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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes âgées (ASPA)

Placement en établissement

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Hébergement – Tuteur – Ressources – Obligation alimentaire

Dossier no 150269

Mme X…

Séance du 9 octobre 2017

Décision lue en séance publique le 27 novembre 2017

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 20 février 2015, l’union départementale des associations familiales des Hautes-Alpes (UDAF des Hautes-Alpes), agissant en qualité de tuteur de Mme X…, demande à la commission centrale d’aide sociale :

1o D’annuler la décision du 20 novembre 2014 de la commission départementale d’aide sociale de l’Isère rejetant sa demande d’annulation de la décision du président du conseil général de l’Isère du 29 octobre 2013 par laquelle a été refusée la prise en charge au titre de l’aide sociale à l’hébergement de Mme X… à l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) « R… »  à compter du 2 août 2012 ;

2o D’annuler la décision du président du conseil départemental de l’Isère du 29 juillet 2013 ;

3o De prononcer la prise en charge par le conseil départemental de Mme X… à compter du 2 août 2012 ;

L’UDAF des Hautes-Alpes soutient que :

Mme X… ne peut assumer les frais de son hébergement chaque mois, en raison d’une insuffisance de ressources de 477,71 euros comme en atteste le budget produit ;

sa fille, obligée alimentaire, a été exonérée de toute contribution par jugement du juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance du 6 janvier 2015 ;

l’appartement qu’elle possède a été mis en vente depuis février 2014 à la suite de l’ordonnance du juge des tutelles du 6 février 2014 l’autorisant, mais n’a pas trouvé d’acquéreur ; même s’il était vendu, le capital retiré ne peut en tant que tel être affecté au remboursement des frais d’hébergement ;

les comptes de placement n’ont pas à être pris en compte en vertu d’une jurisprudence constante de la commission centrale d’aide sociale ;

la demande d’admission à l’aide sociale, présentée le 15 mars 2013, fait suite à la mesure de tutelle qui a pris effet le 24 janvier 2013 ; Mme X… ne pouvait demander elle-même plus tôt son admission à l’aide sociale compte tenu de son insanité d’esprit reconnue dès le 12 octobre 2012 ; dans ces circonstances particulières, la rétroactivité de l’admission de l’aide sociale doit être acquise ;

Par un mémoire daté du 25 mars 2015, et un mémoire complémentaire enregistré le 14 septembre 2017, le conseil départemental de l’Isère conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

la demande d’admission d’aide sociale déposée le 15 mars 2015 a été présentée plus de deux mois après l’entrée en EHPAD, ce qui justifie le refus d’admission au titre de l’aide sociale à compter du 2 août 2012 en application de l’article R. 131‑2 du code de l’action sociale et des familles ;

pour l’appréciation des ressources de Mme X…, il n’a pas été tenu compte du capital en tant que tel de l’intéressée ; l’UDAF des Hautes-Alpes n’a pas fait une déclaration complète des ressources de Mme X… dans la mesure où elle n’a pas appliqué les dispositions de l’article R. 132‑1 du code de l’action sociale et des familles pour l’immeuble possédé par Mme X… ; même sans prendre en compte les revenus générés par le bien immeuble en question, Mme X… dispose des ressources suffisantes pour assurer le paiement de ses frais d’hébergement, si l’on ne retient que les charges obligatoires et l’argent de poche ; Mme X… est à jour du règlement de ses frais d’hébergement, ce qui confirme qu’elle n’a pas besoin de l’aide sociale ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 9 octobre 2017 M. HUMBERT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant ce qui suit, après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique :

1. Mme X…, placée sous tutelle par jugement du juge des tutelles près le tribunal de grande instance du 24 janvier 2013 avec comme mandataire désigné l’UDAF des Hautes-Alpes, a été admise à l’EHPAD « R… » à compter du 2 août 2012. Le département de l’Isère a refusé sa demande d’admission à l’aide sociale pour l’hébergement par décision du 29 juillet 2013. La commission départementale d’aide sociale de l’Isère a rejeté le recours formé par Mme X… contre ce refus par une décision du 20 novembre 2014 contre laquelle l’UDAF des Hautes-Alpes relève appel. L’UDAF des Hautes-Alpes, agissant comme tuteur de Mme X…, doit être regardée comme demandant, outre l’annulation de la décision du 29 juillet 2013 et la décision du 20 novembre 2014 précitée, son admission à l’aide sociale à compter du 2 août 2012 ;

2. D’une part, l’article L. 113‑1 du code de l’action sociale et des familles prévoit que : « Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier soit d’une aide à domicile, soit d’un accueil chez des particuliers ou dans un établissement. » L’article L. 131‑4 du même code dispose que : « Les décisions attribuant une aide sous la forme d’une prise en charge de frais d’hébergement peuvent prendre effet à compter de la date d’entrée dans l’établissement à condition que l’aide ait été demandée dans un délai fixé par voie réglementaire. » L’article L. 132‑1 du même code dispose que : « Il est tenu compte, pour l’appréciation des ressources des postulants à l’aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire. » Enfin, l’article R. 132‑1 du même code prévoit que : « Pour l’appréciation des ressources des postulants prévue à l’article L. 132‑1, les biens non productifs de revenu (…) sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à (…) à 3 % du montant des capitaux » ;

3. D’autre part, l’article L. 131‑4 du même code dispose : « Les décisions attribuant une aide sous la forme d’une prise en charge de frais d’hébergement peuvent prendre effet à compter de la date d’entrée dans l’établissement à condition que l’aide ait été demandée dans un délai fixé par voie réglementaire ». L’article R. 131‑2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : « Sauf dispositions contraires, les demandes tendant à obtenir le bénéfice de l’aide sociale prévue aux titres III et IV du livre II prennent effet au premier jour de la quinzaine suivant la date à laquelle elles ont été présentées. / Toutefois, pour la prise en charge des frais d’hébergement des personnes accueillies dans un établissement social ou médico-social, habilité à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale ou dans un établissement de santé dispensant des soins de longue durée, la décision d’attribution de l’aide sociale peut prendre effet à compter du jour d’entrée dans l’établissement si la demande a été déposée dans les deux mois qui suivent ce jour. Ce délai peut être prolongé une fois, dans la limite de deux mois, par le président du conseil général ou le préfet (…) » ;

4. Il résulte de l’instruction que le président du conseil départemental a rejeté la demande d’admission à l’aide sociale de Mme X… à compter du 2 août 2012 au double motif que sa demande a été présentée plus de deux mois à compter de son entrée à l’EHPAD « R… » et que ses ressources, évaluées à 2 213,50 euros par mois, sont supérieures au coût de son hébergement ;

Sur le principe de l’admission à l’aide sociale à l’hébergement :

5. Il résulte des dispositions précitées au point 2 qu’elles doivent être interprétées comme permettant aux personnes placées dans un établissement au titre de l’aide sociale aux personnes âgées de subvenir aux dépenses mises à leur charge par la loi et exclusives de tout choix de gestion. Pour la détermination des ressources du bénéficiaire de l’aide sociale devant, en application des dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles, être affectées, dans la limite de 90 %, au remboursement de ses frais d’hébergement, il y a lieu de déduire de l’ensemble de ses ressources de toute nature les charges qui revêtent pour elle un caractère obligatoire ainsi que celles qui sont indispensables à sa vie dans l’établissement, dans la mesure où elles ne sont pas incluses dans les prestations offertes par ce dernier ;

6. Il résulte de l’instruction que les revenus mensuels de Mme X… s’élevaient en 2013, année de dépôt de sa demande d’admission à l’aide sociale, à 2 213,50 euros, à quoi s’ajoute une aide au logement de 50,08 euros. S’agissant des charges obligatoires, le département les a évaluées en retenant la cotisation d’assurance responsabilité civile (2,20 euros), la cotisation à la mutuelle (30,95 euros), les frais de gestion de sa tutelle (5,35 euros) et le montant de l’argent de poche (221,35 euros) à 259,85 euros, ce qui aboutit à des revenus susceptibles d’être utilisés pour assurer le paiement des frais d’hébergement de 1 953,65 euros ;

7. Toutefois, il résulte également de l’instruction, et plus précisément du budget prévisionnel produit par l’UDAF des Hautes-Alpes à la date du 1er août 2013, que pour 2013, les charges mensuelles comprenaient des frais de copropriété (129,39 euros) et la cotisation à la taxe foncière (9,42 euros) dus pour un bien immeuble détenu par Mme X…, outre les frais de mutuelle (30,95 euros), d’assurance responsabilité civile (2,20 euros) et les frais de gestion de la tutelle (96,78 euros). Dès lors que, ainsi que l’UDAF des Hautes Alpes le précise, le juge des tutelles devait autoriser la mise en vente de l’immeuble précité et même s’il n’a autorisé qu’en 2014 cette mise en vente, les frais liés à la détention de l’immeuble en question doivent être regardés comme exclusifs de tout choix de gestion et par conséquent obligatoires pour Mme X… et pris en compte dans l’évaluation des ressources disponibles pour le paiement de ses frais d’hébergement et son droit à l’aide sociale dès 2013. Ainsi, le montant des charges mensuelles obligatoires doit être majoré et porté à 490,09 euros, après ajustement à la hausse des frais liés à la mesure de tutelle qui étaient évalués à un montant inférieur à celui ressortant du budget prévisionnel par le département. S’agissant ensuite du montant des frais d’hébergement, que le département a chiffré à 1 762,64 euros, il ressort de deux factures émises en mai et juin 2013 par l’EHPAD « R… » que ces frais s’élèvent à 1 994,70 et 2 061,19 euros respectivement, soit une moyenne de 2 022 euros par mois en 2013. Ces montants doivent être retenus à la place de celui mentionné par le département en défense, qui se réfère à un prix de journée inférieur à celui facturé par l’EHPAD, et par l’UDAF des Hautes-Alpes dans le budget prévisionnel au 1er août 2013 qui fait état d’un montant, allocation pour l’autonomie déduite, de 2 210,93 euros ;

8. Au vu de l’ensemble de ces éléments, les ressources de Mme X…, diminuées de ses dépenses obligatoires et de l’argent de poche, soit 1 773,49 euros (2 263,58 euros, avec l’allocation logement de 50 euros, moins 490,09 euros), sont insuffisantes pour couvrir les frais d’hébergement, le déficit s’élevant à 248,51 euros, la circonstance qu’elle serait à jour de ses paiements dans l’établissement l’hébergeant étant sans incidence sur cette appréciation. Dans ces conditions, c’est à tort que la commission départementale d’aide sociale de l’Isère a rejeté le recours de Mme X… contre le refus du président du conseil départemental de l’Isère de l’admettre à l’aide sociale. Il y a lieu en conséquence d’annuler tant la décision du président du conseil départemental que celle de la commission départementale d’aide sociale et d’admettre Mme X… au bénéfice de l’aide sociale ;

Sur la date d’effet de l’admission à l’aide sociale :

9. Il résulte des dispositions rappelées au point 3 ci-dessus que la demande d’aide sociale doit être présentée dans un délai de deux mois à compter de l’entrée du demandeur en établissement pour que la prise d’effet de l’admission rétroagisse à cette date d’entrée. Toutefois, il appartient à l’autorité ayant le pouvoir d’admettre à l’aide sociale de se prononcer au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce et d’admettre, à titre exceptionnel et sous le contrôle du juge de l’aide sociale, dès l’entrée en établissement un demandeur qui aurait fait sa demande au-delà du délai de deux mois prévu par l’article R. 131‑2 du code de l’action sociale et des familles lorsque le demandeur n’était pas, pour des raisons indépendantes de sa volonté, en état de faire lui-même cette demande et que celle-ci a été faite par un tiers dans les meilleurs délais possibles ;

10. Il n’est pas contesté que la demande d’admission à l’aide sociale de Mme X… a été faite le 15 mars 2013, soit plus de deux mois à compter de l’admission de celle-ci à l’EHPAD « R… ». Toutefois, l’état d’insanité mentale de Mme X… est établi depuis le 12 octobre 2012, date du certificat médical ayant servi au juge des tutelles pour prononcer la mesure de protection de Mme X… ; sa fragilité était d’ailleurs telle qu’elle n’a pu prendre aucune mesure de sa propre initiative pour éviter les impayés pour son hébergement qui sont apparus dès son entrée à l’EHPAD « R… ». Mme X… n’a aucun obligé alimentaire. Enfin, la demande d’admission à l’aide sociale a été faite par l’UDAF des Hautes-Alpes moins de deux mois à compter du prononcé de la mesure de tutelle le 24 janvier 2013. Si enfin le département fait valoir en défense que Mme X… est à jour du paiement de ses frais d’hébergement en produisant une attestation en ce sens de l’établissement l’accueillant, cette seule circonstance n’établit pas qu’elle n’avait pas droit à l’aide sociale à compter de son entrée en établissement ;

11. Compte tenu des circonstances de l’espèce, notamment de l’incapacité de Mme X…, de déposer elle-même une demande d’aide sociale à l’hébergement, c’est à tort que la commission d’aide sociale de l’Isère a rejeté la demande d’annulation de la décision du président du conseil général de l’Isère. Il y a lieu, en conséquence, d’admettre Mme X… à l’aide sociale dès son entrée à l’EHPAD « R… » le 2 août 2012 ;

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme X… doit être admise à l’aide sociale à l’hébergement à compter du 2 août 2012,

Décide

Art. 1er La décision de la commission départementale d’aide sociale de l’Isère du 20 novembre 2014, ensemble la décision du président du conseil général de l’Isère du 29 juillet 2013 sont annulées.

Art. 2.  Mme X… est admise à l’aide sociale à l’hébergement à compter du 2 août 2012.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à l’union départementale des associations familiales des Hautes-Alpes, au président du conseil départemental de l’Isère. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 9 octobre 2017 où siégeaient Mme VESTUR, présidente, M. MATH, assesseur, M. HUMBERT, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 27 novembre 2017.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidenteLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET