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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale
Aide sociale aux personnes âgées (ASPA)
Placement en établissement
Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) Hébergement Conseil dEtat Ressources Modalités de calcul Légalité Compétence juridictionnelle
Dossier no 140203
Mme X…
Séance du 16 mai 2017
Décision lue en séance publique le 18 octobre 2017
Vu le recours en date du 2 janvier 2014 formé par lunion départementale des associations familiales (UDAF) de la Haute-Marne, tutrice de Mme X…, tendant à la réformation de la décision de la commission départementale daide sociale de la Haute-Saône en date du 9 octobre 2013, qui a admis partiellement son recours contre la décision du président du conseil général en date du 17 mai 2013 par laquelle Mme X… a été admise au bénéfice de laide sociale du 1er avril 2013 au 31 mars 2017 pour ses frais dhébergement en établissement dhébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) avec reversement de lintégralité des revenus et de lallocation logement, déduction faite du montant légal dargent de poche ;
La requérante conteste la décision uniquement sur le motif de lillégalité de la prise en charge de la taxe foncière, des frais de gestion de tutelle et en ce que le montant restant à la disposition de la personne doit être de 10 % des ressources brutes, dans un minimum légal de 94 euros au 1er avril 2013 ; elle soutient :
que le plafonnement de la taxe foncière et des frais de gestion de tutelle est illégal et que le montant restant à disposition de la personne doit être de 10 % des ressources brutes dans un minimum légal de 94 euros au 1er avril 2013 ;
que le règlement départemental daide sociale de la Haute-Saône a plafonné la prise en charge de la taxe foncière à 376 euros par an et les frais de gestion de tutelle à 20,68 euros par mois, mais que ce plafonnement nest pas compatible avec la jurisprudence du Conseil dEtat du 14 décembre 2007 qui a estimé que le département doit prendre en charge toutes les charges obligatoires imposées par les lois et règlements pour le demandeur, notamment les frais de tutelle, impôt sur le revenu, charges fiscales liées au bien immeuble grevé dhypothèque, frais dassurance complémentaire santé, part des tarifs restant à la charge des assurés sociaux du fait de dispositions législatives et réglementaires et forfait journalier lié à larticle L. 174‑4 du code de la sécurité sociale ;
que le Conseil dEtat a confirmé que « les personnes doivent pouvoir disposer librement de 10 % de leurs ressources et que la somme laissée à leur disposition ne peut être inférieure à 1 % du minimum vieillesse » ; « que ces dispositions doivent être interprétées comme devant permettre aux personnes de subvenir aux dépenses qui sont mises à leur charge par la loi et qui sont exclusives de tout choix de gestion » ;
que selon larticle L. 132‑3 du code de laction sociale et des familles, les ressources de toutes natures sont affectées au règlement des frais dhébergement dans une limite de 90 % ; quun plafonnement de la prise en charge des dépenses déductibles est de nature à compromettre ce droit à disposer dun minimum légal devant permettre aux personnes de subvenir aux dépenses mises à leur charge par la loi ; que les frais de gestion de tutelle sont de 9,84 euros par mois pour 2013 et que la taxe foncière est de 265 euros pour 2012 ;
que selon larticle L. 131‑4 du même code, le conseil général peut décider de conditions et de montants plus favorables que ceux prévus par les lois et règlements applicables aux prestations mentionnées à larticle L. 121‑1 ;
que toute disposition du règlement prévoyant une condition dattribution moins favorable que celle de la loi est considérée comme illégale et doit être annulée, ce qui est le cas du plafonnement des frais de gestion de tutelle et de la taxe foncière ; que cette réglementation est au surplus motivée par le principe dégalité des citoyens devant la loi qui suppose un socle minimum et homogène de droits assurés sur lensemble du territoire national ;
Vu le mémoire en défense en date du 28 février 2014 du président du conseil général de la Haute-Saône qui conclut au rejet de la requête ; il soutient :
que la commission départementale daide sociale a jugé, dune part, que le département devait prendre en charge la totalité des frais de mutuelle faisant droit à la requête et a constaté, dautre part, que la décision du président du conseil général du 17 mai 2013 permet la prise en charge intégrale des frais de tutelle et de la taxe foncière, de sorte quelle ne lui fait pas grief ;
que le plafonnement prévu par le règlement départemental ne fait aucunement obstacle à une déduction intégrale de ces frais du montant de la participation de Mme X… à ses frais dhébergement ;
quil ressort des déclarations de lUDAF que les frais de tutelle à la charge de Mme X… sont de 9,84 euros par mois pour 2013, inférieurs au plafond de 20,68 euros établi par le département de la Haute-Saône pour ce poste de dépense ; quil en est de même pour la taxe foncière qui sélève à 265 euros pour 2012 et à 268 euros pour 2013, de sorte quil est inférieur au plafond de 376 euros indiqué par le président du conseil général dans sa lettre datée du 8 avril 2013 ;
que par ailleurs, sur le fondement des articles L. 132‑3 et R. 231‑6 du code de laction sociale et des familles et de la décision du Conseil dEtat du 14 décembre 2007, les dépenses qui sont la conséquence directe dobligations légales, ainsi que les tarifs de sécurité sociale restant à la charge des assurés sociaux en vertu des dispositions législatives et réglementaires, doivent être déduits intégralement de lassiette du prélèvement de 90 % prévu à larticle L. 132‑3 du code de laction sociale et que les frais relevant davantage de choix de gestion des intéressés que des nécessités qui simposent à eux ne peuvent en revanche en être exclus ;
quil ne saurait être contesté que si les cotisations dassurance complémentaire santé doivent être prises en compte pour le calcul de la participation de lintéressée aux frais dhébergement, il ne saurait en être de même des frais afférents à un contrat dassurance responsabilité civile dès lors que la conclusion dun tel contrat ne constitue pas une obligation légale pour les personnes âgées, ni une dépense exclusive dun choix de gestion ; quil en est de même pour la taxe foncière dès lors que cette imposition relève davantage dun choix de gestion que des nécessités qui simposent à elle en vertu de la loi et quil est constant que les actes de gestion du patrimoine sont des actes de libre disposition dont les conséquences nont pas à être supportées par laide sociale ; que le règlement départemental a la possibilité dadopter des modalités dattribution de laide sociale plus favorables que celles de la loi ; que le règlement départemental daide sociale contesté permet néanmoins la déduction des frais liés à lassurance responsabilité civile et au règlement de la taxe foncière dans la limite dun plafond, de sorte quil est possible de déduire du montant de la participation du bénéficiaire de laide sociale les frais afférents à ces deux postes, en étant plus favorable que le code de laction sociale et des familles ;
que lUDAF ne saurait soutenir que le règlement est de nature à compromettre le droit du bénéficiaire de laide sociale de disposer librement du montant minimum légal mensuel prévu aux articles L. 132‑3 et R. 231‑6 du même code ; que sur la demande dinjonction de lUDAF, il nappartient pas au juge de laide sociale de contrôler la légalité du règlement départemental ;
que le département demande de mettre à la charge de lUDAF la somme de 2 000 euros au titre des frais répétitifs ;
Vu le mémoire en réplique de lUDAF en date du 9 juillet 2014 qui soutient :
que si les montants de dépenses déductibles dont doit sacquitter Mme X… sont inférieurs au plafonnement, il nest pas certain que ce sera toujours le cas jusquau 31 mars 2017, date de terme de la décision daide sociale notamment pour la taxe foncière dont le montant sen rapproche ; puisque comme le précise le conseil général, le plafonnement est calculé en fonction de la revalorisation de « largent de poche », le montant de ce dernier est revalorisé en fonction de lallocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ;
quil nest donc pas exclu quune absence de revalorisation de lASPA dans les années à venir, vienne impacter le montant de « largent de poche » ; que le recours est surtout de principe sur le motif de mettre en place un plafonnement, étant un moyen officieux de contourner ces décisions et sur le fait que le conseil général de la Haute-Saône a déjà été condamné par la commission centrale daide sociale le 8 décembre 2010 pour non-respect des conditions dadmission à laide sociale, puisquil avait rejeté ladmission à laide sociale au motif que Mme X… possédait de lépargne ; que par ailleurs, il existe bien un intérêt à agir qui est la présente action ouverte à tous ceux qui contestent une décision des commissions des juges du fond au regard de lapplication des règles liées à laide sociale ;
que lintérêt à agir nest pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de laction ;
quenfin, sauf à ce que le conseil général de la Haute-Saône en rapporte la preuve, il est difficile de soutenir que les charges fiscales (taxe foncière, taxe dhabitation, redevance ordures ménagères) ne sont pas mises à la charge du citoyen par la loi et sont un choix de gestion ; quen ce qui concerne lassurance responsabilité civile, la décision du Conseil dEtat du 14 décembre 2007 précise que sa conclusion est un choix de gestion et lUDAF ne demande pas sa prise en charge ; que si effectivement la commission centrale daide sociale na juridiquement aucun pouvoir de contrôle de la légalité du règlement départemental, il sagira dune injonction de principe ;
que le conseil général demande la mise à la charge de lUDAF de la somme de 2 000 euros en cas de rejet des prétentions, cette somme devant être acquittée par Mme X…, ce qui parait inéquitable pour la bénéficiaire de laide sociale ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu la décision du 17 mai 2013 du président du conseil général qui a accordé une déduction intégrale ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 16 mai 2017, Mme GOMERIEL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quaux termes de larticle L. 113‑1 du code de laction sociale et des familles : « Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier, soit dune aide à domicile, soit dun placement chez des particuliers ou dans un établissement » ; quaux termes de larticle L. 132‑3 du code de laction sociale et des familles : « Les ressources de quelque nature quelles soient, à lexception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de laide aux personnes âgées ou de laide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais dhébergement et dentretien dans la limite de 90 %. Toutefois, les modalités de calcul de la somme mensuelle minimum laissée à la disposition du bénéficiaire de laide sociale sont déterminées par décret. La retraite du combattant et les pensions attachées aux distinctions honorifiques dont le bénéficiaire de laide sociale peut être titulaire, sajoutent à cette somme » ; que larticle R. 231‑6 du même code dispose que : « La somme minimale laissée mensuellement à la disposition des personnes placées dans un établissement au titre de laide sociale aux personnes âgées, par application des dispositions des articles L. 132‑3 (…) est fixée, lorsque le placement comporte lentretien, à un centième du montant annuel des prestations minimales de vieillesse, arrondi à leuro le plus proche. Dans le cas contraire, larrêté fixant le prix de journée de létablissement détermine la somme au-delà de laquelle est opéré le prélèvement de 90 % prévu audit article 3 » ; que ces dispositions doivent être interprétées comme permettant aux personnes placées dans un établissement au titre de laide sociale aux personnes âgés de subvenir aux dépenses mises à leur charge par la loi et exclusives de tout choix de gestion, telles que les sommes dont elles seraient redevables au titre de limpôt sur le revenu ;
Considérant quil résulte de linstruction que Mme X…, sous tutelle de lUDAF de la Haute-Marne, a été hébergée en EHPAD depuis le 13 janvier 2009 ; que lUDAF a déposé une demande daide sociale le 21 janvier 2013 ; que le président du conseil général, par décision en date du 29 mai 2013, a admis lintéressée au bénéfice de laide sociale en déduisant partiellement les frais de mutuelle et en confirmant la déduction de la totalité de la taxe foncière, des frais de tutelle et des dépenses dassurance responsabilité civile de lintéressée dun montant inférieur à celui admis dans le cadre du plafonnement édicté par le département sur ces trois derniers postes de dépenses ;
Considérant que lUDAF a contesté cette décision devant la commission départementale daide sociale laquelle, par décision en date du 9 octobre 2013, a annulé partiellement la décision du président du conseil général en admettant la prise en charge de lintégralité des frais de mutuelle à compter du 26 juillet 2013 et rejeté le recours de lUDAF en tant quil concerne les frais dassurance responsabilité civile, la taxe foncière et les frais de tutelle, en estimant que ces dépenses nétaient pas exclusives de tout choix de gestion et en constatant que la décision du président du conseil général permet leur prise en charge intégrale de sorte quelle ne fait pas grief à la requérante ; quen motivant ainsi sa décision, ladite commission a commis une double erreur de droit en tant quelle considère les dépenses en cause comme nétant pas exclusives de tout choix de gestion et considère les dépenses susceptibles de plafonnement ; que, dès lors, la décision de la commission départementale daide sociale encourt lannulation ;
Considérant quil y a lieu dévoquer et de statuer ;
Considérant que, pour la détermination des ressources du bénéficiaire de laide sociale devant, en application des dispositions précitées du code de laction sociale et des familles, être affectées dans la limite de 90 %, au remboursement de ses frais dhébergement, il y a lieu de déduire de lensemble de ses ressources de toute nature, les charges qui revêtent pour elle un caractère obligatoire ainsi que celles qui sont indispensables à sa vie dans létablissement dans la mesure où elles ne sont pas incluses dans les prestations offertes par ce dernier ; quil en est ainsi des cotisations dassurance maladie complémentaire nécessaires à la couverture de ces dépenses ; quil en va de même des dépenses qui sont exclusives de choix de gestion, au nombre desquelles figurent les frais de tutelle et la taxe foncière, ainsi que lassurance responsabilité civile ; que la circonstance que lintéressée disposerait de capitaux mobiliers nest pas de nature à faire obstacle à lapplication de la règle ainsi rappelée, seuls les revenus produits par le patrimoine pouvant être pris en compte pour la fixation du montant de laide attribuée ;
Considérant que dans son mémoire en défense en date du 28 février 2014, le département a indiqué que la commission départementale daide sociale de la Haute-Saône a jugé à bon droit que la décision du président du conseil général de la Haute-Saône du 17 mai 2013 accordant à lintéressée le bénéfice de laide sociale, ne faisait pas grief dès lors quelle permet sa prise en charge intégrale par le département ; que Mme X… a obtenu entière satisfaction ; quainsi la décision attaquée na pas dimpact sur la situation juridique de Mme X… ; quil y a lieu, dès lors, de déclarer non-lieu à statuer sur le recours formé par lUDAF en son nom ;
Considérant que les juridictions de laide sociale sont des juridictions administratives spécialisées ; quainsi elles ne sont compétentes que pour les matières qui leur ont été expressément confiées par la loi ; quainsi la demande de la requérante aux fins dinjonction au président du conseil départemental de mettre en conformité le règlement départemental avec la législation applicable en matière daide sociale est irrecevable, car porté devant une juridiction incompétente pour en connaître ; que toutefois, il lui appartient - si elle sy estime fondée - de saisir la juridiction de droit commun,
Décide
Art. 1er. La décision en date du 9 octobre 2013 de la commission départementale daide sociale de la Haute-Saône est annulée.
Art. 2. Il ny a lieu à statuer sur le recours de lunion départementale des associations familiales de la Haute-Marne pour Mme X….
Art. 3. La présente décision sera notifiée à lunion départementale des associations familiales de la Haute-Marne, à Maître Yves CLAISSE, au président du conseil général de la Haute-Saône. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 16 mai 2017 où siégeaient M. PAUL DU BOIS DE LA SAUSSAY, président, M. MATH, assesseur, Mme GOMERIEL, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 18 octobre 2017.
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le présidentLa rapporteure
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
Marie-Christine RIEUBERNET