Mots clés : Recours en récupération Récupération sur donation Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) Aide-ménagère Décision Réformation Compétence juridictionnelle Précarité
Dossier no 140476
Mme X…
Séance du 7 novembre 2016
Vu le recours formé le 10 juin 2014 par Mme J… et Mme Y… contre la décision de la commission départementale du Morbihan en date du 28 mars 2014 tendant à la réformation de la décision du président du conseil général du 24 septembre 2012 de récupérer auprès des requérantes, en leur qualité de donataires, la somme de 20 000 euros sur le montant total de 46 652,21 euros versés à Mme X… au titre de laide-ménagère du 31 décembre 1985 au 31 mars 2004 ;
Les requérantes soutiennent quil leur est difficile de rembourser une telle somme eu égard à leurs situations financières respectives ; elles sollicitent donc la bienveillance de la commission centrale daide sociale à lexamen de leur recours ;
Vu le mémoire en défense du 3 septembre 2014 produit par le président du conseil général tendant au rejet de la requête au motif que les revenus des requérantes se situent au niveau du revenu médian des ménages morbihannais ; que dès lors « leurs situations dimpécuniosité ne semblent pas si critiques » (sic) ;
Vu la décision attaquée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment larticle 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 7 novembre 2016, Mme JOYEUX, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quaux termes de larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles : « Des recours sont exercés (…) par (…) le département (…) contre le légataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande 3 » ;
Considérant quil résulte de linstruction du dossier que Mme X… a bénéficié dune prise en charge des frais daide-ménagère à domicile du 31 décembre 1985 au 31 mars 2004 pour un montant total de 46 652,21 euros, que le conseil général (devenu conseil départemental) a, par décision du 24 septembre 2012, choisi dexercer un recours en récupération sur la donation entre vifs de biens et de parcelles effectuée le 28 février 1981 par Mme X… au bénéfice de ses deux filles Mmes J… et Y…, pour un montant de 24 025,96 euros et, partant, de récupérer la somme de 12 012,98 euros auprès de chacune des donataires et requérantes ; que la donation entre vifs ayant été effectuée dans les cinq ans précédant la demande dadmission au bénéfice de laide-ménagère formulée par la bénéficiaire le 31 décembre 1985, que dès lors la décision de la commission départementale daide sociale attaquée nest pas entachée dillégalité ; que la portée du litige se limite à la question de savoir si la somme de 20 000 euros encore mise au débit des requérantes doit ou non être modérée ;
Considérant que pour lapplication de larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles, il appartient aux juridictions de laide sociale, eu égard tant à la finalité de leur intervention quà leur qualité de juge de plein contentieux, non dapprécier la légalité de la décision prise par la commission dadmission compétente pour autoriser ou refuser la récupération, mais de se prononcer elle-même sur le bien-fondé de laction engagée par la collectivité publique daprès lensemble des circonstances de fait dont il est justifié par lune et lautre des parties ; quelles ont la faculté, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, daménager les modalités de la récupération et, le cas échéant, den aménager les effets dans le temps ; quen se fondant sur des éléments statistiques à caractères généraux sur le revenu médian des personnes domiciliées dans le département du Morbihan pour en déduire que la situation financière des requérantes était dénuée dimpécuniosité et refuser duser de leur pouvoir de modération, le président du conseil général et la commission départementale daide sociale nont pas tenu compte des circonstances particulières de lespèce pour se prononcer sur le bien-fondé du recours en récupération, quil sensuit que les décisions du président du conseil général et de la commission départementale daide sociale devront être réformées ;
Considérant quil y a lieu dévoquer et de statuer ;
Considérant quau regard des pièces versées par les requérantes à lappui de prétentions, Mme J… justifie dun revenu fiscal de référence de 13 997 euros pour lannée 2012 et de 15 996 euros pour lannée 2013, soit un revenu mensuel moyen de 1 166,41 euros en 2012 et de 1 333 euros en 2013 ; quelle atteste de charges mensuelles fixes dun montant de 353,22 euros hors dépenses alimentaires, que si elle dispose dun livret dépargne populaire présentant au 30 mai 2014 un solde créditeur de 6 785,27 euros, le principe de subsidiarité de laide sociale ne justifie pas que lindividu à lencontre duquel sexerce le recours en récupération soit privé, du fait de lexercice dudit recours, de faire face aux aléas de lexistence ;
Considérant que Mme Y… dispose, elle, de revenus mensuels de 1 517,70 euros ; que cette dernière doit sacquitter de charges mensuelles fixes pour un montant de 840 euros par mois hors dépenses alimentaires ; quelle doit actuellement faire face au remboursement de plusieurs crédits, le capital restant dû sélevant à 15 780 euros ; que si elle dispose effectivement dune assurance vie pour un montant de 5 000 euros, cette épargne lui est nécessaire pour pouvoir se racheter un nouveau véhicule, indispensable compte tenu de la vétusté de son véhicule actuel et de léloignement des services publics de son domicile ; quen labsence dapport personnel elle ne pourrait obtenir le prêt bancaire qui lui est nécessaire pour effectuer un tel achat, que le caractère précaire de sa situation justifie également lexercice par la juridiction de céans de son pouvoir de modération ;
Considérant quil résulte de tout ce qui précède que le montant total de la récupération ne pourra excéder 7 000 euros ; quil convient dinviter les requérantes à se rapprocher du payeur départemental pour obtenir un éventuel étalement des paiements,
Art. 1er.
Art. 2.
Art. 3.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 7 novembre 2016 où siégeaient M. JOURDIN, président, M. MATH, assesseur, Mme JOYEUX, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 6 mars 2017.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le présidentLa rapporteure
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
Marie-Christine RIEUBERNET