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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Revenu minimum d'insertion (RMI)

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) – Indu – Insertion – Ressources – Déclaration – Vie maritale – Erreur manifeste d’appréciation

Dossier no 160416

M. X…

Séance du 6 février 2018

Décision lue en séance publique le 18 avril 2018

Vu le recours introductif d’instance en date du 18 juillet 2016 formé par Maître Fabien DANJOU, complété par un mémoire en date du 16 septembre 2016 de Maître Elsa VIDAL, conseils de M. X…, par lesquels il demande :

à titre principal, l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault du 12 mai 2016 qui a rejeté son recours dirigé contre les décisions de la caisse d’allocations familiales de l’Hérault du 22 juin 2010 et du président du conseil général de l’Hérault du 19 juillet 2010 lui réclamant le remboursement d’un indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant total de 8 841,45 euros détecté sur la période allant du 1er juillet 2007 au 31 mai 2009 ;

l’annulation de la décision du 18 février 2011 de la commission de recours amiable du département de l’Hérault rejetant sa demande de remise gracieuse ;

la décharge des sommes dont le remboursement lui est réclamé ;

le remboursement des sommes qu’il a versées de manière indue pour un montant de 618 euros ;

à titre subsidiaire, que soit constatée la prescription de l’ensemble des indus pour la période antérieure au mois de juillet 2008 ;

le versement par le département de l’Hérault de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761‑1 du code de justice administrative ;

Le requérant soutient que :

la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault a omis de statuer sur le moyen tiré de l’absence de motivation de la décision de répétition de l’indu du 18 février 2011 de la commission de recours amiable du département de l’Hérault ;

la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault a pris en compte des motivations de la caisse d’allocations familiales énoncées postérieurement à la date de la décision et sur lesquelles elle ne pouvait s’appuyer ;

le motif retenu par la juridiction précitée pour rejeter sa demande est entaché d’erreur de fait, tant sur l’absence de déclaration de son activité indépendante que sur sa prétendue vie commune d’une durée de cinq mois avec Mme A…, laquelle ne percevait aucun revenu ;

le rapport de l’agent de la caisse d’allocations familiales sur lequel la commission départementale d’aide sociale s’est appuyé est entaché d’erreurs de fait ;

la circonstance qu’une procédure pénale ait été mise en œuvre n’emporte pas automatiquement l’existence d’une fraude ;

les créances dont le remboursement lui est réclamé sont prescrites pour celles relatives à la période antérieure à juillet 2008, en l’absence de fraude de sa part établie par la caisse d’allocations familiales ;

les sommes dont le remboursement est réclamé ne sont pas justifiées dans leur montant ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu les pièces desquelles il ressort que la requête a été communiquée au président du conseil départemental de l’Hérault qui n’a pas produit d’observations en défense ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celle d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informée de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 6 février 2018 Mme HERMANN-JAGER, rapporteure, Maître Elsa VIDAL, conseil de M. X…, en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article R. 262‑3 du code de l’action sociale et des familles : « Les ressources prises en compte pour la détermination du montant de l’allocation de revenu minimum d’insertion comprennent, sous les réserves et modalités figurant à la présence sous-section, l’ensemble des ressources, de quelque nature qu’elles soient, de toutes les personnes composant le foyer, tel qu’il est défini à l’article R 262‑1, et notamment les avantages en nature, ainsi que les revenus procurés par des biens mobiliers et immobiliers et par des capitaux » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑1 du même code : « Le montant du revenu minimum d’insertion fixé pour un allocataire en application de l’article L. 262‑2 est majoré de 50 % lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30 % pour chaque personne supplémentaire présente au foyer à condition que ces personnes soient le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de l’intéressé ou soient à sa charge (…) » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion ou de la prime forfaitaire est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262‑1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 262‑41 du même code : « Tout paiement indu d’allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l’article L. 262‑11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. Toutefois, le bénéficiaire peut contester le caractère indu de la récupération devant la commission départementale d’aide sociale dans les conditions définies à l’article L. 262‑39. Les retenues ne peuvent dépasser un pourcentage déterminé par voie réglementaire. La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 262‑42 du même code : « Le recours mentionné à l’article L. 262‑41 et l’appel contre cette décision devant la commission centrale d’aide sociale ont un caractère suspensif. Ont également un caractère suspensif le dépôt d’une demande de remise ou de réduction de créance ; la contestation de la décision prise sur cette demande, devant la commission départementale et la commission centrale d’aide sociale » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. X… a déposé, le 30 mars 2007, une demande en vue de bénéficier du revenu minimum d’insertion, dans laquelle il mentionnait expressément qu’il était le co-gérant non salarié d’une société professionnelle « Airtist », et ne percevait aucune rémunération de son activité ; qu’à compter du 1er juillet 2007, il a perçu le revenu minimum d’insertion, tout en concluant, le 4 juin 2008, avec le département de l’Hérault un contrat d’insertion portant sur une activité indépendante et un suivi post-création, validé par la délégation du président du conseil général, suivi d’un avenant signé le 26 novembre 2008 et validé le 18 décembre 2008 en vue de la poursuite de l’activité professionnelle dans le cadre d’un accompagnement « post-création » assuré par Profil Emploi ; que ce contrat devant prendre fin en 2009, M. X… en a demandé le renouvellement et a adressé à la caisse d’allocations familiales de l’Hérault l’imprimé « demande complémentaire pour les non-salariés », ainsi que la liasse fiscale et l’extrait de Kbis ; que le 5 octobre 2009, M. X…, qui occupait un studio de 30 m², a fait l’objet d’un contrôle d’un agent de la caisse d’allocations familiales ; qu’au cours de ce contrôle, l’agent assermenté a considéré que M. X… menait une vie commune avec Mme A… depuis le 1er décembre 2008, ce que l’intéressé a reconnu ; que, par un courrier du 16 novembre 2009, la caisse d’allocations familiales de l’Hérault a suspendu les droits au revenu minimum d’insertion de M. X… ; que la caisse d’allocations familiales de l’Hérault lui a confirmé, en décembre 2009, la suppression de ses droits au versement d’aides sociales ; qu’un avis de recouvrement d’indu de 600 euros d’allocations de revenu minimum d’insertion, dû au titre de la période du 1er décembre 2008 au 31 mars 2009 ainsi qu’un avis pour un montant de 8 241,45 euros pour la période du 1er juillet 2007 au 31 mai 2009, lui ont été adressés le 19 juillet 2010, que M. X… a formé un recours gracieux contre cet avis afin d’obtenir une remise de dette ; que cette demande de remise gracieuse a été rejetée le 24 mars 2011, rejet confirmé le 18 juin 2011 ; que, saisie, la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault a rejeté le 12 mai 2016 son recours quant au bien-fondé de la récupération de l’indu ; que M. X… demande l’annulation de l’ensemble de ces décisions ;

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que M. X… a indiqué, dans sa demande initiale effectuée en mars 2007 aux fins de bénéficier du revenu minimum d’insertion, qu’il avait une activité professionnelle de co-gérant d’une société de vente de musique en ligne, la société Airtist depuis 2005, qu’il n’était pas salarié et qu’il ne percevait aucune ressource de son activité ; qu’ainsi, c’est à tort que, tant la caisse d’allocations familiales de l’Hérault que le département de l’Hérault ont estimé, pour lui réclamer le remboursement de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion, que M. X… avait omis de déclarer son activité professionnelle ; qu’il ne résulte d’aucune pièce du dossier qu’une manœuvre frauduleuse pourrait être reprochée à l’intéressé sur ce point ;

Considérant, en deuxième lieu, que si la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault ne s’est pas expressément prononcée, dans la décision en litige, sur la question de la déclaration par l’intéressé de son activité professionnelle, elle s’est appuyée, pour rejeter le recours de M. X…, sur la circonstance qu’au cours de la période d’avril 2007 à décembre 2009, l’intéressé a dû faire face à une augmentation de capital de sa société et que les remboursements ont été honorés, révélant ainsi que M. X… disposait de ressources ; qu’elle a également estimé que l’activité de la société a généré des flux, des rentrées d’argent au cours des années 2007 à 2009, dont certaines ont été utilisées à payer des indemnités de déplacements pour M. X… ; qu’il résulte, toutefois, de l’instruction que cette appréciation ne correspond pas à la situation de l’intéressé, l’augmentation de capital de la société ayant été financée par un emprunt, obtenu grâce à la caution des parents de M. X… ; que ces derniers ont, de ce fait, payé en totalité le remboursement des emprunts destinés à permettre la survie de l’entreprise qui connaissait un déficit important sur tous ses exercices ; qu’il ne ressort, d’autre part, d’aucune pièce du dossier que M. X…, qui détenait des parts sociales, aurait perçu des dividendes de la société, au cours de ces années ; que s’il a bénéficié du remboursement de ses frais de transport, aucun élément du dossier n’établit que ces remboursements auraient été sans rapport avec son activité professionnelle ; qu’ainsi que le démontre M. X…, qui n’a déclaré aucun revenu au cours de ces années, la société Airtist a été en déficit constant entre 2006 où un bilan négatif de  48 628 euros a été constaté, suivi d’autres bilans négatifs en 2007 106 446 euros, en 2008  320 358 euros et en 2009  118 103 euros, et qu’elle a déposé son bilan en 2010 ;

Considérant, en troisième lieu, que M. X…, s’il a indiqué, à la suite du contrôle opéré par un agent de la caisse d’allocations familiales à son domicile au cours du mois d’octobre 2009, avoir entretenu une relation, d’une durée de cinq mois, avec Mme A…, il fait cependant valoir n’avoir pas eu de vie commune et stable avec cette dernière, même s’il reconnaît l’avoir hébergée pendant cinq mois dans son studio ; qu’au vu des pièces produites, Mme A… a été hébergée jusqu’en mai 2009 par une amie et a pris ensuite une colocation avec d’autres personnes à partir de la fin octobre 2009 ; que le séjour de Mme A… dans le logement de M. X… n’ayant pas présenté une durée susceptible de constituer une vie de couple stable et continue pouvant valoir vie maritale, M. X… ne peut être regardé comme ayant omis de signaler un changement de situation de cette nature à l’organisme payeur ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède, que la décision du président du conseil général de l’Hérault du 19 juillet 2010 assignant à M. X… un indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant total de 8 841,45 euros ainsi que la décision en date du 12 mai 2016 de la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault qui l’a validée, doivent être annulées ; que, par voie de conséquence, M. X… doit être intégralement déchargé dudit indu, et se voir rembourser par le département de l’Hérault de la somme de 618 euros dont il s’est acquitté alors qu’elle n’était pas due ;

Considérant enfin que, si les dispositions du code de justice administrative ne sont pas applicables aux juridictions de l’aide sociale, il ressort cependant des règles générales de la procédure contentieuse que M. X… a droit à la prise en considération des frais qu’il a dû engager pour sa défense, qu’il y a lieu d’indemniser à hauteur de 1 500 euros,

Décide

Art. 1er La décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Hérault en date du 12 mai 2016, ensemble la décision du président du conseil général de l’Hérault du 19 juillet 2010, sont annulées.

Art. 2.  M. X… est intégralement déchargé de l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant total de 8 841,45 euros qui lui a été assigné.

Art. 3.  Le département de l’Hérault remboursera, dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, la somme de 618 euros versée à tort par M. X…

Art. 4.  Le département de l’Hérault versera la somme de 1 500 euros à M. X… au titre des frais qu’il a dû engager pour sa défense.

Art. 5.  Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Art. 6.  La présente décision sera notifiée à M. X…, à Maître Elsa VIDAL, à Maître Fabien DANJOU, au président du conseil départemental de l’Hérault. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 6 février 2018 où siégeaient Mme DOROY, présidente, M. MONY, assesseur, Mme HERMANN-JAGER, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 18 avril 2018.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidenteLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET