Mots clés : Aide sociale aux personnes handicapées (ASPH) Placement Accueil familial Prise en charge Commission des droits et de lautonomie des personnes handicapées (CDAPH) Maison daccueil spécialisé (MAS) Décision Motivation Législation Conditions doctroi Participation financière
Dossier no 130613
Mme X…
Séance du 10 juin 2016
Vu, enregistrée le 18 novembre 2013 au secrétariat de la commission centrale daide sociale, la requête présentée par lUnion départementale des associations familiales (UDAF) de la Dordogne, en qualité de tuteur de Mme X…, tendant à ce quil plaise à la juridiction de céans annuler la décision de la commission départementale daide sociale de la Gironde du 20 septembre 2013, qui confirme la décision du 8 mars 2013 par laquelle le président du Conseil général de la Gironde a refusé de prendre en charge, au titre de laide sociale, les frais dhébergement de Mme X… en unité de soins longue durée (USLD) au sein du centre hospitalier H… (Dordogne) à compter du 1er mars 2012 par les moyens que létat de santé de lintéressée justifie une surveillance médicale constante de jour comme de nuit, associée à des soins médicaux quotidiens et à des soins techniques ; quun certificat médical de son médecin traitant au centre hospitalier H… atteste que son état de dépendance relève dun long séjour doù limpossibilité de bénéficier dun accueil en maison daccueil spécialisée (MAS) ; que lintéressée, elle-même, a exprimé le souhait de continuer de bénéficier dune prise en charge en milieu hospitalier, notamment au centre hospitalier H… ; quune prise en charge de ses frais dhébergement en USLD est nécessaire au vu de sa situation financière alarmante qui lempêche de faire face aux dépenses de frais de séjour ; quenfin, le 10 octobre 2013, lUDAF de la Dordogne a sollicité à nouveau le Conseil général de la Gironde pour lobtention dune dérogation dâge aux fins dune prise en charge des frais dhébergement en USLD ;
Vu la décision attaquée ;
Vu, enregistré le 16 janvier 2015, le mémoire en défense par lequel le président du Conseil général de la Gironde demande à la juridiction de céans de confirmer la décision de rejet de la commission départementale daide sociale de la Gironde aux motifs : que Mme X… bénéficie, en vertu dune décision du 7 novembre 2012 de la commission des droits et de lautonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la Gironde, dune orientation en MAS, orientation qui na jamais été révisée ou contestée réglementairement, comme prévu par larticle L. 241‑9 du code de laction sociale et des familles ; que les décisions des CDAPH sont prises sur la base des évaluations réalisées par une équipe pluridisciplinaire ; que les décisions de prise en charge des frais exposés en établissement doivent être adoptées conformément aux décisions de la CDAPH, qui simposent au département ; que la MAS est un établissement médico-social financé en totalité par lassurance maladie ; que tant dans son recours devant la commission départementale daide sociale de la Gironde que dans son appel devant la commission centrale daide sociale, lUDAF de la Dordogne ne produit aucune décision orientant Mme X… en USLD ; quen conséquence, en application des articles L. 146‑9, L. 241‑6, L. 241‑8, L. 241‑9, L. 344‑5 et L. 344‑5-1 du code de laction sociale et des familles, aucune prise en charge des frais dhébergement de lintéressée en USLD ne pouvait être légalement accordée par le département de la Gironde ;
Vu, enregistré le 4 septembre 2015, le mémoire en réplique présenté par Maître Guillaume DEGLANE, pour lUDAF de la Dordogne au soutien des intérêts de Mme X…, demandant à la juridiction de céans dannuler la décision du Conseil général de la Gironde du 8 mars 2013 ainsi que la décision de la commission départementale daide sociale de la Gironde en date du 20 septembre 2013, et de condamner le Conseil général de la Gironde aux entiers dépens comprenant notamment le coût du timbre fiscal par les moyens, quen premier lieu, ni la décision du Conseil général de la Gironde précitée, ni celle de la commission départementale daide sociale de la Gironde ne sont suffisamment motivées ; quen effet, en application des articles 2 et 3 de la loi no 79‑587 du 11 juillet 1979, les décisions administratives doivent être motivées, motivation qui doit être écrite, claire, précise, adaptée aux circonstances de laffaire et comporter les fondements textuels de la décision, ce qui nest pas le cas en lespèce ; quen deuxième lieu, le Conseil général de la Gironde et la commission départementale daide sociale de la Gironde ont commis une erreur de droit en fondant leurs décisions sur larticle L. 344‑1 du code de laction sociale et des familles selon lequel, pour les établissements de type MAS, les frais daccueil et de soins sont pris en charge au titre de lassurance maladie, cet article nétant pas applicable aux circonstances de lespèce puisque, dans les faits, le placement effectif de lintéressée en MAS na pas pu intervenir ; que le séjour en USLD de Mme X… est justifié, dune part, parce que le département de la Dordogne connaît une pénurie de places dans les MAS et, dautre part, dun point de vue médical, comme en atteste la décision du tribunal du contentieux de lincapacité de Bordeaux en date du 13 avril 2013 qui a précisé que, au 5 mars 2013, lintéressée présentait un état de santé nécessitant une lourde prise en charge et des soins médicaux adaptés justifiant le maintien de son placement en USLD au centre hospitalier H… ; quen troisième lieu, la décision de la CDAPH précitée est illégale en ce quelle ne respecte par larticle L. 241‑6 du code de laction sociale et des familles, puisque lintéressée avait fait valoir son souhait dêtre maintenue au centre hospitalier H… et que lUDAF na pas été consultée sur les propositions que la CDAPH entendait formuler ; que dès lors, les décisions du président du Conseil général de la Gironde et de la commission départementale daide sociale de la Gironde susmentionnées doivent être annulées en ce quelles se fondent sur une décision illégale ; quenfin, Mme X… doit être admise au bénéfice de laide sociale au titre de ses frais dhébergement en USLD en application de larticle L. 241‑1 du code de laction sociale et des familles, en ce quelle remplit les conditions requises ; quen effet, lintéressée est atteinte dune incapacité de 80 %, son handicap la laisse dans limpossibilité de se procurer un emploi et elle se trouve dans une situation financière alarmante ;
Vu, enregistré le 1er octobre 2015, le mémoire complémentaire par lequel le président du conseil départemental de la Gironde persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes motifs et fait valoir, en outre, que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision du 8 mars 2013 du président du Conseil général de la Gironde soulevé par la requérante devant la commission centrale daide sociale navait pas été soulevé devant la commission départementale daide sociale de la Gironde ; que cette dernière a énoncé clairement toutes les conditions de droit qui ont fondé sa décision et que, en vertu de larticle 1er de la loi du 11 juillet 1979, cette exigence de motivation concerne les décisions refusant un avantage dont lattribution constitue un droit « pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour lobtenir », ce qui nest pas le cas de Mme X… qui ne remplissait pas les conditions légales pour obtenir une prise en charge de ses frais dhébergement en USLD, au vu de la décision de la CDAPH ; que sagissant de la pénurie de places en MAS dans le département de la Dordogne alléguée par lUDAF, aucune preuve justifiant déventuelles recherches effectuées en Dordogne ou dans des départements limitrophes nest apportée ; que si la CDAPH na pas respecté toutes les règles qui simposaient à elle, le département ne peux en être jugé responsable ; quenfin, si la décision du tribunal du contentieux de lincapacité notifiée le 15 avril 2015 donne lieu à révision dune partie de la décision contestée, cette révision ne peut toutefois intervenir que pour la période commençant le 5 mars 2013, date à laquelle se situe lexpertise médicale ;
Vu, enregistré le 8 juin 2016, le mémoire complémentaire présenté pour lUDAF de la Dordogne, qui persiste dans ses précédentes conclusions par les mêmes moyens et précise, en outre, que laccueil de Mme X… et son maintien à lUSLD du centre H… simposait, dune part, au regard de son état de santé, mais dautre part, également, du fait que le centre de soins palliatifs ne pouvait prolonger lhospitalisation de lintéressée ; quenfin, laccueil de Mme X… dans le département de la Dordogne se justifie par la présence à proximité de son entourage, la loi no 2005‑102 du 11 février 2005 soulignant limportance du maintien de ces contacts familiaux ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code de laction sociale et des familles ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu les décisions du Conseil constitutionnel no 2010‑110 QPC du 25 mars 2011, notamment larticle 1er de son dispositif et ses considérants 7 et 10, et no 2012‑250 QPC du 8 juin 2012, notamment larticle 1er, alinéa 3, de son dispositif ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la date et de lheure de laudience ;
Après avoir entendu à laudience publique du 10 juin 2016, Mme Camille ADELL, rapporteure, et après en avoir délibéré hors la présence des parties, à lissue de la séance publique ;
Considérant que Mme X…, née le 14 mars 1954, bénéficiait dun placement en accueil familial à titre onéreux jusquau 1er avril 2012 ; quelle a été hospitalisée pour une sclérose latérale amyotrophique à compter de janvier 2012 au centre hospitalier S… (Gironde), puis à compter du 30 mars 2012 à lUSLD du centre hospitalier H… (Dordogne) ; que lUDAF de la Dordogne, tuteur de lintéressée, a sollicité la CDAPH de la Gironde pour une demande dorientation en USLD ; que, par décision du 7 novembre 2012, ladite CDAPH a orienté lintéressée vers un placement en MAS pour la période du 1er mars 2012 au 28 février 2018 ; que lUDAF de la Dordogne a demandé le 5 mars 2013 au Conseil général de la Gironde la prise en charge, au titre de laide sociale, des frais dhébergement de lintéressée en USLD au centre hospitalier H… ; que, le 8 mars 2013, le président du Conseil général de la Gironde a rejeté la demande à compter du 1er mars 2012 au motif que la décision dorientation de la CDAPH de la Gironde avait orienté lintéressée en MAS, orientation qui ne permettait pas une prise en charge par le département mais par lassurance maladie ; que lUDAF de la Dordogne a alors formé un recours en annulation de cette décision devant la commission départementale daide sociale de la Gironde, recours rejeté par décision du 20 septembre 2013 au motif que la décision de la CDAPH de la Gironde avait décidé dune orientation en MAS et que les frais dhébergement dans ces maisons daccueil étaient principalement à la charge de lassurance maladie et non du ressort de laide sociale du département ; que lUDAF de la Dordogne a interjeté appel de la décision du 20 septembre 2013 ;
Considérant quil a été versé au dossier un jugement du tribunal du contentieux de lincapacité de Gironde en date du 13 avril 2015 ; que ce jugement estime, au vu dune expertise médicale à laquelle le tribunal a fait procéder, que Mme X… présentait au 5 mars 2013 un état de santé nécessitant une lourde prise en charge et des soins médicaux adaptés justifiant le maintien de son placement en USLD au centre hospitalier H… (Dordogne) ; que, par suite, le jugement fait droit à la demande dorientation de Mme X… en USLD au centre hospitalier H… et annule la décision de la CDAPH de la Gironde en date du 3 juillet 2013 rejetant la demande de révision relative à lorientation de lintéressée ;
Considérant que, comme le reconnaît le président du conseil départemental de la Gironde dans son mémoire complémentaire du 1er octobre 2015, ce jugement simpose et donne lieu à révision de la décision de prise en charge litigieuse ; que, dès lors, il ne saurait être contesté que les frais dhébergement en USLD de Mme X… doivent être pris en charge au titre de laide sociale à compter du 5 mars 2013 par le département de la Gironde ; que, même si ce jugement fait état de ce que le « maintien » (et non simplement le placement) de lintéressée en USLD est justifié par son état de santé, il ne tranche par lui-même le litige portant sur la prise en charge par le département de la Gironde des frais dhébergement de Mme X… en USLD quà compter du 5 mars 2013 ; quil appartient donc à la commission centrale daide sociale de se prononcer sur la prise en charge de ces frais pour la période du 1er mars 2012 au 4 mars 2013 ;
Sur lorientation vers une MAS limitativement prévue par la CDAPH de la Gironde ;
Considérant quaux termes de larticle L. 146‑9 du code de laction sociale et des familles : « Une commission des droits et de lautonomie des personnes handicapées prend, sur la base de lévaluation réalisée par léquipe pluridisciplinaire mentionnée à larticle
Considérant toutefois que la présente formation a constamment considéré que lexistence dune décision de la CDAPH orientant vers une MAS ou un foyer au titre de lorientation vers des établissements pour personnes handicapées prévue aux articles L. 344‑1 et L. 344‑5 du code de laction sociale et des familles ne faisait pas obstacle à ce que la personne handicapée de moins de 60 ans qui en remplirait les conditions puisse demander le bénéfice des prestations prévues au titre de laide sociale aux personnes âgées dont bénéficient également les personnes handicapées sur le fondement de larticle L. 241‑1 du même code, et ce même en labsence de décision de la CDAPH statuant sur laide aux personnes âgées dont bénéficient, en vertu des textes précités, les personnes handicapées ;
Considérant quil suit de là que ni les textes, ni la jurisprudence ninterdisaient au président du Conseil général de la Gironde de statuer sur lapplication de larticle L. 241‑1 sans décision de la CDAPH prise au titre dudit article, quand bien même cette commission aurait statué sur une orientation dans une structure relevant du financement de lassurance maladie ;
Sur lapplication de larticle L. 241‑1 du code de laction sociale et des familles ;
Considérant quaux termes de larticle L. 241‑1 du code de laction sociale et des familles : « Toute personne handicapée dont lincapacité permanente est au moins égale au pourcentage fixé par le décret prévu au premier alinéa de larticle L. 821‑1 du code de la sécurité sociale ou qui est, compte tenu de son handicap, dans limpossibilité de se procurer un emploi peut bénéficier des prestations prévues au chapitre Ier du titre III du présent livre, à lexception de lallocation simple à domicile. » ; quen application de ces dispositions, les personnes handicapées peuvent bénéficier des formes daide sociale aux personnes âgées ; que larticle D. 821‑1, alinéa 1, du code de la sécurité sociale prévoit que : « Pour lapplication de larticle
Considérant quen lespèce, Mme X…, qui na atteint lâge de 60 ans quau 14 mars 2014, sest vue reconnaître par une décision de la CDAPH en date du 2 avril 2008 un taux dincapacité de 80 % ; quen conséquence elle est éligible, en application des dispositions de larticle L. 241‑1 du code de laction sociale et des familles, à laide au placement dans les mêmes conditions que laide aux personnes âgées ;
Sur léligibilité de Mme X… à laide au placement pour personnes âgées ;
Considérant quaux termes de larticle L. 111‑1 du code de laction sociale et des familles : « Sous réserve des dispositions des articles L.
Considérant que Mme X… réside en France et est accueillie au sein de lUSLD du centre hospitalier H…, habilité à recevoir des bénéficiaires de laide sociale ; quau vu de sa fiche de budget mensuel joint au dossier, ses ressources mensuelles sélèvent à 1 012,32 euros ; que les frais dhébergement au centre hospitalier H… sélèvent à 2 185,20 euros par mois ; quil suit de là que Mme X… remplit lensemble des conditions pour pouvoir bénéficier du placement en établissement pour personnes âgées ;
Considérant quil suit de là que Mme X… est en droit de prétendre au bénéfice dune prise en charge de ses frais dhébergement en USLD à compter du 1er mars 2012 au titre de larticle L. 241‑1 du code de laction sociale et des familles ; que la décision de la CDAPH de la Gironde lorientant en MAS ne fait pas obstacle à ce que lui soit accordée une telle prise en charge par le département de la Gironde ; quil appartiendra au président du conseil départemental de la Gironde de statuer sur le quantum de la participation de son département à cette prise en charge, au titre de laide sociale ;
Considérant quil résulte de ce qui précède, sans quil soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme X… est fondée à demander lannulation de la décision de la commission départementale daide sociale de la Dordogne en date du 20 septembre 2013,
Art. 1er.
Art. 2.
Art. 3.
Art. 4.
Délibéré par la commission centrale daide sociale dans la séance non publique, à lissue de la séance publique du 10 juin 2016 où siégeaient M. Denis RAPONE, président, Mme Pauline DESCHAMPS, assesseure, Mme Camille ADELL, rapporteure.
Décision lue en séance publique le 10 juin 2016 à 12 h 30.
La République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales et de la santé et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à lexécution de la présente décision.
Le présidentLa rapporteure
Pour ampliation,
La secrétaire générale de la commission centrale daide sociale,
Marie-Christine RIEUBERNET