Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) Allocation personnalisée dautonomie (APA) Procédure Prescription Plan daide Justificatifs Compétence dattribution Précarité
Dossier no 140604
Mme X…
Séance du 6 mars 2017
Vu le recours formé le 30 mars 2016 par Maître Bélinda BOUBAKER, représentant les intérêts de Mme X…, tendant à lannulation de la décision de la commission départementale daide sociale du Nord du 21 janvier 2014 ayant rejeté son recours contre la décision du président du conseil général du 13 février 2009 ayant rejeté la demande de remise gracieuse de la somme de 27 891,99 euros versée à tort au titre de lallocation personnalisée dautonomie à domicile dont aurait bénéficié Mme X… ;
La requérante soutient que le recours est recevable dans la mesure où il est de jurisprudence constante que le dépôt dun dossier daide juridictionnelle auprès de la juridiction suspend la prescription des délais ; que, sur lillégalité externe des décisions des 21 mai 2008, 28 juillet 2008, 8 décembre 2008 et 16 avril 2010 réclamant le remboursement de la somme de 21 891,99 euros, aucun élément ne prouve que les agents qui ont procédé aux différents contrôles et à leurs instructions aient bien reçu délégation du ministre chargé de laction sociale ou du représentant de lEtat dans le département conformément aux articles L. 133‑1, L. 133‑2 et L. 232‑26 du code de laction sociale et des familles ; quà défaut de cette preuve, les décisions susvisées sont nulles ; que, sur linsuffisance de motivation des décisions précitées et notamment celle du 16 avril 2010 réclamant la somme de 21 878,56 euros, lensemble des décisions administratives doivent comporter une motivation en droit et en fait (loi du 11 juillet 1979) et faire référence à lexamen de la situation particulière du requérant ; que, selon une jurisprudence constante, « la reproduction dune formule stéréotypée ne satisfait pas à lobligation de motivation », ce qui est le cas en lespèce ; que lensemble des décisions attaquées encourt lannulation pour insuffisance de motivation en fait et en droit ; que, sur labsence dexamens sérieux, le conseil général se borne à invoquer que Mme X… est redevable dun trop-perçu et que si lexamen avait été sérieux, il aurait constaté que lallocation personnalisée à lautonomie versée à Mme X… a bien été utilisée conformément au plan daide du conseil général du Nord du 19 février 2004 et que la gestion de laide a été supervisée par lépoux de Mme X…, illettré et analphabète, qui na pas conservé de justificatifs ; que cette absence dexamen sérieux entache la décision dillégalité externe et de seul fait encours son annulation ; que sur labsence dindu, il ressort des articles L. 232‑3 et R. 232‑8 du code de laction sociale et des familles que lallocation personnalisée à lautonomie est affectée à la couverture des dépenses de toute nature relevant du plan daide élaboré par léquipe médico-sociale ; que Mme X… a utilisé lallocation pour laide à la toilette, à lhabillage, au transfert et à lentretien de la maison ; que M. X… a bien rémunéré des personnes sans toutefois les déclarer auprès de lURSSAF et que le conseil général commet une erreur de droit en affirmant que les sommes versées au titre de lallocation personnalisée à lautonomie constituent des somme indues ; que par ailleurs, cest en raison dune mauvaise gestion imputable à son époux que Mme X… na pu justifier de ses dépenses, seules quelques factures ayant été retrouvées après le décès de M. X… ; que la sanction dune absence de justificatif est la suspension de lallocation personnalisée dautonomie et non son recouvrement ; que, sur la demande tardive du conseil général, lintéressé doit déclarer au président du conseil général le salarié ou le service daide à domicile que lallocation sert à rémunérer ; que labsence de déclaration aurait dû alerter le conseil général pendant ces quatre années et une intervention rapide aurait permis à M. X… de régulariser la situation avec lURSSAF en conservant les justificatifs ; que, par ailleurs, en labsence de preuve, la signataire de la décision du président du conseil général du 13 février 2009 rejetant la « remise gracieuse » navait pas compétence pour prendre une telle décision, entraînant ainsi lannulation de ladite décision ; quelle encourt également lannulation pour insuffisance de motivation en droit et en fait, celle-ci ne faisant référence quà une délibération, sans la joindre, et sans rappeler les faits de laffaire, retient une moyenne économique journalière supérieure à 6 euros sans en indiquer le calcul ; quenfin, au regard de la situation financière de Mme X…, celle-ci est dans limpossibilité de payer la somme demandée par le conseil général (943 euros de ressources pour 1 076 euros de charges mensuelles) ;
Vu, envoyé le 26 juillet 2016, le mémoire en défense du président du conseil départemental du Nord ; il soutient que les auteurs des décisions contestées dans la requête apportent la preuve de leur compétence ; que, par arrêté 5 mai 2008, M. le président du conseil général du Nord a donné délégation de signature à Mme K…, adjointe au responsable de la mission ordonnancement du pôle gestion, et à M. P…, responsable de la mission ordonnancement du pôle gestion ; que, par arrêté du 15 janvier 2010, M. le président du conseil général du Nord a donné délégation de signature à Mme D…, directrice adjointe, et à M. P…, responsable de la cellule indus-arrérages ; que Maître BOUBAKER sollicite à tort la preuve que « les agents qui ont procédé aux différents contrôles et à leurs instructions aient bien reçu délégation du ministre chargé de laction sociale ou du représentant de lEtat dans le département » ; que larticle L. 133‑1 du code de laction sociale et des familles na pas lieu de sappliquer dès lors que les contrôles exercés relèvent de la compétence du département comme le prévoit larticle L. 133‑2 du même code ; que, sur linsuffisance de motivation, il nest pas contesté que les décisions individuelles doivent être motivées mais que de nombreux échanges ont eu lieu entre Mme X… et le département, qui a fourni tous les éléments lui permettant de comprendre la situation quelle ne pouvait ignorer ; que les décisions prises (19 février 2004, 21 mai 2008, 13 février 2009, 16 avril 2010) apportent des éléments factuels propres à létude de la situation personnelle de Mme X…, le contexte juridique, et quelle pouvait interroger les services départementaux à tout moment pour obtenir des informations sur le calcul de la moyenne économique journalière ou la motivation du bien-fondé de lindu ; que, sur labsence délément sérieux des décisions, il est reproché au département de ne pas avoir pris en compte la situation sociale et familiale de Mme X… alors que le département a été attentif aux éléments présentés par Mme X… et aux difficultés dorganisation familiale des bénéficiaires de lallocation personnalisée à lautonomie ; que la majorité des justificatifs concernaient des factures de bricolage, délectroménager ou de lalimentaire, dépenses qui ne peuvent être prises en compte au titre de lallocation personnalisée à lautonomie ; que les factures relatives à lachat de changes ou dalèses ne sont ni nominatives ni datées, ce qui ne leur confère pas la preuve de lutilisation des sommes perçues au titre de lallocation personnalisée à lautonomie par la bénéficiaire ; que dautres factures probantes ont permis de réduire le montant de lindu ; que la situation financière de Mme X… a été étudiée après un premier refus de remise de dette et suite à la communication de nouveaux documents sur la situation financière ; que la moyenne économique journalière sélevait à 19,42 euros ayant conduit au rejet de la demande de remise de dette ; quenfin, la requérante indique que les « sommes ont bien été affectées aux dépenses prévues par le plan daide et ce afin de pallier le manque dautonomie de la requérante » et que les sommes versées étaient dues sans évoquer labsence totale de justificatifs ; que le bénéficiaire est tenu de produire ces justificatifs conformément aux articles L. 232‑7 et R. 232‑15 du code de laction sociale et des familles et L. 3243‑4 du code du travail qui prévoit que lemployeur conserve un double du bulletin de paie des salariés pendant cinq ans ; que M. le président du conseil général était fondé à demander la transmission de lensemble des justificatifs des dépenses de personnel correspondant au montant de lallocation personnalisée à lautonomie perçu du 1er juin 2008 au 30 avril 2008 ; que labsence de déclarations du personnel auprès de lURSSAF ne permet pas détablir leffectivité de la rémunération de ces personnes conformément au plan daide établi par léquipe médico-sociale, accepté par la bénéficiaire le 30 janvier 2004 ; que Mme X… était parfaitement informée des obligations qui lui incombaient, notamment la rémunération des deux salariées choisies par elle-même ainsi que la justification de son utilisation ; que, dans un courrier du 8 août 2008, la requérante indique quelle « na pas rémunéré les services depuis de nombreuses années » et que « lAPA na pas été utilisée pour rémunérer une personne salariée » ; quil résulte dune jurisprudence constante que « si au terme dun contrôle de leffectivité de laide et au vu des justificatifs mensuels fournis par lintéressée, il ressort que celle-ci na pas utilisé une partie des sommes versées au titre de lAPA à domicile, est justifiée la décision de récupérer les sommes qui nont pas été utilisées à la réalisation du plan daide et à lachat de matériel » (CCAS, 6 février 2008, no 042048) ; quil en résulte un indu dallocation personnalisée à lautonomie de 27 878,56 euros pour la période du 1er juin 2006 au 31 juillet 2008 et que le versement de lallocation personnalisée à lautonomie résulte dune obligation légale et non naturelle ; quenfin, aucune disposition législative nimpose au président du conseil général daccorder des remises de dettes mais que le département du Nord fait usage de cette faculté dans la délibération 2007/384 du 2 avril 2007 en calculant la moyenne économique journalière du demandeur ; que le montant économique journalier de Mme X… était supérieur à 6 euros car sélevait à 19,42 euros ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment larticle 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 6 mars 2017 Mme GOMERIEL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quaux termes de larticle L. 232‑1 du code de laction sociale et des familles, toute personne âgée résidant en France qui se trouve dans lincapacité dassumer les conséquences du manque ou de la perte dautonomie liées à son état physique ou mental a droit à une allocation personnalisée dautonomie permettant une prise en charge adaptée à ses besoins ; cette allocation, définie dans des conditions identiques sur lensemble du territoire national, est destinée aux personnes qui, nonobstant les soins quelles sont susceptibles de recevoir, ont besoin dune aide pour laccomplissement des actes essentiels de la vie ou dont létat nécessite une surveillance régulière ; quaux termes de larticle L. 232‑2 du même code : « Lallocation personnalisée dautonomie, qui a le caractère dune prestation en nature, est accordée, sur sa demande, dans les limites de tarifs fixés par voie réglementaire, à toute personne attestant dune résidence stable et régulière et remplissant les conditions dâge et de perte dautonomie, évaluée à laide dune grille nationale, également définies par voie réglementaire » ; quaux termes de larticle L. 232‑3 : « Lorsque lallocation personnalisée dautonomie est accordée à une personne résidant à domicile, elle est affectée à la couverture des dépenses de toute nature relevant dun plan daide élaboré par une équipe médico-sociale. » ; quaux termes de larticle L. 232‑6, léquipe médico-sociale recommande, dans le plan daide mentionné à larticle L. 232‑3, « Les modalités dintervention qui lui paraissent les plus appropriées compte tenu du besoin daide et de létat de perte dautonomie du bénéficiaire. » ;
Considérant quaux termes de larticle L. 232‑7 du code de laction sociale et des familles, le bénéficiaire de lallocation personnalisée à lautonomie doit être à tout moment en mesure de produire les justificatifs de dépense correspondant au montant de lallocation personnalisée à lautonomie quil a perçu et de sa participation financière au département, qui organise le contrôle de leffectivité de laide » ; quaux termes de larticle R. 232‑15 du même code : « Sans préjudice des obligations mises à la charge des employeurs par le code du travail, les bénéficiaires de lallocation personnalisée dautonomie sont tenus de conserver les justificatifs des dépenses autres que de personnel correspondant au montant de lallocation personnalisée dautonomie et à leur participation financière prévues dans le plan daide, acquittées au cours des six derniers mois aux fins de la mise en œuvre éventuelle par les services compétents des dispositions de larticle L. 232‑16 du code de laction sociale et des familles ;
Considérant quil résulte du dossier que Mme X… a sollicité le bénéfice de lallocation personnalisée dautonomie à domicile le 7 octobre 2003 ; quun plan daide lui a été proposé le 26 janvier 2004 prévoyant lintervention dune tierce personne à domicile pour 87 heures par mois, représentant 946,92 euros à verser au titre de lallocation personnalisée à lautonomie, approuvé par Mme X… le 30 janvier 2004 ; que par décision du 19 février 2004, le président du conseil départemental du Nord a accordé à Mme X… le bénéfice de lallocation personnalisée à lautonomie à compter du 11 février 2004 ; que Mme X… a déclaré le 15 mars 2004 au président du conseil général les noms de deux salariées et la rémunération permettant lutilisation de lallocation personnalisée à lautonomie ; que, le 21 mai 2008, M. le président du conseil général a invité la bénéficiaire à transmettre aux services départementaux les justificatifs des dépenses de laide, qui nont pas été présentés pour justifier laide perçue du 1er juin 2006 au 30 avril 2008 ; que, comme suite à la réception de lavis de récupération de la somme indue de 27 891,99 euros, Mme X… a demandé une remise de dette, rejetée le 13 février 2009 ; quà la demande de Mme X…, le département a fait un nouvel examen de la demande de remise de dette au regard des nouveaux justificatifs fournis, qui a conduit à réduire le montant de lindu à 27 878,56 euros ; que, saisie dun recours par Mme X…, la commission départementale daide sociale du Nord, par décision du 21 janvier 2014, la rejeté ;
Considérant que le département du Nord apporte la preuve, en produisant les délégations de signature de M. le président du conseil général du Nord, que les auteurs des décisions contestées étaient effectivement compétents pour prendre celles-ci ; que le moyen tiré de lincompétence de ces auteurs ne peut quêtre écarté ;
Considérant que les précisions apportées par le département dans les nombreux courriers envoyés à Mme X…, en date des 19 février 2004, 21 mai 2008, 13 février 2009 et 16 avril 2010 procurent tous les éléments de fait utiles ; que Mme X…, qui avait la possibilité de contacter le département pour toute demande de renseignements complémentaires, ne peut se prévaloir dune insuffisance de motivation ne lui permettant pas de contester ces éléments de fait sur sa situation ;
Considérant que le contrôle deffectivité à lorigine de lindu a conduit à une demande de justificatifs de dépenses de personnel, conformément au plan daide prévoyant 15 heures daide à la personne et 49 heures daide à la vie courante, par les services du département sur la période du 1er juin 2006 au 30 avril 2008 ; quà supposer que Mme X… ait, comme elle le prétend, rémunéré des personnes, elle na toutefois effectué aucune déclaration auprès de lURSSAF, ce qui ne permet pas détablir la preuve de leffectivité de la rémunération desdites personnes ; quainsi, en labsence de transmission de justificatifs permettant den attester lutilisation, le département a fait une exacte appréciation de la situation en considérant que les sommes versées sélevant à 27 878,56 euros devaient être récupérées ;
Considérant, néanmoins, que la gestion de lallocation personnalisée dautonomie a été supervisée par lépoux de Mme X…, illettré et analphabète, aujourdhui décédé, qui na pas conservé de justificatifs à lexception de quelques factures ; que Mme X… dispose de 943 euros de ressources pour 1 076 euros de charges mensuelles ; quainsi les capacités contributives de Mme X… sont limitées et le remboursement de la totalité de lindu ferait peser de graves menaces sur léquilibre de son budget ; que la remise de dette sollicitée sur le fondement de la précarité a été rejetée par le président du conseil général sur le fondement de la délibération 2007/384 du 2 avril 2007 par laquelle le conseil général a établi des critères de remise gracieuse dune créance daide sociale aux personnes âgées, au motif que, après analyse des justificatifs transmis par la bénéficiaire, le montant de ses ressources journalières sélevait à 19,42 euros, supérieur au montant de 6 euros au-dessus duquel la délibération prévoit le rejet de la remise de dette ; que cette façon de procéder exclut la prise en compte personnalisée des situations en examen, et est, de ce fait, dépourvu de fondement légal ; quil sera fait une juste appréciation de la situation de Mme X… en limitant lindu à sa charge à la somme de 5 000 euros ; que, par ailleurs, Mme X… peut solliciter un échelonnement de la dette aux fins de la rembourser au département,
Art.1er.
Art. 2.
Art. 3.
Art. 4.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 6 mars 2017 où siégeaient M. BELORGEY, président, M. MATH, assesseur, Mme GOMERIEL, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 30 octobre 2017.
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le présidentLa rapporteure
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
Marie-Christine RIEUBERNET