Mots clés : Recours en récupération Récupération sur donation Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) Hébergement Commission centrale daide sociale (CCAS) Conseil dEtat Motivation Assurance-vie Actif successoral Requalification
Dossier no 160210
Mme X…
Séance du 10 juillet 2017
Vu larrêt en date du 7 avril 2016 du Conseil dEtat annulant la décision no 120805 en date du 4 avril 2014 de la commission centrale daide sociale qui a rejeté le recours de Maître Nadine CHRISTMANN agissant pour les intérêts de Mme X… divorcée A…, Mme Y… et M. Z…, tendant à lannulation de la décision de la commission départementale daide sociale de la Moselle en date du 8 décembre 2011 confirmant la décision en date du 22 septembre 2011, par laquelle le président du conseil général de la Moselle a décidé la récupération de la créance daide sociale sur la prise en charge de Mme X… au titre de laide sociale pour un montant total sélevant à 35 292,31 euros, correspondant à ses frais dhébergement à lEHPAD E… en Moselle du 1er juin 2007 au 19 mai 2011, date de son décès ;
Vu le recours en date du 3 avril 2012 formé par Maître Nadine CHRISTMANN agissant pour les intérêts de Mme X… divorcée A…, Mme Y… et M. Z…, tendant à lannulation de la décision de la commission départementale daide sociale de la Moselle en date du 8 décembre 2011 confirmant la décision du 22 septembre 2011 par laquelle le président du conseil général de la Moselle a décidé la récupération de la créance daide sociale sur la prise en charge des frais dhébergement de Mme X… au titre de laide sociale à lEHPAD E… en Moselle du 1er juin 2007 au 19 mai 2011, date de son décès, pour un montant total sélevant à 35 292,31 euros.
Maître Nadine CHRISTMANN conteste la décision en faisant valoir :
Maître Nadine CHRISTMANN demande la condamnation du conseil général de la Moselle à verser aux requérants la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire en défense en date du 20 juillet 2012 du président du conseil général de la Moselle qui conclut au rejet de la requête ;
Vu les pièces desquelles il ressort que Maître Nadine CHRISTMANN sest acquittée de la contribution pour laide juridique de 35 euros instituée par larticle 1635 bis Q du code général des impôts entre le 1er octobre 2011 et le 31 décembre 2013 ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code civil ;
Vu le mémoire, enregistré en date du 22 juin 2016 au secrétariat de la commission centrale daide sociale de Maître Thomas HAAS, conseil des consorts P…, qui demande la limitation de la récupération de laide sociale à la somme de 18 304,68 euros, montant des primes versées par Mme X… dans le cadre du contrat dassurance-vie quelle a souscrit, et la mise à la charge du département de la Moselle du versement dune somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 10 juillet 2017 M. BENHALLA, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quaux termes de larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles : « Des recours sont exercés par ladministration (…) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande » ; quaux termes de larticle R. 132‑11 du même code : « Les recours prévus à larticle
Considérant quaux termes de larticle 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui laccepte » ; quun contrat dassurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132‑1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé quun capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à léchéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, na pas, en lui-même, le caractère dune donation, au sens de larticle 894 du code civil ;
Considérant quil résulte de linstruction que Mme X… a bénéficié de laide sociale pour la prise en charge de ses frais dhébergement à lEHPAD E… en Moselle du 1er juin 2007 au 19 mai 2011, date de son décès, pour un montant total sélevant à 35 292,31 euros ; que, par décision en date du 22 septembre 2011, le président du conseil général de la Moselle a décidé la récupération de la créance daide sociale versée au titre des frais dhébergement de Mme X… pour un montant total sélevant à 35 292,31 euros ; que lactif net successoral se composait de 1 785,25 euros répartis sur un compte bancaire à la banque postale de Moselle et un livret A à la caisse dépargne de Moselle, ainsi que dun contrat dassurance-vie dun montant de 27 777 euros au bénéfice de ses neveu et nièces, les requérants ;
Considérant que la commission départementale daide sociale de la Moselle, par décision en date du 8 décembre 2011, a maintenu la récupération décidée par le président du conseil général ; que la commission centrale daide sociale, saisie dun recours en appel par Maître Nadine CHRISTMANN agissant pour les intérêts de Mme X… divorcée A…, Mme Y… et M. Z…, la rejeté par décision no 120805 du 4 avril 2014 ; que, saisi dun pourvoi en cassation, le Conseil dEtat a, par arrêt en date du 7 avril 2016, annulé la décision de la commission centrale daide sociale au motif quelle a « insuffisamment motivé sa décision et a commis une erreur de droit » et renvoyé laffaire à la commission centrale daide sociale ;
Considérant, en premier lieu, que M. P…, frère de la défunte et père des bénéficiaires du contrat litigieux sest manifesté auprès du conseil général de la Moselle en tant que « porte fort » de feue sa sœur ; quil a formé un recours contre la décision de récupération invoquant le fait quil nétait pas en mesure de restituer les sommes qui avaient déjà été réparties entre les différents bénéficiaires du contrat ; que les bénéficiaires du contrat dassurance-vie, informés de ce recours le 25 novembre 2011, ont déposé à leur tour un recours devant la commission départementale daide sociale de la Moselle, en précisant que leur père nétait pas en mesure de les représenter ; que, par ailleurs le département de la Moselle, par lettre en date du 19 décembre 2012, a informé les donataires des modalités de récupération des prestations servies à Mme X… ; quil suit de là quaucun des droits des donataires na été méconnu ; que, dès lors, les conclusions de Maître Nadine CHRISTMANN sur la nullité de la procédure ne peuvent quêtre rejetées ;
Considérant en second lieu, que ladministration et les juridictions de laide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier lengagement dune action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, dune éventuelle question préjudicielle devant les juridictions judiciaires ; quà ce titre, un contrat dassurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour lessentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire, et après que ce dernier a donné son acceptation ; que lintention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à limportance des primes versées par rapport à son patrimoine, sy dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance dun droit de créance sur lassureur ; que, dans ce cas, lacceptation du bénéficiaire, alors même quelle ninterviendrait quau moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à ladministration de laide sociale de le regarder comme un donataire, pour lapplication des dispositions relatives à la récupération des créances daide sociale ;
Considérant, en lespèce, que Mme X… est née le 15 janvier 1916 ; que la souscription du contrat dassurance-vie est intervenue le 1er septembre 1998 alors quelle était âgée de 82 ans ; que les sommes versées sur ce contrat constituent lessentiel du patrimoine de la défunte ; que ces éléments suffisent à caractériser lexistence dune intention libérale ; quainsi, la récupération sur les donataires est fondée ;
Considérant, toutefois, que si ladministration peut regarder le bénéficiaire dun contrat dassurance-vie comme un donataire, le montant de la récupération des créances de laide sociale exercée à son encontre ne peut excéder celui des primes versées par le souscripteur du contrat, bénéficiaire de la prestation daide sociale ; quil suit de là que la récupération sur le contrat dassurance-vie souscrit par Mme X… doit être limitée au montant des primes quelle a versées, soit la somme de 18 304,68 euros ; que, par voie de conséquence, tant la décision du 22 septembre 2011 du président du conseil général de la Moselle que la décision de la commission départementale daide sociale de la Moselle en date du 8 décembre 2011 doivent être annulées ;
Considérant que la demande de Maître Thomas HAAS relative au versement dune somme de 3 500 euros aux consorts P… au titre des frais irrépétibles est rejetée,
Art. 1er.
Art. 2.
Art. 3.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 10 juillet 2017 où siégeaient M. BELORGEY, président, Mme PEREZ-VIEU, assesseure, M. BENHALLA, rapporteur.
Décision lue en séance publique le 18 octobre 2017.
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le présidentLe rapporteur
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
Marie-Christine RIEUBERNET