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Dispositions spécifiques aux différents types d'aide sociale

Aide sociale aux personnes âgées (ASPA)

Mots clés : Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) – Participation financière – Obligation alimentaire – Code civil

Dossier no 140633

Mme X…

Séance du 7 novembre 2016

Décision lue en séance publique le 6 mars 2017

Vu le recours formé le 19 septembre 2014 par Maître Marie-Pierre GRIGNY intervenant en qualité de conseil de Mme Y… tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale du Val-de-Marne du 12 juin 2014 en ce qu’elle admet Mme X…, sa mère, à l’aide sociale et subordonne cette admission à une participation de la requérante de 200 euros par mois ;

Le requérant soutient que Mme X… n’est pas demanderesse à une aide sociale ; qu’en tout état de cause les ressources de la postulante lui permettent de faire face aux frais d’hébergement et d’entretien ; que la location de son bien immobilier lui procurerait des revenus supplémentaires de l’ordre de 1 600 euros mensuels ; qu’en revanche les facultés contributives de la requérante ont été surévaluées ; qu’elle n’est pas en capacité de contribuer aux frais d’hébergement et d’entretien ; qu’il conviendra donc de renvoyer le président du conseil départemental du Val-de-Marne à saisir le juge aux affaires familiales compétent afin qu’il soit statué sur l’obligation alimentaire ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire produit le 25 novembre 2014 par le président du conseil général du Val-de-Marne tendant au rejet de la requête aux motifs que l’évaluation des ressources du postulant ne saurait tenir compte de la valeur de son habitation principale ; qu’en l’état, ce bien immobilier n’a pas été mis en location et ne génère donc pas de revenus, que dès lors les ressources de Mme X… sont insuffisantes pour couvrir l’intégralité des frais d’entretien et d’hébergement ; qu’il n’appartient pas au surplus au président du conseil de saisir le juge aux affaires familiales ; qu’en revanche les obligés alimentaires ont qualité pour le saisir afin qu’il soit statué sur le montant de leurs obligations respectives ; que la postulante faisant l’objet d’une mesure de protection jusqu’au 7 février 2024, la demande d’aide sociale a été valablement déposée par l’association tutélaire de la fédération protestante et des œuvres ; que l’intention de la postulante de mettre son bien en location afin de pouvoir s’acquitter elle-même des frais d’hébergement ne peut faire échec aux règles applicables en matière de mesures de protection ; que s’agissant d’un acte de disposition, un contrat de location ne saurait être conclu que sur décision du curateur ; qu’il n’y a donc pas lieu de tenir compte de la déclaration d’intention de la postulante ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu le code civil ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 7 novembre 2016 Mme JOYEUX, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes de l’article 205 du code civil : « Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin. » ; qu’aux termes de l’article L. 132‑6 du code de l’action sociale et des familles : « Les personnes tenues à l’obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil sont, à l’occasion de toute demande d’aide sociale, invitées à indiquer l’aide qu’elles peuvent allouer aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir l’intégralité des frais. » ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 132‑1 du code de l’action sociale et des familles : « Il est tenu compte, pour l’appréciation des ressources du postulant à l’aide sociale, des revenus professionnels et autres, et de la valeur en capital des biens productifs de revenus, qui est évalué dans les conditions fixées par voie réglementaire. » ; qu’aux termes de l’article R. 132‑1 du même code, les biens non productifs de revenus, à l’exclusion de ceux constituant l’habitation principale du demandeur sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative les capitaux sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 3 % de leur montant ;

Sur l’évaluation des ressources de la postulante

Considérant qu’il résulte de l’instruction des pièces du dossier qu’il n’est pas contesté qu’il existe un différentiel de 687 euros entre les ressources de la postulante, déduction faite des 10 % devant être laissés à la disposition de la bénéficiaire ; que le coût mensuel de l’hébergement est en l’espèce de 2 365,20 euros ; qu’il n’as pas été tenu compte, pour l’évaluation des ressources de la postulante, de la valeur locative d’un bien immobilier dont elle est propriétaire, au motif qu’il ne saurait être tenu compte pour l’évaluation des ressources de la demanderesse à l’aide sociale des revenus pouvant être tirés des biens immobiliers non productifs de revenus lorsqu’il constitue l’habitation principale du postulant ; que le président du conseil départemental qualifie le bien immobilier susvisé de résidence principale, au motif que la requérante ne fait pas la preuve de ce que sa mère ne pourrait y revenir ; que le logement d’une personne protégée fait en outre l’objet d’une protection particulière alors même que :

selon une déclaration écrite de l’association A… établie à la date de la demande d’aide sociale, l’état de santé de la requérante ne lui permet pas de retourner à domicile ; un placement en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) étant, dès cette date, envisagée ;

si l’article 426 du code civil dispose effectivement que : « Le logement de la personne protégée (…) est laissé à sa disposition aussi longtemps qu’il est possible » ; cette protection n’est pas absolue ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, qu’en omettant d’intégrer 50 % de la valeur locative du bien immobilier dont la postulante est propriétaire et dans lequel elle n’a plus vocation à demeurer, le président du conseil général a fait une évaluation erronée des ressources de la postulante ; que le bien susvisé a de plus été mis en location ; qu’il y a lieu d’annuler les décisions de la commission départementale d’aide sociale et la décision du président du conseil général du Val-de-Marne et qu’il convient de renvoyer l’affaire vers le président du conseil départemental, afin qu’il soit statué à nouveau sur les droits de Mme X… à l’aide sociale ;

Considérant qu’il convient d’évoquer et de statuer ;

Sur l’obligation alimentaire

Considérant que la requérante fait grief à la décision attaquée de subordonner l’admission de sa mère à sa participation aux frais d’hébergement pour un montant de 200 euros mensuels en sa qualité d’obligée alimentaire, qu’elle allègue ne pas être en mesure de contribuer auxdits frais d’hébergement ; qu’elle constate qu’il n’est demandé aucune participation à sa sœur alors même que cette dernière dispose de revenus ; qu’aux termes de l’article R. 132‑9 du code de l’action sociale et des familles : « A défaut d’entente [entre les obligés alimentaires] ou avec l’intéressée, le montant des obligations alimentaires respectives est fixé par l’autorité judiciaire de la résidence du demandeur à l’aide sociale. » ; qu’il convient de renvoyer la requérante devant le juge judiciaire afin qu’il soit statué sur le montant de son obligation,

Décide

Art. 1er La décision du président du conseil général du 5 juillet 2013 et la décision de la commission départementale d’aide sociale du 12 juin 2014 sont annulées.

Art. 2.  L’examen des droits à l’aide sociale de Mme X… est renvoyé vers le président du conseil départemental.

Art. 3.  La requérante est renvoyée vers le juge aux affaires familiales afin qu’il soit statué sur son obligation alimentaire.

Art. 4.  La présente décision sera notifiée à Maître Marie-Pierre GUIGNY, au président du conseil départemental du Val-de-Marne. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 7 novembre 2016 où siégeaient M. JOURDIN, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme JOYEUX, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 6 mars 2017.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET