Mots clés : Recours en récupération Récupération sur succession Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) Caractères Législation Règlement départemental daide sociale Date deffet Montant Charge effective et constante
Dossier no 160186
M. X…
Séance du 7 mars 2018
Vu, enregistrés au greffe de la commission centrale daide sociale le 8 avril 2016 et le 13 octobre 2016, la requête et le mémoire complémentaire présentés, pour Mme P…, Mme M… et M. P…, par Maître Philippe HONNET, tendant à ce quil plaise à la commission centrale daide sociale annuler la décision en date du 4 février 2016 par laquelle la commission départementale daide sociale des Alpes-Maritimes a rejeté leur recours tendant à lannulation de la décision du président du conseil général des Alpes-Maritimes en date du 13 septembre 2012 décidant, sur le fondement de larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles, le remboursement de la somme de 130 763,58 euros au titre de la récupération de laide sociale dont M. X… a bénéficié, en leur qualité dhéritiers de ce dernier ; ils soutiennent que le département nest pas fondé à récupérer le montant des aides daccompagnement social sur la période du 31 mars 1991 au 31 mai 1998, dès lors quil nest pas établi que M. X… aurait bénéficié dun tel accompagnement ; quen tout état de cause, à supposer la réalité de ces prestations avérée, celles-ci relèvent de laide sociale facultative ; que le règlement départemental daide sociale des Alpes-Maritimes applicable nen prévoit pas le caractère récupérable ; que le montant dont la récupération est recherchée nest pas justifié ; que par suite, le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes ne justifie ni de la réalité, ni de lopportunité des dépenses facturées ; quils sont fondés à solliciter lapplication des dispositions de larticle L. 344‑5, alinéa 2, du code de laction sociale et des familles qui fait obstacle à laction en récupération contre la succession ;
Vu la décision attaquée ;
Vu, enregistrés le 12 janvier 2016 et le 7 janvier 2017, le mémoire en défense et le mémoire complémentaire présentés, pour le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes, par Maître Carmela BRANDI-PARHAD qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants sur le fondement de larticle L. 761‑1 du code de justice administrative ; elle soutient que la créance départementale dont la récupération est recherchée sur la succession, est fondée dans son principe et dans son fondement ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment larticle 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 7 mars 2018, Mme Solène THOMAS, rapporteure, Maître Philippe HONNET pour les consorts X…, en ses observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que M. X…, né en 1952, travailleur handicapé, a bénéficié dune prise en charge dans le cadre dun accueil en foyer dhébergement dont les frais ont été assumés pour partie par le département des Alpes-Maritimes pour la période courant du 1er janvier 1989 au 31 mars 1991 ; quà compter de janvier 1989, il a été admis au sein du foyer F… ; quil a quitté ce foyer le 1er avril 1991 pour intégrer un foyer « éclaté » ; que M. X… a bénéficié de laide sociale servie par le département des Alpes-Maritimes du 1er janvier 1989 au 31 mars 1991 au titre de ses frais dhébergement et dentretien au centre F…, puis du 1er avril 1991 au 31 mai 1998, selon le président du conseil départemental défendeur, au titre de prestations à laccompagnement à la vie sociale ; que M. X…, décédé le 23 octobre 2011, a laissé un actif net successoral de 174 351,44 euros, dévolus à sa mère à due concurrence dun quart et à ses frère et sœurs Mmes P…, M… et M. P… ; que cest dans ces conditions que, par décision du 13 septembre 2012, le président du conseil général des Alpes-Maritimes a mis à la charge de ces derniers lobligation de reverser la somme de 130 763,58 euros au titre de la récupération contre la succession des frais dhébergement de M. X… sur la période du 1er janvier 1989 au 31 mars 1991 et des dépenses daccompagnement à la vie sociale sur la période du 1er avril 1991 au 31 mai 1998 ; que, par décision du 4 février 2016, la commission départementale daide sociale des Alpes-Maritimes, saisie par les consorts X…, a rejeté leur recours et confirmer lordre de reversement ; que les requérants demandent lannulation de ces deux décisions en ce quelles portent sur la période du 1er avril 1991 au 31 mai 1998 ; quils contestent sur cette période la réalité et le caractère récupérable des prestations daccompagnement à la vie sociale à domicile dispensés à leur frère et le bien-fondé de laction en récupération, au motif quils ont assumé la charge de leur frère de façon effective et constante ;
Sur le bien-fondé de laction en récupération :
Sagissant du caractère récupérable des prestations daide sociale faisant lobjet de laction en récupération :
Considérant que les requérants ne contestent pas laction en récupération des frais dhébergement de M. X… sur la période du 1er janvier 1989 au 31 mars 1991 ; que seule est en cause la légalité de laction en récupération au titre des prestations daccompagnement à la vie sociale sur la période du 1er avril 1991 au 28 mai 1998 ;
Considérant que les textes applicables à une action en récupération de laide sociale sont, non pas ceux qui étaient applicables à la date à laquelle les prestations sont servies mais ceux qui sont en vigueur à la date à laquelle la situation de la personne concernée est définitivement constituée, cest-à-dire, en particulier, en cas de recours exercé contre la succession du bénéficiaire, à la date du décès de celui-ci ;
Considérant quaux termes de larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles, dans sa version applicable au présent litige, cest-à-dire à la date du décès de M. X… : « Des recours sont exercés, selon le cas, par lEtat ou le département : / 1o Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; / 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; / 3o Contre le légataire (…) » ; quen vertu de larticle R. 132‑11 de ce code, les recours prévus à larticle L. 132‑8 précédemment cité sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de laide sociale, le président du conseil départemental (…) fixant le montant des sommes à récupérer et pouvant décider de reporter la récupération en tout ou partie ; quaux termes de larticle L. 344‑5 du même code alors applicable : « Les frais dhébergement et dentretien des personnes handicapées accueillies, quel que soit leur âge, dans les établissements mentionnés au b du 5o et au 7o du I de larticle L. 312‑1, à lexception de celles accueillies dans les établissements relevant de larticle L. 344‑1, sont à la charge : / 1o A titre principal, de lintéressé lui-même sans toutefois que la contribution qui lui est réclamée puisse faire descendre ses ressources au-dessous dun minimum fixé par décret et par référence à lallocation aux handicapés adultes, différent selon quil travaille ou non. Ce minimum est majoré, le cas échéant, du montant des rentes viagères mentionnées à larticle 199 septies du code général des impôts ainsi que des intérêts capitalisés produits par les fonds placés sur les contrats visés au 2o du I de larticle 199 septies du même code ainsi que du montant de la prime mentionnée à larticle L. 841‑1 du code de la sécurité sociale ; / 2o Et, pour le surplus éventuel, de laide sociale sans quil soit tenu compte de la participation pouvant être demandée aux personnes tenues à lobligation alimentaire à légard de lintéressé, et sans quil y ait lieu à lapplication des dispositions relatives au recours en récupération des prestations daide sociale lorsque les héritiers du bénéficiaire décédé sont son conjoint, ses enfants, ses parents ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé ni sur le légataire, ni sur le donataire ou le bénéficiaire dun contrat dassurance-vie. Les sommes versées, au titre de laide sociale dans ce cadre, ne font pas lobjet dun recouvrement à lencontre du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune » ; quil résulte de ce qui précède et conformément au principe de subsidiarité de laide sociale que les frais relevant de laide sociale prévue par des dispositions législatives ou réglementaires sont récupérables, en application de larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles, dans les conditions de seuil ou de montants légaux ;
Considérant, par ailleurs, quaux termes de larticle D. 312‑162 du code de laction sociale et des familles dans sa version applicable au présent litige : « Les services daccompagnement à la vie sociale ont pour vocation de contribuer à la réalisation du projet de vie de personnes adultes handicapées par un accompagnement adapté favorisant le maintien ou la restauration de leurs liens familiaux, sociaux, scolaires, universitaires ou professionnels et facilitant leur accès à lensemble des services offerts par la collectivité » ;
Considérant quen lespèce, il résulte de linstruction que les prestations daccompagnement à la vie sociale dispensées sur la période du 1er avril 1991 au 31 mai 1998 à M. X… en vertu de la décision du président du conseil général entrent dans le champ de laction en récupération prévue par larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes dispose, à leur égard, dun droit à récupération de sa créance daide sociale ;
Sagissant de la matérialité et du montant des prestations dispensées :
Considérant que laction en récupération sur la période qui est contestée porte, non pas sur des frais dhébergement, mais sur des prestations daccompagnement à la vie sociale ; que la circonstance que M. X… a vécu en foyer « éclaté », puis en couple, ne suffit pas à écarter son besoin, corroboré par les pièces du dossier, de prestations daccompagnement à la vie sociale ; que les éléments avancés par les requérants ne sont pas de nature à remettre en cause le caractère probant des pièces produites par le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes qui établissent la réalité des prestations dispensées à ce titre à M. X… du 1er avril 1991 au 31 mai 1998 ; que le prix facturé est justifié ; que le montant total de ces prestations nest pas sérieusement contesté ; quen conséquence, il est établi que, pour la période du 16 mars 1989 au 31 mai 1998, ce montant sélève à la somme de 174 351,44 euros ;
Sagissant de lexercice de laction en récupération contre la succession :
Considérant quil ne résulte pas de linstruction que les requérants auraient assumé la charge effective et constante de M. X… sur la période en cause ; quen conséquence, ils ne sont pas fondés à se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de larticle L. 344‑5 du code de laction sociale et des familles pour contester le bien-fondé de laction en récupération contre la succession ;
Considérant quil résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander lannulation de la décision en date du 4 février 2016 de la commission départementale daide sociale des Alpes-Maritimes qui a rejeté leur recours contre la décision du 13 septembre 2012 du président du conseil général des Alpes-Maritimes mettant à leur charge la créance daide sociale de M. X… sélevant à 130 763,58 euros au titre dune action en récupération sur succession ;
Sur les frais de justice non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de larticle L. 761‑1 du code de justice administrative nétant pas applicables aux instances relevant des juridictions de laide sociale, les conclusions du président du conseil départemental des Alpes-Maritimes tendant à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants sur le fondement de ces dispositions ne peuvent quêtre rejetées,
Art. 1er.
Art. 2.
Art. 3.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 7 mars 2018 où siégeaient M. Denis RAPONE, président, Mme Marie-Christine APPERT, assesseure, Mme Solène THOMAS, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 7 mars 2018 à 12 h 30.
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le présidentLa rapporteure
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
Marie-Christine RIEUBERNET