Mots clés : Recours en récupération Récupération sur succession Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) Hébergement Allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) Prestation spécifique dépendance (PSD) Allocation personnalisée dautonomie (APA) Assurance-vie Requalification Donation Legs
Dossier no 150271
Mme X…
Séance du 9 octobre 2017
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 25 mars 2015, et par des mémoires complémentaires enregistrés le 13 octobre 2015, le 16 novembre 2015 et le 18 janvier 2016, Mme Y… demande à la commission centrale daide sociale :
1o Dannuler la décision du 3 février 2015 de la commission départementale daide sociale des Hautes-Alpes rejetant sa demande tendant à lannulation de la décision du président du conseil départemental du 13 juin 2012 par laquelle ce dernier a décidé la récupération dune créance de 25 837,34 euros au titre de laide sociale à lhébergement sur la succession de Mme X… ;
2o Dannuler la décision du président du conseil départemental des Hautes-Alpes du 13 juin 2012.
Mme Y… soutient que :
Par un mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2015, le département des Hautes-Alpes conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code civil ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 9 octobre 2017 M. HUMBERT, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant ce qui suit, après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique :
1. Mme X… a bénéficié de laide sociale aux personnes âgées sous la forme dune aide-ménagère à domicile à compter du 1er juin 1991 jusquau 1er février 1996 ; à cette date, elle a bénéficié de lallocation compensatrice tierce personne ; puis, à compter du 1er septembre 2000, elle a bénéficié de la prestation spécifique dépendance, remplacée par lallocation personnalisée dautonomie et lallocation personnalisée différentielle à compter du 22 octobre 2002 jusquà son décès le 12 janvier 2011. Informé au moment de la succession de Mme X… de lexistence dun contrat dassurance-vie, le département a décidé de récupérer la créance correspondant à laide sociale ainsi consentie à Mme X… pour un montant arrêté à 25 837,34 euros le 13 juin 2012, estimant que le contrat dassurance-vie constituait une donation indirecte. Saisie par Mme Y…, fille de Mme X… et bénéficiaire unique du contrat dassurance-vie de sa mère, la commission départementale daide sociale des Hautes-Alpes a rejeté la demande dannulation de la décision de récupération par décision du 3 février 2015, mais a arrêté le montant de la créance du département à 24 719,74 euros. Mme Y…, qui ne conteste pas le montant de la créance départementale, demande lannulation de la décision de la commission départementale daide sociale des Hautes-Alpes qui a requalifié le contrat dassurance-vie de Mme X… en donation indirecte ;
2. En vertu des dispositions du 2o de larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles, une action en récupération est ouverte au département, notamment « 2o Contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ». Dautre part, larticle 894 du code civil dispose : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui laccepte ». Un contrat dassurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132‑1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé quun capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à léchéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, na pas en lui-même le caractère dune donation, au sens de larticle 894 du code civil. Toutefois, ladministration de laide sociale est en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier lengagement dune action en récupération. Le même pouvoir appartient aux juridictions de laide sociale, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, dune éventuelle question préjudicielle devant les juridictions de lordre judiciaire. A ce titre, un contrat dassurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire et après que ce dernier a donné son acceptation. Lintention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance dun droit de créance sur lassureur. Dans ce cas, lacceptation du bénéficiaire, alors même quelle ninterviendrait quau moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à ladministration de laide sociale de le regarder comme un donataire, pour lapplication des dispositions relatives à la récupération des créances daide sociale ;
3. Il résulte de linstruction et il nest pas contesté que le patrimoine de Mme X… était constitué pour lessentiel des sommes investies dans le contrat dassurance-vie quelle a souscrit en 1994, alors quelle était âgée de 83 ans ;
4. Toutefois, Mme Y… soutient sans être contredite que sa mère, en souscrivant ce contrat dassurance-vie dun montant de 126 460 francs auprès de la compagnie Allianz le 17 septembre 1994, a entendu placer les fonds quelle détenait au titre dune épargne de précaution, dont elle retrace les formes successives : ces fonds correspondent au produit de huit titres de capitalisation Predica souscrits auprès de la compagnie dassurance-vie du Crédit agricole, arrivés à terme le 18 juillet 1994, pour une valeur de 121 877,44 francs ainsi quil ressort de la lettre du 10 août 1994 du Crédit agricole versée au dossier ; ces titres Predica avaient eux-mêmes été achetés en 1984 grâce à une épargne constituée dans les années 1960 par Mme X…, soucieuse déviter les difficultés financières importantes auxquelles elle avait dû faire face après la séparation davec le père de ses enfants, et de se garantir des ressources au cas où sa fille, Mme Y…, qui soccupait delle depuis quelle était âgée de 60 ans, viendrait à disparaître. Le fait que Mme X… a simultanément adhéré au Groupement associatif interprofessionnel pour lamélioration de la retraite et de lépargne, ainsi quil ressort de lacte de souscription du contrat dassurance-vie, corrobore son intention de sassurer de ressources en cas disolement ;
5. Il résulte de ces circonstances que Mme X… ne peut être regardée comme sétant, en 1994, départie de manière actuelle et non aléatoire de son épargne au profit de ses deux enfants ,et ce quand bien même aucun rachat, fût-ce partiel, du contrat en cause na lieu entre sa date de souscription et le décès de Mme X… Ainsi, labsence dintention libérale étant établie, la souscription du contrat dassurance-vie en 1994 ne peut être requalifiée de donation indirecte ou de legs au bénéfice de Mme Y… Par suite, cest à tort que la commission départementale daide sociale des Hautes-Alpes a rejeté la demande dannulation de la décision du président du conseil général des Hautes-Alpes de récupérer la créance daide sociale auprès de Mme Y…,
Art. 1er.
Art. 2.
Art. 3.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 9 octobre 2017 où siégeaient Mme VESTUR, présidente, M. MATH, assesseur, M. HUMBERT, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 27 novembre 2017.
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
La présidenteLe rapporteur
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
Marie-Christine RIEUBERNET