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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH)

Allocation compensatrice tierce personne (ACTP)

Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) – Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) – Prestation de compensation du handicap – Plan d’aide – Effectivité de l’aide – Centre communal d’aide sociale (CCAS) – Décision – Motivation – Compétence juridictionnelle

Dossier no 150423

Mme X…

Séance du 8 novembre 2017

Décision lue en séance publique le 8 novembre 2017 à 14 heures

Vu, enregistrée au greffe de la commission centrale d’aide sociale le 23 juin 2015, la requête présentée par Mme X… tendant à ce qu’il plaise à la commission centrale d’aide sociale annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale des Yvelines en date du 3 mars 2015 en ce qu’elle n’a pas annulé la décision du président du conseil général des Yvelines en date du 11 avril 2013 lui accordant 821,25 heures d’emploi direct et confirmant l’interruption du tarif mandataire ; Mme X… demande, en outre, à la commission centrale d’aide sociale de confirmer l’annulation de la décision du 6 février 2013 ; d’annuler la décision du 11 avril 2013 ; de condamner le département des Yvelines à lui rembourser les sommes indûment retenues depuis le 1er février 2013, en raison du passage du tarif mandataire au tarif emploi direct et à lui verser les sommes de 450 euros au titre de la réparation de son préjudice financier, de 2 000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral et de 5 998 euros au titre de l’article L. 761‑1 du code de justice administrative ; elle fait valoir à l’appui de sa requête, d’une part, que la décision du 11 avril 2013 n’est pas motivée contrairement à ce que prévoit les articles 1er et 3 de la loi no 79‑587 du 11 avril 1979 relative à la motivation des actes administratifs et, d’autre part, que le département ne peut modifier unilatéralement les conditions de sa prise en charge au titre de la prestation de compensation du handicap (PCH), en passant du tarif mandataire au tarif emploi direct au seul motif que le centre communal d’action sociale de Montigny-le-Bretonneux ne facture pas de frais de gestion ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, enregistré le 19 août 2015, le mémoire en défense présenté par le président du conseil départemental des Yvelines tendant au rejet de la requête ;

Vu, enregistré le 30 mars 2016, le mémoire complémentaire présenté par le président du conseil départemental des Yvelines tendant aux mêmes fins que son mémoire précédent ; il fait valoir que la légalité de la décision du 11 avril 2013 ne saurait être contestée pour défaut de motivation dans la mesure où cette décision n’avait pas à être motivée s’agissant d’une décision individuelle favorable et n’étant pas entachée d’une illégalité interne ;

Vu, enregistré le 9 mai 2016, le nouveau mémoire présenté par Mme X…, tendant aux mêmes fins que la requête, sous réserve d’une demande de condamnation à lui verser la somme de 650 euros au titre de la réparation de son préjudice financier et non plus de 450 euros ;

Vu, enregistré le 21 décembre 2016, le nouveau mémoire présenté par le président du conseil départemental des Yvelines reprenant ses précédentes écritures ; il fait valoir, en outre, l’absence de préjudice financier subi par Mme X… ;

Vu, enregistré le 22 mars 2017, le nouveau mémoire présenté par Mme X…, reprenant ses précédentes écritures, sous réserve d’une demande de condamnation du département à lui verser une somme de 2 123 euros au titre de la réparation de son préjudice financier et non plus de 650 euros ;

Vu, enregistré le 12 juin 2017, le nouveau mémoire récapitulatif présenté par le président du conseil départemental des Yvelines reprenant ses précédentes écritures ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 8 novembre 2017, M. Vianney CAVALIER, rapporteur, Mme X…et Maître Marion PERRIN, en leurs observations, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant que Mme X… bénéficie de la prestation de compensation du handicap (PCH) au titre « des aides humaines » depuis le 21 décembre 2006, avec effet au 1er janvier 2007 pour un premier plan d’aide de 647,04 heures par mois ; que ce plan a été réévalué par décision en date du 29 mai 2008 portant à 730 heures par mois le nombre d’heures attribuées dont 523,60 heures de mandataire et 206,40 heures d’emploi direct ; que, par décision en date du 6 février 2013, faisant suite à un contrôle d’effectivité pour la période du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012, le président du conseil général des Yvelines a modifié le plan d’aide pour le faire passer à 730 heures d’emploi direct au taux de 12,26 euros l’heure au motif que Mme X… faisait appel aux services du centre communal d’action sociale des Yvelines qui ne facturait pas de frais de mandataire et que le tarif mandataire, au taux le plus élevé, n’était alors pas justifié ; que, par décision en date du 14 mars 2013, le président du conseil général des Yvelines a révisé le plan d’aide et a accordé à Mme X… un plan d’aide de 775,63 heures d’aide humaine par mois en emploi direct ; que Mme X… a formé un recours gracieux le 6 mars 2013 contre la décision en date du 6 février 2013 aux fins de se voir réattribuer le tarif mandataire ; que le président du conseil général des Yvelines lui a accordé un nouveau plan d’aide à hauteur de 821,25 heures d’aide humaine par mois en emploi direct par décision du 11 avril 2013 ; que Mme X… a contesté devant la commission départementale d’aide sociale des Yvelines les décisions des 6 février et 11 avril 2013 qui, par décision en date du 3 mars 2015, a annulé la décision du 6 février 2013 mais a maintenu celle du 11 avril 2013 ; que Mme X… a formé un recours contre cette décision devant la commission centrale d’aide sociale en ce qu’elle n’annulait pas la décision du 11 avril 2013 ;

Considérant que la loi du 11 juillet 1979 impose à l’administration de motiver en fait et en droit les décisions administratives individuelles défavorables ; que la décision du 11 avril 2013 a été considérée à juste titre par la commission départementale d’aide sociale des Yvelines comme étant une décision individuelle favorable à Mme X… en ce qu’elle lui attribuait au titre de la PCH un plus grand nombre d’heures de prise en charge, à savoir 821,25 heures d’emploi direct contre seulement 730 heures avant ; qu’une telle décision n’était donc, de ce fait, pas au nombre des décisions administratives devant être motivées ; que la demande de Mme X… sur ce point ne peut qu’être écartée :

Considérant que l’article L. 245‑3 du code de l’action sociale et des familles prévoit notamment que : « La prestation de compensation peut être affectée, dans des conditions définies par décret, à des charges : / 1o Liées à un besoin d’aides humaines, y compris, le cas échéant, celles apportées par les aidants familiaux » ; que l’article L. 245‑4 du même code précise que : « L’élément de la prestation relevant du 1o de l’article L. 245‑3 est accordé à toute personne handicapée soit lorsque son état nécessite l’aide effective d’une tierce personne pour les actes essentiels de l’existence ou requiert une surveillance régulière, soit lorsque l’exercice d’une activité professionnelle ou d’une fonction élective lui impose des frais supplémentaires. / Le montant attribué à la personne handicapée est évalué en fonction du nombre d’heures de présence requis par sa situation et fixé en équivalent-temps plein, en tenant compte du coût réel de rémunération des aides humaines en application de la législation du travail et de la convention collective en vigueur. » ; qu’enfin, l’article L. 245‑6 du code précité ajoute que : « La prestation de compensation est accordée sur la base de tarifs et de montants fixés par nature de dépense, dans la limite de taux de prise en charge qui peuvent varier selon les ressources du bénéficiaire. Les montants maximums, les tarifs et les taux de prise en charge sont fixés par arrêtés du ministre chargé des personnes handicapées. » ;

Considérant qu’il ne se déduit pas de ces dispositions que le bénéficiaire de la PCH ait un droit acquis au maintien du mode de financement accordé par une décision précédente ; que, dès lors, le département peut modifier le mode de prise en charge au moment où il réévalue les besoins en aide humaine de l’intéressé ;

Considérant, ensuite, que l’article L. 245‑12 dispose que « lorsqu’elle choisit de rémunérer directement un ou plusieurs salariés, la personne handicapée peut désigner un organisme mandataire agréé dans les conditions prévues à l’article L. 7232‑1 du code du travail ou un centre communal d’action sociale comme mandataire de l’élément mentionné au 1o de l’article L. 245‑3 du présent code. » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’un centre communal d’action sociale, quand bien même il proposerait les mêmes prestations qu’un organisme mandataire, n’est pas considéré comme tel par la loi ;

Considérant, enfin, que l’arrêté du 28 décembre 2005 fixant les tarifs de l’élément de la prestation de compensation mentionné au 1o de l’article L. 245‑3 du code de l’action sociale et des familles, fixe à 130 % du salaire horaire brut de base le tarif de l’élément aide humaine de la PCH en cas de recours à une aide à domicile en emploi direct et prévoit une majoration de 10 % en cas de recours à un service mandataire exclusivement ; qu’il en résulte que le pouvoir réglementaire a entendu exclure la majoration de 10 % en cas de recours à un centre communal d’action sociale ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le recours à un centre communal d’action sociale ne saurait donner lieu à la majoration de 10 % quand bien même il exercerait les activités d’un service mandataire ; que ni la loi, ni les débats parlementaires ne laissent transparaître, ainsi que le fait valoir la requérante, une quelconque volonté du législateur de permettre à la personne handicapée de moduler le salaire de ses salariés en usant de cette majoration qui ne serait pas utilisée pour régler les frais de gestion du mandataire ;

Considérant que le président du conseil départemental des Yvelines, après avoir effectué un contrôle d’effectivité de la PCH versée à Mme X…, a constaté que celle-ci faisait appel aux services du centre communal d’action sociale des Yvelines, lequel ne facturait aucun frais de gestion et ne pouvait pas être assimilé à un service mandataire ; que le président du conseil départemental a alors décidé de ramener le tarif de la PCH versée à Mme X… à celui de l’emploi direct et non plus à celui d’un service mandataire ;

Considérant que le contrôle d’effectivité porte sur l’utilisation effective des sommes versées au bénéficiaire par le département au titre de la PCH ; que le contrôle d’effectivité porte également sur l’effectivité du paiement de frais de gestion à un service mandataire justifiant la majoration de 10 % prévue par l’arrêté du 28 décembre 2005 ; que dès lors, que le centre communal d’action sociale ne facture aucun frais de gestion, la personne bénéficiaire de la PCH ne peut pas « réaffecter plus utilement ces sommes aux dépenses effectives », comme le prétend Mme X…, puisque les dépenses effectives doivent justement être contraintes réglementairement ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, qu’il y a lieu de rejeter les conclusions de la requête tendant à l’annulation de la décision du président du conseil général des Yvelines en date du 11 avril 2013 et à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale des Yvelines en date du 3 mars 2015 en ce qu’elle n’annulait pas la décision du 11 avril 2013 ;

Considérant que Mme X… invoque un préjudice financier résultant du changement de tarif ; qu’un tel préjudice ne peut pas être apprécié par la commission centrale d’aide sociale, incompétente pour statuer sur la mise en cause de la responsabilité de l’administration et sur l’attribution d’une réparation sous forme de dommages et intérêts en cas de préjudice causé par celle-ci ; que ses conclusions tendant à la condamnation du département des Yvelines à lui verser une somme d’argent à titre de réparation d’un préjudice financier, ne pourront donc qu’être rejetées ;

Considérant, ensuite, que Mme X… fait valoir un préjudice moral qu’il conviendrait d’indemniser ; que la commission centrale d’aide sociale est incompétente pour statuer en la matière et ne saurait, par suite, faire droit à une telle demande ;

Considérant, enfin, que Mme X… demande à ce que le département des Yvelines soit condamné à lui verser la somme de 5 998 euros au titre de l’article L. 761‑1 du code de justice administrative ; que le code de justice administrative n’est pas applicable aux juridictions de l’aide sociale et que sa demande doit, en conséquence, être rejetée,

Décide

Art. 1er La requête de Mme X… est rejetée.

Art. 2.  La présente décision sera notifiée à Mme X…, au président du conseil départemental des Yvelines et à Maître Marion PERRIN. Copie en sera adressée au secrétariat de la commission départementale d’aide sociale des Yvelines et à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 8 novembre 2017 où siégeaient M. Denis RAPONE, président, Mme Pauline DESCHAMPS, assesseure, M. Vianney CAVALIER, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 8 novembre 2017 à 14 heures.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET