2320

Dispositions communes à tous les types d'aide sociale

Recours en récupération

Récupération sur donation

Mots clés : Recours en récupération – Récupération sur donation – Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Hébergement – Maison de retraite – Recours – Procédure – Ressources – Divorce – Compétence juridictionnelle

Dossier no 140597

M. X… et Mme X…

Séance du 30 novembre 2016

Décision lue en séance publique le 30 novembre 2016

Vu le recours formé en date du 20 novembre 2014 par le président du conseil général de la Haute-Garonne tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne en date du 13 octobre 2014 par laquelle ont été annulées deux décisions du président du conseil général de la Haute-Garonne en date du 14 mai 2013 prononçant la récupération de la créance d’aide sociale de M. et Mme X… née de la prise en charge de leurs frais de séjour en maison de retraite à l’encontre de leur donataire M. Y… jusqu’à concurrence du montant de la donation, soit la somme de 115 000 euros, le montant dû pour Mme X… s’élevant à 21 573,75 euros, et celui pour M. X… s’élevant à 3 066,13 euros, au motif que sa situation modeste ne lui permettrait pas de rembourser la créance réclamée ;

Le requérant soutient en premier lieu que le principe du contradictoire a été violé du fait de l’invocation orale par M. Y… d’un nouveau moyen sans permettre au conseil général d’y répondre par écrit, que la décision du 13 octobre 2014 est donc entachée d’un vice de procédure justifiant son annulation, en deuxième lieu, que le recours engagé par le département au titre de la récupération sur donataire est strictement conforme aux dispositions de l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles, que c’est donc à bon droit que le département a engagé un recours en récupération de créance sur donation à l’encontre de M. Y…, en troisième lieu que si les pièces produites à l’appui de la requête de M. Y… tendent effectivement à démontrer son incapacité financière actuelle à régler les créances d’aide sociale, toutefois sa situation financière n’est pas irrémédiablement compromise du fait d’une action contentieuse intentée contre son ex-épouse afin de récupérer ses biens propres investis dans la trésorerie de l’entreprise de cette dernière, et notamment les liquidités issues de la donation litigieuse ; le département demande ainsi l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale en date du 13 octobre 2014 ainsi que le report du recouvrement de la créance d’aide sociale dans l’attente du résultat de l’action contentieuse qu’a diligenté M. X… à l’encontre de son ex-épouse ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire en défense et autres courriers produits par M. Y… par lesquels il indique avoir à l’occasion de l’audience de la commission départementale d’aide sociale produit tous les justificatifs nécessaires à l’appui de ses propos, qu’il n’est donc pas exact d’affirmer que la commission aurait statué sur de simples affirmations orales, que s’il a effectivement intenté une action pour récupérer les sommes issues de son patrimoine, cette action n’a pas abouti, que le juge n’a en effet pas fait droit à sa demande de provision, le renvoyant à la procédure de règlement de créances entre époux, que toutefois, à l’issue du jugement définitif de divorce en date du 9 septembre 2015, son avocat lui a fortement déconseillé d’engager une telle procédure aux motifs qu’elle engendrerait des frais importants pour un recouvrement très hypothétique dont une grande partie serait absorbée par lesdits frais, que par conséquent aucune action contentieuse susceptible de recouvrer ses créances ne sera engagée ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er , alinéa 3, de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 30 novembre 2016 Mme DERVIEU, rapporteure, M. Y…, requérant, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant qu’en vertu d’un principe général du droit, applicable même en l’absence de texte, la procédure devant les juridictions administratives doit être contradictoire (CCAS, 7 nov. 1960, Vial), que la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne, en privant le président du conseil général de la Haute-Garonne de la possibilité de présenter ses observations sur les éléments nouveaux apportés oralement par le requérant à l’occasion de l’audience a méconnu ce principe ;

Considérant, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens, qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’annuler la décision de la commission départementale d’aide sociale et de statuer sur le fond du litige en vertu de l’effet dévolutif de l’appel ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 132‑8 (2o) du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés par l’Etat ou le département (…) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande » ; qu’aux termes de l’article R. 132‑11 du même code : « Les recours prévus à l’article L. 132‑8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de l’aide sociale (…) »

Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. et Mme X… ont été admis respectivement le 19 octobre 2011 et le 19 septembre 2011 au bénéfice de l’aide sociale pour la prise en charge de leurs frais d’entretien et d’hébergement, qu’au moment de la décision de récupération sur donation du conseil général de la Haute-Garonne, le montant de la créance départementale dû au 31 décembre 2012 s’élevait à 3 066,13 euros pour M. X… et à 21 573,75 euros pour Mme X… ;

Considérant que M. et Mme X… ont fait donation d’une somme de 115 000 euros à leur fils par acte notarié en date du 12 juillet 2006, soit moins de 10 ans avant la demande d’admission à l’aide sociale ; que le président du conseil général de la Haute-Garonne a prononcé la récupération sur donation pour un montant qui n’excède pas les sommes à récupérer ; que le recours en récupération sur donataire décidé par le président du conseil départemental de la Haute-Garonne est donc légalement fondé ;

Considérant toutefois que le juge de l’aide sociale est fondé à accorder une modération des sommes revenant à la collectivité débitrice de l’aide sociale si les héritiers justifient de difficultés sociales, familiales et financières importantes, qu’il résulte de l’instruction que M. Y… est sans emploi, qu’il bénéficie simplement de l’allocation spécifique solidarité pour un montant de 15,90 euros par jour, qu’il ne dispose d’aucune liquidité, que le montant de la donation faite par ses parents a été utilisé pour abonder une société appartenant à son ex-épouse, qu’il a introduit une action en justice aux fins de récupérer sa créance à concurrence de 209 721,98 euros, que le juge n’a pas fait droit à sa demande de mesure conservatoire de nantissement du fonds de commerce afin de garantir sa créance, qu’aucune autre action judiciaire n’est en cours pour récupérer cette créance, qu’il ne dispose donc d’aucune ressource disponible pour rembourser la créance départementale, qu’il apparaît donc clairement que M. X… n’est pas en mesure de supporter le remboursement d’une dette de 24 639,88 euros ;

Considérant que dans l’ensemble de ces circonstances, il sera fait une juste appréciation de la situation du requérant en annulant la créance départementale,

Décide

Art. 1er Ensemble la décision de la commission départementale d’aide sociale de la Haute-Garonne en date du 13 octobre 2014 et les deux décisions du président du conseil général de la Haute-Garonne en date du 14 mai 2013 sont annulées.

Art. 2.  La récupération de la créance départementale est annulée.

Art. 3.  La présente décision sera notifiée au président du conseil départemental de la Haute-Garonne, à M. Y… . Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 30 novembre 2016 où siégeaient M. JOURDIN, président, M. MATH, assesseur, Mme DERVIEU, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 30 novembre 2016.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET