Mots clés : Recours en récupération Récupération sur succession Retour à meilleure fortune Actif successoral Conseil dEtat Précarité
Dossier no 140626
M. X…
Séance du 30 novembre 2016
Vu le recours formé en date du 23 octobre 2014 par Mme X… tendant à lannulation de la décision en date du 3 juillet 2014 par laquelle la commission départementale daide sociale de lEssonne a confirmé la décision en date du 30 août 2013 par laquelle le président du conseil général de lEssonne a ordonné le recours en récupération sur succession de la créance dun montant de 18 286,42 euros issue des sommes avancées à M. X…, mari de la requérante, au titre de laide sociale à lhébergement pour la prise en charge de ses frais dhébergement pour la période du 14 mars 2012 au 3 décembre 2012 date de son décès ;
La requérante soutient que le recours en récupération auprès du bénéficiaire revenu à meilleure fortune nest pas justifié, que le recours en récupération ne peut seffectuer que si lactif net successoral est supérieur à 46 000 euros, quaucun texte nautorise le département à limiter à un montant forfaitaire les frais dobsèques, que ces frais doivent être déduits en totalité de lactif net successoral, que le bénéficiaire de laide sociale, mari de la requérante, avait formulé des vœux très précis concernant les modalités de son enterrement (dons pour des mosquées, don pour un orphelinat, etc.), que tous ses vœux ont été respectés à la lettre, que les frais engagés se sont ainsi portés à un montant total de 36 000 euros, que ces frais ont été réglés en dirham, monnaie marocaine, quaucun justificatif ne peut ainsi être apporté, les factures étant restées au Maroc, quil en résulte que lactif net successoral, diminué de ces 36 000 euros de ce qui doit être considéré comme des frais dobsèques, est inférieur à 46 000 euros, que la récupération sur succession nest donc pas possible, quenfin, ni la requérante ni ses enfants ne disposent des ressources suffisantes pour procéder au remboursement dune telle créance ;
Vu le mémoire en défense produit par le président du conseil général de lEssonne en date du 20 avril 2015 qui conclut au rejet de la requête aux motifs que, conformément aux dispositions de larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles, les frais avancés par le département sont récupérables sur la succession du bénéficiaire dans la limite de lactif net successoral, que les soldes bancaires produit au 16 décembre 2012 laissaient apparaître un montant de 35 022,81 euros et de 3 068,88 euros permettant le recouvrement total de la créance de 18 286,42 euros ; que laide sociale a un caractère subsidiaire ; que les frais dobsèques engagés présentent un caractère excessif, quils ne peuvent par ailleurs être vérifiés puisquaucun justificatif na été fourni à lappui du présent recours, quen outre les frais dobsèques sont à la charge des héritiers débiteurs daliments ; que la requérante ne présente aucun justificatif aux fins de prouver que ses ressources sont insuffisantes pour procéder au règlement de la créance départementale ; que le département de lEssonne fait donc une juste application du droit, que les dépenses dun montant de 36 000 euros dont il est fait état et pour lesquelles aucun justificatif nest présenté relèvent dune volonté personnelle et ne doivent pas faire obstacle au recouvrement des frais avancés par le département ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code de la famille et de laide sociale ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment larticle 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 30 novembre 2016 Mme DERVIEU, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quen labsence de texte, la jurisprudence impose la motivation des décisions des commissions départementales daide sociale, que la décision doit ainsi comporter, outre la motivation en droit et en fait, lintégralité des mentions imposées par le code de justice administrative ou le Conseil dEtat aux décisions de justice administrative : identité des parties, du rapporteur, analyse des conclusions et mémoires, date de laudience, quen lespèce, toutes ces mentions ne sont pas présentes sur la décision de la commission départementale daide sociale de lEssonne, que la décision attaquée est donc irrégulière ;
Considérant quil résulte de ce qui précède quil y a lieu dannuler la décision et de statuer sur le fond du litige en vertu de leffet dévolutif de lappel ;
Considérant que la décision de récupération prise par le président du conseil général de lEssonne porte sur la succession du bénéficiaire et non sur un retour à meilleur fortune, que le moyen soulevé par la requérante est donc sans objet ;
Considérant que le seuil de 46 000 euros évoqué par la requérante concerne la récupération des sommes engagées au titre de laide sociale à domicile (cf. article R. 132‑12 du code de laction sociale et des familles), que M. X… a, à linverse, bénéficié de laide sociale à lhébergement, que les dispositions invoquées par la requérante ne trouvent donc pas à sappliquer dans la présente instance ;
Considérant quaux termes du 1o de larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par lEtat ou le département (…) Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire » ; quaux termes de larticle R. 132‑11 du même code : « Les recours prévus à larticle L. 132‑8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de laide sociale (…) » ;
Considérant quaux termes du 4e alinéa de larticle R. 132‑11 dudit code, le président du conseil général ou le préfet fixe le montant des sommes à récupérer ; que le président du conseil général de lEssonne, par une décision du 30 août 2013, a décidé de récupérer la somme de 18 286,42 euros relative aux frais avancés au titre de laide sociale pour la prise en charge des frais dhébergement de M. X… pour la période du 14 mars 2012 au 3 décembre 2012, date de décès du bénéficiaire, et ce dans la limite du montant de lactif net successoral, soit, en lespèce, 38 091,69 euros, quil résulte de ce qui précède que le président du conseil général de lEssonne na pas méconnu les textes en vigueur et que sa décision est légalement fondée ;
Considérant que Mme X… fait état dune facture de 36 000 euros relative aux frais dobsèques, que le conseil départemental na pas déduit du montant de lactif successoral, que si dans une décision no 263314 du 5 novembre 2004 le Conseil dEtat a effectivement déclaré « quaucune disposition législative ou réglementaire ne permet au département de limiter à un montant forfaitaire les frais dobsèques ; que ces frais, à moins quils naient un caractère excessif, doivent être déduits de lactif net successoral dès lors quils sont réels et vérifiés », en lespèce, les frais dobsèques qui comprendraient un rapatriement au Maroc, des billets davion pour les enfants, des repas, une location de salle, des dons à différentes familles pauvres, etc. revêtent un caractère ostensiblement excessif, quil y a donc lieu de déduire non pas lintégralité de ces frais funéraires mais seulement 3 048 euros comme le suggère le Conseil dEtat ; que le montant de lactif net successoral doit ainsi être considéré comme sélevant à 35 043,69 euros, somme qui reste toujours supérieure au montant de la créance départementale ; quil résulte de tout ce qui précède que le département est fondé en droit à réclamer lintégralité de cette somme à Mme X… ;
Considérant que si, comme la justement souligné la commission départementale daide sociale de lEssonne, laide sociale a pour caractéristique dêtre un droit subsidiaire et que les prestations versées par le département au titre de la prise en charge des frais dhébergement en établissement ont un caractère davance, toutefois le juge de laide sociale est de son côté fondé à accorder une modération des sommes revenant à la collectivité débitrice de laide sociale si les héritiers justifient de difficultés sociales, familiales et financières importantes, quil résulte des éléments fournis par la requérante, quelle perçoit de très faibles revenus, que son état de santé est particulièrement précaire puisquelle est atteinte de la maladie de Parkinson et que ses enfants font également face à des situations sociales et financières compliquées ; que dans lensemble de ces circonstances, il sera fait une juste appréciation de la situation de la requérante en ramenant la créance départementale à hauteur de 12 000 euros, quil appartient à la requérante de solliciter un échéancier de paiement auprès du payeur départemental et éventuellement de saisir celui-ci si, dans le cours de lexécution de cet échéancier, sa situation venait à saggraver,
Art. 1er.
Art. 2.
Art. 3.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 30 novembre 2016 où siégeaient M. JOURDIN, président, M. MATH, assesseur, Mme DERVIEU, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 30 novembre 2016.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le présidentLa rapporteure
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
Marie-Christine RIEUBERNET