Mots clés : Recours en récupération Récupération sur donation Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) Hébergement Assurance-vie Requalification Compétence juridictionnelle
Dossier no 160063
M. X…
Séance du 19 février 2018
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 5 février 2016, et un mémoire complémentaire enregistré le 21 mars 2016, le département des Hauts-de-Seine demande à la commission centrale daide sociale :
1o Dannuler la décision du 16 octobre 2015 de la commission départementale daide sociale des Hauts-de-Seine annulant la décision du 7 mars 2014 par laquelle le président du conseil départemental des Hauts-de-Seine a décidé la récupération de sa créance daide sociale au titre de lhébergement de M. X… pour un montant de 141 640,49 euros sur un contrat dassurance-vie dans la limite de la somme de 39 659,75 euros ;
2o De rejeter la demande dannulation de la décision du 7 mars 2014 présentée par Mme X… ;
Il soutient que :
Par un mémoire en défense enregistré le 14 mars 2016, Mme X…, représentée par Maître Edwige ANFRAY, avocate, conclut :
1o Au rejet de la requête du département des Hauts-de-Seine ;
2o Et à la mise à la charge du département dune somme de 2 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Elle soutient que :
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code civil ;
Les parties ont été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ont été informées de la date et de lheure de laudience.
A laudience publique du 19 février 2018, ont été entendus :
Considérant ce qui suit, après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique :
1. M. X… a été admis par le département des Hauts-de-Seine à laide sociale pour son hébergement en maison de retraite du 3 avril 2006 au 20 septembre 2012, date de son décès. Le département des Hauts-de-Seine a décidé le 7 mars 2014 dexercer un recours en récupération de sa créance daide sociale qui sélève à 141 640,49 euros sur le contrat dassurance-vie dont a bénéficié Mme X…, son épouse, à son décès. Le département des Hauts-de-Seine relève appel de la décision de la commission départementale daide sociale des Hauts-de-Seine qui a annulé sa décision du 7 mars 2014 portant recours en récupération ;
Sur la demande dannulation du département :
2. Larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles, dans sa version alors applicable, dispose : « Des recours sont exercés (…) par (…) le département : (…) 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; 3o Contre le légataire. (…) Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de laide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier sexerce sur la partie de lactif successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire ». Larticle R. 132‑11 du même code prévoit que : « Le président du conseil départemental (…) fixe le montant des sommes à récupérer. Il peut décider de reporter la récupération en tout ou partie » ;
3. Pour lapplication de ces dispositions, il appartient aux juridictions de laide sociale, statuant en qualité de juges de plein contentieux, de se prononcer sur le bien-fondé de laction engagée par la collectivité publique daprès lensemble des circonstances de fait dont il est justifié par lune et lautre des parties à la date de leur propre décision. Elles ont la faculté, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, daménager les modalités de cette récupération et, le cas échéant, den réduire le montant ou den reporter les effets dans le temps ;
4. Par ailleurs, larticle 894 du code civil dispose : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui laccepte ». Un contrat dassurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132‑1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé quun capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à léchéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, na pas en lui-même le caractère dune donation, au sens de larticle 894 du code civil. Toutefois, ladministration de laide sociale est en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier lengagement dune action en récupération. Le même pouvoir appartient aux juridictions de laide sociale, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, dune éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de lordre judiciaire. A ce titre, un contrat dassurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à- vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation. Lintention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance dun droit de créance sur lassureur. Dans ce cas, lacceptation du bénéficiaire, alors même quelle ninterviendrait quau moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à ladministration de laide sociale de le regarder comme un donataire, pour lapplication des dispositions relatives à la récupération des créances daide sociale ;
5. Il résulte de linstruction que M. X… a souscrit un contrat dassurance-vie « Lionvie Distribution » auprès du Crédit lyonnais le 20 janvier 2000 avec un versement initial dadhésion de 45 693,54 euros. Il ressort des termes du contrat que celui-ci a été conclu pour 8 ans avec tacite reconduction au-delà dune année et un montant garanti à léchéance de 55 549,75 euros et que le bénéficiaire du contrat en cas de décès était le conjoint non séparé de corps ou, à défaut, les enfants du souscripteur, qui était M. X… seul ;
6. Il résulte de linstruction que M. X… a souscrit ce contrat dassurance-vie à lâge de 68 ans, afin, sur les conseils de sa banque, de placer les économies dont il disposait, sans que rien ne laissât alors présumer une dégradation rapide de son état de santé et en particulier laccident vasculaire cérébral survenu en 2005. Si M. X… na procédé à aucun rachat, même partiel, de son contrat au-delà de la durée initiale de souscription de 8 ans, rien nindique dans les circonstances de lespèce quil ait entendu, au moment de la souscription du contrat, procéder à autre chose quà la gestion de son patrimoine ;
7. Ainsi, dans les circonstances particulières de lespèce, lintention libérale de M. X… lors de la souscription du contrat dassurance-vie en litige nest pas établie. Il sensuit que le département des Hauts-de-Seine nest pas fondé à soutenir que cest à tort que la commission départementale de laide sociale des Hauts-de-Seine a annulé son recours en récupération sur le contrat dassurance-vie dont a bénéficié Mme X… à la suite du décès de son époux ;
Sur la demande relative aux frais de justice :
8. Il ny a pas lieu, dans les circonstances de lespèce, de mettre à la charge du département la somme que demande Mme X… au titre des frais de justice quelle a exposés dans le cadre de la présente instance,
Art. 1er.
Art. 2.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 19 février 2018 où siégeaient Mme VESTUR, présidente, M. CULAUD, assesseur, M. HUMBERT, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 19 mars 2018.
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
La présidenteLe rapporteur
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
Marie-Christine RIEUBERNET