Mots clés : Recours en récupération Récupération sur donation Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) Assurance-vie Prestation spécifique dépendance (PSD) Compétence juridictionnelle Précarité Preuve
Dossier no 160055
M. X…
Séance du 27 novembre 2017
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 1er février 2016, et des mémoires complémentaires enregistrés le 1er mars 2016, le 4 juillet 2016, le 1er décembre 2016 et le 27 octobre 2017, M. Z… demande à la commission centrale daide sociale :
1o Dannuler la décision du 30 novembre 2015 de la commission départementale daide sociale de la Drôme rejetant sa demande tendant à lannulation de la décision du 13 janvier 2015 par laquelle le président du conseil départemental de la Drôme a décidé la récupération de la créance daide sociale au titre de lhébergement de M. X… pour un montant de 5 473,79 euros ;
2o Dannuler la décision du 13 janvier 2015 du président du conseil départemental de la Drôme ;
Il soutient que :
La requête et les mémoires complémentaires ont été transmis au département de la Drôme qui na pas produit de mémoire en défense ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 27 novembre 2017 M. HUMBERT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant ce qui suit, après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique :
1. M X… a bénéficié de laide sociale de la part du département de la Drôme pour la période du 1er mai 1998 au 31 mai 2002 sous forme de la prestation spécifique dépendance. Il en est résulté pour le département de la Drôme une créance de 23 971,66 euros. A la suite du décès de M. X… le 28 juillet 2011, au vu dune part de la donation consentie par celui-ci dun bien immobilier à sa fille Mme Y… et de divers contrats dassurance-vie dont ont bénéficié M. Z… et Mme Y…, le département de la Drôme a décidé le 13 janvier 2015 de recouvrer sa créance daide sociale auprès des deux enfants de M. X…, Mme Y… à hauteur respectivement de 18 497,87 euros et 5 473,79 euros, soit à proportion des quote-part reçues de chacun. M. Z… a demandé à la commission départementale daide sociale de la Drôme lannulation de la décision du président du conseil départemental du 13 janvier 2015. Il relève appel de la décision de la commission départementale daide sociale de la Drôme du 30 novembre 2015 qui a rejeté sa demande ;
2. Larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles, dans sa version alors applicable, dispose : « Des recours sont exercés (…) par (…) le département : (…) 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; 3o Contre le légataire. (…) Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de laide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier sexerce sur la partie de lactif successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire ». Larticle R. 132‑11 du même code prévoit que : « Le président du conseil départemental (…) fixe le montant des sommes à récupérer. Il peut décider de reporter la récupération en tout ou partie » ;
3. Pour lapplication de ces dispositions, il appartient aux juridictions de laide sociale, statuant en qualité de juges de plein contentieux, de se prononcer sur le bien-fondé de laction engagée par la collectivité publique daprès lensemble des circonstances de fait dont il est justifié par lune et lautre parties à la date de leur propre décision. Elles ont la faculté, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, daménager les modalités de cette récupération et, le cas échéant, den réduire le montant ou den reporter les effets dans le temps ;
4. Par ailleurs, larticle 894 du code civil dispose : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui laccepte ». Un contrat dassurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132‑1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé quun capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à léchéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, na pas en lui-même le caractère dune donation, au sens de larticle 894 du code civil. Toutefois, ladministration de laide sociale est en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier lengagement dune action en récupération. Le même pouvoir appartient aux juridictions de laide sociale, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, dune éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de lordre judiciaire. A ce titre, un contrat dassurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à- vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation. Lintention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance dun droit de créance sur lassureur. Dans ce cas, lacceptation du bénéficiaire, alors même quelle ninterviendrait quau moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à ladministration de laide sociale de le regarder comme un donataire, pour lapplication des dispositions relatives à la récupération des créances daide sociale ;
5. Il résulte de linstruction que M. X… a bénéficié de la prestation spécifique dépendance de la part du département de la Drôme. Quelles que soient les conditions dadmission de M. X… au bénéfice de cette allocation, il est loisible au département qui la verse de récupérer sur les donations du bénéficiaire ou ses contrats dassurance-vie, sous réserve que ces derniers sanalysent comme une donation, le montant de laide sociale qui a été versée, par application de larticle L. 132‑8 du code de laction sociale ;
6. M. Z… ne critique devant la juridiction de céans ni le bénéfice par son père de la prestation spécifique dépendance, ni le montant de la créance daide sociale revendiquée par le département, ni les montants répartis entre lui et sa sœur pour la récupération de la créance daide sociale, ni la nature de donation du contrat dassurance-vie dont il a bénéficié, ni enfin lexistence dune indemnité de réduction versée par sa sœur à raison de la donation dont elle a bénéficié de la part de son père en 2005. M. Z… se borne, devant la commission centrale, à critiquer le comportement de sa sœur et invoque une complicité du département de la Drôme dans loctroi de laide sociale à son père. Lensemble de ces critiques est toutefois sans influence sur la légalité de la décision de récupération de la créance daide sociale du département, prévue par la loi. La circonstance que M. Z… naurait pas été averti de ladmission de son père au bénéfice de laide sociale, est également sans influence sur la décision de récupération sur donation de laide sociale versée par le département de la Drôme, qui nest pas conditionnée à une information préalable du bénéficiaire ou de ses héritiers sur les possibilités de recours sur succession ou donation à la disposition du département qui verse laide sociale ;
7. En labsence de circonstances particulières étayées et démontrées, tenant à limpossibilité pour le requérant de reverser les sommes dont il a bénéficié au titre du contrat dassurance-vie ou de lindemnité de réduction à laquelle il avait droit de la part de sa sœur, la demande dannulation de la décision du département de la Drôme présentée par M. Z…, ne peut quêtre rejetée ;
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. Z… nest pas fondé à soutenir que cest à tort que la commission départementale de laide sociale de la Drôme a rejeté sa demande,
Art. 1er.
Art. 2.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 27 novembre 2017 où siégeaient Mme VESTUR, présidente, Mme DURGEAT, assesseure, M. HUMBERT, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 19 mars 2018.
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
La présidenteLe rapporteur
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
Marie-Christine RIEUBERNET