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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes âgées (ASPA)

Placement en établissement

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Hébergement – Obligation alimentaire – Titre – Recours – Recevabilité – Ressources – Charges – Conseil d’Etat – Compétence juridictionnelle

Dossier no 150212

Mme X…

Séance du 9 octobre 2017

Décision lue en séance publique le 27 novembre 2017

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 20 avril 2015, et un mémoire complémentaire enregistré le 21 juillet 2017, M. G…, représenté par Maître REBIERE-LATHOUD, avocate, demande à la commission centrale d’aide sociale :

1o D’annuler la décision du 11 décembre 2014 de la commission départementale d’aide sociale du Val-de-Marne rejetant sa demande tendant à l’annulation de la décision du président du conseil général du Val-de-Marne du 21 mars 2014 et celle du 3 avril 2017 s’y substituant, par lesquelles ce dernier a admis sa mère Mme X… à l’aide sociale à l’hébergement en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) pour la période du 25 février 2013 au 25 février 2015 avec une participation des obligés alimentaires de 388 euros par mois, en tant qu’elle a fixé le montant de sa propre participation comme obligé alimentaire à 258 euros ;

2o D’annuler les titres exécutoires émis le 30 avril 2015 pour 3 096 euros, le 30 avril 2015 pour 516 euros, le 7 mai 2015 pour 258 euros, le 9 juin 2015 pour 258 euros, le 18 juin 2015 pour 258 euros, correspondant à sa participation en tant qu’obligé alimentaire aux frais d’hébergement de sa mère en EHPAD ;

3o De mettre à la charge du département une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

M. G… soutient que :

le premier juge a commis une erreur de droit en déterminant sa part contributive dans la mesure où il a procédé à une évaluation des ressources en tenant compte des revenus globaux du couple ; il s’agit d’une méconnaissance de l’article 208 du code civil ;

sa capacité contributive doit tenir compte de charges écartées par le premier juge (frais d’électricité, téléphonie, assurance d’habitation notamment) ; doit être également pris en compte son état de santé qui nécessite, après un cancer de la gorge en 2012 et une récidive en 2016, des soins dentaires évalués à 7 400 euros ; la décision du premier juge est entachée d’erreur de droit et d’erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où il n’a pas retenu ces deux circonstances ;

en tenant compte de toutes les charges (impôt sur le revenu 2015 : 23176 euros ; taxe d’habitation 2014 : 726 euros ; contribution à l’audiovisuel public 2014 : 133 euros ; taxe foncière 2014 : 828 euros ; remboursement du prêt contracté pour l’achat de deux véhicules 215,48 euros par mois ; crédit immobilier : 228,80 euros ; crédit voiture : 355,68 euros ; assurances 2015 : 104,59 euros par mois ; mutuelle de Mme G… : 208,89 euros par mois ; électricité et gaz : 1 073,50 euros par an ; eau : 28 euros par mois ; contrat de télésurveillance 29,73 euros par mois ; abonnement Canalsat : 45,90 euros par mois ; téléphone : 46,06 euros par mois), le montant de la participation doit être réduit de 75 % ;

Par un mémoire en défense enregistré le 29 juin 2015, le département du Val-de-Marne conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

lors du dépôt de la demande de participation de l’aide sociale pour les frais d’hébergement de sa mère Mme X…, M. G… a proposé une participation de 100 euros au plus ; toutefois, après avoir écarté les charges non obligatoires et celles non justifiées, sa participation a été correctement fixée ;

les deux emprunts contractés le 15 février 20013 pour des montants mensuels de 126,24 euros et 89,24 euros pour l’achat de véhicules l’ont été alors qu’il n’ignorait pas, comme son épouse, le besoin d’aide de Mme X… ;

le devis pour soins dentaires dont M. G… demande la prise en compte a été établi postérieurement à la date de la décision de la commission départementale d’aide sociale ;

le prêt immobilier de 200,23 euros du mois de novembre 2002 n’a jamais été produit lors de l’instruction de ses demandes ; l’autre crédit de 72,32 euros a été contracté le 20 avril 2014 ; ils n’avaient pas à être retenus par la commission départementale d’aide sociale ;

les charges liées aux choix de gestion et de consommation ne sauraient être prises en compte pour déterminer la participation des obligés alimentaires.

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code civil ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 9 octobre 2017 M. HUMBERT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant ce qui suit, après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique :

1. Mme X… a été admise le 25 février 2013 à l’EHPAD R… Sa demande d’admission à l’aide sociale à l’hébergement a été acceptée par le département du Val-de-Marne qui, après recours gracieux de M. G…, fils de Mme X…, a fixé à 388 euros le montant de la participation des obligés alimentaires, dont 258 euros à la charge de M. G…, par une décision du 21 mars 2014 et une décision du 3 avril 2017 s’y substituant. M. G… relève appel de la décision de la commission départementale d’aide sociale du Val-de-Marne du 11 décembre 2014 qui a rejeté son recours contre les décisions précitées en tant qu’elles fixent sa participation à hauteur de 258 euros ;

Sur la recevabilité des conclusions tendant à l’annulation des titres exécutoires :

2. M. G… conteste d’une part la décision de la commission départementale d’aide sociale du Val-de-Marne en tant qu’elle a rejeté sa demande tendant à ne pas mettre à sa charge une participation en tant qu’obligé alimentaire aux frais d’hébergement de sa mère Mme X… Il demande d’autre part à la commission centrale d’aide sociale d’annuler les titres exécutoires émis le 30 avril 2015 pour 3 096 euros, le 30 avril 2015 pour 516 euros, le 7 mai 2015 pour 258 euros, le 9 juin 2015 pour 258 euros, le 18 juin 2015 pour 258 euros, correspondant à sa participation en tant qu’obligé alimentaire aux frais d’hébergement de sa mère en EHPAD ;

3. Toutefois, la demande tendant à l’annulation des titres exécutoires énumérés au point précédent n’a pas été soumise au premier juge. Elle a donc le caractère d’une demande nouvelle en cause d’appel et est, par suite, irrecevable. Elle doit donc être rejetée, sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens venant au soutien de cette demande ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision contestée :

4. D’une part, l’article 205 du code civil dispose : « Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ». L’article 206 du même code dispose : « Les gendres et belles-filles doivent également, et dans les mêmes circonstances, des aliments à leur beau-père et leur belle-mère, mais cette obligation cesse lorsque celui des époux qui produisait l’affinité et les enfants issus de son union avec l’autre époux sont décédés ». L’article 208 du même code dispose quant à lui : « Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit (…) ». Il résulte de ces dispositions que seules les ressources et charges des personnes tenues envers le demandeur à l’aide sociale d’une obligation alimentaire sont susceptibles d’être prises en compte par le département pour évaluer leur capacité contributive et fixer le montant de l’aide sociale auquel l’intéressé a droit, le cas échéant ; s’il peut être tenu compte, pour apprécier le montant de charges qu’un obligé alimentaire supporte effectivement, des ressources que perçoivent les membres de son foyer, celles-ci ne sauraient être ajoutées aux ressources de cet obligé alimentaire en vue d’évaluer sa capacité contributive (CE 23 mars 2009 M. et Mme Rémy no 307627 aux tables) ;

5. D’autre part, l’article L. 132‑6 du code de l’action sociale et des familles : « Les personnes tenues à l’obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l’occasion de toute demande d’aide sociale, invitées à indiquer l’aide qu’elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. La commission d’admission fixe, en tenant compte du montant de leur participation éventuelle, la proportion de l’aide consentie par les collectivités publiques. La décision de la commission peut être révisée sur production par le bénéficiaire de l’aide sociale d’une décision judiciaire rejetant sa demande d’aliments ou limitant l’obligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par l’organisme d’admission (…) ». Il résulte de ces dispositions que la commission centrale d’aide sociale est en mesure d’apprécier globalement la contribution financière que les obligés alimentaires du bénéficiaire de l’aide sociale sont en mesure d’apporter aux frais résultant du placement de ce dernier en établissement. Ainsi, s’il appartient aux seules juridictions de l’aide sociale de fixer le montant du concours des collectivités publiques en vue de l’hébergement des personnes prises en charge au titre de l’aide sociale, compte tenu notamment de l’évaluation qu’elles font des ressources des intéressés et, le cas échéant, de la contribution du conjoint au titre de l’obligation mentionnée à l’article 212 du code civil, ainsi que de celle des débiteurs de l’obligation alimentaire, il n’appartient en revanche qu’au juge judiciaire, en cas de contestation sur ce point, de fixer le montant des contributions requises au titre de l’une ou l’autre de ces obligations ;

6. Il résulte de l’instruction, et plus précisément de la décision du 28 mars 2014 et de la décision du 17 juin 2014, qui l’annule et la remplace, que, pour l’admission de Mme X… à l’aide sociale à l’hébergement à l’EHPAD R…, le département du Val-de-Marne a retenu une participation globale des obligés alimentaires de 388 euros, avec une proposition de 258 euros pour M. G…, fils de Mme X… ;

7. En premier lieu, la réduction de la participation de M. G… en tant qu’obligé alimentaire aux frais d’hébergement de sa mère ne relevant pas de la compétence de la commission centrale d’aide sociale mais du juge aux affaires familiales qu’il lui appartient de saisir, M. G… doit être regardé comme demandant une augmentation du montant de l’aide sociale versée par le département équivalente à 75 % de la part lui revenant au titre de l’obligation alimentaire vis-à-vis de sa mère ;

8. En deuxième lieu, M. G… soutient que les revenus de son épouse n’auraient pas dû être pris en compte pour déterminer le montant de la participation des obligés alimentaires à prendre en compte pour fixer le montant de l’aide sociale à la charge du département. Toutefois, Mme G… étant la belle-fille de Mme X…, elle est, en application des dispositions précitées de l’article 206 du code civil, également débiteur d’aliment de sa belle-mère. Il s’ensuit que c’est à bon droit que les revenus de Mme G… ont été pris en compte, avec ceux de son mari, pour évaluer la capacité contributive des coobligés alimentaires de Mme X… ;

9. En troisième lieu, M. G… conteste le refus de prise en compte de certaines charges pour l’évaluation de sa capacité contributive en vue de la détermination du montant restant à la charge du département pour l’aide sociale. Contrairement à ce que soutient le département en défense, le juge de l’aide sociale, agissant en qualité de juge de plein contentieux, peut prendre en compte les justificatifs qui n’auraient pas été produits avant que le premier juge ait statué. La circonstance que des dépenses aient été évaluées postérieurement à la décision du premier juge ne fait pas plus obstacle à la prise en compte desdites dépenses, dès lors qu’elles étaient nécessaires à la date d’évaluation de la capacité contributive de l’obligé alimentaire. Or, en l’espèce, il résulte de l’instruction que les soins dentaires dont M. G… justifie la nécessité doivent être pris en compte pour l’évaluation de sa capacité contributive. De même, il y a lieu de fixer le montant de charges mensuelles à 1 600 euros par mois, après exclusion des dépenses liées à l’abonnement Canalsat (45,90 euros par mois) et au contrat de télésurveillance (29,73 euros par mois), les autres dépenses ne constituant pas des choix de gestion. Rapportées aux revenus mensuels évalués à 3 366 euros, la prise en compte des charges courantes et des soins dentaires de M. G… doit conduire à évaluer, dans les circonstances de l’espèce, la participation des obligés alimentaires à 288 euros et à une majoration de 100 euros du montant de l’aide sociale à la charge du département du Val-de-Marne ;

10. Il résulte de ce qui précède que M. G… est fondé à soutenir que c’est à tort que la commission départementale de l’aide sociale du Val-de-Marne a rejeté sa demande. Il est fondé à demander que sa capacité contributive pour la détermination du montant de l’aide sociale à l’hébergement de sa mère Mme X… soit réduite de 100 euros, de la date d’entrée en établissement de Mme X… au 13 juin 2016, date du décès de celle-ci, ce qui a pour conséquence de majorer d’autant le montant de l’aide sociale à la charge du département. Le montant de l’aide sociale à la charge du département pour l’hébergement de Mme X… doit dès lors être augmenté de 100 euros,

Décide

Art. 1er La décision de la commission départementale de l’aide sociale du Val-de-Marne du 11 décembre 2014 est annulée.

Art. 2.  Le montant de l’aide sociale à la charge du département du Val-de-Marne pour l’hébergement en établissement de Mme X… est majoré de 100 euros.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à M… X…, à Maître Aude REBIERE-LATHOUD, au président du conseil départemental du Val-de-Marne. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 9 octobre 2017 où siégeaient Mme VESTUR, présidente, M. MATH, assesseur, M. HUMBERT, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 27 novembre 2017.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidenteLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET