Autorisation chaîne Numéro 23

Décision de justice
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Le Conseil d’État annule la décision du CSA retirant son autorisation à la société qui exploite la chaîne Numéro 23.

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L’essentiel :

•    Le CSA avait décidé d’abroger l’autorisation de la société Diversité TV France, exploitante de la chaîne « Numéro 23 ». Il avait estimé que le principal actionnaire de la société avait commis une fraude à la loi en sollicitant une autorisation non pas dans l’intention de développer un service de télévision mais seulement pour réaliser une importante plus-value en cédant ses actions.

•    Le Conseil d’État précise que le fait de solliciter une autorisation dans le but exclusif de réaliser une plus-value, sans avoir réuni les moyens nécessaires pour exploiter le service de télévision conformément aux engagements souscrits, présenterait le caractère d’une fraude. Mais, en revanche, le simple fait qu’un actionnaire cède des actions et réalise une plus-value ne suffit pas à faire regarder l’opération comme illicite.

•    En l’espèce, le Conseil d’État estime que l’existence d’une fraude à la loi n’est pas démontrée par le CSA :
o    le pacte d’actionnaire sur lequel le CSA s’est fondé ne suffit pas à démontrer que l’actionnaire principal de la société ne poursuivait, depuis l’origine, qu’une intention spéculative ;
o    la société a bien mis en œuvre les moyens nécessaires à l’exploitation de la chaîne Numéro 23.

Les faits et la procédure :

Par une décision du 3 juillet 2012, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) avait autorisé la société Diversité TV France à utiliser une fréquence pour diffuser la chaîne de télévision initialement dénommée « TVous la Télédiversité », puis renommée « Numéro 23 ». La convention conclue le 3 juillet 2012 entre le CSA et la société excluait en principe toute modification du contrôle direct de la société pendant deux ans et demi à compter de cette date.

A la suite de deux augmentations de capital, portées à la connaissance du CSA, des actionnaires minoritaires sont entrés au capital de la société.

Puis, le 9 avril 2015, la société Diversité TV France a demandé au CSA d’agréer la cession de l’intégralité de son capital au groupe NextRadioTV, en application du cinquième alinéa de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986.
Le 14 octobre 2015, le CSA a décidé d’abroger l’autorisation de la société Diversité TV France à compter du 30 juin 2016, sur le fondement du premier alinéa de l’article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986. Cet alinéa permet en effet une telle mesure en cas de modification substantielle des données au vu desquelles l’autorisation avait été délivrée. Le motif déterminant de la décision du CSA est qu’un pacte d’actionnaires conclu le 21 octobre 2013 entre l’actionnaire majoritaire et un actionnaire minoritaire révélerait une fraude à la loi commise par le principal actionnaire : celui-ci aurait sollicité une autorisation non pas dans l’intention de développer un service de télévision mais à seule fin de réaliser une importante plus-value à l’occasion d’une cession de ses actions réalisée de manière prématurée.

Le CSA ayant refusé de faire droit au recours gracieux de la société, celle-ci a attaqué la décision abrogeant son autorisation devant le Conseil d’État, par une requête du 30 décembre 2015. En vertu de l’article 42-8 de la loi du 30 septembre 1986, ce recours est suspensif et le Conseil d’État doit se prononcer dans les trois mois.

La décision du Conseil d’État :

Dans la décision qu’il a rendue aujourd’hui, le Conseil d’État commence par préciser le cadre juridique.
En premier lieu, le Conseil d’État rappelle que le CSA peut retirer à tout moment une autorisation de fréquence qu’il a délivrée à une chaîne de télévision en cas de révélation d’éléments établissant que l’autorisation a été obtenue par fraude. Il appartient alors au CSA de démontrer, le cas échéant par un faisceau d’indices, l’existence de la fraude.

En second lieu, le Conseil d’État précise que le propriétaire d’actions d’une société titulaire d’une autorisation délivrée par le CSA a le droit de céder tout ou partie de ces actions, à condition de respecter les dispositions de la loi du 30 septembre 1986. La circonstance que le prix des actions tienne compte du fait que la société dispose d’une autorisation et que le vendeur réalise une plus-value ne suffit pas à regarder l’opération comme illicite. En revanche, le fait de solliciter une autorisation dans le but exclusif de réaliser une telle plus-value, sans avoir réuni les moyens nécessaires pour exploiter le service conformément aux engagements souscrits lors de l’appel aux candidatures, présenterait le caractère d’une fraude.

Le Conseil d’État examine ensuite la décision par laquelle le CSA a décidé d’abroger l’autorisation de la société Diversité TV France. Il se fonde sur deux éléments.

D’une part, selon le CSA, le pacte d’actionnaire du 21 octobre 2013 révèle l’intention de l’actionnaire principal de Diversité TV France de sortir du capital de la société dès que possible (à expiration du délai de deux ans et demi prévu par la convention du 3 juillet 2012). Mais le Conseil d’État observe que ce pacte a été conclu en octobre 2013 et souligne donc que le raisonnement du CSA, qu’il soit fondé ou pas, ne suffit de toute façon pas à démontrer que l’intéressé aurait eu pour seul objectif de réaliser une plus-value lorsqu’il a présenté sa candidature (à la fin de l’année 2011) ou lorsque le CSA a délivré l’autorisation (en juillet 2012).

D’autre part, le Conseil d’État relève que la société Diversité TV France a réuni les financements nécessaires au développement de la chaîne « Numéro 23 » et que cette chaîne a obtenu certains résultats en termes de part d’audience. Ainsi, il y a peut-être lieu de rappeler à la société certaines de ses obligations, le cas échéant en lui adressant une mise en demeure, mais on ne saurait lui reprocher de n’avoir pas mis en œuvre les moyens nécessaires à l’exploitation du service de télévision pour la diffusion duquel elle était autorisée à utiliser une fréquence.

Le Conseil d’État estime au total que l’existence de la fraude à la loi invoquée pour justifier le retrait de l’autorisation n’est pas démontrée. Il annule, par conséquent, la décision du CSA.