Journées du patrimoine au Conseil d'État : 4 questions à Noëlle Herrenschmidt, reporter-aquarelliste

Autre
Passer la navigation de l'article pour arriver après Passer la navigation de l'article pour arriver avant
Passer le partage de l'article pour arriver après
Passer le partage de l'article pour arriver avant

Le Conseil d'État accueille une exposition des œuvres de Noëlle Herrenschmidt, dont le dernier ouvrage, Dans les coulisses de la loi, paraît aux Éditions de La Martinière. Une dizaine d'aquarelles réalisées au Conseil d'État y seront exposées, en présence de l'artiste. Découvrez l'interview de ce reporter singulier.

1) Parmi les différentes institutions que vous avez dépeintes, que vous inspire celle de la justice en France ?
C'est par la justice que j'ai débuté ma carrière de reporter-aquarelliste avec une révélation pour cet univers lorsque j'ai couvert pour La Croix le procès Barbie en 1987, puis le procès Touvier. J'étais là au cœur de la justice et d'un sujet majeur, le crime contre l'humanité. J'y suis restée très attachée en dessinant ensuite pour Le Monde (procès papon, Clearstream…) et en publiant les Carnets du palais, Carnets de prison et Carnets de gendarmerie. Ce ne sont pas des sujets légers mais essentiels : des sujets de société, ils nous concernent tous. Je l'ai compris en rencontrant les hommes et les femmes qui travaillent pour ces institutions et qui m'ont fait partager leur vécu.

 
2) Comment procédez-vous pour entrer dans ces institutions et y faire vos reportages ?
La patience et le temps sont mes alliés. Quel que soit le sujet de mon reportage, lorsqu'une première porte m'a été ouverte il faut ensuite faire preuve de discrétion, mais également d'obstination pour en pousser d'autres. Ne pas déranger, instaurer le dialogue. Que ce soit à l'hôpital, en prison, en section de l'intérieur du Conseil d'État ou au Vatican : présente et transparente. C'est alors que l'aquarelle devient propice au dialogue, les gens s'approchent, je peins de la main gauche, écrit de la main droite, écoute et discute en même temps. Dessiner, c’est aussi partager avec ceux qui font l'institution. Du technicien au magistrat, tous l'incarnent. Pendant les débats sur le mariage pour tous à l'Assemblée nationale, j'ai passé la nuit avec les parlementaires : il faut avoir partagé, être fatigué ensemble pour vraiment transmettre les émotions par le dessin.
Quant à ma méthode, je ne travaille l'aquarelle qu'en direct. Je n'utilise jamais de photo et ne reviens pas sur un dessin. Je ne me documente pas sur l'institution en amont de mon reportage, j'apprends sur place, au gré des rencontres. Et j'y reviens : entre les deux aquarelles réalisées en salle d'Assemblée générale du Conseil d'État, 5 ans ont passé. La première fois je n'ai rien compris de ce qu'il s'y passait ! La seconde fois, j’avais mûri et, nourrie de ce que j'avais appris entre temps, les choses sont devenues évidentes.

 

3) Qu’est-ce qui distingue le Conseil d’État des autres institutions dans lesquelles vous avez entrepris ce reportage sur la loi ?
C'est une institution différente de toutes celles que j'ai vues dans le cadre de cet ouvrage. Ici on sent beaucoup de civilité, et de la pudeur aussi. Malgré l'intensité des sujets traités. Les tapis rouges et les boiseries ajoutent à cette austérité... J'ai aimé les lieux et notamment le salon Rouge (ou salle des Colonnes) où se retrouvent les représentants du Gouvernement, un lieu très intime.
Ce qui prime de façon tangible au Conseil d'État, c'est le travail de fond, l'argumentation. On laisse parler l'autre, chacun écoute. J'ai le sentiment que c'est véritablement un lieu de débat. C'est très hiérarchisé mais cela fonctionne ! Les femmes et les hommes qui font l'institution la racontent d'ailleurs très bien et en louent les méthodes de travail. Pour ma part, j'y ai reçu mes premières leçons de droit, ce qui m'a considérablement éclairée.

 
4) Que retiendrez-vous, détail ou spécificité, du Conseil d’État ?
Lors de ma première visite en salle d'assemblée générale, j'ai été très impressionnée par la fresque qui représente le travail intellectuel, cet homme debout qui me fait penser au vice-président.
L'autre moment fort, c'est ce jour d'hiver où j'ai peint la façade. Ce dessin m'est littéralement sorti des doigts ! L'architecture, la lumière, tout cela s’est fait dans une harmonie visible sur le papier. C'est un dessin équilibré, solaire, l'un de ceux que j'ai réalisés avec le plus de bonheur.