Mots clés : Recours en récupération Récupération sur donation Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) Hébergement Maison de retraite Recours Procédure Ressources Divorce Compétence juridictionnelle
Dossier no 140597
M. X… et Mme X…
Séance du 30 novembre 2016
Vu le recours formé en date du 20 novembre 2014 par le président du conseil général de la Haute-Garonne tendant à lannulation de la décision de la commission départementale daide sociale de la Haute-Garonne en date du 13 octobre 2014 par laquelle ont été annulées deux décisions du président du conseil général de la Haute-Garonne en date du 14 mai 2013 prononçant la récupération de la créance daide sociale de M. et Mme X… née de la prise en charge de leurs frais de séjour en maison de retraite à lencontre de leur donataire M. Y… jusquà concurrence du montant de la donation, soit la somme de 115 000 euros, le montant dû pour Mme X… sélevant à 21 573,75 euros, et celui pour M. X… sélevant à 3 066,13 euros, au motif que sa situation modeste ne lui permettrait pas de rembourser la créance réclamée ;
Le requérant soutient en premier lieu que le principe du contradictoire a été violé du fait de linvocation orale par M. Y… dun nouveau moyen sans permettre au conseil général dy répondre par écrit, que la décision du 13 octobre 2014 est donc entachée dun vice de procédure justifiant son annulation, en deuxième lieu, que le recours engagé par le département au titre de la récupération sur donataire est strictement conforme aux dispositions de larticle L. 132‑8 du code de laction sociale et des familles, que cest donc à bon droit que le département a engagé un recours en récupération de créance sur donation à lencontre de M. Y…, en troisième lieu que si les pièces produites à lappui de la requête de M. Y… tendent effectivement à démontrer son incapacité financière actuelle à régler les créances daide sociale, toutefois sa situation financière nest pas irrémédiablement compromise du fait dune action contentieuse intentée contre son ex-épouse afin de récupérer ses biens propres investis dans la trésorerie de lentreprise de cette dernière, et notamment les liquidités issues de la donation litigieuse ; le département demande ainsi lannulation de la décision de la commission départementale daide sociale en date du 13 octobre 2014 ainsi que le report du recouvrement de la créance daide sociale dans lattente du résultat de laction contentieuse qua diligenté M. X… à lencontre de son ex-épouse ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire en défense et autres courriers produits par M. Y… par lesquels il indique avoir à loccasion de laudience de la commission départementale daide sociale produit tous les justificatifs nécessaires à lappui de ses propos, quil nest donc pas exact daffirmer que la commission aurait statué sur de simples affirmations orales, que sil a effectivement intenté une action pour récupérer les sommes issues de son patrimoine, cette action na pas abouti, que le juge na en effet pas fait droit à sa demande de provision, le renvoyant à la procédure de règlement de créances entre époux, que toutefois, à lissue du jugement définitif de divorce en date du 9 septembre 2015, son avocat lui a fortement déconseillé dengager une telle procédure aux motifs quelle engendrerait des frais importants pour un recouvrement très hypothétique dont une grande partie serait absorbée par lesdits frais, que par conséquent aucune action contentieuse susceptible de recouvrer ses créances ne sera engagée ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment larticle 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er , alinéa 3, de son dispositif ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles dentre elles ayant exprimé le souhait den faire usage ayant été informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 30 novembre 2016 Mme DERVIEU, rapporteure, M. Y…, requérant, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant quen vertu dun principe général du droit, applicable même en labsence de texte, la procédure devant les juridictions administratives doit être contradictoire (CCAS, 7 nov. 1960, Vial), que la commission départementale daide sociale de la Haute-Garonne, en privant le président du conseil général de la Haute-Garonne de la possibilité de présenter ses observations sur les éléments nouveaux apportés oralement par le requérant à loccasion de laudience a méconnu ce principe ;
Considérant, et sans quil soit besoin de statuer sur les autres moyens, quil résulte de ce qui précède quil y a lieu dannuler la décision de la commission départementale daide sociale et de statuer sur le fond du litige en vertu de leffet dévolutif de lappel ;
Considérant quaux termes des dispositions de larticle L. 132‑8 (2o) du code de laction sociale et des familles : « Des recours sont exercés par lEtat ou le département (…) contre le donataire lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande daide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande » ; quaux termes de larticle R. 132‑11 du même code : « Les recours prévus à larticle L. 132‑8 sont exercés, dans tous les cas, dans la limite du montant des prestations allouées au bénéficiaire de laide sociale (…) »
Considérant quil résulte de linstruction que M. et Mme X… ont été admis respectivement le 19 octobre 2011 et le 19 septembre 2011 au bénéfice de laide sociale pour la prise en charge de leurs frais dentretien et dhébergement, quau moment de la décision de récupération sur donation du conseil général de la Haute-Garonne, le montant de la créance départementale dû au 31 décembre 2012 sélevait à 3 066,13 euros pour M. X… et à 21 573,75 euros pour Mme X… ;
Considérant que M. et Mme X… ont fait donation dune somme de 115 000 euros à leur fils par acte notarié en date du 12 juillet 2006, soit moins de 10 ans avant la demande dadmission à laide sociale ; que le président du conseil général de la Haute-Garonne a prononcé la récupération sur donation pour un montant qui nexcède pas les sommes à récupérer ; que le recours en récupération sur donataire décidé par le président du conseil départemental de la Haute-Garonne est donc légalement fondé ;
Considérant toutefois que le juge de laide sociale est fondé à accorder une modération des sommes revenant à la collectivité débitrice de laide sociale si les héritiers justifient de difficultés sociales, familiales et financières importantes, quil résulte de linstruction que M. Y… est sans emploi, quil bénéficie simplement de lallocation spécifique solidarité pour un montant de 15,90 euros par jour, quil ne dispose daucune liquidité, que le montant de la donation faite par ses parents a été utilisé pour abonder une société appartenant à son ex-épouse, quil a introduit une action en justice aux fins de récupérer sa créance à concurrence de 209 721,98 euros, que le juge na pas fait droit à sa demande de mesure conservatoire de nantissement du fonds de commerce afin de garantir sa créance, quaucune autre action judiciaire nest en cours pour récupérer cette créance, quil ne dispose donc daucune ressource disponible pour rembourser la créance départementale, quil apparaît donc clairement que M. X… nest pas en mesure de supporter le remboursement dune dette de 24 639,88 euros ;
Considérant que dans lensemble de ces circonstances, il sera fait une juste appréciation de la situation du requérant en annulant la créance départementale,
Art. 1er.
Art. 2.
Art. 3.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 30 novembre 2016 où siégeaient M. JOURDIN, président, M. MATH, assesseur, Mme DERVIEU, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 30 novembre 2016.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le présidentLa rapporteure
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
Marie-Christine RIEUBERNET