Avis sur la proposition de loi portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires

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L'Assemblée nationale a rendu public l'avis du Conseil d'État sur une proposition de loi portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires

1. Le Conseil d’État a été saisi le 8 avril 2021 par le président de l’Assemblée nationale, sur le fondement de l’article 39, alinéa 5, de la Constitution et de l’article 4 bis de l’ordonnance no 58 1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de la proposition de loi portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires (n° 3853), déposée par Monsieur Jean-Bernard SEMPASTOUS, député des Hautes-Pyrénées.

2. La proposition de loi, divisée en deux titres, comporte six articles.

Le titre 1er intitulé « Contrôle du marché sociétaire », qui comprend un article unique (article 1er), vise à soumettre à autorisation administrative préalable les cessions de titres sociaux portant sur des sociétés détenant ou exploitant des terres agricoles, uniquement si l’opération confère le contrôle de la société au cessionnaire et qu’il répond aux critères fixés localement de concentration excessive ou d’accaparement de terres agricoles.

Le titre II intitulé « Dispositions diverses d’adaptation », qui comprend cinq articles (articles 2 à 6), prévoit des mesures d’adaptation et de mise en cohérence du champ de l’obligation déclarative sur laquelle repose le dispositif d’autorisation préalable, permet un accès au registre des bénéficiaires effectifs pour l’autorité administrative chargée du contrôle des mouvements de parts de sociétés ainsi que pour les commissaires du Gouvernement auprès des SAFER chargées d’instruire les dossiers pour le compte de l’autorité administrative et adapte, dans un souci d’équité, les outils actuels de contrôle de l’accès au foncier agricole.

Après avoir examiné la proposition de loi, le Conseil d’État présente, sur les articles 1 à 5, les observations et suggestions qui suivent.

Il rappelle qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur la recevabilité financière d’une proposition de loi au regard de l’article 40 de la Constitution, cet examen ayant par hypothèse déjà été effectué, sous leur seule responsabilité, par les autorités compétentes de l’Assemblée nationale préalablement à sa saisine (n° 383170, 1er octobre 2009, avis sur la proposition de loi portant simplification du droit, au rapport public 2010 p.108).

I. Le contrôle du marché sociétaire (Titre Ier)

État des lieux et cadre juridique existant

3. La France a été précurseur en matière de régulation de l’accès au foncier agricole par la création, par la loi n° 60-808 du 5 août 1960 d’orientation agricole, des deux outils de régulation, toujours en place, que sont les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) et le mécanisme de contrôle des structures des exploitations agricoles. Ces deux outils ont pour mission commune de permettre de contrôler qui achète et qui exploite les terres agricoles et, en tant que besoin, d’orienter cette ressource vers des projets sélectionnés en fonction des objectifs de la réglementation.

L’efficacité de ces deux outils, bâtis sur le modèle de l’exploitation familiale détenue par des personnes physiques, est aujourd’hui affaiblie par le développement rapide du nombre des exploitations gérées par des sociétés. Si le recours à une forme sociale peut s’avérer pertinent en permettant une gestion optimisée de l’exploitation, il apparaît cependant qu’il est, de plus en plus souvent, utilisé pour s’affranchir des règles de régulation de l’accès au foncier agricole dès lors que les opérations de cession des titres de ces sociétés ou de modification de la répartition de leur capital social échappent aux « filtres » actuels que constituent le contrôle administratif des structures des exploitations agricoles et l’intervention des SAFER. En effet :

- la simple prise de participation financière dans une société d’exploitation ou de portage du foncier n’est pas soumise au dispositif de contrôle des structures des exploitations agricoles, ni les prises de participation multiples dans des exploitations, dès lors qu’il n’y a pas de participation aux travaux, au stade de la demande ;

- les SAFER ne peuvent, quant à elles, agir sur le marché sociétaire que de façon très limitée puisque leur droit de préemption ne peut s’exercer qu’en cas de cession à titre onéreux de la totalité des titres d’une société et uniquement avec pour objectif d’installer un agriculteur. Leur pouvoir d’action est donc contourné dans l’hypothèse d’une aliénation d’une partie seulement des parts ou actions d’une société agricole. Ainsi, en une seule fois ou de manière successive, ces cessions partielles peuvent donner accès au contrôle de la société, sans possibilité pour la SAFER d’exercer son droit de préemption.

La législation actuelle se trouve donc confrontée à un angle mort de la régulation, situation qui engendre une rupture d’égalité entre les exploitants agricoles dans la mesure où les personnes physiques sont soumises à la régulation, tandis que les cessionnaires de titres sociaux y échappent.

Cette situation est de nature à faire évoluer le modèle agricole français : aux côtés des exploitations de caractère familial et de subsistance, se développe une agriculture de firmes, avec des structures qui peuvent atteindre, dans certains cas, plusieurs milliers d’hectares ; ces firmes exploitent déjà près des deux tiers de la surface agricole utile. Le phénomène de concentration des exploitations et l’accaparement des terres agricoles inquiètent très fortement les acteurs du monde agricole et rural, au moment où la moitié des agriculteurs a plus de cinquante ans et que leurs exploitations sont à la veille soit d’être transmises à la nouvelle génération, soit d’alimenter le phénomène de concentration des terres agricoles. Pour nombre d’acteurs, l’adaptation des outils de régulation est devenue indispensable pour tendre vers davantage de transparence et pour renforcer le contrôle du marché sociétaire.

Objectifs du dispositif de contrôle du marché sociétaire

4. L’objectif du dispositif de contrôle du marché sociétaire créé par la proposition de loi est d’assurer la transparence des opérations sociétaires et de maitriser les excès et, surtout, d’orienter le foncier rural vers les projets les plus conformes aux orientations politiques, professionnelles et territoriales. L’article 1er de la proposition de loi met en place un outil au service d’un double objectif :

- lutter contre la concentration excessive des exploitations et l’accaparement des terres agricoles, en contrôlant les cessions de titres sociaux portant sur des sociétés à l’origine de ces deux situations, mais uniquement si l’opération confère au cessionnaire le contrôle de la société ;

- agir pour l’installation et la consolidation des exploitations existantes grâce à un mécanisme d’incitation à vendre ou à donner à bail rural à long terme une surface compensatoire au profit d’un agriculteur.

L’article 1er instaure à cette fin un dispositif de contrôle administratif des prises de participation sociétaires au profit d’un bénéficiaire qui ont pour conséquence un dépassement d’un seuil d’agrandissement considéré comme excessif. Fondé sur un champ d’application distinct, ce dispositif complète le contrôle des structures des exploitations agricoles qui ne couvre que l’exploitation. L’article 1er crée à cette fin un nouveau chapitre III dans le livre III du titre III du code rural et de la pêche maritime.

Champ d’application du dispositif d’autorisation administrative préalable

5. Sont soumises à une autorisation administrative les cessions, réalisées par une personne physique ou morale, de titres sociaux portant sur des sociétés possédant ou exploitant des immeubles à usage ou à vocation agricole. L’autorisation n’est toutefois requise que si deux conditions sont remplies : la cession doit conférer le contrôle de la société au cessionnaire et ce contrôle doit répondre à un critère, fixé localement, de concentration excessive ou d’accaparement de terres agricoles, qui se traduit par la définition d’un seuil d’agrandissement excessif. Sont cependant exemptées de cette obligation toutes les opérations accomplies par les SAFER dans le cadre de leurs missions d’intérêt général ainsi que celles réalisées à titre gratuit.

6. La prise de contrôle est définie comme la prise de participation par acquisition de titres sociaux qui confère : - au cessionnaire, personne physique, le statut de bénéficiaire effectif de la société au sens du 1° de l’article L. 561-2-2 du CMF ; - à une personne physique ou morale, agissant directement ou par l’interposition d’une personne morale acquéreur, le contrôle de la société au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce.

Le dispositif de contrôle s’applique également :

- à toute modification de la répartition du capital social aboutissant à transférer le contrôle de la société au profit d’un nouveau bénéficiaire, associé ou non, remplissant les conditions du contrôle ;

- à toute prise de participation complémentaire réalisée par un cessionnaire ayant déjà le statut de bénéficiaire effectif dans la société ou détenant déjà le contrôle de celle-ci ;

- à toute prise de participation complémentaire réalisée par un cessionnaire personne morale ayant pour effet de renforcer les droits d’un tiers agissant par son interposition et qui exerce déjà le contrôle de la société ;

- et à la prise de contrôle d’une société qui détient, directement ou indirectement, des titres sociaux dans une autre société réunissant les critères de contrôle.

7. Le seuil d’agrandissement excessif est fixé par le préfet de région en hectares, par région naturelle ou par territoire présentant une cohérence en matière agricole. Il est compris entre une fois et trois fois la surface agricole utile régionale moyenne fixée dans le schéma directeur régional des exploitations agricoles.

8. Sera soumise à autorisation administrative préalable la prise de contrôle d’une société possédant ou exploitant des immeubles à usage ou à vocation agricole réalisée par une personne physique ou morale qui se trouve dans l’une des deux situations suivantes : - soit la personne physique ou morale détient déjà, directement ou indirectement, en propriété ou en jouissance, des immeubles de même nature dont la superficie totale excède le seuil d’agrandissement excessif ; - soit, une fois réalisée la prise de contrôle, cette personne détiendrait une superficie excédant ce seuil.

La procédure de délivrance de l’autorisation administrative

9. La SAFER est chargée d’instruire la demande d’autorisation au nom et pour le compte de l’autorité administrative, qui est seule compétente pour statuer sur la demande. Elle apprécie si l’opération notifiée est susceptible :

a) de contribuer au développement du territoire ou à la diversité de ses systèmes de production au regard en particulier des emplois créés et des performances économique, sociale et environnementale que présente l’opération ;

b) de porter atteinte aux objectifs du dispositif, rappelés au premier alinéa du nouvel article L. 333-1 du code rural et de la pêche maritime ; ces objectifs sont appréciés à l’échelle du territoire agricole pertinent, au regard notamment des caractéristiques des exploitations présentes et de l’agriculture développée, ainsi que des demandes d’installation en attente ou des besoins exprimés de consolidation des agriculteurs en place.

Si la SAFER estime que l’opération apporte la contribution mentionnée au a) ou que cette contribution l’emporte sur l’atteinte mentionnée au b), elle en informe l’autorité administrative et celle-ci délivre l’autorisation.

Si l’autorité administrative ou la SAFER estime que l’opération porte atteinte aux objectifs du dispositif dans les conditions mentionnées au b) ou que cette atteinte l’emporte sur la contribution mentionnée au a), la SAFER fait connaître au demandeur les motifs qui s’opposent à la réalisation de l’opération. La société objet de la prise de contrôle ou le bénéficiaire de cette prise de contrôle peut alors proposer des mesures de nature à remédier aux effets de l’opération notifiée. A cette fin, le demandeur peut se libérer de superficies agricoles soit en vendant ou en louant par bail rural à long terme des surfaces à un agriculteur qui veut s’installer ou qui souhaite consolider son exploitation pour atteindre le seuil de viabilité économique, soit en résiliant en tout ou partie le bail dont il est preneur dans l’hypothèse où le bailleur serait prêt à conclure un bail ou à vendre à un agriculteur qui s’installe ou qui consolide son exploitation. Dans ce cas, le demandeur conclut au bénéfice de la SAFER une promesse de vente ou de location, avec faculté de substitution, assortie d’un cahier des charges.

En fonction des propositions faites par les parties et de l’avis de la SAFER, l’autorité administrative peut, par décision motivée, soit autoriser sans condition l’opération notifiée, soit autoriser celle-ci en subordonnant son autorisation à la réalisation effective des engagements pris par les parties, soit refuser l’autorisation en l’absence d’engagement ou si ceux-ci sont manifestement insuffisants ou inadaptés aux objectifs poursuivis par le dispositif. Les engagements pris par le demandeur devront être réalisés dans les six mois de la délivrance l’autorisation administrative, sauf dérogation justifiée par des circonstances particulières.

10. La décision de refus d’autorisation peut faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant la juridiction administrative.

11. En l’absence de dépôt de demande d’autorisation, une action en nullité de l’opération peut être engagée par l’autorité administrative ou par la SAFER ; elle se prescrit par cinq ans à compter du jour où cette opération est portée à la connaissance à l’auteur de l’action. Si les engagements pris par le demandeur ne sont pas respectés dans les délais impartis, l’autorisation administrative, qui est conditionnelle, sera remise en cause de plein droit. Le non-respect du cahier des charges, sauf cas de force majeure, absence de faute de la part du souscripteur ou dérogation accordée par la SAFER, donnera lieu à l’infliction d’une amende administrative égale au moins au montant fixé à l’article 131-13 du code pénal pour les contraventions de la cinquième classe (1 500 €) et au plus à 2 % du montant de la transaction concernée.

Examen de la conformité du dispositif d’autorisation administrative aux normes supérieures

Examen au regard des exigences constitutionnelles

Sur la liberté d’entreprendre et le droit de propriété

12. D’une part, le Conseil constitutionnel juge avec constance que la liberté d’entreprendre, qui se rattache à l’article 4 de la Déclaration de 1789 et comprend aussi la liberté dans l’exercice des activités économiques peut faire l’objet, de la part du législateur, de limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi (décisions n° 2000-436 DC du 7 décembre 2000 ; n° 2010-89 QPC du 21 janvier 2011 ; n° 2012-242 QPC du 14 mai 2012 ; n° 2019-830 QPC du 12 mars 2020 ; n° 2020-882 QPC du 5 février 2021).

D’autre part, le Conseil constitutionnel juge « qu’il est loisible au législateur d’apporter aux conditions d’exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et à la liberté contractuelle, qui découle de son article 4, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi » (décisions n° 2014-701 DC du 9 octobre 2014 et n° 2017-748 DC du 16 mars 2017 précitées).

Aucune hostilité de principe n'est présente dans sa jurisprudence à l’égard des mécanismes d’autorisation administrative, notamment lorsque de solides motifs d'intérêt général les justifient (décisions n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012 et n° 2013-3 LP du 1er octobre 2013).

Dans sa décision n° 2014-701 DC du 9 octobre 2014, à propos du contrôle des structures des exploitations agricoles (point 36), le Conseil constitutionnel a relevé que ce contrôle avait pour objectif principal de favoriser l’installation d’agriculteurs et pouvait concomitamment avoir pour objet accessoire de consolider ou maintenir les exploitations, promouvoir le développement des systèmes de production et maintenir une agriculture diversifiée, riche en emplois et génératrice de valeur ajoutée. Il a considéré qu’en incluant les prises de participation dans la notion d’agrandissement d’exploitation, le législateur avait entendu renforcer l’efficacité de ce contrôle, tout en faisant obstacle au contournement de ses règles ; il en a déduit que le législateur avait ainsi poursuivi un but d’intérêt général.

Le Conseil d’Etat estime que les finalités énoncées à l’article 1er de la proposition de loi rejoignent les objectifs du contrôle des structures mentionnés par la décision du Conseil constitutionnel citée ci-dessus, et que par suite ils sont bien de la nature des motifs d’intérêt général permettant de justifier une atteinte à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété.

Il constate par ailleurs que les auteurs de la proposition de loi ont pris soin de concevoir le dispositif d’autorisation administrative en veillant à ne pas porter aux libertés ci-dessus mentionnées une atteinte disproportionnée au regard des objectifs poursuivis, sous les réserves mentionnées au point 21 ci-dessous relatives au seuil de prise de contrôle. Il relève en particulier que seules les prises de participation aboutissant à la prise de contrôle d’une société possédant ou exploitant des immeubles à usage ou vocation agricole sont concernées par le dispositif. Par ailleurs le régime d’autorisation instauré par la proposition de loi repose sur l’application de critères permettant de prendre en compte la spécificité des opérations entrant dans le champ du régime d’autorisation et celle des territoires dans lesquels elles s’inscrivent. Par ailleurs le cessionnaire dont l’opération d’acquisition est susceptible d’être bloquée par le mécanisme de contrôle aura la possibilité de proposer des mesures compensatoires, par exemple la libération d’une surface agricole au profit d’un agriculteur en phase d’installation ou de consolidation, de nature à lui permettre d’obtenir l’autorisation.

Le Conseil d’Etat estime ainsi que les atteintes portées par les dispositions de l’article 1er de la proposition de loi à la liberté d’entreprendre et au droit de propriété sont justifiées par des motifs d’intérêt général suffisants et ne revêtent pas un caractère disproportionné dès lors que les précisions, améliorations et compléments suggérés aux points 20 à 25 de l’avis sont pris en compte dans la proposition de loi.

Sur le partage entre la loi et le règlement

13. Le Conseil d’Etat rappelle, s’agissant de la répartition des compétences entre la loi et le règlement sur le fondement des articles 34 et 37 de la Constitution, que seules appellent en principe l’intervention du législateur les dispositions qui relèvent de l’une des matières énumérées à l’article 34 ou qui dérogent à un principe général du droit. Cet article 34 dispose notamment que « la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ».

Le Conseil d’Etat considère que le dispositif d’autorisation administrative préalable créé par l’article 1er de la proposition de loi nécessite l’intervention du législateur puisqu’il affecte notamment l’exercice de la liberté d’entreprendre. Il estime par ailleurs que l’article 1er de la proposition de loi ayant, de manière suffisamment précise, défini le champ d’application du nouveau régime et les conditions à remplir par les personnes concernées, il peut, selon les règles habituelles, renvoyer à des décrets d’application le soin de préciser les modalités pratiques de mise en œuvre du régime d’autorisation administrative préalable.

Examen au regard du droit de l’Union européenne

14. L’article 345 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prévoit que « les traités ne préjugent en rien le régime de la propriété dans les États membres ». Si les Etats membres ont compétence et liberté pour réglementer leurs marchés fonciers puisqu’il n’existe pas de droit européen dérivé traitant de l’acquisition des terres agricoles, c’est sous réserve du respect des exigences du droit de l’Union, en particulier des libertés fondamentales et du principe de non-discrimination fondée sur la nationalité (CJCE, 6 novembre 1984, C-182/83, Fearon, point 7 ; CJCE, 1er juin 1999, C-302/97, Klaus Konle, point 38 ; CJUE, 23 septembre 2003, C-452/01, Margarethe Ospelt, point 24).

Le droit d’acquérir, d’exploiter et d’aliéner des terres agricoles relève du principe de libre circulation des capitaux énoncé aux articles 63 et suivants du TFUE qui confèrent des droits susceptibles d’être invoqués à la fois par l’investisseur et par le bénéficiaire de l’investissement (CJUE, 23 septembre 2003, C-452/01, Ospelt, point 24 ; CJUE, 25 janvier 2007, C-370/05, Festersen, points 21-23). Les restrictions des mouvements de capitaux entre Etats membres et entre Etats membres et pays tiers sont interdites. Lorsque l’investissement dans des terres agricoles sert des activités entrepreneuriales agricoles, il est aussi soumis au principe de la liberté d’établissement (article 49 TFUE) qui interdit toute restriction à l’établissement de ressortissants d’un Etat membre sur le territoire d’un autre Etat membre pour exercer une activité économique indépendante, telle que l’agriculture.

La Cour de Justice de l’Union européenne considère que soumettre le transfert des terres agricoles à une autorisation administrative préalable restreint la libre circulation des capitaux et la liberté d’établissement. Toutefois, elle admet qu’une entrave à l’exercice de ces libertés fondamentales peut être admise si certaines conditions sont remplies.

15. En premier lieu, les mesures nationales ne doivent pas être discriminatoires : le principe de non-discrimination fondée sur la nationalité interdit les discriminations directes mais aussi les discriminations indirectes, notamment celles qui aboutissent en fait à un résultat équivalent.

Le Conseil d’Etat considère que le dispositif d’autorisation administrative créé par l’article 1er n’emporte aucune discrimination dès lors qu’il s’applique à toute personne physique ou morale, quelle que soit leur nationalité ou leur lieu de résidence et qu’il n’impose aucune condition de lien professionnel, familial, social ou économique avec la commune ou la région où se trouve située la société concernée par l’opération de prise de contrôle.

16. En deuxième lieu, les mesures nationales doivent être justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général ou par un intérêt public supérieur. La Cour de Justice de l’Union européenne a reconnu un certain nombre d’objectifs de politique nationale qui peuvent justifier l’imposition de restrictions à l’investissement dans les terres agricoles, notamment lorsqu’ils sont conformes aux objectifs de la politique agricole commune. Peuvent être cités les objectifs suivants :

- maintenir la population agricole, conserver une répartition de la propriété foncière permettant le développement d’exploitations viables et l’entretien de l’espace et des paysages, favoriser un usage raisonnable des terres disponibles en luttant contre la pression foncière, prévenir les risques naturels et soutenir et développer une agriculture viable, au nom de considérations sociales et d’aménagement du territoire (CJUE, 23 septembre 2003, C-452/01, Ospelt, points 39 à 43 ; CJUE, 6 mars 2018, C-52/16 et C-113/16, SEGRO et Horváth, point 82 ; CJUE, 21 mai 2019, C-235/17, Commission c/Hongrie, points 91 et suivants) ;

- préserver une forme traditionnelle d’exploitation des terres agricoles en faire-valoir direct et tendre à ce que les domaines agricoles soient de manière prédominante habités et exploités par leurs propriétaires, maintenir une population permanente en milieu rural et favoriser un usage raisonnable des terres disponibles en luttant contre la pression foncière (CJUE, 25 janvier 2007, C-370/05, Festersen, points 27 et 28 ; CJUE, 6 mars 2018, C-52/16 et C-113/16, SEGRO et Horváth, point 82 ; CJUE, 21 mai 2019, C-235/17, Commission c/Hongrie, points 91 et suivants) ;

- maintenir, dans un objectif d’aménagement du territoire et, dans l’intérêt général, une population permanente et une activité économique autonome par rapport au secteur touristique dans certaines régions (CJUE, 1er juin 1999, C-302/97, Klaus Konle, point 40).

Le Conseil d’Etat relève que le dispositif prévu par l’article 1er a pour objectif de favoriser l’installation d’agriculteurs, la consolidation des exploitations et le renouvellement des générations agricoles en luttant contre la concentration excessive des terres agricoles et l’accaparement qui se traduisent par l’exploitation ou la possession de terres au-delà d’un seuil d’agrandissement excessif. Il note que ce dispositif contribue également à préserver la souveraineté alimentaire de la France et à faciliter l’accès au foncier. Il considère que ces motifs entrent dans la catégorie des raisons impérieuses d’intérêt général ou des motifs d’intérêt public supérieur qui peuvent justifier une restriction aux principes de libre circulation des capitaux et de liberté d’entreprendre.

17. En troisième lieu, les mesures nationales doivent être adaptées pour atteindre l’objectif recherché.

Le Conseil d’Etat considère que le régime d’autorisation administrative proposé, compte-tenu du calibrage précis des critères d’entrée dans le dispositif, sous les réserves mentionnées au point 21 ci-dessous relatives au seuil de prise de contrôle de la société, et des modalités d’octroi de l’autorisation administrative, notamment la possibilité donnée au demandeur de proposer des engagements de compensation en faveur des agriculteurs réalisant une installation ou ayant besoin de consolider leur exploitation, est de nature à atteindre, de manière adaptée, l’objectif recherché.

18. En quatrième lieu, les mesures doivent contribuer à l’objectif public légitime d’une manière cohérente et systématique (CJUE, 6 novembre 2003, C-243/01, Gambelli, point 67 ; CJUE, 10 mars 2009, C-169/07, Hartlauer, point 53 ; CJUE, 26 mai 2016, Commission/Grèce, C 244/15, point 35). Elles ne doivent pas excéder ce qui est nécessaire pour servir l’intérêt public et il ne doit pas exister une autre mesure possible qui pourrait servir l’intérêt public en question d’une manière moins restrictive pour la libre circulation des capitaux ou la liberté d’entreprendre (CJUE, 11 novembre 2010, C-543/08, Commission c/Portugal, point 83). En outre, toutes les personnes concernées doivent avoir accès à une voie de recours (CJUE, 14 mars 2000, C-54/99, Eglise de scientologie, point 17).

Le Conseil d’Etat estime que le dispositif proposé contribue d’une manière à la fois cohérente et systématique à l’objectif public légitime rappelé ci-dessus. En outre, toutes les personnes concernées disposent d’un accès à une voie de recours devant le juge administratif pour contester le refus d’octroi d’une autorisation ou, le cas échéant, la sanction administrative qui leur est infligée.

19. En cinquième lieu, les principes de sécurité juridique et de confiance légitime exigent qu’une réglementation nationale entraînant des conséquences défavorables à l’égard de particuliers soit claire et précise et son application prévisible pour les justiciables. La mesure nationale doit encadrer suffisamment l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités nationales (CJUE, 1er octobre 2009, C-567/07, Woningstichting Sint Servatius, point 35). Les critères mis en œuvre par l’autorité nationale doivent être précis (CJUE, 25 janvier 2007, C 370/05, Festersen, précité, point 43 ; CJUE, 21 décembre 2016, C-201/15, Aget Iraqlis, points 99 à 101).

Le Conseil d’Etat estime que le dispositif proposé est fondé sur des critères objectifs et suffisamment précis, qui ne sont pas discriminatoires et seront connus à l’avance par les investisseurs. Il relève, d’une part, que les dérogations sont en nombre très limité et sont justifiées au regard des objectifs poursuivis et, d’autre part, que le pouvoir d’appréciation de l’autorité préfectorale est suffisamment encadré par le législateur.

Examen des dispositions de l’article 1er

Objectifs du dispositif

20. Le premier alinéa du nouvel article L. 333-1 du code rural et de la pêche maritime définit les objectifs du dispositif de contrôle du marché sociétaire, en énonçant  qu’il « vise à favoriser l’installation d’agriculteurs, la consolidation d’exploitations et le renouvellement des générations agricoles, en luttant contre la concentration excessive des terres et l’accaparement, qui se traduisent par l’exploitation ou la possession de terres au-delà du seuil d’agrandissement excessif tel que défini au deuxième alinéa ».

Le Conseil d’Etat relève que la formulation retenue par cette  première phrase du premier alinéa se trouve en décalage avec la logique du dispositif dans la mesure où  elle donne à  penser que la concentration excessive des terres et leur accaparement résulte du seul franchissement d’un seuil d’agrandissement de surface agricole, qualifié de « seuil d’agrandissement excessif », alors que le franchissement de ce seuil ne constitue que la condition d’entrée dans le dispositif d’autorisation administrative et ne préjuge pas de la nature de la décision de l’autorité compétente. Il recommande de ne pas préciser, dans ce premier alinéa, que la concentration excessive des terres et l’accaparement « se traduisent par l’exploitation ou la possession de terres au-delà du seuil d’agrandissement excessif ». Il suggère également, selon la même logique, de ne pas recourir à l’adjectif « excessif » pour qualifier le seuil d’agrandissement dans l’alinéa et dans l’article suivants, et de le remplacer par l’adjectif « significatif ».

Seuil de prise de contrôle d’une société

21. Le Conseil d’Etat relève que le II du nouvel article L. 333-2 du code rural et de la pêche maritime fait appel, pour les personnes physiques cessionnaires, à une définition de la prise de contrôle, créée dans le cadre particulier de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, plus englobante que celle donnée par le code de commerce. Cette définition fixe en effet à 25 % de la détention du capital ou des droits de vote de la société le seuil de prise de contrôle, alors que l’article L. 233-3 du code de commerce fixe ce seuil à la détention de la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de la société.

Le Conseil d’Etat estime que le seuil de 25 % pourrait être regardé comme soumettant de manière excessive à contrôle administratif les investissements dans le marché sociétaire et portant une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre et au principe de liberté de circulation des capitaux dans l’Union européenne. Il recommande donc que soit appliquée aux personnes physiques et morales cessionnaires la même définition de la prise de contrôle, qui serait celle issue de l’article L. 233-3 du code de commerce.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat estime qu’il y a lieu, compte-tenu des objectifs poursuivis par le dispositif, de soumettre à autorisation administrative, en application du dernier alinéa du II du nouvel article L. 333-2 du code rural et de la pêche maritime, les opérations de prise de contrôle d’une société qui contrôle elle-même une autre société remplissant les critères les soumettant à autorisation et non pas les opérations de prise de contrôle d’une société qui détient seulement des titres sociaux dans une autre société remplissant ces critères.

Critères pris en compte par l’autorité administrative

22. S’agissant des deux critères mentionnés au I de l’article L. 333-3 du code rural et de la pêche maritime, le Conseil d’Etat estime indispensable que la rédaction des dispositions en cause fasse apparaître que le critère principal pour déterminer si l’opération envisagée peut ou non être autorisée est celui mentionné dans le texte de la proposition de loi sous le 2° (appréciation de l’atteinte aux objectifs du dispositif), et que dans tous les cas l’opération en cause doit commencer par être appréciée au regard de ce critère. Ce n’est que dans un second temps que l’autre critère, mentionné sous le 1° (contribution au développement du territoire ou à la diversité de ses systèmes de production) pourrait venir compléter l’appréciation de l’opération et conduire dans certains cas à une décision d’autorisation là où l’application du critère principal entraînerait une réponse négative. Il y a donc deux appréciations successives à porter et pour tirer les conséquences de ce qui précède le Conseil d’Etat recommande d’inverser l’ordre de présentation de ces deux critères et de faire précéder l’énoncé du  critère actuellement mentionné au 1° des mots « Le cas échéant, ».

Délai de naissance de l’autorisation en cas de silence gardé par l’autorité administrative

23. L’article L. 333-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit, au II et au V, qu’à défaut d’autorisation expresse, l’opération est réputée autorisée dans le silence gardé par l’autorité administrative à l’expiration d’un délai fixé par décret. Le Conseil d’Etat suggère de prévoir que ce délai sera fixé, conformément aux dispositions de l’article L. 231-6 du code de relations entre le public et l’administration, par un décret en Conseil d’Etat, notamment celui qui est mentionné à l’article L. 333-5 du code rural et de la pêche maritime.

Conséquences du non-respect des engagements pris par le titulaire de l’autorisation administrative

24. Le V de l’article L. 333-3 du code rural et de la pêche maritime traite des conséquences du non-respect des engagements pris dans le délai imparti, dû à la défaillance du titulaire de l’autorisation administrative conditionnelle. Il prévoit que ce non-respect « entraîne la nullité de l’autorisation et, partant, de la prise de participation ».

Le Conseil d’Etat suggère de modifier les deuxième et troisième paragraphes de ce V pour mieux distinguer les dispositions relatives aux conditions de retrait de l’autorisation, d’infliction d’une éventuelle amende administrative et le cas échéant de saisine du juge par une action en nullité. Cette réorganisation du contenu des paragraphes pourrait ainsi faire apparaître le déroulement suivant. S’il est constaté que les engagement pris par le cessionnaire ne sont pas respectés par lui, l’autorité administrative le met en demeure de se conformer à ses engagements. Si la mise en demeure reste sans effet, l’autorisation peut être retirée et l’autorité administrative peut assortir ce retrait d’une sanction administrative. Il est nécessaire de préciser à ce sujet que le prononcé de cette amende ne peut intervenir qu’au terme d’une procédure contradictoire.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat considère qu’à la suite du retrait de l’autorisation administrative, il est possible de prévoir que l’opération de prise de participation soit remise en cause, mais seulement dans le cadre d’une action en nullité engagée devant la juridiction judiciaire.

Enfin il recommande la suppression de la disposition qui prévoit que les frais résultant des mesures nécessaires à l’exécution de cette sanction sont à la charge du contrevenant, ne voyant pas l’utilité d’une telle disposition dans le cas d’une procédure conduisant à une amende administrative.

Recours contentieux

25. Le VI de l’article L. 333-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit que la décision de refus d’autorisation peut faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant la juridiction administrative. Le Conseil d’Etat observe à ce sujet que le recours de pleine juridiction, généralement mis en œuvre pour contrôler le pouvoir de sanction de l’administration, n’est pas approprié s’agissant du contentieux d’un régime d’autorisation administrative. Il estime que le recours pour excès de pouvoir s’impose dans ce cas, mais s’agissant d’un recours de droit commun ouvert en toute hypothèse, la mention de la possibilité d’un tel recours n’est pas utile. Il suggère dont de retirer le VI de l’article L. 333-3 nouveau.

Application outre-mer

26. Le Conseil d’Etat suggère aux auteurs de la proposition de loi de la compléter, le cas échéant, en prévoyant les conditions d’application de l’article 1er dans les différentes collectivités d’outre-mer.

II. Dispositions diverses d’adaptation (Titre II et articles 2 à 5)

27. L’article 2 apporte trois modifications à l’article L. 141-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM).

En premier lieu, le 2° du II de cet article donne la possibilité aux SAFER de se substituer à un ou plusieurs attributaires pour réaliser la cession des droits qui leur sont conférés par une promesse de vente, en dehors de toute préemption. L’intervention de la SAFER exonère l’acquéreur du paiement des droits de vente prévus à l’article 1028 ter du code général des impôts, à condition qu’il s’engage à maintenir la destination des biens pendant au moins dix ans. Tel qu’il est rédigé, ce 2° du II ne permet l’intervention de la SAFER que pour les ventes d’immeubles. L’article 2 permet aux SAFER d’intervenir par voie de substitution, sur les cessions de titres de société.

En deuxième lieu, les titres de sociétés mentionnés par le 3° du II de l’article L. 141-1 du CRPM, que la SAFER est autorisée à acquérir et pour lesquels elle doit être informée des cessions, sont les titres de société « ayant pour objet principal l’exploitation ou la propriété agricole ». L’article 2 remplace cette expression par les titres de sociétés « détenant en propriété ou en jouissance des biens immobiliers à usage ou à vocation agricole ou détenant des droits sur de telles sociétés » et fait ainsi disparaître toute référence à l’objet principal de la société, qui était source de difficultés d’interprétation.

En troisième lieu, l’article 2 prévoit l’encadrement par décret du contenu des engagements inclus dans les cahiers des charges relatifs aux opérations sur titres de sociétés qui bénéficient de l’exonération de droits d’enregistrement en vertu de l’article 1028 ter du code général des impôts.

28. L’article 3 modifie l’article L. 141-1-1 du CRPM afin de mettre en cohérence le dispositif relatif à l’obligation déclarative à réaliser auprès des SAFER avec l’actuel régime de transparence. Il généralise en outre le traitement dématérialisé des déclarations à réaliser auprès des SAFER.

29. Les dispositions des articles 2 et 3, rappelées ci-dessus, n’appellent pas d’observations particulières du Conseil d’Etat.

30. L’article 4 modifie l’article L. 561-46 du code monétaire et financier pour permettre un accès au registre des bénéficiaires effectifs par l’autorité administrative chargée du contrôle des mouvements de parts de sociétés et par les commissaires du Gouvernement auprès des SAFER. Cette modification sera toutefois inutile dès lors que sera appliquée aux personnes physiques et aux personnes morales cessionnaires la même définition de la prise de contrôle, à savoir celle figurant à l’article L. 233-3 du code de commerce.

31. L’article 5 modifie l’article L. 331-3-1 du CRPM relatif aux cas de refus d’autorisation d’exploiter. Un des cas de refus concerne l’agrandissement ou la concentration excessif et fait référence aux critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles définissant la concentration ou l’agrandissement excessif, notamment le seuil qu’il fixe à ce titre. Il est prévu, pour que le refus d’autorisation d’exploiter puisse être opposé, que l’opération doit aussi être « contraire aux objectifs du contrôle des structures ou aux orientations de ce schéma ».

Le Conseil d’Etat relève que la rédaction retenue par l’article 5 aboutit à supprimer la disposition de l’article L. 331-3-1 du CRPM qui interdit à l’autorité administrative de refuser l’autorisation dans le cas où il n’y a pas d’autre candidat à la reprise de l’exploitation ou du bien considéré, ni de preneur en place. Or l’insertion de cette disposition est   de nature à garantir que la mise en œuvre du dispositif de contrôle des structures des exploitations agricoles, dans le cas précis visé par cette disposition, ne porte pas une atteinte disproportionnée à l’exercice du droit de propriété. Le Conseil d’Etat considère que la modification de rédaction proposée par l’article 5 porte le risque de ne pas encadrer suffisamment le pouvoir d’appréciation de l’autorité administrative. Il relève toutefois que la condition supplémentaire ajoutée par l’article 5, consistant à préciser que l’autorisation peut être refusée si « elle est contraire aux objectifs du contrôle des structures ou aux orientations de ce schéma », est de nature à atténuer ce risque. Le Conseil d’Etat suggère néanmoins de compléter cette ajout en précisant : « et notamment en ce qui concerne l’objectif principal de favoriser l’installation d’agriculteurs prévu par l’article L. 331-1 ».