trop tard, eu égard à la vitesse de propagation des fausses informations, voire à contretemps, alors même que l’empreinte de ces informations s’estompe dans le débat public. Il constate également que la focalisation sur les seules diffusions artificielles et massives de fausses informations, si elle permet de ne cibler que les pratiques visant intentionnellement à altérer la sincérité du scrutin, relativise l’effet utile de cette voie de droit, qui ne permettra pas de lutter contre la diffusion de fausses information résultant de pratiques spontanées de curation de la part des internautes. Le Conseil d’État relève néanmoins que cette nouvelle voie de référé permettra aux candidats aux élections qui seraient visés par une campagne de diffusion de fausses informations de se prévaloir d’une décision juridictionnelle rapide, pour pouvoir utilement répliquer dans le débat public aux attaques infondées dont ils feraient l’objet : cet élément est de nature à surmonter, en opportunité, les difficultés dont il est fait état plus haut.
19. Le Conseil d’État constate que seules sont visées par la disposition les fausses informations dont le juge des référés saisi estimerait, au regard de leur contenu et du contexte dans lequel elles s’inscrivent, qu’elles sont diffusées dans l’intention délibérée d’altérer la sincérité du scrutin. Or de telles informations, qui s’avèreraient nécessairement dépourvues de toute base factuelle, ne peuvent prétendre à une protection équivalente à celle dont bénéficient, en principe, les propos tenus dans le cadre d’un débat d’intérêt général (v. en ce sens CEDH, 23 avril 2015, Morice c/ France, n° 29369/10). Dans ces conditions, eu égard à l’intérêt général qui s’attache à la lutte contre la diffusion intentionnelle de fausses informations dans le contexte électoral, le Conseil d’État estime que cette nouvelle voie de droit ouverte devant le juge judiciaire ne porte pas, par elle-même, une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression telle qu’elle est garantie par les dispositions de l’article 11 de la Déclaration de 1789 et par les stipulations de l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
20. Le Conseil d’État formule cependant plusieurs remarques en vue de mieux calibrer cette nouvelle voie de droit. En premier lieu, il estime que certains exemples d’injonctions que le juge saisi par cette voie serait susceptible de prononcer ne sont pas proportionnés au regard de l’objectif, consistant à faire cesser la diffusion des fausses informations, à rebours des exigences tant constitutionnelles (décision n° 2009-580 du 10 juin 2009) qu’issues du droit de l’Union (CJUE, 27 mars 2014, UPC Telekabel, C-314/12). Ainsi, la mesure tendant au « déréfencement d’un site diffusant ces fausses informations » apparaît excessive, seuls devant être déréférencés les liens menant vers les pages diffusant ces informations. De même la dernière phrase, en ce qu’elle laisse au juge la possibilité d’enjoindre aux hébergeurs « d’empêcher l’accès aux adresses électroniques des services de communication au public en ligne diffusant ces fausses informations » semble aller au-delà des mesures nécessaires à la préservation des intérêts en cause.En second lieu, le Conseil d’État observe, s’agissant d’éléments relatifs à la procédure civile, que le délai imparti au juge des référés pour se prononcer ainsi que les facultés de recours ouvertes contre l’ordonnance qu’il rendra relèvent, comme la désignation du tribunal de grande instance auquel sera confiée cette compétence que la proposition de loi envisage à juste titre de renvoyer à un décret, de la compétence du pouvoir réglementaire. Il invite en conséquence les auteurs des propositions de loi à élargir le contenu du décret prévu à l’article L. 163-2 que l’article 1er de la proposition de loi n° 799 se propose d’insérer dans le code électoral : ce texte réglementaire pourrait opportunément fixer à 48 h le délai dans lequel se prononce le juge des référés et prévoir que l’ordonnance est rendue en premier et dernier ressort afin de ne permettre, dans un objectif de célérité qui est consubstantiel à l’objet de la nouvelle voie de droit ouverte par la disposition envisagée, que l’exercice d’un pourvoi en cassation dans des conditions de délai qui peuvent être précisées par le même texte.
21. L’application de ces nouvelles dispositions aux élections sénatoriales (article 2), aux élections européennes (article 3) et à l’élection présidentielle (article 1er de la proposition de loi organique), y compris dans la version à venir de la loi organique du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel (article 2 de la proposition de loi organique) n’appelle aucune remarque supplémentaire de la part du Conseil d’État.  

Titre II de la proposition de loi ordinaire (dispositions modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication)

22. L’article 4 de la proposition de loi complète l’article 33-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication en créant un IV, qui prévoit deux nouvelles hypothèses dans lesquelles le CSA peut refuser de conclure la convention à laquelle est subordonnée la diffusion de services de radio et de télévision par des réseaux n’utilisant pas les fréquences hertziennes.  
23. Le texte prévoit tout d’abord que le CSA peut refuser de conclure une telle convention lorsque ce refus est nécessaire à la sauvegarde de l’ordre public ou si la nature même de la programmation en cause méconnaît les autres dispositions des articles 1er et 15 de cette loi. Le Conseil d’État relève que cette nouvelle faculté reconnue au CSA reprend l’esprit de sa jurisprudence qui, d’une part, a déjà reconnu que le CSA pouvait refuser de conclure une convention pour un motif d’ordre public (CE, 11.02.2004, Société Médya TV, n° 249175, Rec.) et qui, d’autre part, en censurant une convention conclue par le CSA au motif que les programmes du service concerné contrevenaient, de façon structurelle, à un motif de santé publique (CE, 11.07.2012, Media place partners, n° 351253, T.), a exigé du CSA qu’il ne conclue pas une convention avec un service qui, par nature, méconnaîtrait des principes législatifs, dont ceux fixés aux articles 1er et 15 de la loi du 30 septembre 1986.
24. Cet article autorise ensuite le CSA à refuser de conclure une convention avec une personne morale qui serait contrôlée ou sous l’influence d’un État étranger et dont le service est susceptible de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou de participer à une entreprise de déstabilisation de ses institutions, notamment par la diffusion de fausses nouvelles.
25. En premier lieu, le Conseil d’État a examiné le champ d’application de cette nouvelle disposition.
26. Si le critère du contrôle de la personne morale par un État étranger, qui renvoie en définitive aux dispositions de l’article L. 233-3 du code du commerce (auxquelles il semble, dès lors, plus pertinent de faire directement référence) définissant ce contrôle à la lumière des droits de vote détenus par la personne tierce apparaît précis et objectif, le critère complémentaire tiré de l’influence exercée, sur la personne morale concernée, par un État étranger apparaît en revanche inédit, et plus incertain dans ses contours. Toutefois, d’une part, le Conseil d’État a été sensible aux possibilités de contournement auquel s’exposerait le premier critère s’il était unique, par l’instrumentalisation de personnes morales tierces. D’autre part, le maniement par le CSA du second critère ne sera légalement possible que s’il est en mesure d’établir, sur la base d’éléments concrets et convergents qui, en cas de recours, seront soumis au contrôle normal du juge de l’excès de pouvoir, que la personne morale en cause est sous l’influence d’un État étranger.  
27. En outre, le Conseil d’État relève que cette disposition ne vise que celles de ces personnes morales dont les services seraient susceptibles de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou de participer à une entreprise de déstabilisation de ses institutions. La référence aux « intérêts fondamentaux de la Nation » renvoie à une notion déjà définie, notamment, aux articles L. 811-3 du Code de la sécurité intérieure et 410-1 du code pénal. Le Conseil constitutionnel relève par ailleurs que les exigences qui sont inhérentes à la sauvegarde de ces intérêts ont rang constitutionnel (décision n° 2016-590 QPC du 21 octobre 2016). En revanche, d’une part, « l’entreprise de déstabilisation des institutions de la Nation » est une notion inédite, dont la portée précise est délicate à déterminer ; d’autre part, en toute hypothèse, le Conseil d’État estime qu’au nombre des intérêts fondamentaux de la Nation figure, en substance, la lutte contre la déstabilisation de ses institutions. Dans ces conditions, il préconise de ne pas conserver de façon distincte ce second terme, qui nuit à l’intelligibilité générale de la disposition. En tout état de cause, il est constant que ces deux notions renvoient à des agissements d’une particulière gravité, formant ainsi un ensemble nettement plus restreint que la notion d’ordre public.
28. Dans cette hypothèse précise, la disposition prévoit alors que le CSA, pour motiver son refus, peut prendre en considération des contenus déjà proposés, sur les autres services de communication au public par voie électronique, par le demandeur, ses filiales, la personne morale qui le contrôle ou les filiales de celles-ci. Dans la mesure où le refus qu’opposerait, sur ce fondement, le CSA vise à faire obstacle à ce que le service litigieux, dont la programmation serait susceptible de présenter une particulière dangerosité, soit diffusé en France, le Conseil d’État admet que le CSA doit pouvoir mobiliser un faisceau d’indices extrinsèques à la programmation envisagée par ce service. Du reste une telle méthode, même si elle vise les contenus émis par d’autres personnes morales, procède en substance de la même logique que celle déjà suivie par le Conseil d’État statuant au contentieux lorsqu’il a pris en compte, pour juger de la légalité d’un refus de conventionnement ou d’une résiliation unilatérale de convention, des circonstances tenant respectivement aux sanctions infligées dans d’autres pays à la société requérante (Société Medya TV, précitée) et aux propos tenus, sur la chaîne en cause, avant que la convention dont la résiliation était contestée ait été conclue (CE, 06.01.2006, Société Lebanese Communication Group, n° 279596, Rec.).  
29. Le Conseil d’État estime  qu’ainsi défini, le principe même de cette disposition ne méconnaît aucune exigence de valeur constitutionnelle ou conventionnelle. En effet, d’une part, le Conseil constitutionnel admet qu’il est loisible au législateur de soumettre le secteur privé de la communication audiovisuelle à un régime d’autorisation administrative, et que la prévention des atteintes à l’ordre public est au nombre des objectifs de valeur constitutionnelle à concilier avec la liberté d’expression et de communication (décision n° 2016-738 DC du 10.11.2016). D’autre part, la disposition envisagée ne paraît pas incompatible avec celles de la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 10 mars 2010, laquelle ne procède pas à une harmonisation complète des règles relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels. La Cour de justice de l’Union européennes reconnaît en cette matière aux États membres la possibilité de prévoir des règles supplémentaires en lien avec l’ordre public (voir en ce sens CJUE, 22.09.2011, Mesopotamia Broadcast A/S METV, C-244 et 245/10). Enfin, si les stipulations de l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantissent la liberté d’expression, cette liberté ne revêt pas un caractère absolu et peut être limitée dès lors que cette restriction apparaît nécessaire et proportionnée. A cet égard, il convient de relever que, par hypothèse, les seuls services qui pourront être légalement visés par la disposition ne rempliront pas la condition à laquelle la Cour européenne des droits de l’homme tend à subordonner la protection de la liberté d’expression des journalistes lorsqu’elle exige d’eux qu’ils assument leurs devoirs et responsabilités en agissant de bonne foi et en fournissant des informations « fiables et précises dans le respect de la déontologie journalistique » (CEDH GC, 10.12.2007, Stoll c/ Suisse, n° 696998/01).
30. L’article 5 octroie au CSA de nouvelles prérogatives lors des périodes précédant les élections nationales et les opérations référendaires, en autorisant le Conseil à suspendre, jusqu’à la fin des opérations de vote, la diffusion par tout procédé de communication électronique d’un service émanant d’une personne morale contrôlée ou sous l’influence d’un État étranger, et qui viserait à altérer la sincérité du scrutin à venir. Eu égard à la finalité poursuivie, qui est de prévenir ou de faire cesser le trouble résultant de la diffusion du service litigieux, cette mesure doit être regardée comme attribuant un nouveau pouvoir de police spéciale au CSA. Ce choix n’appelle pas, dans son principe, d’observation de la part du Conseil d’État, qui estime que le fait de borner ce pouvoir à certaines périodes électorales est cohérent au regard de la finalité poursuivie, laquelle est définie de façon suffisamment précise. Il note qu’il appartiendra au CSA de veiller à ne prendre, sous le contrôle normal du juge de l’excès de pouvoir, que des mesures strictement proportionnées à la gravité des troubles en cause.  
31. Le Conseil d’État appelle cependant l’attention des auteurs des propositions de loi sur les conséquences à tirer de cette qualification en tant que mesure de police : si elle rend inopérante l’invocation des principes constitutionnels régissant la matière répressive, une telle qualification implique que les décisions prises par le CSA sur ce fondement soient motivées et, sauf urgence exceptionnelle, soumise au respect d’une procédure contradictoire préalable.
32. L’article 6 de la proposition de loi ordinaire prévoit que la même hypothèse que celle exposée au point 24 justifie que le CSA puisse résilier unilatéralement la convention déjà conclue avec un tel service. Il appelle, dans son économie générale, les mêmes remarques que celles précédemment exposées. En revanche, dès lors que la résiliation unilatérale prévue revêt le caractère d’une sanction, elle se retrouve, ainsi que le prévoit d’ailleurs l’article 7 de la proposition de loi, soumise aux mêmes garanties procédurales que celles prévues aux articles 42 et 42-¬1 de la loi du 30 septembre 1986. Le Conseil d’État appelle toutefois l’attention des auteurs des propositions de loi sur le risque juridique consistant à préciser que le CSA peut, dans l’exercice de ce pouvoir, « tenir compte des contenus que la société avec laquelle il a conclu la convention, ses filiales, la personne morale qui la contrôle ou les filiales de celle-ci éditent sur les autres services de communication au public par voie électronique ». En effet, d’une part, le fait de sanctionner une personne morale en raison des seuls agissements commis par d’autres personnes morales, qui peuvent être sans lien direct avec elle, apparaît difficilement conciliable avec les principes constitutionnels de responsabilité personnelle et de personnalité des peines, garantis par les articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789, sans que ne remettent en cause cette analyse les nuances à l’applicabilité de ce principe introduites, par la jurisprudence, en matière de répression administrative (v. notamment CE, Section, 22 novembre 2000, Société Crédit Agricole Indosuez Chevreux, n° 207697, Rec.). D’autre part, cette mention est, en tout état de cause, moins pertinente dans un cadre répressif, puisque le Conseil pourra s’appuyer sur les contenus problématiques des programmes déjà diffusés pour justifier la sanction prise.
33. En premier lieu, l’article 8 de la proposition de loi ordinaire permet au président du CSA de saisir le président de la section du contentieux du Conseil d’État aux fins de faire cesser la diffusion, non plus seulement par un opérateur satellitaire mais désormais aussi par un distributeur de services, d'un service de télévision relevant de la compétence de la France dont les programmes portent atteinte à l'un au moins des principes mentionnés aux articles 1er, 3-1 ou 15. Cet élargissement, qui vise à permettre au président de la section du contentieux du Conseil d’État d’intervenir, indépendamment du procédé de communication électronique en cause, pour faire cesser la diffusion litigieuse, contribue utilement à renforcer l’effectivité de cette procédure de référé spécifique.
34. En second lieu, cet article explicite une nouvelle hypothèse de saisine du président de la section du contentieux du Conseil d’État par le président du CSA, aux fins de faire cesser la diffusion par tout procédé de communication électronique d’un service présentant les deux caractéristiques mentionnées au point 24. Cet ajout n’appelle pas d’observation supplémentaire. Le Conseil d’État suggère en revanche, d’une part, de remplacer, au 2° de cet article, les termes « la société avec laquelle il a conclu la convention » par les termes «  la société éditant le service litigieux », en cohérence avec l’office du juge, qui ne se borne pas aux seules sociétés conventionnées mais peut également cibler les services qui ne sont titulaires d’aucune convention ou autorisation émanant des autorités nationales. D’autre part, la rédaction des dispositions de l’article L. 553-1 du code de justice administrative, qui reprennent celles de cet article 42 10, devrait être ajustée pour tenir compte de ces modifications.

Titre III de la proposition de loi ordinaire (dispositions modifiant la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique)

35. L’article 9 de la proposition de loi ordinaire soumet, à peine de sanctions pénales, les fournisseurs d’accès à Internet et les hébergeurs à une obligation de coopération, introduite à l’article 6 de la loi du 21 juin 2004, en matière de lutte contre la diffusion des fausses informations, qui comprend trois mesures. D’une part, cette obligation impose à ces prestataires techniques de mettre en place un dispositif permettant à toute personne de signaler de tels contenus. D’autre part, ils doivent également informer promptement les autorités publiques compétentes de toute activité de diffusion de ces fausses informations qui leur serait signalée et qu’exerceraient les destinataires de leurs services. Enfin, ils sont tenus de rendre publics les moyens qu’ils consacrent à la lutte contre la diffusion de fausses informations.
36. Cette disposition étend à la lutte contre la diffusion de fausses informations l’obligation de coopération à laquelle sont déjà soumis, par le 7. du I de l’article 6 de la loi du 21 juin 2004, les fournisseurs d’accès à internet et les hébergeurs. L’obligation existante, dont l’objet initial était de lutter contre « l’apologie des crimes contre l’humanité, l’incitation à la haine ainsi que la pornographie enfantine », a vu son champ d’application étendu, par quatre lois, à un plus grand nombre d’infractions, lesquelles se rattachent cependant toutes à la diffusion de contenus ou de discours violents et d’une particulière gravité - l’obligation information des autorités publiques compétentes visant, dans cette optique, à faciliter les poursuites pénales. Dès lors, le Conseil d’État constate que l’extension prévue procède d’une logique différente dans la mesure où la diffusion de fausses informations ne constitue pas nécessairement, par elle-même, une infraction.
37. D’une part, le Conseil d’État constate qu’une telle disposition confie un large pouvoir d’appréciation aux prestataires techniques qui, pour ne pas être accusés de manquer à leurs obligations, pourraient retenir une acception large des fausses informations, au détriment de la liberté d’expression. D’autre part, il relève que l’utilité d’une transmission aux autorités publiques compétentes est moins évidente, puisque les fausses informations dont la diffusion leur serait signalée ne sont, en principe, pas pénalement répréhensibles. Enfin il souligne que cette obligation de coopération ne suffira pas, en elle-même, à mettre en cause la responsabilité des hébergeurs à raison des contenus comportant des fausses informations qu’ils stockent. En effet le Conseil constitutionnel, par une réserve d’interprétation émise à l’occasion de sa décision n° 2004-496 DC du 10 juin 2004, a jugé que leur responsabilité pouvait seulement être engagée à raison du non-retrait d’informations manifestement illicites, dénoncées comme telles par un tiers. Or, ainsi qu’il a été dit, la diffusion des fausses informations n’est pas nécessairement illicite et, à supposer qu’elle constitue une infraction, elle ne présente pas, en principe, un caractère manifeste. Dans ces conditions, le Conseil d’État suggère de ne conserver de cet article que l’obligation faite aux fournisseurs d’accès à Internet et aux hébergeurs de rendre publics les moyens qu’ils consacrent à la lutte contre la diffusion de fausses informations. Cette mesure de transparence paraît en effet opportune en ce qu’elle est susceptible de renforcer l’autorégulation des acteurs concernés.
 
Cet avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’État dans sa séance du jeudi 19 avril 2018.