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Dispositions communes à tous les types d'aide sociale

Recours en récupération

Récupération sur donation

Mots clés : Recours en récupération – Récupération sur donation – Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Assurance-vie

Dossier no 160040

Mme X…

Séance du 19 février 2018

Décision lue en séance publique le 19 mars 2018

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 21 janvier 2016, et un mémoire complémentaire enregistré le 8 décembre 2016, M. et Mme A… demandent à la commission centrale d’aide sociale :

1o D’annuler la décision du 4 novembre 2015 de la commission départementale d’aide sociale de la Charente-Maritime rejetant sa demande tendant à l’annulation de la décision du 23 juin 2015 par laquelle le président du conseil départemental de la Charente-Maritime a décidé la récupération sur donation de sa créance d’aide sociale au titre de l’hébergement de Mme X… pour un montant de 6 613,52 euros ;

2o D’annuler la décision du 23 juin 2015 du président du conseil départemental de la Charente-Maritime ;

Ils soutiennent que :

le premier juge ne disposait pas de toutes les informations de la banque de Mme X… sur son assurance-vie ; l’assurance-vie a été souscrite en octobre 2004 par un virement à partir de son compte bancaire pour un montant initial de 30 500 euros ; elle n’a pas versé des primes excessives ou entendu se dépouiller de son capital à leur profit ; la somme placée sur le contrat d’assurance-vie est issue d’un héritage de la tante de Mme X… de 63 715 euros ;

Mme X… a racheté à plusieurs reprises de l’argent sur son contrat d’assurance-vie qui ne s’élevait à son décès qu’à la somme de 5 856 euros ; les sommes prélevées ne leur ont pas profité ;

la banque de Mme X… ne les a pas avertis au moment du versement du solde du contrat d’assurance-vie de la possibilité d’un recours en récupération de la part du département ;

la récupération intervient un an et demi après le décès de Mme X… ;

ils n’ont jamais accepté la donation ;

ils ne peuvent régler la somme réclamée, Mme A… ne percevant qu’une pension d’un peu plus de 300 euros par mois ; ils ne paient pas d’impôt sur le revenu depuis deux ans.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 octobre 2016, le département de la Charente-Maritime conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

le recours est recevable ;

la décision de récupération est conforme aux dispositions de l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles et de l’article 894 du code civil ; l’intention libérale de Mme X… lors de la souscription du contrat d’assurance-vie sur lequel la récupération est effectuée se déduit de l’âge de souscription et de l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine ; l’acceptation du contrat par les requérants permet de qualifier le contrat de donation ; enfin, l’admission à l’aide sociale a été décidée moins de 10 ans après la souscription du contrat ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Les parties ont été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ont été informées de la date et de l’heure de l’audience.

A l’audience publique du 19 février 2018, a été entendu le rapport de M. HUMBERT rapporteur ;

Considérant ce qui suit, après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique :

1. Mme X… a été admise par le département de la Charente-Maritime à l’aide sociale à l’hébergement à compter du 1er septembre 2012 après son admission à l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes E… de la Charente-Maritime. A la suite de son décès le 27 mars 2014, le département a décidé le 12 mai 2015 d’exercer un recours sur donation pour récupérer sa créance d’aide sociale auprès de M. et Mme A… qui ont bénéficié du contrat d’assurance-vie que Mme X… avait souscrit à leur profit. M. et Mme A… relèvent appel de la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Charente-Maritime qui a rejeté leur demande d’annulation de la décision de recours sur donation ;

2. L’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles, dans sa version alors applicable, dispose : « Des recours sont exercés (…) par (…) le département : (…) 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; 3o Contre le légataire. (…) Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier s’exerce sur la partie de l’actif successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire ». L’article R. 132‑11 du même code prévoit que : « Le président du conseil départemental (…) fixe le montant des sommes à récupérer. Il peut décider de reporter la récupération en tout ou partie » ;

3. Pour l’application de ces dispositions, il appartient aux juridictions de l’aide sociale, statuant en qualité de juges de plein contentieux, de se prononcer sur le bien-fondé de l’action engagée par la collectivité publique d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre des parties à la date de leur propre décision. Elles ont la faculté, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, d’aménager les modalités de cette récupération et, le cas échéant, d’en réduire le montant ou d’en reporter les effets dans le temps ;

4. Par ailleurs, l’article 894 du code civil dispose : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte ». Un contrat d’assurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132‑1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas en lui-même le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil. Toutefois, l’administration de l’aide sociale est en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération. Le même pouvoir appartient aux juridictions de l’aide sociale, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l’ordre judiciaire. A ce titre, un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à- vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation. L’intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur. Dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;

5. Il résulte de l’instruction que Mme X… a souscrit à l’âge de 79 ans un contrat d’assurance-vie auprès de l’agence G… du Crédit agricole dont les bénéficiaires étaient dès l’origine M. et Mme A…. Selon les indications non contestées des requérants, l’argent placé sur le contrat d’assurance-vie provient d’un héritage familial de 63 715,83 euros perçu en février 2004 et placé le 13 octobre 2004 pour partie à hauteur de 30 500 euros. Il résulte également de l’instruction, et en particulier de la lettre de Maître FAUCHEREAU, notaire, adressée le 10 juin 2015 au département de la Charente-Maritime, que lors du décès de Mme X…, le montant de l’assurance-vie n’était plus que de 5 856,18 euros en raison de différents rachats partiels effectués par l’intéressée pour régler le montant de ses frais d’hébergement en EHPAD. Ainsi, Mme X… qui a utilisé les fonds placés sur son contrat d’assurance-vie pour subvenir à ses besoins, ne peut être regardée comme ayant eu l’intention de se dépouiller de son patrimoine au profit de M. et Mme A… en souscrivant un contrat d’assurance-vie à leur bénéfice. Par suite, ces derniers sont fondés à soutenir que le département ne pouvait pas exercer un recours en récupération sur la somme qu’ils ont perçues à la suite du décès de Mme X…, qui ne constitue pas une donation à leur profit ;

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A… sont fondés à soutenir que c’est à tort que la commission départementale de l’aide sociale de la Charente-Maritime a rejeté leur demande,

Décide

Art. 1er La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Charente-Maritime du 4 novembre 2015 et la décision du département de la Charente-Maritime du 12 mai 2015 décidant le recours en récupération sont annulées.

Art. 2.  La présente décision sera notifiée à M. et Mme A…, au président du conseil départemental de la Charente-Maritime. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 19 février 2018 où siégeaient Mme VESTUR, présidente, M. CULAUD, assesseur, M. HUMBERT, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 19 mars 2018.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidenteLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET