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Dispositions spécifiquesaux différents types d'aide sociale

Revenu minimum d'insertion (RMI)

Mots clés : Revenu minimum d’insertion (RMI) – Indu – Ouverture des droits – Revenus locatifs – Déclaration – Décision – Motivation – Modalités de calcul – Preuve – Précarité

Dossiers nos 100538 bis et 120048

M. X…

Séance du 17 novembre 2015

Décision lue en séance publique le 29 février 2016

Vu le recours no 100538 en date du 13 avril 2010 formé par M. X… qui demande l’annulation de la décision du 1er mars 2010 par laquelle la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision en date du 19 avril 2007 du président du conseil général qui a refusé de lui accorder toute remise gracieuse sur trois indus d’allocations de revenu minimum d’insertion d’un montant respectif de 21 523,07 euros, 11 795,67 euros et 553,14 euros qui lui ont été assignés au titre de la période de décembre 2000 à novembre 2006, au motif de la non-déclaration de la perception de revenus locatifs ;

Le requérant invoque sa situation de précarité au moment des faits qui lui sont reprochés ; qu’à cette période, il était sans emploi et avait quatre enfants en bas âge à sa charge ; il soutient que sa situation est telle qu’il ne peut s’acquitter du remboursement des indus qui lui ont été assignés ;

Vu le recours no 120048 en date du 25 janvier 2012 formé par M. X… qui demande l’annulation de la décision en date du 19 octobre 2011 par laquelle la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision en date du 11 juillet 2008 du président du conseil général qui a refusé de lui ouvrir un droit au revenu minimum d’insertion ;

Le requérant conteste la décision ; il fait valoir qu’il a transmis tous les documents qui lui ont été réclamés ;

Vu les décisions attaquées ;

Vu les pièces desquelles il ressort que les requêtes ont été communiquées au président du conseil général des Bouches-du-Rhône qui n’a pas produit d’observations en défense ;

Vu les pièces desquelles il ressort que M. X… s’est acquitté, pour le recours no 120048, de la contribution pour l’aide juridique de 35 euros instituée par l’article 1635 bis Q du code général des impôts entre le 1er octobre 2011 et le 31 décembre 2013 ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de l’action sociale et des familles ;

Vu décision avant dire droit rendue par la commission centrale d’aide sociale en date du 11 août 2011 sur le recours no 100538 ;

Les parties ayant été régulièrement informées de la faculté qui leur était offerte de présenter des observations orales ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 17 novembre 2015 M. BENHALLA, rapporteur, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à l’issue de la séance publique ;

Considérant que les deux affaires sont introduites à l’instance par le même requérant ; qu’elles ont toutes deux été soumises à la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône en qualité de juridiction de premier ressort ; qu’elles présentent à juger des questions identiques ou connexes ; que, dès lors, il y a lieu, pour une bonne administration de la justice, de joindre les recours et d’y statuer par une seule décision ;

Sur le recours no 100538 :

Considérant qu’en vertu de l’article L. 262‑41 in fine du code de l’action sociale et des familles modifié par la loi no 2004‑809 du 13 août 2004  Art. 58 (V) JORF 17 août 2004 en vigueur le 1er janvier 2005 : « (…) En cas de précarité de la situation du débiteur, la créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général » ; qu’aux termes de l’article L. 262‑41 in fine du code de l’action sociale et des familles issu de la loi du 23 mars 2006 en vigueur le 25 suivant : « (…) La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manœuvre frauduleuse ou de fausse déclaration » ;

Considérant qu’il ressort de la décision de la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône en date du 1er mars 2010, seule pièce figurant au dossier, que M. X…, bénéficiaire du revenu minimum d’insertion depuis 1989, est propriétaire depuis décembre 2000 d’un logement pour lequel il perçoit des loyers, qu’il a omis de faire figurer sur ses déclarations trimestrielles de ressources ; que, par suite, il lui a été demandé le remboursement de la somme de 33 871,88 euros, à raison d’allocations de revenu minimum d’insertion indûment perçues pour la période de décembre 2000 à novembre 2006 ; que cet indu se décompose en trois trop-perçus d’allocations de revenu minimum d’insertion de 21 523,07 euros, 11 795,67 euros et 553,14 euros ; que l’indu a été motivé par la non-déclaration de la perception de revenus locatifs ; que le président du conseil général des Bouches-du-Rhône aurait déposé plainte pour fraude au revenu minimum d’insertion ;

Considérant que M. X… a saisi le président du conseil général des Bouches-du-Rhône d’une demande de remise gracieuse ; que celui-ci, par décision en date du 19 avril 2007, l’a rejetée ; que, saisie d’un recours contre cette décision, la commission départementale d’aide sociale, par décision en date du 1er mars 2010 l’a rejeté au motif « que les pièces versées au dossier apportent des éléments tangibles sur la situation de l’intéressé permettant ainsi à la commission départementale d’aide sociale de rejeter sa demande » ; que cette motivation stéréotypée ne peut être regardée comme suffisante pour justifier la décision qui encourt, de ce fait, l’annulation ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer ;

Considérant que la commission centrale d’aide sociale a demandé au président du conseil général des Bouches-du-Rhône, par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue dans les services du conseil général le 5 juillet 2010, de lui transmettre le dossier complet de l’intéressé, et notamment les justificatifs et le mode de calcul des indus détectés de 21 523,07 euros, 11 795,67 euros et 553,14 euros, les DTR signées par l’allocataire de décembre 2000 à novembre 2006 ainsi que la décision de refus de remise du 19 avril 2007 ; que cette demande a été réitérée par décision avant dire droit de la commission centrale d’aide sociale en date du 11 août 2011 ; que, pour l’application des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’allocation du revenu minimum d’insertion, il appartient à l’administration de produire les éléments probants susceptibles d’étayer le bien-fondé de sa décision ; que le département des Bouches-du-Rhône n’a produit aucun mémoire en défense, pas plus qu’il n’a fourni les pièces demandées ; que le bien-fondé de l’indu ne peut dès lors être regardé comme établi que dans la mesure où il n’est pas formellement contesté par le requérant ;

Considérant que la période litigieuse est antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2006 susvisée excluant toute remise en cas de fraude ; qu’ainsi, les dispositions précitées de l’article L. 262‑41 du code de l’action sociale et des familles applicables ne font pas obstacle, en toute hypothèse, à ce qu’il soit accordé une remise pour précarité ;

Considérant, au demeurant, qu’aucun élément du dossier n’indique qu’il aurait été donné une suite à la plainte déposée par le président du conseil général ; que, par ailleurs, le bien immobilier de M. X… a été cédé en novembre 2007 ; que M. X… soutient, sans être contredit, qu’ il est sans emploi et a quatre enfants à sa charge ; qu’ainsi, les capacités contributives du foyer sont limitées et le remboursement de la totalité de l’indu ferait peser de graves menaces de déséquilibre sur son budget et conduirait à une situation de privation matérielle grave sur une longue période ; qu’il sera fait une juste appréciation de la situation de l’espèce en limitant l’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion laissé à sa charge à la somme de 5 000 euros ;

Sur le recours no 120048 :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 262-l du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne résidant en France dont les ressources (…) n’atteignent pas le montant du revenu minimum défini à l’article L. 262‑2, qui est âgée de plus de vingt-cinq ans ou assume la charge d’un ou plusieurs enfants nés ou à naître et qui s’engage à participer aux actions ou activités définies avec elle, nécessaires à son insertion sociale ou professionnelle, a droit à un revenu minimum d’insertion » ; qu’aux termes de l’article R. 262‑44 du même code : « Le bénéficiaire de l’allocation de revenu minimum d’insertion est tenu de faire connaître à l’organisme payeur toutes informations relatives à sa résidence, à sa situation de famille, aux activités, aux ressources et aux biens des membres du foyer tel que défini à l’article R. 262‑1 ; il doit faire connaître à cet organisme tout changement intervenu dans l’un ou l’autre de ces éléments (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 262‑10 du même code : « L’ensemble des ressources des personnes retenues pour la détermination du montant du revenu minimum d’insertion est pris en compte pour le calcul de l’allocation » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction, que M. X… a déposé en date du 18 mars 2008 une demande d’ouverture de droit au revenu minimum d’insertion au titre d’un couple ; que le président du conseil général des Bouches-du-Rhône, par décision en date du 11 juillet 2008, l’a rejetée au motif qu’il n’avait pas déclaré ses revenus fonciers lors d’une période précédente durant laquelle l’intéressé était allocataire du revenu minimum d’insertion et à l’issue de laquelle il a été radié, et qu’aucun acte justifiant de la vente dudit bien immobilier n’a été fourni ;

Considérant que M. X… a contesté cette décision devant la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône, qui, par décision en date du 19 octobre 2011, a rejeté son recours pour les mêmes motifs ;

Considérant que ces motivations font référence à une obligation qui n’est prévue par aucun texte ; qu’au surplus, M. X… verse au dossier un acte de vente en date du 7 novembre 2007 du bien immobilier dont il était propriétaire ; qu’il suit de là que tant la décision en date du 11 juillet 2008 du président du conseil général que la décision en date du 19 octobre 2011 de la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône doivent être annulées ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède, qu’il y a lieu de renvoyer M. X… devant le président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône pour un réexamen de son droit au revenu minimum d’insertion à la date de sa demande du 18 mars 2008, en prenant en compte les ressources effectives de son foyer,

Décide

Art. 1er.  La décision en date du 1er mars 2010 de la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône, ensemble la décision en date du 19 avril 2007 du président du conseil général, sont annulées.

Art. 2.  L’indu d’allocations de revenu minimum d’insertion à la charge de M. X… est limité à la somme de 5 000 euros.

Art. 3.  Le surplus des conclusions de la requête no 100538 est rejeté.

Art. 4.  La décision en date du 19 octobre 2011 de la commission départementale d’aide sociale des Bouches-du-Rhône, ensemble la décision en date du 11 juillet 2008 du président du conseil général, sont annulées.

Art. 5.  M. X… est renvoyé devant le président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône pour un réexamen de son droit au revenu minimum d’insertion à la date de sa demande du 18 mars 2008.

Art. 6.  La présente décision sera notifiée à M. X… et au président du conseil départemental des Bouches-du-Rhône. Copie en sera adressée à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Délibéré par la commission centrale d’aide sociale dans la séance non publique, à l’issue de la séance publique du 17 novembre 2015 où siégeaient M. BELORGEY, président, Mme PEREZ-VIEU, assesseure, M. BENHALLA, rapporteur.

Décision lue en séance publique le 29 février 2016.

La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Le président Le rapporteur

Pour ampliation,

La secrétaire générale de la commission centrale d’aide sociale,

Marie-Christine RIEUBERNET