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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes âgées (ASPA)

Placement en établissement

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Hébergement – Etablissement d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD) – Ressources – Demande – Instruction – Délai – Date d’effet

Dossier no 150168

Mme X…

Séance du 18 septembre 2017

Décision lue en séance publique le 22 novembre 2017

Vu le recours formé le 10 février 2015 par l’hôpital H… de la Meuse tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Meuse du 19 décembre 2014 ayant rejeté le recours contre la décision du 4 mars 2010 par laquelle le président du conseil général de la Meuse a refusé la prise en charge des frais d’hébergement de Mme X… à compter de son entrée le 7 août 2008 et la décision du 14 avril 2014 par laquelle le président du conseil général de la Meuse a accordé la prise en charge des frais d’hébergement en établissement de Mme X… du 24 janvier 2011 au 28 mars 2011, date de son décès ;

L’hôpital H… soutient que l’instruction des dossiers de demande d’aide sociale par le service d’aide sociale aux personnes âgées du conseil général de la Meuse est anormalement longue, soit deux ans pour ce dossier ; qu’aucune information n’est fournie sur la situation des dossiers en cours, ce qui pénalise financièrement les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) en cas de refus ; qu’une prise en charge au titre de l’aide sociale a finalement été accordée à compter du 24 janvier 2011, date à laquelle le conseil général estime avoir eu connaissance du montant des ressources de Mme X… alors que ses ressources figuraient sur la demande d’aide sociale établie à l’entrée en EHPAD le 11 août 2008 ; qu’il demande une prise en charge à compter du 7 août 2008 ;

Vu, enregistré le 9 juin 2015, le mémoire en défense du président du conseil général de la Meuse qui soutient que, en application des articles L. 131‑1 et R. 131‑2 du code de l’action sociale et des familles, les demandes d’admission au bénéfice de l’aide sociale, à l’exception de celles concernant l’aide sociale à l’enfance, sont déposées au centre communal ou intercommunal d’action sociale (CCAS), que les demandes sont ensuite transmises dans le mois de leur dépôt au représentant de l’Etat ou au président du conseil départemental qui les instruit et que la décision d’attribution de l’aide sociale peut prendre effet à compter du jour d’entrée en établissement si la demande a été déposée dans les deux mois qui suivent ce jour ; que le conseil général de la Meuse a accusé réception du dossier d’aide sociale complet le 24 janvier 2011 et que l’admission à l’aide sociale a été prononcée à compter du 24 janvier 2011 ; que le département n’a pas commis d’erreur en prenant comme date d’effet la date de réception du dossier de demande d’aide sociale ; que l’EHPAD s’est borné à transmettre une liasse de placement au conseil général de la Meuse le 11 août 2008 dans laquelle il est fait mention de l’incapacité de Mme X… à régler la totalité des frais d’hébergement ; que le fait que cette liasse ne soit pas signée par Mme X…, qu’aucun dossier d’aide sociale n’ait été déposé en mairie de la Meuse, qu’aucune démarche n’ait été engagée auprès du CCAS de la commune de résidence pour établir la demande d’aide sociale, confirment que Mme X… n’est pas à l’origine de cette demande ; que le président du conseil départemental n’a pas commis d’erreur en considérant que l’intéressée n’avait pas fait l’objet d’une demande d’aide sociale et en ne donnant aucune suite à la liasse transmise par l’EHPAD ; qu’en application des dispositions du code civil relatives à la personnalité juridique, Mme X… était seule habilitée à signer la demande d’aide sociale, ou son représentant si elle avait donné mandat pour agir ; que la directrice de l’EHPAD n’était pas habilitée à le faire et, ne pouvait se substituer à Mme X… et, à défaut de représentant légal de cette dernière, aurait dû saisir le juge des tutelles, seul compétent pour statuer sur l’incapacité à agir de celle-ci ; que si l’EHPAD indique que le montant des ressources figurant sur la liasse de demande devait permettre l’examen des capacités contributives de Mme X… en application de l’article L. 132‑3 du code de l’action sociale et des familles qui précise que « les ressources de quelque nature qu’elles soient sont affectées au remboursement de leurs frais d’hébergement et d’entretien dans la limite de 90 % », les mentions apportées sur la liasse de l’EHPAD ne suffisaient pas à l’examen du dossier ; que si l’EHPAD invoque la lenteur de l’instruction, celle-ci n’a pas d’effet sur la décision contestée ; que le délai d’instruction est apprécié selon la Cour européenne des droits de l’homme au regard des circonstances de la cause et eu égard au comportement du requérant et celui des autorités compétentes et l’enjeu du litige ; que la responsabilité du retard n’est pas imputable au conseil départemental de la Meuse puisque l’EHPAD et Mme X… n’ont constitué un dossier d’aide sociale complet qu’après deux années ; que l’EHPAD n’a engagé aucune démarche auprès de Mme X… concernant le reversement de ses ressources et de la caisse d’allocations familiales pour obtenir l’allocation logement en application de l’article L. 132‑3 du code de l’action sociale et des familles ; qu’enfin, s’agissant du préjudice subi par l’EHPAD, il est sans influence sur la légalité des décisions contestées, qui sont fondées sur l’effectivité du besoin du demandeur d’aide sociale et son impécuniosité à laquelle l’aide a pour but de remédier ; que la perte de recettes supportée par l’établissement ne peut être prise en compte ;

Vu, enregistré le 15 juillet 2015, le mémoire en réponse présenté par l’hôpital H… ; il soutient que la liasse de placement déposée le 7 août 2008 et transmise à la mairie de la Meuse Perthois et au département était constitutive du dossier de demande d’aide sociale et pouvait être légalement déposée par l’établissement, lequel, pas plus que Mme X…, n’a pas reçu les formulaires ni la liste des pièces nécessaires à la complétude du dossier dans le mois suivant le dépôt de cette demande et n’ont pas, avant le rejet de la demande le 4 mars 2010, été informés ou mis en demeure de produire ces éléments manquants ; l’hôpital réitère ses conclusions tendant à ce que l’aide sociale soit accordée à Mme X… à compter du 7 août 2008 ;

Vu, enregistrées le 18 juillet 2017, les pièces produites par le conseil départemental de la Meuse, principalement le dossier familial d’aide sociale reçu par ses services le 9 septembre 2010 ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 18 septembre 2017 Mme Elise GOMERIEL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant que le recours de l’hôpital H… est dirigé contre la décision en date du 3 décembre 2014 par laquelle la commission départementale d’aide sociale de la Meuse a rejeté ses demandes tendant, d’une part, à l’annulation de l’arrêté du 4 mars 2010 du président du conseil général de la Meuse refusant la prise en charge des frais d’hébergement de Mme X… dans cet EHPAD au motif que les éléments du dossier ne permettaient pas d’évaluer la participation du département et, d’autre part, à la réformation de la décision du 14 avril 2014 du même président en ce qu’elle fixe la date de prise en charge des frais de séjour de Mme X… à compter du 24 janvier 2011 ;

Sur l’arrêté du 4 mars 2010 du président du conseil général de la Meuse ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 131‑1 du code de l’action sociale et des familles « Les demandes d’admission au bénéfice de l’aide sociale (…) sont déposées au centre communal ou intercommunal d’action sociale ou, à défaut, à la mairie de résidence de l’intéressé. Les demandes donnent lieu à l’établissement d’un dossier par les soins du centre communal ou intercommunal d’action sociale. (…) Les demandes sont ensuite transmises, dans le mois de leur dépôt, au représentant de l’Etat ou au président du conseil général, qui les instruit avec l’avis du centre communal ou intercommunal d’action sociale ou, à défaut, du maire et celui du conseil municipal, (…) » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction et qu’il n’est pas contesté que Mme X… est entrée à l’EHPAD de l’hôpital H… de la Meuse le 7 août 2008 ; que cet établissement a déposé le 8 août 2008 à la mairie de la Meuse où était domiciliée Mme X… avant son arrivée dans l’établissement et dans l’intérêt de cette dernière une demande explicite d’admission de celle-ci au bénéfice de l’aide à l’hébergement, demande assortie de documents constitutifs de la liasse de placements des bénéficiaires de l’aide sociale ; que cette demande a été transmise au département de la Meuse le 12 août 2008 par la commune sans toutefois que celle-ci ait, comme les dispositions de l’article L. 131‑1 du code de l’action sociale et des familles précitées lui en font obligation, établi le dossier en réunissant les pièces nécessaires ; que le département de la Meuse, pourtant relancé à de nombreuses reprises par l’EHPAD soucieux de voir réunies toutes les pièces utiles à l’examen de la demande d’admission de Mme X… et de fournir celles qui seraient éventuellement en sa possession, n’établit pas davantage avoir satisfait à l’obligation d’instruction du dossier qui lui incombe en application des mêmes dispositions, en se bornant à adresser en décembre 2009 une demande de pièces à la mairie de la Meuse ; que, dans ces conditions, le président du conseil général de la Meuse ne pouvait, sans méconnaître sa compétence, se fonder sur la circonstance que les éléments du dossier dont il disposait ne lui permettaient pas d’évaluer sa participation pour rejeter la demande présentée pour Mme X… ; qu’il en résulte que sa décision du 4 mars 2010 doit être annulée ;

Sur la décision du 14 avril 2014 du président du conseil général de la Meuse ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 131‑4 du code de l’action sociale et des familles « Les décisions attribuant une aide sous la forme d’une prise en charge de frais d’hébergement peuvent prendre effet à compter de la date d’entrée dans l’établissement à condition que l’aide ait été demandée dans un délai fixé par voie réglementaire » ; qu’aux termes de l’article R. 131‑2 du même code : « (…) les demandes tendant à obtenir le bénéfice de l’aide sociale prévue aux titres III et IV du livre II prennent effet au premier jour de la quinzaine suivant la date à laquelle elles ont été présentées. Toutefois, pour la prise en charge des frais d’hébergement des personnes accueillies dans un établissement social ou médico-social, habilité à recevoir des bénéficiaires de l’aide sociale ou dans un établissement de santé dispensant des soins de longue durée, la décision d’attribution de l’aide sociale prendra effet à compter du jour d’entrée dans l’établissement si la demande a été déposée dans les deux mois qui suivent ce jour. (…). Le jour d’entrée (…) s’entend, pour les pensionnaires payants, du jour où l’intéressé, faute de ressources suffisantes, n’est plus en mesure de s’acquitter de ses frais de séjour » ;

Considérant que, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, la demande de prise en charge des frais liés à l’hébergement de Mme X… à l’EHPAD de l’hôpital H… de la Meuse a été formée le lendemain de son admission, soit dans le délai prévu par l’article R. 131‑2 précité ; qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne subordonne l’octroi du bénéfice de l’aide à l’hébergement à compter de la date à laquelle le dossier a été regardé complet ; que la date d’attribution de l’aide sociale doit, en application du même article, être fixée à compter du jour d’entrée dans l’établissement lorsque, à cette date, l’intéressé remplit les conditions pour y prétendre ; qu’il en résulte que le président du conseil général de la Meuse a commis une erreur de droit en fixant la date de prise en charge des frais de séjour de Mme X… au 24 janvier 2011, date à laquelle le dossier aurait été réputé complet, et que sa décision du 14 avril 2014 doit être réformée sur ce point ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction et n’est pas contesté que Mme X… ne disposait pas de ressources suffisantes pour acquitter les frais de son hébergement lorsqu’elle a été admise à l’EHPAD de l’hôpital H… de la Meuse et que cette situation n’a pas changé jusqu’à son décès le 28 mars 2011 ; qu’il y a lieu de fixer la date de prise en charge desdits frais au 7 août 2008 ;

Sur la décision de la commission départementale d’aide sociale du 3 décembre 2014 :

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la décision de la commission départementale d’aide sociale doit être annulée,

Décide

Art. 1er La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Meuse du 3 décembre 2014 et l’arrêté du 4 mars 2010 du président du conseil général de la Meuse sont annulés.

Art. 2.  La date de prise en charge des frais d’hébergement de Mme X… à l’EHPAD de l’hôpital H… de la Meuse est fixée au 7 août 2008 et l’article 1er de la décision du président du conseil général de la Meuse du 14 avril 2014 est réformé en ce qu’il a de contraire à la présente décision.

Art. 3.  L’affaire est renvoyée devant le président du conseil départemental de la Meuse pour la liquidation des droits de Mme X… pour la période du 7 août 2008 au 1er février 2011, conformément à la présente décision.

Art. 4.  La présente décision sera notifiée à l’hôpital H…, au président du conseil départemental de la Meuse. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 18 septembre 2017 où siégeaient Mme VESTUR, présidente, M. MATH, assesseur, Mme GOMERIEL, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 22 novembre 2017.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

La présidenteLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET