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Dispositions communes à tous les types d'aide sociale

Recours en récupération

Récupération sur donation

Mots clés : Recours en récupération – Récupération sur donation – Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Hébergement – Commission centrale d’aide sociale (CCAS) – Conseil d’Etat – Motivation – Assurance-vie – Actif successoral – Requalification

Dossier no 160210

Mme X…

Séance du 10 juillet 2017

Décision lue en séance publique le 18 octobre 2017

Vu l’arrêt en date du 7 avril 2016 du Conseil d’Etat annulant la décision no 120805 en date du 4 avril 2014 de la commission centrale d’aide sociale qui a rejeté le recours de Maître Nadine CHRISTMANN agissant pour les intérêts de Mme X… divorcée A…, Mme Y… et M. Z…, tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Moselle en date du 8 décembre 2011 confirmant la décision en date du 22 septembre 2011, par laquelle le président du conseil général de la Moselle a décidé la récupération de la créance d’aide sociale sur la prise en charge de Mme X… au titre de l’aide sociale pour un montant total s’élevant à 35 292,31 euros, correspondant à ses frais d’hébergement à l’EHPAD  E…  en Moselle du 1er juin 2007 au 19 mai 2011, date de son décès ;

Vu le recours en date du 3 avril 2012 formé par Maître Nadine CHRISTMANN agissant pour les intérêts de Mme X… divorcée A…, Mme Y… et M. Z…, tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Moselle en date du 8 décembre 2011 confirmant la décision du 22 septembre 2011 par laquelle le président du conseil général de la Moselle a décidé la récupération de la créance d’aide sociale sur la prise en charge des frais d’hébergement de Mme X… au titre de l’aide sociale à l’EHPAD  E…  en Moselle du 1er juin 2007 au 19 mai 2011, date de son décès, pour un montant total s’élevant à 35 292,31 euros.

Maître Nadine CHRISTMANN conteste la décision en faisant valoir :

que la procédure suivie est nulle, les requérants n’ayant pas été avisés de la décision du département de la Moselle de récupérer les sommes versées au titre de l’aide sociale pour les frais d’hébergement de leur tante, ce qui les a privé de connaître les modalités de contestation devant la commission départementale d’aide sociale ;

qu’aucun décompte de l’aide sociale versée au titre des frais d’hébergement de leur tante ne leur a été fourni, et que celle-ci ne peut être récupérée sur une succession que lorsque l’actif net excède 39 000 euros, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;

Maître Nadine CHRISTMANN demande la condamnation du conseil général de la Moselle à verser aux requérants la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire en défense en date du 20 juillet 2012 du président du conseil général de la Moselle qui conclut au rejet de la requête ;

Vu les pièces desquelles il ressort que Maître Nadine CHRISTMANN s’est acquittée de la contribution pour l’aide juridique de 35 euros instituée par l’article 1635 bis Q du code général des impôts entre le 1er octobre 2011 et le 31 décembre 2013 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code civil ;

Vu le mémoire, enregistré en date du 22 juin 2016 au secrétariat de la commission centrale d’aide sociale de Maître Thomas HAAS, conseil des consorts P…, qui demande la limitation de la récupération de l’aide sociale à la somme de 18 304,68 euros, montant des primes versées par Mme X… dans le cadre du contrat d’assurance-vie qu’elle a souscrit, et la mise à la charge du département de la Moselle du versement d’une somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 10 juillet 2017 M. BENHALLA, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés par l’administration (…) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande » ; qu’aux termes de l’article R. 132‑11 du même code : « Les recours prévus à l’article L. 132‑8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale. En cas de donation, le recours est exercé jusqu’à concurrence de la valeur des biens donnés par le bénéficiaire de l’aide sociale, appréciée au jour de l’introduction du recours, déduction faite, le cas échéant, des plus-values résultant des impenses ou du travail du donataire. En cas de legs, le recours est exercé jusqu’à concurrence de la valeur des biens légués au jour de l’ouverture de la succession. Le président du conseil départemental ou le préfet fixe le montant des sommes à récupérer. Il peut décider de reporter la récupération en tout ou partie. Les dispositions du premier alinéa de l’article R. 131‑1 sont applicables aux actions en récupération introduites par le président du conseil départemental ou le préfet à l’encontre des personnes mentionnées aux 1o à 3o de l’article L. 132‑8 » ; qu’aux termes de l’article R. 132‑12 du même code : « Le recouvrement sur la succession du bénéficiaire, prévu à l’article L. 132‑8, des sommes versées au titre de l’aide sociale à domicile, de l’aide médicale à domicile, de la prestation spécifique dépendance ou de la prise en charge du forfait journalier prévu à l’article L. 174‑4 du code de la sécurité sociale s’exerce sur la partie de l’actif net successoral qui excède 46 000 euros. Seules les dépenses supérieures à 760 euros, et pour la part excédant ce montant, peuvent donner lieu à ce recouvrement » ;

Considérant qu’aux termes de l’article 894 du code civil : « La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donateur qui l’accepte » ; qu’un contrat d’assurance-vie soumis aux dispositions des articles L. 132‑1 et suivants du code des assurances, par lequel il est stipulé qu’un capital ou une rente sera versé au souscripteur en cas de vie à l’échéance prévue par le contrat, et à un ou plusieurs bénéficiaires déterminés en cas de décès du souscripteur avant cette date, n’a pas, en lui-même, le caractère d’une donation, au sens de l’article 894 du code civil ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X… a bénéficié de l’aide sociale pour la prise en charge de ses frais d’hébergement à l’EHPAD  E…  en Moselle du 1er juin 2007 au 19 mai 2011, date de son décès, pour un montant total s’élevant à 35 292,31 euros ; que, par décision en date du 22 septembre 2011, le président du conseil général de la Moselle a décidé la récupération de la créance d’aide sociale versée au titre des frais d’hébergement de Mme X… pour un montant total s’élevant à 35 292,31 euros ; que l’actif net successoral se composait de 1 785,25 euros répartis sur un compte bancaire à la banque postale de Moselle et un livret A à la caisse d’épargne de Moselle, ainsi que d’un contrat d’assurance-vie d’un montant de 27 777 euros au bénéfice de ses neveu et nièces, les requérants ;

Considérant que la commission départementale d’aide sociale de la Moselle, par décision en date du 8 décembre 2011, a maintenu la récupération décidée par le président du conseil général ; que la commission centrale d’aide sociale, saisie d’un recours en appel par Maître Nadine CHRISTMANN agissant pour les intérêts de Mme X… divorcée A…, Mme Y… et M. Z…, l’a rejeté par décision no 120805 du 4 avril 2014 ; que, saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat a, par arrêt en date du 7 avril 2016, annulé la décision de la commission centrale d’aide sociale au motif qu’elle a « insuffisamment motivé sa décision et a commis une erreur de droit » et renvoyé l’affaire à la commission centrale d’aide sociale ;

Considérant, en premier lieu, que M. P…, frère de la défunte et père des bénéficiaires du contrat litigieux s’est manifesté auprès du conseil général de la Moselle en tant que « porte fort » de feue sa sœur ; qu’il a formé un recours contre la décision de récupération invoquant le fait qu’il n’était pas en mesure de restituer les sommes qui avaient déjà été réparties entre les différents bénéficiaires du contrat ; que les bénéficiaires du contrat d’assurance-vie, informés de ce recours le 25 novembre 2011, ont déposé à leur tour un recours devant la commission départementale d’aide sociale de la Moselle, en précisant que leur père n’était pas en mesure de les représenter ; que, par ailleurs le département de la Moselle, par lettre en date du 19 décembre 2012, a informé les donataires des modalités de récupération des prestations servies à Mme X… ; qu’il suit de là qu’aucun des droits des donataires n’a été méconnu ; que, dès lors, les conclusions de Maître Nadine CHRISTMANN sur la nullité de la procédure ne peuvent qu’être rejetées ;

Considérant en second lieu, que l’administration et les juridictions de l’aide sociale sont en droit de rétablir la nature exacte des actes pouvant justifier l’engagement d’une action en récupération, sous réserve, en cas de difficulté sérieuse, d’une éventuelle question préjudicielle devant les juridictions judiciaires ; qu’à ce titre, un contrat d’assurance-vie peut être requalifié en donation si, compte tenu des circonstances dans lesquelles ce contrat a été souscrit, il révèle, pour l’essentiel, une intention libérale de la part du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire, et après que ce dernier a donné son acceptation ; que l’intention libérale doit être regardée comme établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son espérance de vie et à l’importance des primes versées par rapport à son patrimoine, s’y dépouille au profit du bénéficiaire de manière à la fois actuelle et non aléatoire en raison de la naissance d’un droit de créance sur l’assureur ; que, dans ce cas, l’acceptation du bénéficiaire, alors même qu’elle n’interviendrait qu’au moment du versement de la prestation assurée après le décès du souscripteur, a pour effet de permettre à l’administration de l’aide sociale de le regarder comme un donataire, pour l’application des dispositions relatives à la récupération des créances d’aide sociale ;

Considérant, en l’espèce, que Mme X… est née le 15 janvier 1916 ; que la souscription du contrat d’assurance-vie est intervenue le 1er septembre 1998 alors qu’elle était âgée de 82 ans ; que les sommes versées sur ce contrat constituent l’essentiel du patrimoine de la défunte ; que ces éléments suffisent à caractériser l’existence d’une intention libérale ; qu’ainsi, la récupération sur les donataires est fondée ;

Considérant, toutefois, que si l’administration peut regarder le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie comme un donataire, le montant de la récupération des créances de l’aide sociale exercée à son encontre ne peut excéder celui des primes versées par le souscripteur du contrat, bénéficiaire de la prestation d’aide sociale ; qu’il suit de là que la récupération sur le contrat d’assurance-vie souscrit par Mme X… doit être limitée au montant des primes qu’elle a versées, soit la somme de 18 304,68 euros ; que, par voie de conséquence, tant la décision du 22 septembre 2011 du président du conseil général de la Moselle que la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Moselle en date du 8 décembre 2011 doivent être annulées ;

Considérant que la demande de Maître Thomas HAAS relative au versement d’une somme de 3 500 euros aux consorts P… au titre des frais irrépétibles est rejetée,

Décide

Art. 1er La décision de la commission départementale d’aide sociale de la Moselle en date du 8 décembre 2011, ensemble la décision du 22 septembre 2011 du président du conseil général de la Moselle, sont annulées.

Art. 2.  La récupération sur le contrat d’assurance-vie souscrit par Mme X… est limitée à la somme de 18 304, 68 euros.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à Maître Thomas HAAS, à Mme X…, à Mme Y…, à M. Z…, au président du conseil départemental de la Moselle. Copie en sera adressée à la ministre des solidarités et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 10 juillet 2017 où siégeaient M. BELORGEY, président, Mme PEREZ-VIEU, assesseure, M. BENHALLA, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 18 octobre 2017.

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLe rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET