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Dispositions communes à tous les types d'aide sociale

Recours en récupération

Récupération sur donation

Mots clés : Recours en récupération – Récupération sur donation – Assurance-vie – Requalification – Aide sociale aux personnes âgées (ASPA) – Hébergement – Recevabilité – Compétence juridictionnelle – Personnes handicapées – Précarité

Dossier no 140588

Mme X…

Séance du 7 novembre 2016

Décision lue en séance publique le 30 novembre 2016

Vu le recours formé le 13 octobre 2014 par Mme Y… tendant à l’annulation de la décision de la commission départementale d’aide sociale des Alpes-Maritimes du 17 juin 2014 en ce qu’elle confirme la décision du président du conseil général en date du 19 mars 2012 par laquelle ce dernier procède à la requalification du contrat d’assurance-vie dont la requérante est bénéficiaire et à l’exercice d’un recours en récupération de la somme de 7 081 euros sur la somme de 26 379,57 euros versée au bénéfice de sa défunte mère, Mme X…, au titre de l’aide sociale à l’hébergement ;

La requérante soutient que l’âge de sa mère ne peut fonder la requalification du contrat d’assurance-vie dont elle est bénéficiaire en donation ; qu’au surplus sa mère n’a pas été informée du caractère récupérable des prestations d’aide sociale ; qu’en effet, la signature figurant sur le document d’information relatif au caractère récupérable des prestations d’aide sociale produit par le conseil général n’est pas celle de la postulante ; que la prise en charge des frais d’hébergement de sa mère a donc été accordée sur la base d’un faux en écriture ; qu’elle n’a, en tout état de cause, jamais consenti au placement de sa mère en établissement et qu’elle n’était pas en mesure de s’y opposer, sa belle-sœur ayant procédé à la résiliation du bail d’habitation souscrit par Mme X… dans des conditions très avantageuses ; que sa vie a été rendue difficile du fait de son handicap ; qu’en conséquence tant la décision de requalification du contrat d’assurance-vie que la décision de récupération sur donation devront être annulées ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire en défense du 27 mars 2015 produit par le président du conseil général des Alpes-Maritimes tendant au rejet de la requête aux motifs que compte tenu de l’âge de Mme X… à la date de la souscription du contrat d’assurance-vie et vu le montant de l’actif net successoral, c’est à bon droit qu’il a été procédé à la requalification du contrat d’assurance-vie litigieux en donation indirecte, que la bénéficiaire avait été informée des conséquences de l’admission à l’aide sociale, que ni le handicap de la requérante, ni le fait qu’elle ne soit pas imposable, ni sa situation de handicap ne sont susceptibles d’affecter le caractère récupérable de la créance départementale ; que l’exercice du recours en récupération par le département n’aurait pas pour conséquence d’appauvrir la requérante, la somme récupérée auprès d’elle étant inférieure de 2 066 euros au montant de la donation perçue ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu la décision de la commission centrale d’aide sociale no 000259 du 7 mars 2002 ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment l’article 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment l’article 1er, alinéa 3, de son dispositif ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales, et celles d’entre elles ayant exprimé le souhait d’en faire usage ayant été informées de la date et de l’heure de l’audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 7 novembre 2016 Mme JOYEUX, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Sur la requalification du contrat d’assurance-vie en donation indirecte

Considérant que l’article 894 du code civil définit la donation entre vifs comme un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte ; qu’aux termes de l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles : « Des recours sont exercés, selon le cas, par l’Etat ou le département contre (…) le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d’aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ; que, par décision du 18 mai 1998, le Conseil d’Etat a jugé que la qualification donnée par les parties à un contrat ne saurait faire obstacle au droit pour l’administration de l’aide sociale de rétablir, s’il y a lieu, sa nature exacte ; que par sa décision no 000259 du 7 mars 2002 la commission centrale d’aide sociale a estimé que la stipulation pour autrui constituée par le contrat d’assurance-vie peut être requalifiée en donation, si l’administration de l’aide sociale établit l’intention libérale du souscripteur vis-à-vis du bénéficiaire au moment de la souscription du contrat ; qu’enfin le Conseil d’Etat a jugé, dans sa décision no 316881 du 21 octobre 2009, que l’intention libérale était établie lorsque le souscripteur du contrat, eu égard à son âge et à l’importance des primes versées, doit être regardée en réalité, comme s’étant dépouillée de manière à la fois actuelle et irrévocable ;

Considérant qu’il résulte de l’examen des pièces du dossier que Mme X…, née le 16 décembre 1919, a souscrit au contrat d’assurance-vie faisant l’objet du présent recours le 29 septembre 2000, soit à l’âge de 81 ans, que le moyen tiré de ce qu’un recueil des engagements à caractère déontologique des entreprises d’assurance (…), dénué de toute valeur juridique, fixe à 85 ans l’âge au-delà duquel il convient de « s’assurer de l’opportunité » de la souscription est inopérant et ne saurait faire obstacle à l’application d’une jurisprudence constante ; que X… n’était propriétaire d’aucun bien immobilier, qu’elle laisse à son décès un actif net successoral inférieur à 39 000 euros faute de quoi le recours en récupération du conseil général eut pu s’exercer sur la succession de la bénéficiaire ; que selon les propres dires de la requérante, la souscription par sa mère du contrat d’assurance-vie litigieux a été motivée par la volonté de cette dernière « de la protéger du besoin compte tenu de son handicap » ; que dès lors l’intention libérale de la bénéficiaire doit être considérée comme établie à l’égard de Mme Y… ; qu’il en résulte que c’est à bon droit que la commission départementale a retenu la qualification de donation indirecte ;

Sur les moyens tirés de l’irrégularité de la demande d’aide sociale

Considérant qu’il n’appartient pas à la juridiction de céans de se prononcer sur l’existence d’un faux en écriture ; que le moyen tiré de ce que la postulante n’aurait pas elle-même signé la demande d’admission à l’aide sociale et le mandat autorisant Mme Z…, sa belle-fille, à déposer cette demande en son nom doit être regardé comme inopérant ; qu’il est constant que Mme Y… ne s’est pas opposée au placement en établissement de sa mère ; qu’au demeurant l’opposition d’un héritier ne saurait faire obstacle au placement en établissement d’un postulant à l’aide sociale ; que par suite ce moyen devra être rejeté ;

Considérant néanmoins qu’il appartient, pour l’application de l’article L. 132‑8 du code de l’action sociale et des familles, aux juridictions de l’aide sociale, eu égard tant à la finalité de leur intervention qu’à leur qualité de juges de plein contentieux (…) de se prononcer elles-mêmes sur le bien-fondé de l’action engagée par la collectivité publique d’après l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l’une et l’autre des parties à la date de leur propre décision ; qu’il leur revient, en fonction des circonstances particulières de chaque espèce, d’aménager les modalités de la récupération et, le cas échéant, d’en reporter les effets dans le temps ; que la requérante est titulaire de la carte d’invalidité et s’est vue reconnaître un taux d’incapacité de 90 % ; que ce handicap a affecté sa capacité de travail et de gain ; qu’au regard des avis de non-imposition transmis par la requérante cette dernière atteste de revenus annuels inférieurs à 10 500 euros pour les années 2014 à 2016 ; que s’il est exact que ni le handicap ni le fait que la requérante ne soit pas imposable n’affectent le caractère récupérable de la créance départementale, ils justifient en revanche l’exercice par la présente juridiction de son pouvoir de modération ; qu’au regard des faibles revenus de la requérante, il y a lieu d’écarter tout recours en récupération,

Décide

Art. 1er La décision du président du conseil général des Alpes-Maritimes du 19 mars 2012 et la décision de la commission départementale du 17 juin 2014 sont annulées.

Art. 2.  Il n’y a pas lieu à récupération de la somme de 7 081 euros à l’encontre de Mme Y…

Art. 3.  La présente décision sera notifiée à Mme Y…, au président du conseil départemental des Alpes-Maritimes. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 7 novembre 2016 où siégeaient M. JOURDIN, président, Mme GUIGNARD-HAMON, assesseure, Mme JOYEUX, rapporteure.

Décision lue en séance publique le 30 novembre 2016.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le présidentLa rapporteure

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET