Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) Hébergement Commission centrale daide sociale (CCAS) Conseil dEtat Obligation alimentaire Compétence juridictionnelle Erreur manifeste dappréciation
Conseil dEtat statuant au contentieux
Dossier no 402111
M. D… C…
Vu la procédure suivante :
MM. E… et H… C… et A… G… B… ont demandé à la commission départementale daide sociale du Pas-de-Calais dannuler la décision du 24 janvier 2014 par laquelle le président du conseil général du Pas-de-Calais a refusé, à compter de cette date, la prise en charge au titre de laide sociale des frais de lhébergement de leur père, M. D… C…, au sein de létablissement dhébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Berck-sur-Mer. Par une décision no 964129 du 14 mars 2014, la commission départementale daide sociale du Pas-de-Calais a rejeté leur demande.
Par une décision no 140313 du 25 mai 2016, la commission centrale daide sociale, saisie de lappel de MM. E… et H… C…, a annulé la décision de la commission départementale daide sociale du Pas-de-Calais du 14 mars 2014 ainsi que la décision du président du conseil départemental du Pas-de-Calais du 24 janvier 2014 et a admis M. D… C… au bénéfice de laide sociale, dune part, à hauteur de 381,09 euros pour la période du 24 janvier 2014 au 1er juin 2015, avec participation des obligés alimentaires à hauteur de 300 euros par mois, dautre part, à compter du 1er juin 2015, sous réserve de la réversion de 90 % de ses ressources, sans quaucune participation des obligés alimentaires ne puisse être réclamée conformément à la décision du juge aux affaires familiales.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 août 2016 et 1er mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil dEtat, MM. F…, H… et E… C… et A… G… B… demandent au Conseil dEtat :
1o Dannuler la décision de la commission centrale daide sociale du 25 mai 2016 en tant quelle a fixé les droits de M. D… C… à laide sociale, du 24 janvier 2014 au 1er juin 2015, en retenant une participation des obligés alimentaires à hauteur de 300 euros par mois ;
2o De mettre à la charge du département du Pas-de-Calais la somme de 1 500 euros au titre de larticle L. 761‑1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
Après avoir entendu en séance publique :
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 24 janvier 2014, le président du conseil général du Pas-de-Calais a rejeté la demande dadmission au bénéfice de laide sociale de M. D… C… pour la prise en charge de ses frais dhébergement à létablissement dhébergement pour personnes âgées dépendantes Villa Sylvia de Berck-sur-Mer, compte tenu de ses ressources et de laide possible de ses obligés alimentaires. Par une décision du 25 mai 2016, statuant sur la requête de MM. H… et E… C…, ses fils, la commission centrale daide sociale a annulé cette décision du 24 janvier 2014 ainsi que la décision de la commission départementale daide sociale du Pas-de-Calais du 14 mars 2014 qui la confirmait, et a admis M. D… C… au bénéfice de laide sociale, dune part, pour la période du 24 janvier 2014 au 1er juin 2015, à hauteur de la somme mensuelle de 381,09 euros, compte tenu dune participation des obligés alimentaires évaluée à 300 euros par mois, et, dautre part, à compter du 1er juin 2015, sous réserve de la seule réversion de 90 % de ses ressources, sans participation des obligés alimentaires. MM. F…, H… et E… C… ainsi que Mme G… B… doivent être regardés comme demandant lannulation de larticle 2 de la décision de la commission centrale daide sociale, en tant que les droits de leur père à laide sociale ont été fixés, du 24 janvier 2014 au 1er juin 2015, en retenant une participation des obligés alimentaires à hauteur de 300 euros par mois. Mme G… B… et M. F… C… nayant pas eu la qualité de partie dans linstance dappel devant la commission centrale daide sociale, ce pourvoi nest recevable quen tant quil est formé par MM. H… et E… C…
2. Aux termes de larticle L. 132‑6 du code de laction sociale et des familles : « Les personnes tenues à lobligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à loccasion de toute demande daide sociale, invitées à indiquer laide quelles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais. / (…) La proportion de laide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à lobligation alimentaire. La décision peut être révisée sur production par le bénéficiaire de laide sociale dune décision judiciaire rejetant sa demande daliments ou limitant lobligation alimentaire à une somme inférieure à celle qui avait été envisagée par lorganisme dadmission. La décision fait également lobjet dune révision lorsque les débiteurs daliments ont été condamnés à verser des arrérages supérieurs à ceux quelle avait prévus ». Le deuxième alinéa de larticle 207 du code civil dispose que : « (…) quand le créancier aura lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur, le juge pourra décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire ». Enfin, sauf sil prouve son état de besoin et établit quil nest pas resté inactif ou quil a été dans limpossibilité dagir, le créancier daliments ne peut réclamer devant le juge civil le versement dune pension pour la période antérieure à la demande en justice.
3. Il résulte de ces dispositions et des articles L. 134‑1 et L. 134‑2 du code de laction sociale et des familles que les commissions départementales et la commission centrale daide sociale, à qui il appartient de déterminer dans quelle mesure les frais dhébergement des personnes âgées dans un établissement dhébergement pour personnes âgées dépendantes sont pris en charge par les collectivités publiques au titre de laide sociale, ont compétence pour fixer, au préalable, le montant de la participation aux dépenses laissée à la charge du bénéficiaire de laide sociale et, le cas échéant, de ses débiteurs alimentaires. En revanche, il nappartient quà lautorité judiciaire dassigner à chacune des personnes tenues à lobligation alimentaire le montant et la date dexigibilité de leur participation à ces dépenses ou, le cas échéant, de décharger le débiteur de tout ou partie de la dette alimentaire lorsque le créancier a manqué gravement à ses obligations envers celui-ci. Dans le cas où cette autorité a, par une décision devenue définitive, statué avant que le juge de laide sociale ne se prononce sur le montant de la participation des obligés alimentaires, ce dernier est lié par la décision de lautorité judiciaire.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 1er juin 2015 passé en force de chose jugée, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a débouté M. D… C… de sa demande, formée, en son nom, par son tuteur, tendant au versement dune pension alimentaire de la part de ses quatre enfants, sur le fondement de larticle 207 du code civil, au motif quil avait lui-même manqué gravement à ses obligations envers eux. Dune part, le juge aux affaires familiales ayant statué sur la créance de M. D… C… à compter de la date de présentation de la demande, le 17 octobre 2014, sa décision faisait obstacle à ce que la commission centrale daide sociale, pour fixer la part des frais dhébergement de M. C… devant être prise en charge par laide sociale, tienne compte dune participation de ses obligés alimentaires pour la période comprise entre le 17 octobre 2014 et le 1er juin 2015. Dautre part, la commission centrale, qui devait tenir compte de la situation de fait existant à la date à laquelle elle statuait, a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en postulant une telle participation pour la période comprise entre le 24 janvier et le 16 octobre 2014, alors quil était manifeste quaucune contribution navait été ou ne serait versée spontanément par les enfants de M. C… et que, le créancier daliments ne pouvant, en principe, réclamer devant le juge civil le versement dune pension pour la période antérieure à sa demande, ils ne pouvaient être contraints à aucune participation au titre de lobligation alimentaire.
5. Cette annulation partielle, qui a pour effet détendre à la période du 24 janvier 2014 au 31 mai 2015 ladmission de M. C… à laide sociale sous la seule réserve de la réversion de 90 % de ses ressources, ne laisse à juger aucune question. Il ny a lieu, dès lors, ni de statuer au fond en application de larticle L. 821‑2 du code de justice administrative, ni de renvoyer laffaire devant la commission centrale daide sociale.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de lespèce, de mettre à la charge du département du Pas-de-Calais le versement de la somme de 750 euros tant à M. H… C… quà M. E… C…, au titre de larticle L. 761‑1 du code de justice administrative.
Art. 1er.
Art. 2.
Art. 3.