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Dispositions communes à tous les types d'aide sociale

Recours en récupération

Récupération sur donation

Mots clés : Recours en récupération – Récupération sur donation – Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Assurance-vie – Prestation spécifique dépendance (PSD) – Compétence juridictionnelle – Précarité – Preuve

Dossier no 160055

M. X…

Séance du 27 novembre 2017

Décision lue en séance publique le 19 mars 2018

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 1er février 2016, et des mémoires complémentaires enregistrés le 1er mars 2016, le 4 juillet 2016, le 1er décembre 2016 et le 27 octobre 2017, M. Z… demande à la commission centrale d’aide sociale :

1o D’annuler la décision du 30 novembre 2015 de la commission départementale d’aide sociale de la Drôme rejetant sa demande tendant à l’annulation de la décision du 13 janvier 2015 par laquelle le président du conseil départemental de la Drôme a décidé la récupération de la créance d’aide sociale au titre de l’hébergement de M. X… pour un montant de 5 473,79 euros ;

2o D’annuler la décision du 13 janvier 2015 du président du conseil départemental de la Drôme ;

Il soutient que :

il n’a pas été informé par le conseil départemental de la demande faite par sa sœur Mme Y… d’octroi de l’aide sociale à son père ; le conseil départemental a commis une faute en ne demandant pas son accord avant l’octroi du bénéfice de l’aide sociale à son père ;

il n’est pas redevable de la créance du conseil départemental résultant de la seule demande de sa sœur ;

La requête et les mémoires complémentaires ont été transmis au département de la Drôme qui n’a pas produit de mémoire en défense ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 27 novembre 2017 M. HUMBERT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant ce qui suit, après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique :

1. M X… a bénéficié de l’aide sociale de la part du département de la Drôme pour la période du 1er mai 1998 au 31 mai 2002 sous forme de la prestation spécifique dépendance. Il en est résulté pour le département de la Drôme une créance de 23 971,66 euros. A la suite du décès de M. X… le 28 juillet 2011, au vu d’une part de la donation consentie par celui-ci d’un bien immobilier à sa fille Mme Y… et de divers contrats d’assurance-vie dont ont bénéficié M. Z… et Mme Y…, le département de la Drôme a décidé le 13 janvier 2015 de recouvrer sa créance d’aide sociale auprès des deux enfants de M. X…, Mme Y… à hauteur respectivement de 18 497,87 euros et 5 473,79 euros, soit à proportion des quote-part reçues de chacun. M. Z… a demandé à la commission départementale d’aide sociale de la Drôme l’annulation de la décision du président du conseil départemental du 13 janvier 2015. Il relève appel de la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Drôme du 30 novembre 2015 qui a rejeté sa demande ;

2. L’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles, dans sa version alors applicable, dispose : « Des recours sont exercés (…) par (…) le département : (…) 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; 3o Contre le légataire. (…) Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire de l’aide sociale à domicile ou de la prise en charge du forfait journalier s’exerce sur la partie de l’actif successoral, défini selon les règles de droit commun, qui excède un seuil fixé par voie réglementaire ». L’article R. 132‑11 du même code prévoit que : « Le président du conseil départemental (…) fixe le montant des sommes à récupérer. Il peut décider de reporter la récupération en tout ou partie » ;

3. Pour l’application de ces dispositions, il appartient aux juridictions de l’aide sociale, statuant en qualité de juges de plein contentieux, de se prononcer sur le bien-fondé de l’action engagée par la collectivité publique d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre parties à la date de leur propre décision. Elles ont la faculté, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, d’aménager les modalités de cette récupération et, le cas échéant, d’en réduire le montant ou d’en reporter les effets dans le temps ;

4. Par ailleurs, l’article 894 du code civil dispose : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte ». Un contrat d’assurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132‑1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas en lui-même le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil. Toutefois, l’administration de l’aide sociale est en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération. Le même pouvoir appartient aux juridictions de l’aide sociale, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de l’ordre judiciaire. A ce titre, un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à- vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation. L’intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur. Dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;

5. Il résulte de l’instruction que M. X… a bénéficié de la prestation spécifique dépendance de la part du département de la Drôme. Quelles que soient les conditions d’admission de M. X… au bénéfice de cette allocation, il est loisible au département qui la verse de récupérer sur les donations du bénéficiaire ou ses contrats d’assurance-vie, sous réserve que ces derniers s’analysent comme une donation, le montant de l’aide sociale qui a été versée, par application de l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale ;

6. M. Z… ne critique devant la juridiction de céans ni le bénéfice par son père de la prestation spécifique dépendance, ni le montant de la créance d’aide sociale revendiquée par le département, ni les montants répartis entre lui et sa sœur pour la récupération de la créance d’aide sociale, ni la nature de donation du contrat d’assurance-vie dont il a bénéficié, ni enfin l’existence d’une indemnité de réduction versée par sa sœur à raison de la donation dont elle a bénéficié de la part de son père en 2005. M. Z… se borne, devant la commission centrale, à critiquer le comportement de sa sœur et invoque une complicité du département de la Drôme dans l’octroi de l’aide sociale à son père. L’ensemble de ces critiques est toutefois sans influence sur la légalité de la décision de récupération de la créance d’aide sociale du département, prévue par la loi. La circonstance que M. Z… n’aurait pas été averti de l’admission de son père au bénéfice de l’aide sociale, est également sans influence sur la décision de récupération sur donation de l’aide sociale versée par le département de la Drôme, qui n’est pas conditionnée à une information préalable du bénéficiaire ou de ses héritiers sur les possibilités de recours sur succession ou donation à la disposition du département qui verse l’aide sociale ;

7. En l’absence de circonstances particulières étayées et démontrées, tenant à l’impossibilité pour le requérant de reverser les sommes dont il a bénéficié au titre du contrat d’assurance-vie ou de l’indemnité de réduction à laquelle il avait droit de la part de sa sœur, la demande d’annulation de la décision du département de la Drôme présentée par M. Z…, ne peut qu’être rejetée ;

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. Z… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que la commission départementale de l’aide sociale de la Drôme a rejeté sa demande,

Décide

Art. 1er La requête de M. Z… est rejetée.

Art. 2.  La présente décision sera notifiée à M. Z…, au président du conseil départemental de la Drôme. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 27 novembre 2017 où siégeaient Mme VESTUR, présidente, Mme DURGEAT, assesseure, M. HUMBERT, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 19 mars 2018.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidenteLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET