Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) Placement Curateur Règlement Hébergement Délai Forclusion Exception Ressources Procédure Prise en charge
Dossier no 150328
Mme X…
Séance du 10 juin 2016
Vu, enregistrée le 20 février 2015 au secrétariat de la commission centrale daide sociale, la requête présentée par Maître Déborah CHELLI, pour Mme X…, sous curatelle de Mme F…, tendant à ce quil plaise à la juridiction de céans :
1o Annuler la décision du 8 décembre 2014 par laquelle la commission départementale daide sociale de la Haute-Garonne a rejeté pour irrecevabilité le recours formé par la requérante contre une décision du président du Conseil général de la Haute-Garonne en date du 16 janvier 2014 rejetant sa demande de prise en charge des frais dhébergement de Mme X… au foyer dhébergement « H… » (Aveyron) pour la période du 2 avril 2013 au 15 octobre 2013 ;
2o Réformer larrêté du président du Conseil général de la Haute-Garonne en date du 12 juin 2014 en tant quil décide de naccorder, suite au recours gracieux de lintéressée, une prise en charge des frais dhébergement de Mme X… quà compter du 1er septembre 2013 et non du 2 avril 2013, date de son entrée au foyer dhébergement « H… » situé en Aveyron ;
La requérante soutient que le principe du contradictoire na pas été respecté par la commission départementale daide sociale de la Haute-Garonne en ce quelle a affirmé, dans sa décision, avoir envoyé à Mme F… un courrier en date du 25 février 2014 lui demandant de transmettre soit un pouvoir lautorisant à agir au nom de Mme X…, soit un recours cosigné par lintéressée, courrier que Mme F… na jamais reçu ; que la preuve de la réception de ce courrier na pas été rapportée et que ledit courrier ne lui a pas été transmis durant laudience ; quelle a qualité à agir, ayant produit le pouvoir de Mme X… datant du 4 août 2014 et attestant « avoir donné tout pouvoir à ma curatrice Mme F… pour procéder à lensemble des formalités nécessaires à la constitution du dossier de prise en charge pour laide sociale de mes frais dhébergement au foyer H… » ; que ce pouvoir a une portée générale et concerne tant les démarches diligentées par la requérante auprès des administrations que les actions en justice exercées devant les juridictions compétentes ; quil est de jurisprudence constante quun pouvoir spécial peut être justifié à tout moment de la procédure, et ce avant lexpiration du délai dappel ; quun nouveau pouvoir autorisant Mme F… à ester en justice au nom et pour le compte de Mme X… est, en tout état de cause, produit devant la commission centrale daide sociale ; quelle a intérêt à agir, son recours nétant pas devenu sans objet suite à la décision du président du Conseil général de la Haute Garonne en date du 12 juin 2014 qui, faisant suite à son recours gracieux, a accordé une prise en charge des frais dhébergement de Mme X… à compter du 1er septembre 2013, alors quétait sollicitée une prise en charge totale à compter du 2 avril 2013 ; que Mme X… doit se voir accorder une prise en charge de ses frais dhébergement pour la période du 2 avril 2013 au 30 août 2013 dans la mesure où, dune part, sa situation financière ne lui permet pas de faire face à la charge de ses frais dhébergement et, dautre part, la jurisprudence du Conseil dEtat admet lexistence dune exception au délai de 2 mois prévu par larticle R. 131‑2 du code de laction sociale des familles « lorsque, antérieurement à lentrée dans létablissement, lintéressée bénéficiait déjà et a un même titre de la prise en charge de ses frais dhébergement », lauteur de cette prise en charge de même que le mode temporel dhébergement
Vu la décision attaquée ;
Vu, enregistré le 28 septembre 2015, le mémoire en défense par lequel le président du conseil départemental de la Haute-Garonne demande à la juridiction de céans :
1o A titre principal, de déclarer irrecevable la requête de Mme F… dans la mesure où cette requête ne respecte pas larticle 469 du code civil qui prévoit que le curateur ne peut se substituer à la personne en curatelle pour agir en son nom, où la requérante na pas régularisé son recours suite au courrier du secrétariat de la commission départementale daide sociale de la Haute-Garonne en date du 25 février 2014, où le moyen invoqué par Mme F… selon lequel elle na pas reçu ledit courrier est inopérant, le président du conseil départemental nayant pas à prouver la bonne réception de ce courrier par la requérante et où le pouvoir établi par Mme X… le 4 août 2014 ne peut pas être pris en compte, celui-ci intervenant au-delà du délai de 2 mois prévu par larticle R. 134‑10 du code de laction sociale et des familles ;
2o A titre accessoire et dans lhypothèse où la commission centrale daide sociale considérerait le recours de Mme F… comme recevable, de rejeter sa requête au motif que le rejet de la prise en charge des frais dhébergement de Mme X… pour la période du 2 avril 2013 au 31 août 2013 au titre de larticle R. 131‑2 du code de laction sociale et des familles est fondé ; que le moyen tiré de la continuité dans la prise en charge des frais dhébergement invoqué par la requérante doit être rejeté, cette exception ne sappliquant pas au cas despèce, et que le moyen tiré de la situation financière de Mme X… ne peut être retenu, la commission centrale daide sociale ayant déjà eu loccasion daffirmer que « linsuffisance des ressources de lassisté pour faire face aux recouvrements à venir à son encontre nest pas de nature à permettre de ne pas appliquer les dispositions de larticle R. 131‑2 » ;
Vu, enregistré le 26 octobre 2015, le mémoire en réplique présenté par Maître Déborah CHELLI, pour Mme X…, sous curatelle de Mme F…, persistant dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;
Vu, enregistré le 13 novembre 2015, le nouveau mémoire par lequel le président du conseil départemental de la Haute-Garonne persiste dans ses précédentes conclusions pour les mêmes motifs ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code civil ;
Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment larticle 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 10 juin 2016, Mme Camille ADELL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que, par décision du 8 décembre 2014, la commission départementale daide sociale de la Haute-Garonne a estimé irrecevable la requête de Mme F… au motif que le recours initialement formé par la requérante, curatrice de lintéressée, navait pas été cosigné par la majeure protégée, comme prévu par les articles 467, 468 et 469 du code civil, « et ce malgré un courrier envoyé le 25 février 2014 à Mme F… par le secrétariat de la commission départementale daide sociale lui demandant de transmettre soit un pouvoir lautorisant à agir au nom de Mme X… , soit le recours cosigné par Mme Y… » ; que Mme F… na transmis une copie du pouvoir en date du 4 août 2014, par lequel Mme X… autorise la requérante à agir en son nom, quaprès avoir réceptionné le mémoire en défense du président du Conseil général de la Haute-Garonne ; que la commission départementale daide sociale a, dès lors, considéré que « les délais de recours contentieux prévus par les dispositions de larticle R. 134‑10 du code de laction sociale et des familles nont pas été respectés, et que ceux-ci sont forclos » ;
Considérant quaux termes de larticle L. 134‑4 du code de laction sociale et des familles : « Tant les recours devant la commission départementale que les recours et les appels devant la commission centrale peuvent être formés par le demandeur, ses débiteurs daliments, létablissement ou le service qui fournit les prestations, le maire, le président du conseil départemental, le représentant de lEtat dans le département, les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole intéressés ou par tout habitant ou contribuable de la commune ou du département ayant un intérêt direct à la réformation de la décision. » ; que larticle 467 du code civil prévoit que : « La personne en curatelle ne peut, sans lassistance du curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille. Lors de la conclusion dun acte écrit, lassistance du curateur se manifeste par lapposition de sa signature à côté de celle de la personne protégée. A peine de nullité, toute signification faite à cette dernière lest également au curateur. » ; que larticle 468 du même code dispose que » (…) La personne en curatelle ne peut, sans lassistance du curateur, conclure un contrat de fiducie ni faire emploi de ses capitaux. Cette assistance est également requise pour introduire une action en justice ou y défendre. » ; quenfin, aux termes de larticle 469 du même code : « Le curateur ne peut se substituer à la personne en curatelle pour agir en son nom. Toutefois, le curateur peut, sil constate que la personne en curatelle compromet gravement ses intérêts, saisir le juge pour être autorisé à accomplir seul un acte déterminé ou provoquer louverture de la tutelle. Si le curateur refuse son assistance à un acte pour lequel son concours est requis, la personne en curatelle peut demander au juge lautorisation de laccomplir seule. » ;
Considérant, toutefois, quil y a lieu de distinguer deux types dirrecevabilités, à savoir celles non susceptibles dêtre couvertes en cours dinstance et celles qui peuvent lêtre ; quentre dans cette dernière catégorie le défaut de mandat justifiant de la qualité à agir du requérant au nom dune autre personne physique ; que cette irrecevabilité est susceptible dêtre couverte en cours dinstance par la production de la pièce justificative du mandat, et ce même après lexpiration du délai de recours contentieux ;
Considérant que ces irrecevabilités régularisables en cours dinstance impliquent, pour pouvoir être opposées, que le juge invite lauteur de la requête à la régulariser ; que, cependant, le juge nest pas tenu dinviter le requérant à cette régularisation lorsque cette irrecevabilité est expressément soulevée en défense ;
Considérant quen lespèce, le défaut de qualité à agir avait été opposé en défense par le président du Conseil général de la Haute-Garonne ; que son mémoire, au titre du contradictoire, a bien été communiqué à Mme F… ; que, celle-ci a produit en cours dinstance, aux fins de régularisation, un pouvoir de Mme X…, daté du 4 février 2014, lautorisant à procéder à lensemble des formalités nécessaires à la constitution du dossier de prise en charge pour laide sociale des frais dhébergement de cette dernière au foyer H… ; quainsi, cest à tort que la commission départementale daide sociale a estimé irrecevable la requête présentée par Mme F… au motif que celle-ci navait pas qualité à agir ; quil suit de là, que la décision de la commission départementale daide sociale de la Haute-Garonne en date du 8 décembre 2014 doit être annulée ;
Considérant quil y a lieu dévoquer et de statuer ;
Sur la recevabilité de la requête ;
Considérant que la requérante avait la faculté de communiquer un pouvoir à tout moment durant linstance, et ce même après lexpiration du délai de recours, dès lors que le principe du contradictoire était respecté ; que tel a bien été le cas puisque Mme F… a produit un pouvoir en date du 4 août 2014 par lequel Mme X… atteste « avoir donné tout pouvoir à ma curatrice Mme F… pour procéder à lensemble des formalités nécessaires à la constitution du dossier de prise en charge pour laide sociale de mes frais dhébergement au foyer H… » ; que, dans son second mémoire en date du 15 septembre 2014, le président du Conseil général de la Haute-Garonne a fait référence audit pouvoir ;
Considérant quil résulte de ce qui précède, que le pouvoir en date du 4 août 2014 permettait de donner à Mme F… qualité à agir au nom de Mme X… ; que dès lors, la requête est recevable ;
Sur le fond ;
Considérant que Mme X…, née en 1994, est entrée au foyer dhébergement « H… » (Aveyron) le 2 avril 2013 ; que par ordonnance du 25 juin 2013 du tribunal dinstance de Millau, elle a été placée sous sauvegarde de justice, Mme F… ayant été désignée comme mandataire spécial ; que par jugement du 12 novembre 2013 du tribunal dinstance de Millau, lintéressée a été placée sous curatelle renforcée avec désignation de Mme F… en qualité de curatrice ; quune demande de prise en charge de ses frais dhébergement à compter du 2 avril 2013, au titre de laide sociale, a été déposée le 30 août 2013 auprès des services du département de la Haute-Garonne ; que par décision du 19 décembre 2013, le président du Conseil général de la Haute Garonne a décidé la prise en charge des frais dhébergement de lintéressée du 16 octobre 2013 au 31 janvier 2018 mais a rejeté la demande de prise en charge de ces frais pour la période du 2 avril 2013 au 15 octobre 2013, au motif que la demande navait pas été déposée dans les deux mois suivant le jour de son entrée en établissement ; que, le 7 février 2014, Mme F… a formé un recours gracieux auprès du président du Conseil général de la Haute-Garonne demandant la prise en charge des frais dhébergement à compter du 2 avril 2013 ; que le 12 juin 2014, le président du Conseil général a décidé doctroyer la prise en charge des frais dhébergement uniquement à compter du 1er septembre 2013 ; que parallèlement, par requête en date du 10 février 2014, Mme F… a formé un recours devant la commission départementale daide sociale de la Haute-Garonne aux mêmes fins que celles de son recours gracieux ;
Considérant quaux termes de larticle L. 131‑4 du code de laction sociale et des familles : « Les décisions attribuant une aide sous forme dune prise en charge de frais détablissement peuvent prendre effet à compter de la date dentrée dans létablissement à condition que laide ait été demandée dans un délai fixé par voie réglementaire » ; que larticle R. 131‑2 du même code précise que : « (…) les demandes tendant à obtenir le bénéfice de laide sociale prévue aux titres III et IV du livre II prennent effet au premier jour de la quinzaine suivant la date à laquelle elles ont été présentées. Toutefois, pour la prise en charge des frais dhébergement des personnes accueillies dans un établissement social ou médico-social, habilité à recevoir des bénéficiaires de laide sociale ou dans un établissement de santé dispensant des soins de longue durée, la décision dattribution de laide sociale prendra effet à compter du jour dentrée dans létablissement si la demande a été déposée dans les deux mois qui suivent ce jour. Ce délai peut être prolongé une fois, dans la limite de deux mois, par le président du Conseil général (…) » ;
Considérant que la jurisprudence du Conseil dEtat a estimé que ces dispositions nétaient pas applicables, en tant quelles instaurent une solution de continuité dans la prise en charge des frais dhébergement, lorsque, antérieurement à lentrée dans létablissement, lintéressée bénéficiait déjà et à un même titre de la prise en charge de ses frais dhébergement ou lorsque la demande portait sur le renouvellement de cette prise en charge dans létablissement où lintéressé était déjà accueilli ; que dans ces cas, la prise en charge des frais dhébergement doit prendre effet à compter de la date dentrée dans létablissement ou de la date dexpiration de la prise en charge précédente ;
Considérant quen lespèce, la requérante allègue, sans pour autant en justifier, que Mme X…, avant son entrée au foyer dhébergement « H… », était accueillie dans un IME sept jours sur sept avec deux jours dhébergement par semaine et que ses frais daccueil et dhébergement étaient totalement pris en charge par lEtat ;
Considérant que les IME sont des établissements médico-sociaux accueillant des enfants et adolescents handicapés âgés de 3 à 20 ans pour leur assurer une éducation adaptée et un accompagnement médico-social ; que les dépenses denseignement incombent à lEtat et que les frais dhébergement et de traitement sont pris en charge par lassurance maladie ; quune fois accueillis en établissement pour personnes adultes handicapées, les jeunes adultes handicapés sont pris en charge non plus en tant quassurés mais comme assistés et dès lors pour la première fois admis à laide sociale à lhébergement aux adultes handicapés ; que cette prise en charge est assurée soit par lEtat, soit par le département du domicile de secours de lintéressé ;
Considérant quil résulte de ce qui précède que Mme X… ne bénéficiait pas, avant son entrée au foyer dhébergement « H… » (Aveyron), dune même forme daide sociale ; que lexception jurisprudentielle susmentionnée nest, dès lors, pas applicable en lespèce ; que la requête doit, en conséquence, être rejetée,
Art. 1er.
Art. 2.
Art. 3.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 10 juin 2016 où siégeaient M. Denis RAPONE, président, Mme Pauline DESCHAMPS, assesseure, Mme Camille ADELL, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 10 juin 2016 à 12 h 30.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le présidentLa rapporteure
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
Marie-Christine RIEUBERNET