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Dispositions communes à tous les types d'aide sociale

Recours en récupération

Récupération sur donation

Mots clés : Recours en récupération – Récupération sur donation – Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Prestation spécifique dépendance (PSD) – Allocation personnalisée d’autonomie (APA) – Donation – Succession – Actif successoral – Recours – Procédure – Recevabilité

Dossier no 140311

Mme X…

Séance du 25 avril 2016

Décision lue en séance publique le 21 juin 2016

Vu le recours formé le 5 mai 2014 par Mme Y… tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale du Nord réunie le 21 janvier 2014 ayant jugé irrecevable le recours à titre principal et rejeté la requête à titre subsidiaire, confirmant ainsi la décision du président du conseil général du Nord du 9 novembre 2006 pour la récupération de la prestation spécifique dépendance contre la donataire de Mme X… d’un montant de 7 675,48 euros, au motif que l’appel n’a pas été interjeté dans les délais ;

La requérante soutient que sa mère, Mme X…, a bénéficié de la prestation spécifique dépendance dans le groupe iso-ressources 3 du 1er juin 2001 au 17 janvier 2002 et ne pouvait bénéficier à la fois de la prestation spécifique dépendance et de l’allocation personnalisée à l’autonomie à compter du 18 janvier 2002, date d’ouverture des droits à l’allocation personnalisée à l’autonomie ; que les versements du conseil général concernant la prestation spécifique dépendance couvrent donc la période du 1er juin 2001 au 17 janvier 2002, pour des mensualités de 365,51 euros pour juin 2001, puis de 380,33 euros à compter du 1er juillet 2001, puis de 388,70 euros à compter du 1er janvier 2002 totalisant un montant de 2 860,64 euros ; que le premier versement du 25 avril 2002 du département d’un montant de 4 202,28 euros concerne la régularisation de la prestation spécifique dépendance du 1er juin 2001 au 17 janvier 2002 de 2 860,64 euros et la régularisation partielle de l’allocation personnalisée à l’autonomie du 18 janvier 2002 au 30 avril 2002 de 1 341,65 euros (388,70 euros par mois) ; que ce premier versement a été suivi de neuf versements de 388,70 euros mensuels d’allocation personnalisée à l’autonomie de mai 2002 à janvier 2003 ; que le versement du 4 mars 2003 du département de 2 360,71 euros concerne la régularisation de l’allocation personnalisée à l’autonomie du 18 janvier 2002 à février 2013, suivie de versements mensuels de 535,50 euros jusqu’au décès de Mme X… ; que la notification de l’allocation personnalisée à l’autonomie du conseil général précise que « le montant mensuel de votre allocation sera de 535,50 euros à compter de la date de dépôt de votre dossier complet, soit le 18 janvier 2002. Si vous avez perçu une allocation forfaitaire depuis le début de votre demande, le montant du premier versement régularisera votre situation depuis l’ouverture de vos droits à la date ci-dessus. » ; que les versements de l’allocation personnalisée à l’autonomie ont respecté la notification ; qu’elle a été employée de sa mère et a perçu un salaire net, au titre de la prestation spécifique dépendance, sur la période du 1er juin 2001 au 31 décembre 2001 de 1 848,84 euros (salaire net imposable de 1 915,43 euros ; qu’elle s’est acquittée de 741 euros de cotisations URSSAF en 2001 ; qu’il ne lui paraît pas normal d’avoir dû payer des cotisations URSSAF basées sur un salaire devenu inexistant donc un emploi fictif, de détenir de fausses fiches de paie et d’avoir payé un impôt plus important sur le revenu ; que le conseil général lui a adressé deux lettres le 1er septembre 2005, la première informant de la récupération de la prestation spécifique dépendance prise en charge par le département du 1er juin 2001 au 31 mars 2003 sur la donation de Mme X… d’un montant de 7 675,48 euros, la deuxième informant de l’abandon de la récupération des frais de la prestation spécifique dépendance du 1er juin 2001 au 31 mars 2003, l’actif net successoral étant inférieur à 46 000 euros ; que les dates des lettres prêtaient à confusion et qu’elle a cru que la deuxième lettre annulait la première décision de récupération sur la donation ; que son notaire lui a certifié que la donation en avancement d’hoirie est incluse dans la succession ; que le 2 février 2001, sa mère lui a fait une donation entre vifs en avancement d’hoirie par imputation sur sa succession ; que l’article 843 du code civil prévoit que tout héritier, même bénéficiaire, venant à une succession, doit « rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement » ; que « la donation en avancement d’hoirie est une donation en avance sur ce que l’héritier recevra au décès du donataire. Elle s’imputera sur sa part de réserve et est rapportable à la succession. Au jour du décès du donataire, elle est réévaluée et réintégrée fictivement à l’actif successoral et ne constitue qu’une avance sur héritage incluse dans la succession » ; que cette donation de 34 301 euros s’ajoute à l’actif net successoral de 354,13 euros, soit 34 655,13 euros, montant inférieur à 46 000 euros, donc non récupérable sur la succession ; que l’action en récupération du conseil général n’a pas de caractère systématique et est exercé de manière très inégale entre les catégories d’aide sociale et les départements ; qu’elle ne voit pas dans quelle mesure elle serait redevable de la somme erronée de 7 675,48 euros concernant la prestation spécifique dépendance ;

Vu, enregistré le 9 décembre 2015, le mémoire en défense du président du conseil départemental du Nord ; il demande de confirmer l’irrecevabilité du recours présenté par la requérante du fait de sa tardiveté quant aux délais ; que les dispositions de l’article R. 134‑10 du code de l’action sociale et des familles prévoient que « les recours sont introduits devant la commission centrale d’aide sociale ou la commission départementale d’aide sociale dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ; que l’acte contesté a été notifié le 1er septembre 2006 et que la requérante avait jusqu’au 1er novembre 2006 pour exercer un recours contentieux ; que Mme Y… a saisi la commission départementale d’aide sociale par courrier du 28 décembre 2006 ; qu’elle avait reçu le 9 novembre 2006 un courrier du département indiquant qu’elle n’avait pas interjeté appel dans les délais et qu’elle recevrait un avis de sommes à payer ; qu’elle n’a jamais contesté ce point puisqu’elle a reconnu avoir reçu deux courriers de notification et a ainsi, implicitement, admis avoir agi tardivement ; que la requête de Mme Y… devant la commission départementale d’aide sociale contre la décision notifiée le 1er septembre 2005 doit être déclarée irrecevable ; qu’à titre subsidiaire, le département demande de conclure au rejet du recours ; que sur la contestation du montant des sommes dont il est demandé récupération, la requérante soutient que le montant est erroné ; qu’il n’est pas contesté que Mme X… a perçu au titre de la prestation santé dépendance un montant de 365,51 euros du 1er au 30 juin 2001, puis 380,33 euros mensuels du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2001, puis 388,70 euros mensuels dès le 1er janvier 2002 ; que Mme X… a ensuite reçu une décision d’attribution de l’allocation personnalisée à l’autonomie à compter du 18 janvier 2002 notifiée le 20 janvier 2003 ; que les services du département lui ont versé la prestation spécifique dépendance jusqu’au mois de janvier 2003 dans l’attente de l’actualisation des nouveaux droits de la postulante ; que la commission d’admission à l’aide sociale a donc engagé la récupération sur la donation des sommes versées au titre de la prestation spécifique dépendance du 1er juin 2001 au 31 janvier 2003 et que le moyen ne peut qu’être écarté ; sur l’utilisation effective de la prestation santé dépendance, Mme Y… considère que la somme de 7 675,48 euros correspondant au montant des salaires perçus pour avoir aidé sa mère ; que cependant, le recours en récupération ne s’exerce ni sur le patrimoine personnel de Mme Y… ni sur les salaires perçus par cette dernière, mais sur le montant de la donation qu’elle a reçue ; que, sur la renonciation à la récupération de la commission d’admission à l’aide sociale, cette dernière a décidé de l’abandon du recours sur la succession mais a engagé la récupération des sommes versées au titre de la prestation santé dépendance sur la donation ; que ces deux décisions visent deux types de recours distincts prévus par l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles dont les modalités d’exercice diffèrent sensiblement ; que le recours sur la succession ne s’exerce que dans le cas où l’actif net successoral excède le seuil de 46 000 euros conformément aux dispositions de l’article R. 132‑12 du code de l’action sociale et des familles ; qu’ayant constaté que l’actif net successoral était de 354,13 euros, la commission d’admission à l’aide sociale a décidé d’abandonner la récupération sur la succession de Mme X… ; que cet abandon de la récupération sur succession n’a aucun effet sur la décision de récupération sur donation ; que, sur le défaut d’information des services départementaux sur le recours exercé, Mme Y… précise que « le dossier de demande d’aide sociale pour sa mère et concernant la prestation santé dépendance, en date du 9 mai 2001, ne comportait aucune annotation concernant un éventuel recours en vue d’un remboursement ; qu’il ressort pourtant des pièces du dossier d’aide sociale que Mme X… avait parfaitement connaissance des conséquences liées à l’admission à l’aide sociale, en particulier des recours exercés en cas de donation, et était informé d’une éventuelle récupération des sommes allouées au titre de la prestation santé dépendance ; que lors du dépôt de la demande, elle a signé et complété, en date du 9 avril 2001, le formulaire portant sur les recours exercés par application des dispositions du code de l’action sociale et des familles (succession, donation, legs ou recours à meilleure fortune) ; qu’en outre, aucun texte ni aucun principe général n’impose à l’administration, lorsqu’elle accorde une prestation d’aide sociale, d’informer les donataires éventuels du bénéficiaire d’un possible recours en donation (pour le recours en succession : Conseil d’Etat, 25 avril 2001, no 214252) ; que, sur l’impossibilité d’un recours contre la donation en avancement d’hoirie avancée par la requérante, l’aide sociale est un droit subsidiaire et est récupérable sur la donation faite par le bénéficiaire de l’aide sociale ; qu’en application de l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles, ce recours en récupération peut être formé lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; que la donation a été conclue le 2 février 2001, deux mois avant la date de constitution du dossier de demande d’aide sociale ; que le Conseil d’Etat a jugé que si une donation a été consentie en avancement d’hoirie, il n’en résulte pas qu’une action en récupération engagée contre le bénéficiaire d’une donation en avancement d’hoirie doit, dans l’hypothèse où le donateur décède moins de dix ans après la donation, être regardée comme fondé sur les dispositions concernant la récupération sur succession (Conseil d’Etat, 28 juillet 2000, no 211623 ; que la commission centrale d’aide sociale a précisé que dès lors que « la donation a été effectuée dans la période définie par l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles, aucun seuil n’est opposable pour l’action en récupération à l’encontre des donataires tant que la somme dont il est décidé la récupération ne dépasse pas le montant de la donation » (CCAS, 17 janvier 2007, no 051652) ; que la créance départementale étant de 7 675,48 euros, le recours exercé s’inscrit donc dans la limite de la donation de 34 301 euros perçue par Mme Y… et que la légalité de la décision de récupération sur donation est parfaitement fondée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 25 avril 2016 Mme GOMERIEL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 132‑8, 2o, du code de l’action sociale et des familles : « des recours sont exercés par l’administration (…) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande » ; qu’aux termes de l’article R. 132‑11 du code précité : « Les recours prévus à l’article L. 132‑8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale. Le président du conseil général ou le préfet fixe le montant des sommes à récupérer. Il peut décider de reporter la récupération en tout ou partie. » ;

Considérant qu’aux termes de l’article R. 134‑10 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont introduits devant la commission centrale d’aide sociale ou la commission départementale d’aide sociale dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. Il en va de même des recours présentés devant la commission centrale contre les décisions prises en application de l’article L. 212‑1. »

Considérant, qu’en dépit de la confusion légitime qu’ont pu provoquer deux lettres adressées le même jour et de même apparence, émanant de surcroît de la même « autorité », il n’en reste pas moins que les termes clairs et dépourvus de toute ambiguïté desdits courriers distinguait le recours sur succession  abandonné  du recours sur donation qui lui a été maintenu ; que cette dernière décision pouvait être contestée devant la commission départementale d’aide sociale jusqu’au 1er novembre 2006 ; que ne l’ayant été que le 28 décembre 2006, c’est à bon droit que la commission départementale d’aide sociale a jugé le recours de Mme Y… irrecevable,

Décide

Art. 1er Le recours de Mme Y… est rejeté.

Art. 2.  La présente décision sera notifiée à Mme Y…, au président du conseil départemental du Nord. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 25 avril 2016 où siégeaient M. JOURDIN, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme GOMERIEL, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 21 juin 2016.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET