Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) Allocation personnalisée dautonomie (APA) Plan daide Question prioritaire de constitutionnalité Mode Conditions relatives au recours
Dossier no 170169
Mme X…
Séance du 15 juin 2017
Vu le recours formé par le président du conseil départemental de la Somme en date du 29 mars 2017 tendant à ce que la commission centrale daide sociale annule la décision de la commission départementale daide sociale de la Somme du 9 février 2017 en ce que cette décision :
1o La débouté de sa demande tendant à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du 3o de larticle L. 232‑6 du code de laction sociale et des familles dans sa rédaction issue de la loi no 2015‑1776 du 28 décembre 2015 ;
2o A annulé sa décision du 9 septembre 2016 rejetant la demande dallocation personnalisée dautonomie déposée par Mme X…, au motif que celle-ci navait pas répondu à la proposition de plan daide pour 8 heures par mois en mode mandataire qui lui a été faite le 5 juin 2016 ;
3o Lui a renvoyé le dossier de Mme X… afin quil soit procédé à une nouvelle évaluation des besoins de celle-ci ;
Le président du conseil départemental de la Somme soutient :
Vu la décision attaquée ;
Vu, enregistré le 15 juin 2017, le mémoire en défense présenté pour le préfet de la Somme tendant au rejet du recours du président du conseil départemental de la Somme, qui a été communiqué lors de laudience aux représentantes du conseil départemental ;
Le préfet soutient à titre principal que, en tant quil est dirigé contre le refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité, le recours doit être déclaré irrecevable, faute pour le conseil départemental de lavoir formé par un mémoire distinct et motivé comme limpose larticle R. 771‑12 du code de justice administrative ; à titre subsidiaire que le libre choix par le bénéficiaire de lallocation personnalisée dautonomie est garanti par les articles L. 232‑6 et L. 232‑7 du code de laction sociale et des familles depuis la création de lallocation par la loi du 20 juillet 2001 ; quainsi, le conseil départemental nest pas fondé à soutenir que limpact budgétaire du recours au mode prestataire résulterait des dispositions en cause, qui ne limposent nullement ; quau demeurant, la réaffirmation du principe du libre choix du bénéficiaire na pas dimpact sur le financement dune prestation pour laquelle les départements bénéficient du concours de la caisse nationale de solidarité pour lautonomie ; quil résulte de la décision du Conseil constitutionnel no 2010‑4/17 QPC du 22 juillet 2010 que la méconnaissance de lobjectif constitutionnel dintelligibilité et daccessibilité de la loi ne peut, en elle-même, être invoquée à lappui dune question prioritaire de constitutionnalité ; que le moyen tiré dune atteinte au principe dégalité selon que le bénéficiaire est ou non handicapé manque en fait ;
Vu lordonnance no 58‑1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 15 juin 2017, Mme GOMERIEL, rapporteure, Maître BEN AYED représentant le préfet de la Somme, et Mesdames A… et B… représentant le département de la Somme, qui ont usé de la faculté qui leur a été offerte de présenter des observations sur le mémoire du préfet de la Somme et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quaux termes de larticle L.113‑1-1 du code de laction sociale et des familles : « Dans les conditions définies au chapitre II du titre III du livre II, la personne âgée en perte dautonomie a droit à des aides adaptées à ses besoins et à ses ressources, dans le respect de son projet de vie, pour répondre aux conséquences de sa perte dautonomie, quels que soient la nature de sa déficience et son mode de vie. » ; quaux termes de larticle L.113‑1-2 du même code : « Les personnes âgées et leurs familles bénéficient dun droit à une information sur les formes daccompagnement et de prise en charge adaptées aux besoins et aux souhaits de la personne âgée en perte dautonomie (…) » ;
Considérant quaux termes de larticle L. 232‑3 dudit code : « Lorsque lallocation personnalisée dautonomie est accordée à une personne résidant à domicile, elle est affectée à la couverture des dépenses de toute nature relevant dun plan daide élaboré par une équipe médico-sociale, sur la base de lévaluation multidimensionnelle mentionnée à larticle L. 232‑6. » ; quaux termes de larticle L. 232‑6 de ce code : « Léquipe médico-sociale : 1o Apprécie le degré de perte dautonomie du demandeur, qui détermine léligibilité à la prestation, sur la base de la grille nationale mentionnée à larticle L. 232‑2 ; 2o Evalue la situation et les besoins du demandeur et de ses proches aidants. Cette évaluation est réalisée dans des conditions et sur la base de référentiels définis par arrêté du ministre chargé des personnes âgées ; 3o Propose le plan daide mentionné à larticle L. 232‑3, informe de lensemble des modalités dintervention existantes et recommande celles qui lui paraissent les plus appropriées compte tenu du besoin daide et de la perte dautonomie du bénéficiaire et des besoins des proches aidants, ainsi que des modalités de prise en charge du bénéficiaire en cas dhospitalisation de ces derniers. Linformation fournie sur les différentes modalités dintervention est garante du libre choix du bénéficiaire et présente de manière exhaustive lensemble des dispositifs daide et de maintien à domicile dans le territoire concerné ; 4o Identifie les autres aides utiles, dont celles déjà mises en place, au soutien à domicile du bénéficiaire, y compris dans un objectif de prévention, ou au soutien de ses proches aidants, non prises en charge au titre de lallocation qui peut lui être attribuée. Dans les cas de perte dautonomie les plus importants déterminés par voie réglementaire, lorsque le plan daide prévoit lintervention dune tierce personne à domicile, lallocation personnalisée dautonomie est, sauf refus exprès du bénéficiaire, affectée à la rémunération dun service prestataire daide à domicile. Quel que soit le degré de perte dautonomie du bénéficiaire de lallocation personnalisée dautonomie, le montant de celle-ci est modulé, dans des conditions fixées par voie réglementaire, suivant lexpérience et le niveau de qualification de la tierce personne ou du service daide à domicile auquel il fait appel. » ; enfin, quaux termes de larticle R. 232‑7 du même code : « I.
Considérant quil résulte de linstruction que le président du conseil départemental de la Somme a, par une décision du 9 septembre 2016 rejeté la demande dallocation personnalisée dautonomie de Mme X… qui navait pas répondu à la proposition de plan daide quil lui avait faite, en application du II de larticle R. 232‑7 du code de laction sociale et des familles ; que pour annuler cette décision, la commission départementale daide sociale de la Somme a considéré que le silence gardé par Mme X… manifestait son refus daccepter le mode mandataire qui était proposé par le plan daide, mode dintervention que le conseil départemental ne pouvait lui imposer au regard des dispositions de larticle L. 232‑6 du même code ;
Sur les conclusions tendant à lannulation du refus de transmission au Conseil dEtat de la question prioritaire de constitutionnalité et sans quil soit besoin de statuer sur leur recevabilité ;
Considérant que la commission départementale daide sociale de la Somme a rejeté la demande tendant à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du 3o de larticle L. 232‑6 du code de laction sociale et des familles dans sa rédaction issue de la loi no 2015‑1776 du 28 décembre 2015 en estimant que la question soumise avait été tranchée par les décisions no 2011‑143 QPC et no 2011‑144 QPC du Conseil constitutionnel du 30 juin 2011 ;
Considérant quil résulte des dispositions des articles 23‑1 et 23‑2 de lordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que la commission centrale daide sociale, lorsquelle est saisie de moyens contestant la conformité dune disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, doit se prononcer par priorité sur la transmission de la question de constitutionnalité au Conseil dEtat et quelle procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, quelle nait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif dune décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ;
Considérant quil résulte des dispositions précitées du code de laction sociale et des familles que lobligation qui est faite à léquipe médico-sociale de fournir au demandeur de lallocation personnalisée dautonomie des informations exhaustives relatives à lensemble des modalités dintervention existantes pour laide et le maintien à domicile dans le territoire concerné, est destinée à permettre à ce demandeur dapprécier les aides qui lui sont proposées par le plan daide afin, en toute connaissance de cause et compte tenu de son projet de vie, de les accepter, ou de faire des observations et en demander la modification ou encore de les refuser ; quainsi, dune part, si les dispositions du 3o de larticle L. 232‑6 précité qui institue cette obligation font référence à un principe général de « libre choix du bénéficiaire », elles ne peuvent être regardées comme consacrant par elles-mêmes un tel principe, eu égard à la finalité desdites dispositions et faute, tant de préciser explicitement lobjet et la portée dudit principe, que dorganiser les modalités de sa mise en œuvre ou à tout le moins de renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de le faire ; dautre part, que ces dispositions nont pas davantage pour effet de priver le conseil départemental de la faculté de proposer au demandeur de lallocation un « mode dintervention » au domicile en tenant compte des impacts financiers pour cette collectivité des différents modes dintervention, dès lors que le mode proposé savère adapté à la situation du demandeur telle quelle ressort des résultats de lévaluation effectuée par léquipe médico-sociale et des recommandations faites par celle-ci et hors les cas de perte dautonomie les plus importants pour lesquels le sixième alinéa de larticle L. 232‑6 impose daffecter lallocation personnalisée dautonomie à la rémunération dun service prestataire daide à domicile, sauf refus exprès du bénéficiaire ; que, dans ces conditions, le conseil départemental de la Somme nest pas fondé à soutenir que les dispositions de larticle L. 232‑6 du code de laction sociale et des familles édicteraient des règles constitutives dune entrave à libre administration des collectivités territoriales en méconnaissance de larticle 72 de la Constitution ; que par suite, la question soulevée, qui nest pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; quainsi, le conseil départemental nest pas fondé à se plaindre de ce que la commission départementale daide sociale a refusé de renvoyer au Conseil dEtat la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ; que ses conclusions tendant à lannulation de larticle 1er de la décision et à la transmission de cette question doivent être rejetées ;
Sur les autres conclusions du conseil départemental ;
Considérant que la commission départementale daide sociale de la Somme sest fondée, pour estimer que Mme X… avait entendu contester lattribution de lallocation en ce que le mode mandataire lui était imposé et en déduire que la décision de refus du président du conseil départemental était illégale faute davoir respecté la demande de Mme X… de bénéficier du mode prestataire, sur des courriers échangés qui ne sont pas produits au dossier ; quainsi, en létat de linstruction, la commission centrale daide sociale ne dispose pas des pièces nécessaires pour apprécier la légalité de la décision attaquée ; quil y a lieu, en conséquence, dordonner avant dire droit au conseil départemental de la Somme de produire dans le délai de deux mois lintégralité du dossier dinstruction de la demande dattribution dallocation personnalisée dautonomie faite par Mme X… le 26 mai 2016,
Art. 1er.
Art. 2.
Art. 3.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 15 juin 2017 où siégeaient Mme VESTUR, présidente, M. MATH, assesseur, Mme GOMERIEL, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 26 juin 2017.
La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
La présidenteLa rapporteure
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
Marie-Christine RIEUBERNET