Mots clés : Retour à meilleure fortune Recours en récupération Bien immobilier Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) Usufruit Jugement Compétence juridictionnelle
Dossier no 140319
Mme X…
Séance du 25 avril 2016
Vu le recours formé le 16 juin 2014 par M. Y…, tuteur de Mme X…, représenté par Maître Arnaud HOUSSAIN, tendant à lannulation de la décision de la commission départementale daide sociale du Bas-Rhin réunie le 17 février 2014 ayant rejeté le recours et confirmé la décision du président du conseil général du 16 juillet 2013 de récupération de la créance daide sociale dun montant de 8 697,76 euros au titre du retour à meilleure fortune ;
Le requérant soutient que, sur labsence de retour à meilleure fortune suite à la vente de biens immobiliers, Mme X… était propriétaire dun bien immobilier en indivision dans le Bas-Rhin estimé entre 75 000 et 80 000 euros par un notaire ; quune convention du 7 janvier 2013 fait état de la répartition du produit de la vente entre les individisaires, les consorts X… ; que Mme X… a perçu la somme de 32 700 euros sur le prix de vente total et que les autres co-individisaires, excepté Mme O…, ont attribué leurs parts à Mme X… qui a donc perçu la somme totale de 60 000 euros ; que par courrier du 22 février 2013, Maître THOMAS, notaire, informait M. Y…, tuteur de Mme X…, de laffectation de la somme de 25 939,89 euros à la maison de retraite où réside Mme X… ; que Mme X… était encore redevable de la somme de 12 668,74 euros au profit de la maison de retraite R… pour 2012 et pour les mois de janvier à mars 2013, somme qui a été acquittée dès la réception des fonds ; quà ce jour, Mme X… dispose de 21 934,93 euros mais elle est encore redevable de 8 381,35 euros au profit de ladite maison de retraite pour la période de juin 2013 à octobre 2013 ; quen conséquence, Mme X… ne va bientôt disposer que de la somme de 13 500 euros hors frais de nécessité de la vie courante, ce qui laisse dubitatif sur le retour à meilleure fortune ; que selon la jurisprudence, deux critères cumulatifs caractérisent le retour à meilleure fortune ; quil doit sagir dun événement nouveau, matériel ou non, qui améliore la situation économique de lintéressée, il en est ainsi en cas de mariage, héritage, remboursement de créances antérieurement non recouvrable, gains exceptionnels (CCAS, 12 mai 2002) ; quil doit également être constaté une augmentation du patrimoine ou des revenus et quainsi la vente dun immeuble dont le bénéficiaire était déjà propriétaire lors de son admission à laide sociale ne constitue pas un « retour à meilleure fortune » (CCAS, 15 mars 1999) ; que, dune part, les sommes reçues au titre de la vente de limmeuble dont était propriétaire Mme X… ne peuvent constituer un retour à meilleure fortune, celle-ci étant initialement propriétaire du bien immobilier vendu au moment de loctroi de laide sociale ; que, dautre part, le reste des legs obtenus a été immédiatement utilisé pour couvrir les frais dus à la maison de retraite ; que le fait que Mme X… na réalisé aucune plus-value sur la vente des biens immobiliers nest pas prouvée ; quenfin, la commission départementale reconnaît que le « reliquat du produit de la vente sélevait à 13 500 euros et quil est admis que ce reliquat ne permettra pas à Mme X… de régler dici une année les frais dhébergement et que Mme X… serait, eu égard à ses revenus, en mesure de bénéficier de laide sociale » ; quainsi, Mme X…, selon la commission départementale, doit rembourser la créance détenue par le département du fait du retour à meilleure fortune, mais peut bénéficier de laide sociale du fait de sa nouvelle situation précaire ; que suite au remboursement des aides avancées par le département, Mme X… ne bénéficiera plus que dun capital de 4 802,24 euros pour payer les mensualités de la maison de retraite de 1 800 euros par mois ; que larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles permet au département dobtenir du bénéficiaire de prestations daide sociale, Mme X…, le remboursement de ces dernières lorsque la situation dimpécuniosité dans laquelle elle se trouvait et qui a justifié la prise en charge disparaît, étant revenu à meilleure fortune ; que le retour à meilleure fortune nest pas caractérisé car le remboursement demandé plonge Mme X… dans une situation dimpécuniosité et justifie au contraire une nouvelle prise en charge par le département ; quil convient de faire droit au recours ;
Vu la décision attaquée ;
Vu, enregistré le 16 juin 2014, le mémoire en défense du président du conseil général du Bas-Rhin en réponse au recours formé par M. Y… contre le département du Bas-Rhin devant le tribunal administratif de Strasbourg ; que le département soulève les moyens de lincompétence du tribunal administratif en matière dopposition à tiers détenteur relative à une aide sociale dhébergement et du bien-fondé de lopposition à tiers détenteur ;
Vu, enregistré le 16 juin 2014, le mémoire en défense du président du conseil général du Bas-Rhin ; il soutient que laide sociale départementale a été accordée à Mme X… au regard de son insolvabilité et nonobstant lexistence du bien immobilier ; quen application des dispositions légales, pour lanalyse du droit au bénéfice de la prestation, il nest tenu compte que des intérêts des capitaux placés et non du capital lui-même ; quen deuxième lieu, le produit issu de la vente dun bien immobilier ne peut être considéré comme un retour à meilleure fortune sous réserve dune plus-value conséquente sur la vente dudit bien ; quen lespèce, si la qualification juridique de la base légale de la décision du 16 juillet 2013 peut prêter à discussion, le fond doit lemporter sur la forme ; quil est constant que cest exclusivement sur demande de Mme X… que les services compétents se sont basés pour, dune part, interrompre laide sociale et, dautre part, procéder à la récupération des avances consenties ; que reprocher au département du Bas-Rhin davoir fait droit à la demande dun usager reviendrait à admettre quil serait possible de se prévaloir sa propre turpitude ; quainsi, il est demandé pourquoi le requérant ne conteste pas la décision de suppression de laide sociale alors même quelle est issue, tout comme la décision de récupération, de la même demande datée du 22 février 2011 ; que Mme X… conserve la possibilité de solliciter le bénéfice de laide sociale à tout moment ; quil convient de rejeter lappel de M. Y… et de linviter à solliciter un échéancier de remboursement auprès de la paierie départementale du Bas-Rhin ; que le maintien de la décision contestée est sollicité ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment larticle 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er alinéa 3 de son dispositif ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 25 avril 2016 Mme GOMERIEL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quaux termes de larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas par lEtat ou le département : 1o Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ; 2o Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; 3o Contre le légataire ; quaux termes de larticle R. 132‑11 du même code, « Les recours prévus à larticle L. 132‑8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de laide sociale » ; que le recours en récupération est exercé contre la succession du bénéficiaire, et non sur les biens propres des héritiers, dans la limite de lactif net successoral et à hauteur des prestations allouées ;
Considérant, dune part, quaux termes de larticle L. 132‑9 du code de laction sociale et des familles « pour la garantie des recours prévus à larticle L. 132‑8 les immeubles appartenant aux bénéficiaires de laide sociale sont grevés dune hypothèque légale » ; quil résulte de ces dispositions que la collectivité qui fait lavance des prestations daide sociale ne peut percevoir le montant des sommes correspondant à une hypothèque inscrite pour en garantir le recouvrement que pour autant quun recours entrant dans le champ de ceux prévus à larticle L. 132‑8 est prévu par la loi et quelle ne peut obtenir restitution des prestations avancées que lorsque le recours légalement prévu est effectivement susceptible dêtre exercé ;
Considérant quil résulte de linstruction du dossier que, suite à sa demande daide sociale du 24 novembre 2009, Mme X… sest vu accorder la prise en charge de ses frais de séjour en EHPAD à compter du 1er août 2009 par décision du 12 octobre 2010 ; que par courrier du 22 février 2011, Mme X… a informé les services compétents du département du Bas-Rhin de son souhait de renoncer au bénéfice de la prestation au motif que le bien dont elle-même disposait serait mis en vente et sengageait par ailleurs à rembourser au département les sommes avancées au titre de laide sociale ; qu ainsi, le département a fait établir un état comptable indiquant le montant effectif de la créance pour la période du 1er septembre 2010 au 28 février 2011, soit un montant de 8 697,76 euros à récupérer auprès de Mme X… ; quune décision de récupération du 16 juillet 2013 a été notifiée à M. Y…, tuteur légal de Mme X… ; que M. Y… a introduit un recours contentieux auprès de la commission départementale daide sociale qui a rejeté le recours ;
Considérant que le recours en récupération en cas de retour à meilleure fortune sexerce du vivant du bénéficiaire de laide sociale, lorsquun événement nouveau vient améliorer sa situation de sorte quil dispose alors dun patrimoine suffisant pour rembourser les prestations daide sociale récupérables perçues jusqualors ; que la jurisprudence de la commission centrale daide sociale du 26 juin 1987, « Département de lAllier », selon laquelle la vente dun immeuble dont le bénéficiaire était déjà propriétaire lors de son admission à laide sociale ne constitue pas un retour à meilleure fortune, ne saurait sappliquer à la situation de Mme X… dans la mesure où cette dernière a non seulement bénéficié du produit de la vente du bien immobilier pour sa part indivise mais également du produit de la vente des autres parts ; quen effet, Mme X… possédait en indivision une maison dhabitation pour laquelle elle était à 24/48 propriétaire en pleine propriété et usufruitière légale du quart pour lune des parcelles et à concurrence de 24/96 en pleine propriété et usufruitière légale du quart pour lautre parcelle ; que Mme X… a donc perçu 32 700 euros du produit de la vente de 80 000 euros, mais également une somme de 27 300 euros de la part des autres bénéficiaires de la vente du bien immobilier, soit au total 60 000 euros ; que les créances de 25 939,89 euros, de 12 668,74 et de 8 381,35 euros dues à la maison de retraite ont été imputées au montant de 60 000 euros, laissant ainsi une somme de 13 500 euros à Mme X… ;
Considérant quil résulte de ce qui précède que la commission départementale daide sociale a légalement justifié sa décision en considérant que le reliquat du produit de la vente de 13 500 euros, dont une partie sera affectée au remboursement de la créance de 8 697,76 euros, ne permettra pas à Mme X… de régler le montant de ses frais dhébergement pour une année et quelle serait admise au bénéfice de laide sociale sur demande ; quen conséquence, il appartiendra à Mme X… de solliciter un échelonnement du remboursement de la dette laissée à sa charge auprès de la paierie départementale, seule habilitée à envisager un échéancier de paiement,
Art. 1er.
Art. 2.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 25 avril 2016 où siégeaient M. JOURDIN, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme GOMERIEL, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 26 septembre 2016.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le présidentLa rapporteure
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
Marie-Christine RIEUBERNET