Mots clés : Recours en récupération Récupération sur donation Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) Assurance-vie
Dossier no 160040
Mme X…
Séance du 19 février 2018
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 21 janvier 2016, et un mémoire complémentaire enregistré le 8 décembre 2016, M. et Mme A… demandent à la commission centrale daide sociale :
1o Dannuler la décision du 4 novembre 2015 de la commission départementale daide sociale de la Charente-Maritime rejetant sa demande tendant à lannulation de la décision du 23 juin 2015 par laquelle le président du conseil départemental de la Charente-Maritime a décidé la récupération sur donation de sa créance daide sociale au titre de lhébergement de Mme X… pour un montant de 6 613,52 euros ;
2o Dannuler la décision du 23 juin 2015 du président du conseil départemental de la Charente-Maritime ;
Ils soutiennent que :
Par un mémoire en défense enregistré le 28 octobre 2016, le département de la Charente-Maritime conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Les parties ont été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ont été informées de la date et de lheure de laudience.
A laudience publique du 19 février 2018, a été entendu le rapport de M. HUMBERT rapporteur ;
Considérant ce qui suit, après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique :
1. Mme X… a été admise par le département de la Charente-Maritime à laide sociale à lhébergement à compter du 1er septembre 2012 après son admission à létablissement dhébergement pour personnes âgées dépendantes E… de la Charente-Maritime. A la suite de son décès le 27 mars 2014, le département a décidé le 12 mai 2015 dexercer un recours sur donation pour récupérer sa créance daide sociale auprès de M. et Mme A… qui ont bénéficié du contrat dassurance-vie que Mme X… avait souscrit à leur profit. M. et Mme A… relèvent appel de la décision de la commission départementale daide sociale de la Charente-Maritime qui a rejeté leur demande dannulation de la décision de recours sur donation ;
2. Larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles, dans sa version alors applicable, dispose : « Des recours sont exercés (…) par (…) le département : (…) 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; 3o Contre le légataire. (…) Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de laide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier sexerce sur la partie de lactif successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire ». Larticle R. 132‑11 du même code prévoit que : « Le président du conseil départemental (…) fixe le montant des sommes à récupérer. Il peut décider de reporter la récupération en tout ou partie » ;
3. Pour lapplication de ces dispositions, il appartient aux juridictions de laide sociale, statuant en qualité de juges de plein contentieux, de se prononcer sur le bien-fondé de laction engagée par la collectivité publique daprès lensemble des circonstances de fait dont il est justifié par lune et lautre des parties à la date de leur propre décision. Elles ont la faculté, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, daménager les modalités de cette récupération et, le cas échéant, den réduire le montant ou den reporter les effets dans le temps ;
4. Par ailleurs, larticle 894 du code civil dispose : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui laccepte ». Un contrat dassurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132‑1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé quun capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à léchéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, na pas en lui-même le caractère dune donation, au sens de larticle 894 du code civil. Toutefois, ladministration de laide sociale est en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier lengagement dune action en récupération. Le même pouvoir appartient aux juridictions de laide sociale, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, dune éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de lordre judiciaire. A ce titre, un contrat dassurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à- vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation. Lintention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance dun droit de créance sur lassureur. Dans ce cas, lacceptation du bénéficiaire, alors même quelle ninterviendrait quau moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à ladministration de laide sociale de le regarder comme un donataire, pour lapplication des dispositions relatives à la récupération des créances daide sociale ;
5. Il résulte de linstruction que Mme X… a souscrit à lâge de 79 ans un contrat dassurance-vie auprès de lagence G… du Crédit agricole dont les bénéficiaires étaient dès lorigine M. et Mme A…. Selon les indications non contestées des requérants, largent placé sur le contrat dassurance-vie provient dun héritage familial de 63 715,83 euros perçu en février 2004 et placé le 13 octobre 2004 pour partie à hauteur de 30 500 euros. Il résulte également de linstruction, et en particulier de la lettre de Maître FAUCHEREAU, notaire, adressée le 10 juin 2015 au département de la Charente-Maritime, que lors du décès de Mme X…, le montant de lassurance-vie nétait plus que de 5 856,18 euros en raison de différents rachats partiels effectués par lintéressée pour régler le montant de ses frais dhébergement en EHPAD. Ainsi, Mme X… qui a utilisé les fonds placés sur son contrat dassurance-vie pour subvenir à ses besoins, ne peut être regardée comme ayant eu lintention de se dépouiller de son patrimoine au profit de M. et Mme A… en souscrivant un contrat dassurance-vie à leur bénéfice. Par suite, ces derniers sont fondés à soutenir que le département ne pouvait pas exercer un recours en récupération sur la somme quils ont perçues à la suite du décès de Mme X…, qui ne constitue pas une donation à leur profit ;
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A… sont fondés à soutenir que cest à tort que la commission départementale de laide sociale de la Charente-Maritime a rejeté leur demande,
Art. 1er.
Art. 2.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 19 février 2018 où siégeaient Mme VESTUR, présidente, M. CULAUD, assesseur, M. HUMBERT, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 19 mars 2018.
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
La présidenteLe rapporteur
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
Marie-Christine RIEUBERNET