Mots clés : Recours en récupération Récupération sur succession Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) Aide ménagère Donation Assurance-vie Actif successoral Prescription
Dossier no 150624
Mme X…
Séance du 22 janvier 2018
Vu le recours formé le 26 octobre 2015 et les mémoires introduits les 10 février 2016 et 20 avril 2016 par le département de lEure tendant à lannulation de la décision de la commission départementale daide sociale de lEure réunie le 29 mai 2015 ayant fait droit au recours de M. L… à lencontre des décisions du président du conseil général de lEure en date du 22 février 2014 de récupération sur succession et sur donation de laide ménagère dont a bénéficié sa tante, Mme X… ;
Le département soutient que la prescription a été interrompue par la carence du notaire ; quelle a également été interrompue par la reconnaissance de sa dette par M. L… ; que, en application de larticle 2224 du code civil, le recours en récupération contre la donation se prescrit en cinq ans à compter de la date à laquelle le département a eu connaissance de lexistence dune donation ; quil y a lieu de déduire de lactif successoral les frais funéraires réels ; quil ny a pas lieu en revanche den déduire la créance départementale ; que la créance est suffisamment justifiée ; que lâge auquel les contrats dassurance-vie ont été souscrits et le montant des primes au regard de lactif successoral établissent lintention libérale ; que des titres exécutoires pouvaient être émis ;
Vu les mémoires en défense enregistrés le 23 décembre 2015, le 15 mars 2016 et le 3 mai 2016 par lesquels M. L… conclut au rejet du recours ;
Il soutient que les mêmes règles de prescription sont applicables aux deux décisions contestées ; que les deux recours sont prescrits ; que lactif net à prendre en compte est de 46 785,61 euros compte tenu des frais dobsèques ; que la créance nest pas justifiée ; que les contrats dassurance-vie nont pas été souscrits à son profit ; que le caractère exagéré des primes doit sapprécier au moment où elles sont consenties pas au moment du décès ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 22 janvier 2018 M. SKZRYERBAK, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que Mme X… a été admise à laide sociale par une décision du président du conseil général de lEure en date du 14 juin 1996 et a bénéficié de laide ménagère ; que, à la suite du décès de Mme X… survenu le 28 août 1999, le notaire chargé de sa succession a pris lattache du département de lEure qui, par courrier du 8 février 2000, a formé opposition au titre de sa créance daide ménagère dun montant de 10 284,39 euros ; quen réponse aux demandes du notaire, le département a transmis le 9 avril 2000 les écritures comptables justifiant la créance et le 18 avril 2000 une attestation de créancier ; que, par courrier du 8 avril 2013, le département sest enquis auprès du notaire de létat de la succession ; que le notaire la informé par courrier du 23 mai 2013 que la succession avait été réglée 10 ans auparavant au bénéfice de M. L…, neveu de la défunte ; que le département a sollicité le 26 juin 2013 du notaire la production de la déclaration de succession quil a finalement obtenue des services fiscaux ; que, par deux décisions du 22 février 2014, le président du conseil général de lEure a, dune part, décidé la récupération dun montant de 2 218,06 euros sur la succession de Mme X… et, dautre part, décidé la récupération dune somme de 7 306,33 euros sur les donations quelle a consenties à M. L… sous la forme de contrats dassurance-vie souscrits entre 1991 et 1993 ; que, par une décision dont le département de lEure relève appel, la commission départementale daide sociale de lEure a annulé les décisions du 22 février 2014 au motif que la créance du département était prescrite ;
Considérant quaux termes de larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles « Des recours sont exercés, selon le cas, par lEtat ou le département : 1° Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; 2° Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande (…) » ;
Sur le recours en récupération sur succession :
Considérant que le décès de Mme X… est survenu le 28 août 1999 ; quau jour du décès, le délai de prescription était de trente ans ; que la loi no 2008‑561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a ramené ce délai de prescription à cinq ans ; que larticle 1er de la loi no 2008‑561 modifie larticle 2222 du code civil et, notamment, son alinéa 2 qui dispose que « En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de lentrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure » ; que le nouveau délai de prescription, ainsi réduit, courait alors de lentrée en vigueur de la loi, soit le 19 juin 2008 ; quil expirait le 19 juin 2013 ;
Considérant que si le notaire, chargé de la succession de Mme X…, na pas spontanément transmis au département la déclaration de succession lors du règlement de celle-ci et sil ne la pas non plus transmise à réception de la demande que le département lui a faite quelques deux mois avant lexpiration du délai de prescription, ces circonstances ne permettent pas de regarder le département, qui avait connaissance dès le 30 janvier 2000 du décès de Mme X… et de louverture de sa succession, comme ayant été dans limpossibilité dagir pour obtenir le recouvrement de sa créance ; que, par suite, laction en récupération sur la succession de Mme X… était prescrite le 19 juin 2013 ;
Sur le recours en récupération sur donation :
Considérant que le département de lEure a regardé comme des donations les contrats dassurance-vie souscrits par Mme X… entre 1991 et 1995 ; que le point de départ du délai de prescription de laction en récupération sur donation est en principe la date de cette donation ; que si le département de lEure fait valoir quil na eu connaissance de lexistence des contrats dassurance-vie que lorsque les services fiscaux lui ont transmis la déclaration de succession, il est constant quil ne sest pas enquis de la liquidation de la succession pendant plus dune douzaine dannées et que le retard avec lequel il a pris connaissance de cette déclaration lui est pour partie imputable ; que, dans ces conditions, il nest pas fondé à soutenir que la prescription na couru quà compter de sa prise de connaissance de la déclaration de succession ; que le délai trentenaire a couru jusquà ce que la loi no 2008‑561 du 17 juin 2008 le ramène à cinq ans et le fasse expirer le 19 juin 2013 ; que, par suite, laction en récupération sur les donations quaurait consenties Mme X… était en tout état de cause prescrite le 19 juin 2013 ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède que le département de lEure nest pas fondé à demander lannulation de la décision de la commission départementale daide sociale de lEure réunie le 29 mai 2015,
Art. 1er.
Art. 2.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 22 janvier 2018 où siégeaient Mme VESTUR, présidente, M. GRISARD, assesseur, M. SKZRYERBAK, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 19 février 2018.
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
La présidenteLe rapporteur
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
Marie-Christine RIEUBERNET